Red Dawn Knights - Partie 1 : Un support

Chapitre 9 : Tsumenokage

2415 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 06:09

Le soleil commença à ne plus suffire quand les voyageurs arrivèrent au pied d’une des montages des Ironspike Mountains. La température demeurait basse, fraîche, ce qui les poussaient à éviter les haltes.

Depuis leur victoire dans l’arène de Piltover, Caërwyn se présentait comme une personne moins seule, plus sociale. Il marchait en tête avec Paladïn et Elyonah.

-Puis-je te poser une question, Paladïn ? demanda la support.

-Oui, bien sûr.

-Avant de te jeter dans la bataille au dernier team fight, tu as chuchoté un truc du genre « Emelda et, Mathanain ven yes », mais, qu’est-ce que cela veut dire ? C’est de la langue commune ?

Paladïn rigola devant l’accent d’Elyonah. Caërwyn sourit lui aussi :

-Emel Daë, Matha Nin Veniës, la corriga-t-il.

-Quasiment tout le monde connaît quelques mots de la langue commune. Ce langage-ci est moins connu de la population, vu que c’est un ancien langage du Néant, expliqua Paladïn. Caërwyn me l’a appris.

-Et donc ?

-Cela signifie « Ombre universelle, guide mes lames », précisa l’ADC.

Elyonah s’arrêta quelques secondes.

-Attends, tu ne m’as pas dit que tu venais de Demacia ?

-C’est exact.

-L’ombre et Demacia. Ce n’est pas un peu paradoxal ?

-Toute lumière à sa part d’ombre. Mais ce n’est pas parce que j’aime les ombres que je dois arborer Noxus. Y’a que de vrais connards là-bas.

Maimoime, qui avait suivi la conversation, rigola.

-Paladïn a tout pour lui ; une grande connaissance, un but à poursuivre, des amis pour le soutenir et une langue bien pendue !

-Un but à suivre ? répéta Elyonah.

-Et toi alors ? remarqua Xathote en rattrapant le groupe. Bel compétence que tu nous as sorti !

Elyonah resta silencieuse.

-Oui… mais je n’aime pas l’utiliser.

-Il le faut pourtant bien, assura le Yordle.

-Pas forcément.

-Comment ça ?

Les compagnons se regardèrent, surpris.

-Attends, reprit Maimoime, tu veux dire que lorsque tu faisais tes matchs en solo, là, tu n’utilisais jamais ta compétence ultime ?!

-Non.

-Eh, se moqua Xathote. Tu ne devais pas en gagner beaucoup.

-Figure-toi Xathote que si, j’en gagnais et même plus souvent que je n’en perdais. Quand on est un bon support, on s’arrange pour que ce soit notre ADC qui fasse tout. De plus, si cet ADC se révèle bon, je ne suis pas censé devoir utiliser cette compétence.

Caërwyn ne put s’empêcher de sourire. Les autres se turent, surpris ou juste silencieux.

-N’empêche, continua Xathote après quelques mètres, si nous t’avions trouvée plus tôt, nous aurions sans doute gagné la première épreuve encore plus facilement.

-Comment ça ? Je croyais que la Forêt Torturée ne comptait que des équipes de trois personnes.

-Oui, répondit Paladïn, mais l’Institut serait stupide si elle n’avait pas mis en place un moyen de mettre en valeur les équipes de cinq personnes... Après tous, ce sont des équipes pour la Faille qu’elle recherche, et non pour la Forêt Torturée. Le spectacle est plus impressionnant à voir.

-Continue ton fil de pensée, je te prie.

Xathote, exaspéré, prit le relais :

-Quand nous sommes partis pour les Îles Obscures -ou Shadow Isles, en langue commune-, c’était Tsumenokage qui était censé faire l’épreuve avec eux. Vu que Paladïn nous as rejoint par la suite, je lui ai laissé ma place et je suis resté au poste de spectateur en interaction.

-Les spectateurs ne peuvent pas interagirent avec les combattants, affirma Elyonah.

-Oui, mais pour la première épreuve et pour une équipe de cinq personnes, nous avons la possibilité de parler à nos alliés pendant le match, par le biais des invocateurs. C’est ce que Paladïn essayait de t’expliquer avec cette histoire de bonus.

