La Renaissance du Phénix

Chapitre 1

3030 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/04/2022 15:06

Le salon du bâtiment annexe de l’Institut Xavier était un endroit où tout le monde adorait se retrouver. En plus d’être la plus grande pièce de l’édifice, c’était aussi un espace chaleureux, accueillant et bien éclairé que les résidents pouvaient facilement aménager selon leurs envies. Ils s’y rassemblaient pour jouer à des jeux, bouquiner, regarder des films, manger, et même y donner des cours, ainsi que pour bien d’autres activités. De plus, avec l’hiver qui avait pointé le bout de son nez, un feu rugissait souvent dans la cheminée pour repousser la fraîcheur, rendant les rassemblements, organisés ou non, encore plus fréquents.

Avec un autre ouragan en approche, la neige avait momentanément perdu de sa splendeur pour tout le monde. De plus, la contrainte constante de balayer les congères qui se formaient tempête après tempête n’arrangeait rien. En cet après-midi, les élèves s’étaient réunis dans le salon pour se vider la tête après leur journée de cours. Dani Moonstar était couchée de tout son long sur un des canapés à feuilleter son dernier livre de classe, sans vraiment le lire. La jeune brune était surtout en train de vérifier son matériel de cours posé devant elle. Roberto Da Costa, Sam Guthrie et Rahne Sinclair, quant à eux, étaient rassemblés au coin du salon, autour de la petite table de bar ronde. Sam et Rahne étaient engagés dans un duel de bras de fer qui s’avérait surprenamment palpable. Le jeune homme à la casquette poussait clairement de toutes ses forces tandis que Rahne, bien que manifestement pas autant en difficulté, donnait tout ce qu’elle avait.

-La vache ! T’as beaucoup plus de muscles que j’croyais, Rahne, grogna Sam qui avait tout juste à peine le dessus sur son adversaire de bien plus petite taille.

-Allez, Sam. Tu vas quand même pas te faire rétamer par une fille, non ? intervint Roberto.

-Ah ouais ? T’as qu’à prendre ma place si tu trouves que c’est si facile ! On verra bien, rétorqua Sam tandis que Rahne commençait peu à peu à plier le bras du jeune homme.

-Ça va mal pour toi, Sam, le taquina-t-elle malicieusement.

La rouquine était tout de même visiblement à bout de souffle lorsqu’elle prononça cette phrase.

Dani posa son livre et les observa d'un air amusé.

- Alors là, bon courage, Sam. Rahne est plus costaude qu’une personne normale comme toi. Ça vient de son côté loup-garou, je crois, dit-elle.

-Sans déconner, j’avais pas remarqué, répliqua le jeune mutant en haletant, tenant maintenant à peine.

Quelques secondes plus tard, le duel était terminé. Rahne avait brusquement plaqué le poignet de son adversaire sur le dessus de la table avant de lever les bras, poussant un cri de triomphe :

-J’ai gagné !

Sam se massa précautionneusement son membre endolori. Mais le jeune Américain affichait un grand sourire.

-Franchement, Rahne, ça devrait être toi, l’arme secrète du groupe, déclara-t-il. Personne ne devinerait que tu es aussi balèze en te voyant.

-Tu veux qu’on teste avec l’autre bras ? plaisanta la jeune fille sur un air de défi en tendant sa main gauche.

Toujours avec le sourire aux lèvres, Sam secoua la tête.

-Nan, je passe mon tour. Ça fait seulement un mois que j’ai plus de plâtre. Mais, hé, tu m'accordes un mois de plus, le temps que mes os soient totalement ressoudés, et là, j’te promets qu’on essayera avec les deux mains.

-Et toi, Roberto ? Tu veux essayer ? proposa Rahne que cette victoire avait enthousiasmée au point d’être prête à prendre tous les paris.

-Avec plaisir, déclara le jeune mutant en prenant la place de Sam. Attention, j’vais te montrer ce que c’est que d’avoir un vrai adversaire en face de soi.

-T’es sûr de toi ? lui demanda-t-elle en souriant.

-Hé, j’ai assez de force pour vous soulever tous les six. C’est pas ton petit bras tout chétif qui va me faire peur, la taquina le Brésilien.

-Fais gaffe, ce seront tes dernières paroles, mon vieux, l’avertit Sam.

