La Renaissance du Phénix

Chapitre 2

4288 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/04/2022 18:22

Jean Grey se tenait au bord du patio arrière de l’Institut Xavier en ayant l’impression de s’être retrouvée au milieu d’une scène d’un vieux western. Personne ne fit un pas dans sa direction. Personne n’afficha même un sourire. Tout le monde la fixait, beaucoup avec méfiance, d’autres avec une hostilité visible. De toutes les réactions qu’elle avait envisagé à sa soudaine réapparition, c’était celle à laquelle elle s’était attendue le moins.

Jean effectua un bref et discret passage en revue télépathique de l’école : la plupart des élèves ignoraient totalement qui elle était ; ils étaient intrigués, voire impressionnés, par cette femme tombée du ciel, enveloppée dans une aura ayant la forme d’un phénix. En revanche, tous ceux qui le savaient… ceux qui avaient déjà entendu parler d’elle ou même les membres du corps enseignant qui l’avaient connue en tant qu'élève à l’Institut… eux n’avaient pas seulement peur. Ils étaient tétanisés. Cela incluait les personnes autrefois très attachées à elle : Charles, Sean, Moira, Ororo. Dans le meilleur des cas, ce qu’ils éprouvaient pour elle était de la crainte mêlée à de la méfiance. En ce qui concernait presque tous les autres, ce qu’ils ressentaient était bien pire.

Elle n’était pas la bienvenue.

On ne voulait pas d’elle.

On avait peur d’elle.

Troublée, la bouche de Jean s’ouvrit. Elle commença à se demander si le fait d’être rentrée n’avait pas été une terrible erreur. Mais il y avait autre chose : il manquait quelqu’un. Quelqu’un d’important.

-Est-ce que… Scott est là ?

La nouvelle venue ne parvint pas à retenir les tremblements dans sa voix.

Charles Xavier la fixait, manifestement encore sous le choc.

-Scott n’est plus là, finit-il par prononcer. Il a quitté l’école. Il croyait que tu étais morte. Comme nous tous, d’ailleurs.

-Oh, émit Jean qui prit la nouvelle comme une bourrasque en plein visage. La seule personne qui aurait été heureuse de la revoir n’était plus ici. Hésitante, elle tenta de faire un pas en avant. Est-ce que je peux… ?

Charles Xavier fit brutalement tourner sa chaise roulante sur le côté. Jean se trouvait toujours à quelques pas de lui, mais le directeur afficha clairement son intention de lui bloquer l’entrée du bâtiment.

-Je regrette, Jean, dit-il, la voix étranglée. Je ne peux pas te laisser entrer.

La jeune femme le contempla un long moment, encore déconcertée de constater à quel point il avait pris de l’âge. Et son refus de la laisser entrer… Il voulait protéger ses élèves d’un danger imminent. Les protéger… d’elle. Le chagrin la gagna petit à petit.

-Mais je suis rentrée… Je suis à la maison, dit-elle, de chaudes larmes coulant sur ses joues.

Xavier ne broncha pas. Jean n’avait pas besoin de lire dans son esprit pour deviner que cette décision le tiraillait de l'intérieur. Néanmoins, le directeur demeurait résolu.

-Tu ne peux pas rester, déclara-t-il. Il faut que tu partes.

Impuissante, la mutante resta immobile un moment sans savoir quoi dire. Sa famille était en train de la chasser. Où d’autre devait-elle aller ?

C'est alors que Hank avança d’un pas.

-Elle peut rester.

-Hank, non, siffla Moira dans un chuchotement horrifié.

Le professeur se tourna vers Charles :

-Elle peut rester… au domaine annexe.

L’effarement se lut instantanément sur le visage de Charles Xavier. Il était clair que ce dernier tentait de réfléchir à un moyen de rejeter catégoriquement cette idée, c’est pourquoi Hank l’interrompit dans ses pensées.

-Je vous rappelle que vous m’avez donné les pleins pouvoirs en ce qui concerne cette partie de l'école. Ce qui veut dire que c’est à moi d’avoir le dernier mot pour tout ce qui se rapporte à son bon fonctionnement… Il en va donc de même pour les personnes qui y sont admises.

Xavier se tortilla sur sa chaise.

-Henry, ce n’est pas une bonne idée.

