Le Sorcier de Guerre : La légende de Baraccus
Chapitre premier
Baraccus sortit lentement de l’Enclave Privée du Premier Sorcier. La main posée sur le granit froid du chambranle, il se laissa retomber lentement sur la porte de bois patinée par les ans. Celle-ci ne s’ouvrait qu’avec la magie insufflée par le sorcier désigné. Placé juste à côté du chambranle, une plaque en métal, lissée, attendait patiemment d’être activée par le propriétaire des lieux.
Il se souvenait que cette dernière devait être retravaillé et remplacée sous peu, selon ces propres recommandations. Haute d’une dizaine de pied, et large de quatre, la nouvelle porte devait arborer sur ses dorures les mêmes symboles que sur le fronton et l’encadrement.
Au centre, en relief, divers motifs devaient être représenté, dont certains en particulier et devant entourer la grâce.
Mais rien de tout cela n’aurait finalement lieu !
Les yeux fermés, il songea à tout ce qui allait suivre et en soupira d’ennui. Il regrettait fermement de lui laisser un tel fardeau mais il n’avait pas le choix. Pour que survive le futur, il se devait d’agir ainsi.
Plongé dans ses songes, il revoyait encore la pièce qu’il venait de quitter.
L’enclave restait, pour lui, l’unique endroit complètement à l’opposé de tout ce qu’il avait pu voir durant sa longue vie. Semblable à une immense caverne aux murs soigneusement finis et ornés de moulures, celle-ci se voyait pourvus d’un dôme central percé de hautes fenêtres et de quatre colonnes de marbre noir poli, disposées en carré et d’un diamètre de dix bons pieds qui soutenaient des arches majestueuses.
Chaque duo de colonnes donnait accès à un couloir qui devait conduire à une aile du bâtiment. Sur les arches, flanquant de grandes lettres capitales dorées à l’or fin, les feuilles de palmier décoratives reprenaient les motifs récurrents des moulures. Le marbre était si poli qu’il reflétait les images aussi précisément qu’un miroir.
Des chandeliers en fer forgé, parés des mêmes figures végétales, attendaient qu’on les allume pour briller de tous leurs feux. Le sol de la partie centrale, légèrement en contrebas, était entouré d’une balustrade également en fer forgé, et tout aussi délicatement ouvragée.
Baraccus se souvenait que le hall d’entrée de l’Enclave était la plus petite aile des lieux. Protégé des deux côtés par des piédestaux de marbre blanc de six pieds de haut, un corridor au sol couvert d’un tapis rouge conduisait au cœur de l’Enclave. Une fois au centre, il avait toujours l’impression d’être minuscule sous la voûte en berceau à nervure, située à trente pied de haut.
Chaque piédestaux étaient pourvus d’objets, tous différents les uns des autres. D’autre étaient vide, attendant de recevoir une relique où, à son inverse comme le prouvait la marque laissée sur la surface polie, en avaient été délestée.
Délaissant les détails, il se recentra sur le centre même de l’Enclave. La nuit venait de tombé depuis plusieurs heures et il avait envoyé sa tendre épouse en mission. Quand il repensa à elle, il sentit son cœur se serrer. Au centre même, monté sur un piédestal de granit noir, Baraccus venait d’y déposer ses derniers vestiges. Re pliée soigneusement, sa cape dorée étincelait avec les rayons lunaire. Déposé dessus, une ceinture en cuir, rehaussée d’argent, soutenait diverses bourses en fil d’or qui, une fois porté, battaient sur les hanches du porteur. Décorés d’anneaux imbriqués où s’affichaient les mêmes motifs étranges, des serre-poignets d’argent rembourrés de cuir complétaient la panoplie.
Face à ces reliques, il releva la tête et regarda vers la fenêtre à ogives haute d’une bonne vingtaine de pied. Devant elle, ainsi que devant toute les tables alignées le long des murs, un piédestal en marbre blanc où reposait un carré de velours noir rembourré, trônait royalement. Sur le tissu, une amulette y reposait, son rubis finement enchâssé dans l’entrelacs de lignes, brillait faiblement.
Laissant son regard gris scruter les alentours, il pouvait voir, à la chiche lueur des minuscules rayons de la lune, des grains de poussière en suspension dans l’air. Son don, en tant que Sorcier de Guerre, faisait de lui un être totalement à part, car peu de ses semblables avaient les mêmes particularités que lui. Malgré tout, ce « don » faisait une arme à double tranchant !