Illyana Rasputin et Amara Aquilla, les deux autres élèves du bâtiment annexe, descendirent dans le salon. Après la dernière heure de cours, les deux filles avaient voulu se changer pour se mettre en décontracté. Amara portait un sweat à capuche et un pantalon de survêtement, tandis qu’Illyana avait opté pour un jean et un haut noir sans manche qui exposait son ventre ainsi que les vilaines cicatrices roses et luisantes lui parcourant l’abdomen ; de profondes griffures infligées par un Ours gigantesque.

Dani se retint de grimacer mais avait manifestement affiché un air de dégoût sans le vouloir car Illyana lui sourit de façon rassurante.

-Je sais, je me montre un peu avec. Je trouve que finalement, ça m’va bien. Ça fait sexy, admit-elle.

-Je t’ai vraiment pas loupée, dis-donc…, constata son amie en poussant un soupir morose.

-Ouais, et j’espère qu’elles seront toujours aussi visibles. Ça me donne vraiment l’air de quelqu’un qu’il faut pas venir emmerder. J’me sens comme une vraie guerrière, déclara la jeune blonde.

-J’suis pas sûre de te comprendre… mais c’est super cool que tu le prennes comme ça, répondit la jeune cheyenne qui remonta ensuite sa manche pour contempler la grosse marque en forme de courbe qui lui parcourait l’avant-bras. La mienne est loin d’être aussi sexy que la tienne, mais je pense que je vais la garder. En même temps, je crois que j’ai pas le choix…

-Hé, fit Illyana en s’asseyant sur la petite table basse pour se mettre à côté d'elle avant de lui prendre la main. Personne n’avance dans la vie sans récolter quelques marques. T’es pas d’accord ? Moi, tout ce que j’sais, c’est que je préfère que ce soit ceux que j’aime qui me les infligent.

Elle lui pressa fermement la main et Dani lui sourit, reconnaissante.

-En plus. Berto aussi trouve que c’est sexy. Il adore les embrasser, ajouta Illyana dans un chuchotement théâtral de sorte que tout le monde dans le salon l’entende.

-Illy ! C’est pas l’heure du Cercle de Vérité ! s’exclama Roberto, tout gêné.

-Au contraire, il n’y a pas d’heure pour un Cercle de Vérité, rit Illyana.

La jeune blonde se leva ensuite et se dirigea vers la table de bar.

-Alors, il se passe quoi, ici ?

-Roberto s’apprête à se faire laminer par Rahne dans un bras de fer. C’est juste qu’il ne le sait pas encore, lui expliqua Sam.

-Oh, c’est vrai ?

Illyana se plaça alors derrière le tabouret de son amoureux pour lui donner une brève étreinte.

-Berto, pourquoi tu m’as jamais dit que c'était ton truc ? Je s’rais capable de t’en mettre une moi aussi, tu sais ? J’aurais bien envie de te montrer, ronronna-t-elle.

-Arrête de le déconcentrer, Illy. Sinon, il serait capable de nous dire que c’était pas équitable, une fois qu’il aura perdu, suggéra Amara avec un sourire.

-Pourquoi vous croyez tous que j’vais perdre ? les interrompit le jeune Brésilien d’un air indigné.

-Il n’y a qu’un seul moyen d’en être sûr, le défia Rahne en tendant le bras vers lui. Allez, vas-y, Roberto ! Donne-moi tout ce que t’as !

-J’ferai de mon mieux pour pas t’humilier, soupira le concerné qui lui prit fermement la main. Allez, j’suis sympa : j’utiliserai peut-être que la moitié de ma force. Non, le quart. Histoire de faire comme si c’était équitable.

Sam laissa échapper un grognement :

-Roberto, tu… oh, et puis laisse tomber. Tant pis pour toi. Lui tords pas le poignet, Rahne.

Dani rejoignit ses amis autour de la table.

-Désolée, Roberto, émit-elle. Mais je dois me mettre du côté de ma petite-amie. Rien de personnel.

-Y a personne qui m’encourage ? râla le jeune concurrent.

-Si, moi, le rassura Illyana. Bon, tu vas finir la queue entre les jambes, mais j’suis toujours là pour te soutenir.

Pour atténuer un peu cette atteinte à sa fierté, elle lui déposa un baiser affectueux sur la joue.

-C’est quand tu veux, Roberto, annonça Rahne à voix basse en regardant son adversaire dans les yeux.

-Quelqu’un peut donner le signal de départ ? demanda ce dernier.

-Trois, deux, un… c’est parti ! cria Amara.