-Laissez-la rester pour cette nuit, insista le mutant bleu. Une seule. Demain, une fois que nous nous serons tous remis de nos émotions… du moins, si nous y arrivons… nous verrons ce que nous pourrons faire pour tirer cette histoire au clair.

Xavier, clairement opposé à cette idée, ne trouva cependant rien à répondre. La soudaine réapparition de Jean l’avait secoué au plus profond de lui.

Hank se tourna ensuite vers Jean :

-Tu peux rester.

Jean put à peine le distinguer en raison des larmes qui lui dévalaient le visage. Hank McCoy était celui ayant le plus de raisons au monde de la haïr que quiconque. Pourtant, voilà qu’il était le seul à lui tendre la main, lui porter assistance, lui offrir un abri et peut-être même son amitié. Elle n’avait nulle part où aller, sa famille ne voulait pas d’elle… Le cœur brisé, elle hocha la tête en silence.

L'enseignant se tourna ensuite vers Moira dont le visage était blême de peur.

-Hank, ne faites pas ça, le supplia-t-elle.

Le professeur tenta quelque peu de lui sourire d’un air rassurant.

-Tout va bien, la rassura-t-il. Si Sean et vous préférez rester dormir au manoir, je suis sûr que Charles vous trouvera des chambres. De cette façon, Jean pourra passer la nuit avec nous.

-Hank...

-Elle ne fera aucun mal aux élèves. Je vous le promets, lui assura-t-il à voix basse.

Moira leva un regard effrayé vers lui, les yeux imbibés de larmes.

-Comment pouvez-vous en être aussi certain ?

-Regardez-la donc, Moira : elle est perdue, toute seule, et terrorisée encore plus que nous le sommes. Elle ne veut de mal à personne.

-Nous ignorons à quoi nous avons affaire, siffla la chercheuse.

-C’est vrai, mais nous savons à qui nous avons affaire, répliqua son collègue. Regardez-la. Nous n’avons pas affaire à un monstre cosmique, mais à la véritable Jean. J’ignore comment, mais cela importe peu. C’est Jean, celle dont nous nous souvenons. Et cette Jean-là ne ferait de mal à aucun d’entre nous.

-Pas intentionnellement, répondit Moira d’une voix à peine audible.

Le mutant l’étreignit pour la rassurer.

-Restez ici pour cette nuit, suggéra-t-il. Et demain matin, vous verrez que le bâtiment annexe sera toujours là, pareil pour moi, ainsi que pour nos élèves. Tous, nous serons indemnes. Ensuite, nous tenterons de comprendre toute cette histoire ensemble. Je vous le promets. Tout ira bien.

Tout comme Charles, Moira ne fut aucunement tranquillisée mais capitula en hochant brièvement la tête.

Poussant un soupir de soulagement, Hank s’apprêta à prendre le chemin du domaine annexe quand quelque chose attira son attention du coin de l’œil. Le mutant à la fourrure bleue se retourna et vit ses élèves qui se tenaient en petit groupe à quelques mètres de lui. Ses traits s’assombrirent alors pour laisser place à une colère noire.

-Que faites-vous tous ici ? Je vous avais dit de rester à l’intérieur ! les gronda-t-il en s'avançant vers eux.

-On est désolés, professeur, commença Dani. Mais on croyait…

-Je me moque de ce que vous avez pu croire ! l’interrompit sévèrement Hank. Illyana, prépare un de tes disques ! On rentre chez nous.

Ressentant la profonde colère de leur professeur, Illyana invoqua un nouveau portail, sans un mot. Hank se tourna vers Jean pour lui tendre la main.

-Allez, viens, l'invita-t-il gentiment. Nous reviendrons plus tard. Une fois que tout le monde se sera remis de te voir revenir d’entre les morts, du moins.

Marquant un temps d’hésitation, la rousse avança et se pressa au côté des autres élèves.

Hank se retourna ensuite vers son directeur :

-Charles, je vous appelle demain à la première heure.

Avec un air hébété, ce dernier acquiesça, visiblement encore sous le choc.

Hank s’adressa ensuite à Illyana :

-À présent, rentrons.

Illyana ferma le portail. La jeune blonde, ses camarades, Hank et Jean disparurent ensuite de la vue de tous.