La support hocha la tête, puis ils continuèrent à marcher en silence.

-Mais dans ce cas pourquoi penses-tu que vous auriez gagné plus facilement si j’avais été là ? Après tout, j’aurai été sur le banc comme toi, non ?

-Oui, mais…

Le yordle rougit. Non physiquement, aucune couleur ne se voyait sur les parties visibles de son pelage. Mais son geste d’inclination de la tête en disait long sur ses pensées. Caërwyn finit par continuer :

-Il s’en veut pour avoir oublié de nous annoncer qu’un ennemi manquait à l’appel. La partie a failli se jouer là-dessus parce que je n’ai pas été assez vigilant.

-Tu plaisantes ! s’indigna le loup. J’étais le spectateur, c’était mon rôle de voir ce que vous ne voyez pas, de vous indiquer vos oublis, de vous guider…

Paladïn se pencha vers la support :

-Il refuse de croire que ce n’est pas de sa faute. Une vraie boule de poils et en plus tête de mule. Drôle de mélange tu ne trouves pas ? lui demanda-t-il en lui jetant un clin d’oeil.

Elyonah rit alors que Xathote se tournait vers son ami :

-Qu’est-ce que tu as dit toi encore ?

-Rien du tout.

Le crépuscule revendiquait sa place dans le ciel. Les compagnons se forcèrent à bivouaquer dans une grotte au pied de la montagne qu’ils allaient devoir grimper le lendemain.

-Nous trouverons une auberge si on arrive rapidement au sommet demain, annonça Paladïn en étalant sa couverture au sol.

-Vous croyez que l’on va apercevoir Anivia ? J’ai entendu dire qu’elle vivait dans ces montagnes.

-Je ne pense pas, il paraît qu’il est très difficile de l'apercevoir, ne serait-ce qu’en hiver...

Elyonah observait la troupe s’installer. Elle n’avait pas remarqué un détail qui l’intrigua. Ils étaient tous fatigués par la marche.

Tous sauf Maimoime.

Il ne portait aucun signe de fatigue, que ce soit dans ses gestes où dans ses paroles. Il était aussi frais que la température extérieure.

Il alluma un feu avec un briquet et croisa le regard de la support. Il comprit sa question avant même qu’elle n’ouvre la bouche :

-Tant que j’ai ma musique avec moi, je pourrais marcher jusqu’au bout du monde, dit-il en souriant.

Elle s’assit et le regarda traficoter dans son sac.

-Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.

-Il se met à l’oeuvre, annonça Xathote en s’asseyant à côté de la jeune femme. Laisse faire les pros.

Dix minutes passèrent. Dix minutes pendant lesquels Elyonah resta immobile à observer Maimoime. Il avait sorti une drôle de marmite (elle venait de comprendre pourquoi son sac de voyage était aussi grand), dans lequel bouillottait une sorte de soupe. La seule chose qui l’intriguait, c’était le nombre ahurissant de chose que Maimoime avait rajouté dans l’eau. Il tendit une coupe à chacun de ces compagnons qui mangèrent sans demander leur reste. Elyonah saisit son bol, tourna sa cuillère plusieurs fois dans le récipient mais n’osa pas toucher à la nourriture.

-Si je voulais t’empoisonner, la regarda Maimoime, ils seraient déjà tous morts.

Il montrait du doigt ses amis qui engloutissaient la soupe comme si ce n’était que de l’eau.

-Non, je ne pensais pas à ça. Je me demandais surtout… qu’est-ce que c’est que ça ? (elle venait de retourner une sorte de boule noir peu appétissante).

-C’est un secret ! affirma Xathote en buvant sa dernière gorgée. Un fruit qu’il a trouvé au cours de ses voyages. Aucune idée de comment ça s’appelle.

-D’un côté, ajouta Paladïn en tournant exactement la même chose qu’Elyonah dans sa coupe, je ne sais pas si j’ai envie d’en savoir plus. C’est bon, nourrissant et c’est tout.