Roberto fut aussitôt pris de court en réalisant non seulement qu’il devait y mettre toute sa force, se donner absolument à cent pour cent, mais que cela ne serait probablement pas suffisant. Rahne serra les dents en poussant aussi fort qu’elle put. Les acclamations commencèrent à se faire entendre. Le duel battait son plein et, bien que Roberto eût plus de force dans son bras, la jeune mutante réussissait à lui tenir tête grâce la volonté incroyablement intense dont elle était dotée ; la détermination farouche dont faisait preuve le loup lors de la chasse.

Leurs bras penchaient, se redressaient puis penchaient à nouveau, comme le balancier d’une vieille horloge bougeant au ralenti de tous les côtés. Au bout de deux minutes, les deux adversaires, clairement à bout, transpiraient abondamment. Passé la quatrième minute, Rahne parvint à faire pencher un peu le bras de Roberto et, après quelques secondes douloureusement tendues, fit claquer le bras du jeune homme sur la table avec un air triomphant.

-La vainqueur et toujours la championne : Rahne Sinclair ! cria Dani.

La jeune rousse se leva aussitôt de sa chaise et, bien que trempée de sueur, entraina son adversaire dans une accolade.

-C’est trop mignon de m’avoir laissée gagner, déclara-t-elle à voix haute de sorte que tout le monde entende.

-Bof… c’était le moins que je puisse faire. Je fais honneur à ma galanterie habituelle, marmonna Roberto.

Rahne lui fit un autre câlin avant de lui déposer un petit bisou, manifestement dans l’intention d’apaiser le moindre sentiment de contrariété chez lui. Toutefois, le jeune homme lui offrit un sourire sincèrement affectueux.

-J’suis pas froissé, jura-t-il. T’inquiète. Mais merci, Rahne.

-C’est trop mignon que tu sois aussi tolérant, Roberto. C’est vrai ! Tu nous laisses tout le temps te battre et nous défouler sur toi, dit Dani.

Le mutant lui adressa un sourire à elle aussi :

-Hé, comme je l’ai déjà dit, j’suis le mec le chanceux sur Terre. C'est vrai, je vis avec quatre des plus belles filles du monde et putain, comme ces filles déchirent ! Je vois pas pourquoi je devrais me plaindre, j’pourrais jamais espérer avoir une meilleure vie.

Dani ouvrit la bouche pour répondre quand soudain, la voix du docteur MacTaggert résonna dans tout le bâtiment. On aurait presque dit qu’elle criait :

-Hank ? Hank ?!

Tous les élèves se regardèrent.

-Il se passe un truc, murmura Sam.

Les adolescents se précipitèrent dans l’entrée où ils constatèrent que la porte était ouverte et que le docteur MacTaggert se tenait à l’extérieur, à contempler le ciel.

-Hank ! hurla-t-elle.

Aucun doute, c’était un cri de terreur absolue.

Le docteur Hank McCoy, alarmé par les hurlements de sa collègue, descendit les escaliers quatre à quatre. Les élèves s’écartèrent pour le laisser sortir sur le porche d’entrée, avant de se rassembler derrière leurs professeurs.

-Moira, qu’est-ce qu’il y a ? Qu’y a-t-... ?

Pour seule réponse, cette dernière pointa le ciel du doigt. Hank leva la tête et fixa l’endroit indiqué.

-Oh, par tous les saints, dit-il d’une voix à peine audible.

Les élèves fixèrent leur professeur, totalement stupéfaits. Bien qu’il fût difficile de le distinguer avec cette fourrure, leur professeur était devenu pâle comme un linge, donnant l’impression qu’il avait vu un fantôme.

Les jeunes mutants levèrent les yeux à leur tour. À plusieurs centaines de mètres au-dessus d’eux, dans le ciel assombrissant, l’atmosphère paraissait s’embraser. Les flammes se rassemblèrent pour prendre la forme d’un oiseau géant.

-C’est quoi ça ? fit Dani dans un souffle.

Personne ne répondit. Tout le monde resta figé de stupeur à contempler l’entité de feu qui descendait à toute vitesse, encore et encore, se rapprochant du groupe, avant qu’elle ne change de cap pour filer vers l’est.

-Elle se dirige vers le manoir, formula Hank d'un ton grave.

Tous les élèves se regardèrent dans une incompréhension totale. Elle ?

-Professeur, c’est quoi ce truc ? demanda Sam, reprenant la question de Dani.

Le mutant bleu ne répondit pas. À la place, il se tourna vers Illyana :

-Illy, il faut que tu nous téléportes au manoir, moi et le docteur MacTaggert ! Tout de suite !

-Bien, professeur, acquiesça la jeune blonde.