* * *

Quelques minutes plus tard, tout le monde pénétra dans le bâtiment annexe. Aussitôt, Hank McCoy s’adressa à ses élèves :

-Je suis absolument furieux contre vous ! lança-t-il avec hargne. Et aussi extrêmement déçu ! Je vous avais donné l’ordre formel de rester ici ! J’en attendais mieux de vous. Enlevez vos manteaux et filez dans vos chambres ! Et cette fois-ci, vous y restez ! Vous êtes punis jusqu’à nouvel ordre. Si vous tenez vraiment à vous comporter comme des gamins, vous serez traités comme tels !

Des gémissements plaintifs se firent entendre, mais personne ne protesta. Les élèves commencèrent à enlever bonnets et manteaux pour les accrocher au mur.

-Illyana, tu restes, ajouta le professeur en voyant que la jeune blonde s’apprêtait à monter à l’étage. À la bibliothèque, tout de suite !

Dani et Illyana échangèrent un regard furtif. « C’est reparti », se murmurèrent-elles. Mais la mutante fit aussitôt ce que son professeur lui avait ordonné tandis que les autres élèves montèrent dans leurs chambres.

Hank se tourna vers Jean.

-Attends-moi dans la cuisine, l’invita-t-il. Mets-toi à l’aise. Je te prie de bien vouloir m’excuser un moment mais leçon parentale oblige. Je reviens tout de suite.

-Je t’en prie, acquiesça Jean.

Hank pénétra dans la bibliothèque et referma les portes derrière lui. Illyana patientait, debout dans la pièce. D’habitude, la jeune mutante aurait déjà protesté pour clamer son innocence en poussant des gémissements plaintifs, mais cette fois-ci, elle attendait docilement la remontrance qui allait lui tomber dessus.

-Illyana, c’est toi qui me déçois le plus ! Je sais que c’est toi qui a eu cette idée, alors pas la peine d’essayer de nier.

La jeune élève secoua la tête :

-Non, monsieur.

-Tu me demandes continuellement de te faire confiance. Tu comprends pourquoi ce n’est pas le cas ? Quand je donne des instructions comme tout à l’heure, j’ai d’excellentes raisons de le faire. Il y a des moments précis, pas constamment, mais là, c'était le cas, où j’ai besoin que tu fasses exactement ce que je te dis de faire, et ce sans protester, sans répliquer et surtout sans que tu te mettes à fouiner dans mon dos !

Illyana hocha la tête :

-Je comprends.

-Ce n’est pas du tout mon avis. Nous parlerons plus tard d’une punition appropriée pour toi. En toute franchise, Illyana, tu me fais perdre patience. De tous les élèves ici, c’est toi la plus ancienne. Tu devrais montrer l’exemple ! Au lieu de cela, c’est toi que je dois réprimander le plus. Tu me répètes sans cesse que tu veux qu’on t’accorde plus de responsabilités, que tu veux qu’on te fasse confiance... Mais quand tu t’obstines à faire preuve d’insubordination comme tu l’as fait… c’est bien la pire des façons de me prouver que je peux compter sur toi !

Alors que l'enseignant fulminait au milieu de la pièce, la jeune élève avala sa salive avec difficulté.

-Professeur… je peux dire un truc ?

Hank hocha la tête :

-Je t’en prie.

-On croyait… on pensait tous que… vous seriez peut-être en danger, lui dit calmement Illyana. On voulait seulement vous aider.

Hank l’observa pensivement. Ses remords semblaient sincères. Comme c’était d’ailleurs souvent le cas.

-Ça, tu vois, c’est le genre de choses que tu dois me laisser juger, Illyana. Ce n’est pas à toi de décider.

-Oui, monsieur.

-En attendant, remonte dans ta chambre. Et je te déconseille d’en sortir avant que j’aie décidé de ta sanction ! Tu peux disposer.

La jeune fille le fixa, choquée. Son professeur semblait vraiment prêt à se laver les mains d'elle.

La jeune élève se dirigea alors vers la porte, puis s’arrêta et se retourna :

-Pour info, moi non plus, je n’ai pas envie d’être votre mauvaise élève, professeur. Je suis sincère. Avant de débarquer ici, j’étais bien pire qu’aujourd’hui et vous le savez. Je sais que je ne prends pas toujours de bonnes décisions, je suis pas stupide. Mais je ne reste pas ici parce qu’on m’y oblige. Si je reste, c’est parce que je veux de votre aide.