De cœur lasse, Baraccus avait tourné le dos à tout ce qui avait fait sa vie et, d’un pas lent et sans bruit, était sorti de l’Enclave sans tourner la tête.
D’un mouvement sec, il s’était redressé, levé les yeux vers l’horizon et, d’un pas décidé, quitta les lieux pour se rendre à l’arrière de la bâtisse.
La brise fraiche et puissante qui soufflait sur les remparts de la Forteresse vint claquer contre le visage de Baraccus. Ses cheveux bruns, strié de blanc, s’ébouriffa quelques peu, malgré l’épaisseur dont ils étaient pourvus. La longueur qu’ils avaient laissait, d’ordinaire, jamais le vent passé mais, du haut de la Forteresse, les règles d’en bas n’avait plus lieu d’être en haut. D’un pas résolu, il grimpa sur les créneaux et sa crinière, déjà malmenée, se souleva encore plus, surtout une fois qu’il eut posé les pieds sur les dit créneaux et qu’il s’eut penché pour contempler le gouffre. Un à-pics de plusieurs milliers de pieds s’offrait à lui, attendant simplement qu’il fasse un pas en avant. Au-delà des fondations de la Forteresse, il avait énormément de mal à distinguer le fond du gouffre.
Il était sûr que quelqu’un le verrait tomber. Par chance, aucun de ceux qui l’apercevrait n’auraient le temps de lancer un sort pour le sauver in-extremis de sa fin imminente.
En un sens, être le Premier Sorcier lui avait permis de se maintenir pratiquement sur le toit du monde et des hommes. Scrutant les contours, il pouvait voir Aydindril, la splendide cité qui prenait naissance au pied de la montagne et se déroulait majestueusement sur une série de collines moutonnantes. De grands champs verdoyants l’entouraient, faisant office de frontière entre la résidence des hommes et une fantastique forêt.
Bâtie à flanc de montagne, la Forteresse du Sorcier semblait monter la garde sur la ville qui brillait au soleil comme un joyau. Suspendue au flanc abrupt d’une chaîne montagneuse balayée par les vents, la Forteresse semblait défier les lois de la nature elle-même. Édifiée dans une pierre sombre aux reflets obsidienne, elle s’élevait en une succession d’arcs colossaux et de contreforts sculptés, chaque colonne paraissant taillée à même la montagne. Ses tours effilées, hérissées de flèches et de pinacles, se dressaient vers le ciel glacé comme une prière figée dans la pierre.
Sous le grand ponton, où s’étendait une vaste esplanade soutenue par d’immenses piliers creusés dans la roche, un gouffre béant s’ouvrait, insondable. Du dessous s’échappait une chape de brouillard épais, mouvante, comme un souffle ancien remontant des entrailles du monde. Ce voile laiteux se lovait autour des arches inférieures, masquant partiellement leur base, donnant l’impression que la forteresse flottait au-dessus du vide.
Les façades, ornées de frises délicates et de vitraux enchâssés dans d’élégantes ogives, racontaient l’histoire du passé, oubliée des hommes — celle d’un empire dont la gloire survivait encore dans la pierre. Des passerelles suspendues reliaient les différentes ailes du château, formant un labyrinthe aérien où résonnait le murmure du vent. À chaque rafale, on aurait dit que les pierres elles-mêmes chantaient, portées par la mémoire du monde.
Rare était les lieux aussi majestueux que ne l’était la Forteresse.
Parmi les beautés du monde, que cela soit le Nouveau comme l’Ancien Monde, on pouvait compter, actuellement, quatre évènement majeur qui montrait la puissance des lieux.
Pour commencer, il y avait Aydindril qui se développait, le Palais du Peuple en d’Hara, régit par le maître des lieux et construit sur une base architectural intéressante que peu de néophytes comprenaient, le Palais des Prophète récemment construit à Tanimura, et pour finir, Cliffwall, le site central de l’Ancien Monde qui contenait, en son sein, la plus grande bibliothèque de connaissances aux monde. Il avait eu aussi vent de la naissance d’une autre nation, comme celle où il se trouvait, sous le nom d’Idalkar mais elle était si lointaine qu’il n’avait jamais eu l’occasion de la voir être bâti.
Des beautés qui seront à jamais oublié si la guerre vient à se terminer sur la victoire de cet homme, de ce sorcier : Sulachan !