-Ensuite, je veux que tu reviennes ici immédiatement, ordonna-t-il avant s’adresser ensuite à tous ses élèves. Je veux que vous restiez tous à l’intérieur jusqu’à nouvel ordre ! Ne quittez le bâtiment sous aucun prétexte ! Compris ?

Sans attendre leur réponse, Hank prit la main de Moira. Les deux adultes pénétrèrent ensuite dans le cercle de lumière qu’Illyana était en train d’invoquer, un « disque de téléportation ». Tous trois disparurent instantanément.

Les autres élèves se regardèrent dans une confusion totale.

-Vous avez une idée de ce qu’il se passe ? demanda Sam.

Tous contemplèrent de nouveau le ciel. L’oiseau de feu, ou quoi que ce pût être, disparaissait de leur champ de vision, caché par la rangée d’arbres située à l’est. Bien qu’il ne fût plus visible, on distinguait toujours parfaitement l'éclat de ses contours.

Illyana réapparut quelques secondes plus tard et jeta un regard noir à ses camarades.

-Bon, alors ! Vous attendez quoi ? les gronda-t-elle, Allez, on y va ! Habillez-vous ! Go ! Go ! Go !

-Illy, le professeur nous a ordonné de rester ici, objecta Roberto.

-Ouais, et alors ?

-On devrait peut-être faire ce qu’il nous a dit, non ? demanda Amara.

-Les gars, il est hors de question que je reste ici à me tourner les pouces alors que cette chose file au manoir, rétorqua la mutante. Alors, vous venez ou pas ?

Dans l’entrée, le petit groupe s’agita dans tous les sens pour enfiler manteaux, bonnets et bottes. Dani, occupée à enfiler sa longue veste, rejoignit Illyana sur le porche.

-T’es au courant que c’est un coup à avoir des ennuis. Pas vrai ?

-Justement, ça fait une bonne semaine que j’en ai pas eu. Ça me manquait, rétorqua la blonde.

Dani ne put s’empêcher de secouer la tête et de sourire à son amie.

-Je ne pourrai pas te protéger cette fois, Rasputin. Tu mises ta tête.

-Ouais, ouais. Je prends le risque.

Les jeunes mutants se rassemblèrent rapidement sur le porche. Amara s’assura de bien fermer la porte d’entrée derrière eux. Une fois que ses camarades furent rassemblés, Illyana fit apparaître un cercle suffisamment grand pour pouvoir les faire passer.

Quelques secondes plus tard, tous se retrouvèrent sur le patio arrière du manoir. Pratiquement tous les étudiants étaient collés aux fenêtres tandis que le personnel enseignant et d’entretien se tenaient à l’extérieur. La foule fixait intensément l’apparition qui volait dans leur direction. Charles Xavier roula et s’arrêta devant tout le monde.

La lumière émanant de l’entité était aveuglante mais lorsque ses pattes, puisqu’elle en était visiblement munie, touchèrent le sol, sa brillance se mit à rapidement faiblir. Au bout de quelques instants, contempler cette créature ne s'avéra plus douloureux. La silhouette d’une jeune femme d’une beauté à couper le souffle se matérialisa ; environ vingt-cinq ans, elle portait une combinaison moulante couleur vert et or, avec une ceinture dorée nouée autour de la taille. Elle arborait une longue chevelure d’une rousseur incandescente qui s’avérait être réellement en feu ; les flammes s'éteignirent cependant petit à petit. Pour autant, ses cheveux ne perdirent en rien leur éclat radieux. On aurait dit que son corps tout entier émettait de la lumière. Progressivement, cette brillance commença également à s’estomper. Durant ce processus, la combinaison de la jeune femme eut l'air de se métamorphoser avec une telle fluidité qu’on aurait étrangement dit qu’elle était liquide. Alors que l’éclat se dissipait totalement, l’inconnue se retrouva dorénavant vêtue d’un jean, d’un chemisier léger, de bottes en daim et d’une longue veste en laine grise. Traçant prudemment son chemin dans la neige, elle descendit la colline en direction du manoir.

Charles Xavier s’approcha un peu, le visage affichant une expression d’incompréhension totale. Un seul mot sortit de sa bouche. Un mot qui ressembla plus à un gémissement qu’autre chose. Mais impossible de savoir si ce gémissement exprimait de l’horreur, de la terreur ou bien de la joie :

-Jean.

La jeune femme s’arrêta à environ un mètre de lui. Elle souriait, mais ses yeux étaient embués de larmes.

-Bonsoir, Charles, dit-elle d’une voix douce et teintée d’émotion. Je suis rentrée.

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