-Dans ce cas, il va falloir commencer par me le prouver, Illyana.

La jeune mutante hocha misérablement la tête avant de se retourner, quitter la pièce et se précipiter en pleurant vers les escaliers.

Poussant un lourd soupir, Hank resta un moment dans la pièce, le temps de se calmer. Dans la cuisine, un problème bien plus pressant l’attendait, et l'ancien X-Men ignorait totalement comment il allait le gérer.

Au bout d’un moment, il se redressa et revint dans la cuisine. Jean était assise à la longue table, contemplant l’immensité de neige par la fenêtre. Elle leva les yeux vers lui lorsqu’il pénétra dans la pièce et afficha l’ombre d’un sourire. Il était évident que la jeune femme avait pleuré pendant toute la durée de la réunion entre Hank et Illyana : ses yeux étaient rouges et ses joues encore humides.

-La pauvre… Elle a peur, elle croit qu’elle va se faire expulser.

-Eh bien, émit Hank, ça lui fera peut-être enfin les pieds.

-Elle a passé toute son enfance entre les mains de démons, Hank. Elle a peut-être besoin d’un peu plus d’indulgence que tes autres élèves.

Hank lui jeta un regard aigri :

-Tu lis dans les pensées sans permission ?

-Mes boucliers psychiques sont actifs, lui assura-t-elle. Mais tu sais bien qu’il vous arrive parfois de penser tellement fort… que j’ai presque l’impression d’entendre des cris émaner de l’intérieur de vos crânes. Vous pourriez tout aussi bien utiliser un mégaphone… c’est vraiment difficile de ne rien entendre.

-Je m’en rappelle, en effet. Tu m’avais expliqué ça, à l’époque, acquiesça le scientifique en se forçant à sourire.

-Eh bien, c’est toujours le cas. Ta tête fait autant de bruits qu’une ruche. Je fais vraiment de mon mieux pour me concentrer et ne pas écouter tes pensées.

-Désolé.

-Tu n’as pas à t’excuser. Je me rends compte que c’est moi qui suis la cause de tout ça…

-Honnêtement, Jean, je ne sais pas quoi penser dans l’immédiat. Ni même quoi faire.

-Je ne suis pas là pour causer des problèmes, Hank, lui dit calmement Jean. J’imagine que tu le sais, sinon tu ne m’aurais pas fait venir ici.

-Non. J’essaye juste de me remettre du choc de te voir.

-Je ne voulais pas m’en aller, pas comme ça. Mais à l’époque, j’étais devenue incontrôlable. Je ne pouvais pas rester, sinon j’aurais causé encore plus de tort.

-Parce que maintenant, tu contrôles pleinement tes pouvoirs ?

Jean poussa un soupir :

-Oui, Hank. J’ai le contrôle total. Dorénavant chaque fois que ma mutation se manifeste, c’est volontaire.

-Bon, eh bien, maintenant que tu es là…, fit-il en la regardant avant de soupirer, j’imagine qu’on devrait reprendre par les formules de politesse de base comme « Bonjour », « comment vas-tu » et « je suis ravi de te revoir ».

Jean retint un sanglot :

-Ouais, je ne doute pas un seul instant qu’il y a du vrai là-dedans…

-Dans l’immédiat, je n’arrive pas à savoir ce qui est vrai ou ce qui ne l’est pas.

La mutante s’essuya discrètement les yeux.

-Je crois que je m’attendais à ce que cette réunion provoque un malaise, mais certainement pas à ce que tout le monde m’accueille avec des torches et des fourches…

-Tu ne dois pas leur en vouloir, Jean. Tout le monde est sous le choc, et moi donc… Nous pensions tous que tu étais morte.

-Sans oublier le fait que la dernière fois qu’on s’est vus, j’ai laissé tout un tas de cadavres derrière moi. Le genre de détails futiles…

Hank leva la main.

-Ne… nous engageons pas encore sur ce terrain-là, s’il te plaît, dit-il. Je ne suis pas prêt à avoir cette conversation. D’ailleurs, toi non plus, je pense.

Désemparé, l'ancien X-Men parcourut la cuisine du regard.