Pourtant, penché sur le créneau qu’il avait choisi, délaissant du regard la muraille de la Forteresse qui, au moins, n’était pas verticale mais faisait saillie, un peu comme une pointe de flèche, il regarda au loin, loin, le plus loin qu’il ne le pouvait, son pouvoir de sorcier lui permettant de voir des choses que d’autre ne verrait pas. Il voyait la guerre qui se déployait dans les plaines, faisant de cette vallée le spectateur de leur déclin.
Cette vallée, pourtant verdoyante, voyait naître depuis les montagnes ou la rive, de gigantesques tours évoluer petit à petit, alors qu’à leur pied, éclats de puissances et de sorts se déversait, en plus du sang.
Il était las de cet avenir qui ne semblait pas glorieuse pour l’humanité et les sorciers. Mais au fond de lui, une vision naissait, plus puissante que les autres, plus puissante que celle qu’il avait connu dans le Temple des Vents, l’ayant obligé d’agir en son nom et sans concertation. Une vision si belle, si pure, qu’il en eu lui-même la larme à l’œil.
Magda, auréolée de lumière, placée au même endroit que lui, son visage rempli d’amour avec son regard déterminé, couvait la naissance d’un palais tout aussi majestueux pas loin d’Aydindril qui était bien plus développé qu’il ne l’était maintenant. Il sut, rien qu’en voyant cela, que sa jeune épouse avait encore du chemin à réaliser et que sa fin ne serait pas durant cette guerre.
Rassuré, il décida de lui écrire un mot, sachant aussi comment elle réagirait à son retour, face à l’annonce qui lui serait faite à son retour. Il savait qu’il n’avait pas le choix, que le dénouement inscrit pour la suite de la guerre, ainsi que le futur, n’avaient pas d’échappatoire. Et s’il savait continuer à la protéger, il se devait de réaliser ce point de la meilleur façon que possible. Lui révéler toutes les visions étaient impossible, au risque de modifier le futur. Pourtant, la connaissant, elle saurait y faire face et trouver les solutions qui s’imposeront à elle.
Attrapant un fin papier qui trainait dans l’une de ses bourses, il maugréa en lui de ne pas avoir de plumes sous la main. Amusé, il haussa malgré tout des épaules et fit jaillir une étincelle de magie Additive dans son doigts, la laissant avancer doucement sur le parchemin, inscrivant ses pensées comme s’il les écrivait de sa propre main.
« Magda, mon temps est révolu, mais pas le tien… Ton destin est la recherche de la vérité. Ce sera difficile, mais je t’implore de relever ce défi qui te demandera un courage inhumain. Baisse les yeux et regarde sur la gauche de la vallée, à la lisière de la cité. Vois-tu le palais qui se dresse sur une butte ? C’est là que s’accomplira ta destinée, pas devant mon ancienne enclave. Surtout, n’oublie jamais que je croirai toujours en toi et que je continuerai à t’aimer par-delà la mort. Tu es une fleur sauvage très rare, mon aimée. Sois forte, préserve ton indomptable esprit et vise l’existence que toi seule peux vivre »
Se maintenant fermement l’encrage forgé qu’il avait choisi et qui reposait à côté de lui, il relut doucement le morceau de parchemin qu’il venait de réaliser avec sa magie. Oui, elle finirait par comprendre, son intelligence étant plus affuté que celui des autres, sorciers compris. Il savait qu’elle viendrait à cet endroit même sous peu et qu’elle trouverait ses dernières paroles.
Baissant les yeux, il vit la fissure dans le bloc de pierre et y glissa le parchemin, non sans l’avoir, au préalable, plié avec précaution minutieuse, avant de le pousser le plus loin qu’il le put. Levant ensuite les yeux, il vit que le soleil était au plus haut, que la lune de sang venait de se réveiller à nouveau, et que le temps du retour de Magda arrivait.
Il se devait de se hâter !
Un coup à gauche, un coup à droite, sa tête se tourna afin de vérifier que personnes ne viendraient le déranger lors de ses dernières minutes de vies. Cela n’était que pure précaution, la garde ne tournant que rarement dans ce coin, au vu de sa proximité avec l’Enclave du Premier Sorcier. Il faut dire que, avec la puissance qui s’en dégageait, peu d’autres sorciers osaient s’en approcher sans y être invité.
Lentement, Baraccus ferma les yeux pendant que son corps se laissait doucement tomber vers l’avant, attiré par la gravité. De sa main droite, il laissa un filet d’onde Soustractive s’échapper, annihilant l’ancrage qui l’avait aidé à rester droit durant ses derniers instants pour tendre les bras vers l’obscurité éternelle, là où débutera son errance pour le reste de l’éternité.
― Magda… Pardonne-moi…