Cela suffit à la convaincre. Elle osa goûter le « ragoût Alaoaneagain » de Maimoime. Finalement, il était bon, même si elle restait septique quant à sa composition…

Le soir tomba trop vite. Hormis Elyonah, les coéquipiers trouvèrent rapidement le sommeil. C’était un sentiment étrange de voyager avec d’autres personnes. De vivre avec eux, de partager des impressions, des idées. De temps en temps, elle avait l’impression de parler de nouveau avec sa soeur. Une fille pleine de joie de vivre, d’envie, des rêves pleins les yeux.

Un cauchemar la concernant l’avait tiré de son sommeil. Alors, elle s’était assise à l’entrée de la grotte et regardait la neige qui tombait depuis un bon moment.

-Il y a quelque chose d’intéressant dehors ?

Elyonah tourna la tête vers l’intérieur ; Caërwyn s’était réveillé et la rejoignait.

-Le silence qui règne quand la neige tombe, lui répondit-elle.

-Le silence… je le déteste.

-Pourquoi cela ?

-Ça se voit que tu n’es jamais allée du côté du Néant, toi… D’un côté, personne ne sait comment y aller. Hormis peut-être ceux qui s’y perde sans raison.

Il regardait Maimoime, assoupi sur le dos, son casque diffusant une lumière réconfortante. Caërwyn s’étira, prit une position plus confortable :

-Imagine des plaines. De grandes étendues. Il y a des forêts, des déserts, des montagnes. Tu vois tous ces paysages colorés et chaleureux pour certains ?

Elle hocha la tête.

-Et ben tu les oublies. Tu effaces toutes les couleurs, tu déchires les arbres, les déracines. Les montagnes sont en pics, menaçantes. Et je n’ai jamais osé m’aventurer dans les déserts au sable noir…

Caërwyn parlait en faisant d’étranges gestes avec sa main, comme s’il gommait le paysage qui se dessinait devant eux. Elyonah croyait presque voir les couleurs disparaître.

-Tous ces endroits sont abandonnés, en ruines, tristes, avec pour seule animation, une fine pluie de particules qui flottent dans l’air, immobiles, troublantes.

-Et le silence ?

-Il est omniprésent. A chaque endroit, chaque moment, tu as l’impression d’être seul au monde. Puis, tout à coup, un hurlement terrifiant surgit dans la nuit, ton coeur fait un bond dans ta poitrine, puis le silence, encore et encore, jusqu’au prochain cri d’une prochaine victime du Néant…. Beaucoup de personnes sont devenues folles à cause de ce silence. Il nous torture l’esprit jusqu’à le pénétrer et le consumer à petit feu. Seuls les plus tarés survivent dans le Void.

-Tu veux dire que tu es taré ? ironisa-t-elle.

-Si aujourd’hui je suis devant toi, alors oui, c’est que je dois être taré.

Elle rigola. C’était la première fois qu’il lui parlait autant et elle ne pouvait s’empêcher d’aimer sa façon de conter des histoires.

-Tu ne connaîtrais pas un assassin du Néant ?

-Non, répondit-il au tac-au-tac.

-Mais, insista-t-elle, tu y es né, non ?

Son visage se ferma. Il demeura silencieux.

-Pardon, murmura-t-elle.

-Ne t’excuse pas pour ça. C’est moi qui ne veux pas en parler, c’est tout. Tu devrais aller dormir, Miss, dit-il en la voyant s’arracher la mâchoire.

Elle s’appuya contre la paroi.

-Dis, vous l’aimiez beaucoup, Tsumenokage ?

-Tu t’inquiètes parce que tu as l’impression de prendre sa place ?

Dans le fond de la grotte, des yeux s’ouvrirent, silencieux, invisibles pour les deux réveillonneurs.

Elyonah acquiesça.

-Tsume était un bon support. Puissant, attentionné. Mais tu es complètement différente, tout en étant aussi douée que lui. Il a trouvé un moyen d’accéder à son rêve, on aurait été stupide de l’en empêcher, tu ne crois pas ? chuchota-t-il.

-Sans doute… murmura-t-elle en fermant les yeux.

Dans le fond de la grotte, un sourire perça l’obscurité.

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