-Tu veux quelque chose à grignoter ? Ou à boire, peut-être ? Si boire et manger font toujours partie de tes habitudes...

-Ouais, bien sûr. Enfin, je n’en ai pas du tout besoin. J’ai juste à absorber l’énergie qu’il me faut à partir de ce qui m’entoure…

Se rendant compte qu’elle partait dans de longues explications, la mutante s’arrêta. Elle parvint ensuite à afficher un sourire.

-Du thé. Une tasse de thé, demanda-t-elle. Ce que t’as. Ce serait gentil.

-Une tasse de thé. Ça, je peux m’en occuper, acquiesça Hank qui alla fouiller dans les placards à la recherche de sachets.

Durant les minutes qui suivirent, la pièce fut plongée dans le silence. Silence uniquement rompu par Hank qui se démenait à préparer du thé. Mais les deux mutants se sentirent calmés par cette activité normale qui leur parut rassurante.

-Je te remercie, prononça calmement Jean.

Le professeur leva la tête de la bouilloire à laquelle il portait bien trop d’attention.

-Pourquoi donc ?

-De me laisser rester.

Le scientifique haussa les épaules, mais d’un air morose et résigné.

-Tu te souviens du vieux proverbe ? « La maison est l’endroit où, quand vous devez vous y rendre, on doit vous accueillir. » a dit Robert Frost.

-Je croyais que l’Institut était ma maison, répondit Jean d’une voix brisée. J’imagine que j’avais tort.

Hank ne répondit rien ; il n’avait aucune réponse à donner. L’eau était enfin bouillante et le mutant enleva l’appareil sifflant de la poêle.

La jeune femme laissa échapper un soupir éreinté.

-Je pensais que, de tout le monde, tu serais la dernière personne à avoir envie de me voir. Ou à vouloir m’aider.

Hank finit de faire couler l’eau dans la théière et reposa minutieusement la bouilloire sur une plaque avant de répondre :

-Jean… je me rends compte qu’il y a énormément de choses dont tu veux qu’on parle, que tu en as de besoin. Mais là, maintenant, je ne peux pas. Pas ce soir. Je te prie de m’accorder un peu de temps pour pleinement réaliser que tu es assise à la table de ma cuisine.

La rousse hocha la tête :

-Très bien. En attendant, de quoi tu veux qu’on discute ?

-De n’importe quoi.

Il amena le plateau et remplit minutieusement une tasse pour Jean avant de remplir la sienne. L'ancienne X-Men ne put s’empêcher de sourire.

-Qu’est-ce qu’il y a ?

-Toi, ça, te voir si cérémonieux… J'ai l'impression de prendre un petit-déj’ à la chinoise.

Hank émit un léger gloussement :

-Je n’ai jamais diné avec l’empereur, ni même pris le thé avec lui.

-Non, non. C’est parfait. Tu n’as pas changé, constata-t-elle avant de prendre la tasse qu’il lui offrait. Merci.

Elle prit une longue gorgée et, les yeux illuminés, le fixa intensément.

Gêné, Hank but lui aussi une gorgée et se força à lui sourire.

-J’imagine que tu dois me trouver… un peu différent.

-Tu as pris de l’âge, osa lui dire Jean, et un peu de poids. Mais… tu as bonne mine, Hank. On dirait que tu es arrivé à l’âge qui te va le mieux.

-Je te remercie. Toi, en revanche, tu n’as pas pris une ride. Logique, vu que tu as le même âge.

-Je ne suis pas partie autant de temps que ça, répliqua Jean. Enfin… c’est ce que je croyais. Je ne pensais pas que je m'étais absentée aussi longtemps. Mais quand j’ai vu Charles et que je t’ai vu, toi…

Sa voix se mit à trembler.

-Il faut croire que plus d’années se sont écoulées sur Terre que ce que je pensais.

Hank fronça les sourcils :

-Oh, comme ça, tu n’étais pas sur notre planète ?

La jeune rousse parvint à afficher un sourire.

-Non. J’étais…euh, un peu partout, on va dire.

-Où ça, par exemple ?

Elle fronça les sourcils, plongée dans ses pensées quelques secondes.

-Tu te souviens de ces vieux posters avec une galaxie spirale ? Celle où il y avait un petit signe avec une flèche qui disait « vous êtes ici » sur un bras ?

Hank sourit :

-J’en avais un dans ma chambre, à l’époque.

-Eh ben… disons que nous sommes à l’endroit qu’indique cette flèche. Moi, j’étais à peu près à mi-hauteur de ce bras galactique et je suis revenue.

Hank la contempla avec une expression sceptique :

-Ça représente des milliers d’années-lumière. Peut-être même des dizaines de milliers.

-Ouais, je sais.

-Et tu as réussi à traverser une telle distance ? À toi toute seule ?

La mutante haussa les épaules.

-Ouais.

-C’est… impossible.

-Oh, je t’en prie, Hank. Après tout ce qu’on a vécus… ça, pour toi, c’est irréel ?

-Jean. Traverser ce genre de distance reviendrait à pouvoir plier l’espace. Ou alors, être capable de former des trous de ver. Ou plein d’autres choses…

-Ouais, acquiesça la mutante. C’est exactement ce que j’ai fait.

Hank posa sa tasse.

-Ne me dis pas que tu es capable de créer des trous de ver…

-En tout cas, je ne sais pas si on peut vraiment parler de ça mais, oui. Je peux créer… des raccourcis. Si c’est comme ça que tu les vois.

-Des putains de raccourcis, murmura Hank.

-C’est plutôt cool comme moyen de transport, une fois que tu as saisi le principe.

-Je veux bien te croire. Et pas besoin de combinaison ?

Jean haussa les épaules :

-Non, pas besoin.

-Voilà qui doit être… bien pratique.

-Professeur ? Excusez-moi, fit Sam Guthrie en passant sa tête dans l’entrebâillement. Pardon. Je ne voulais vous interrompre. Avec Roberto, on voulait savoir si vous vouliez toujours qu'on prépare le dîner à l’heure de d’habitude.

Hank jeta un œil à l’horloge. Il n’avait pas vu le temps passer. Il soupira :

-Oui, Sam. Je veux bien. Sean et Moira restent au manoir, ce soir. Il n’y aura que nous ainsi que… notre invitée. Tu peux aussi aller prévenir les autres que la punition est levée. Ils peuvent sortir de leurs chambres et aller où ils veulent.

-Oui, monsieur, répondit Sam avant de se diriger vers les escaliers.

-Oh, et Sam ? le rappela Hank. Dis à tout le monde de descendre dans le salon quelques instants, s’il te plaît.

-J’y vais.

Hank sourit ensuite à Jean :

-Je suis navré, notre conversation privée va l’être beaucoup moins. Mais des présentations sont de mises.

-T’inquiète. Je serais ravie de rencontrer tes élèves. Donc, ils sont vraiment sous ta direction ? Pas celle de Xavier ?

Hank grimaça.

-Techniquement, si. Ils font tous partie de l’Institut. C’est juste que cet endroit est conçu pour les élèves aux besoins particuliers.

- « Aux besoins particuliers », répéta-t-elle sans comprendre. D’accord, je ne les ai vus que quelques secondes, mais ils m’ont semblé parfaitement normaux. Peut-être même un peu mieux disciplinés que nous, à l’époque.

Cependant, son sourire s'évapora.

-Moira a peur de moi.

-Elle va s’en remettre.

-Tu crois ? Je commence à me dire que j’ai fait une terrible erreur. Je n’aurais jamais dû remettre les pieds ici.

-Pourquoi es-tu revenue, Jean ?

La jeune femme retroussa ses lèvres, cherchant ses mots.

-Hank… est-ce que tu sais où est Scott ?

Le mutant bleu hocha la tête :

-Oui. J'avais justement prévu de l’appeler après le repas pour qu’il sache que tu étais en vie… et ici.

Jean, visiblement soulagée, laissa échapper un soupir.

-Mais pour ce qui va suivre, je pense que tu devrais le laisser décider.

-Tu crois… qu’il pourrait ne pas avoir envie de me revoir ?

-Oh, je suis certain qu’il le voudra. Mais cela fait des années que nous avions fait notre deuil. Je ne peux pas te garantir que cette réunion se passe comme tu l’espères.

Jean acquiesça tristement :

-Ouais. J’imagine que j’aurais dû m’y attendre.

Elle reprit sa tasse et prit une longue gorgée, de chaudes larmes lui montant aux yeux.

Laisser un commentaire ?