Soies Écarlates

Comme annoncé, Jarlaxle, rompu aux expéditions organisées à la volée, a pu en quelques jours acheter les provisions, choisir les montures et rassembler les fournitures indispensables.

N'ayant qu'une idée approximative du temps qu'il leur faudra pour atteindre la Vaste, il s'est renseigné auprès des elfes à propos de la durée du voyage afin de prévoir en conséquence. Les elfes lui affirmèrent ne pas posséder pas de moyens de téléportation ce qui aurait rendu une telle question triviale mais lui assurent posséder un autre moyen de transport rapide, réduisant la durée du voyage à quelques semaines tout au plus.

La première étape consiste à rejoindre le bois de Neverwinter, où les attend un autre groupe d’elfes, avec le fameux moyen de transport.

Dès l’aube, les drows et les elfes quittèrent Luskan aussi discrètement que possible, grimés de charmes magiques et dissimulés sous leurs capes.

Jarlaxle avait pu entrer en contact avec Kimmuriel, son ancien lieutenant et maintenant principal leader de Bregan D'aerthe à propos de l'offre des elfes. Il n'avait pas été ravit que Jarlaxle engage Bregan D'aerthe sans le consulter d'abord, surtout pour des daarthirs. Mais Jarlaxle est parvenu sans mal à le convaincre qu'il s'agissait d'une opportunité d'étendre l'influence de la bande mercenaire à la surface autrement qu'à travers des réseaux clandestins. Sans compter que la tolérance de ces elfes de la surface pour les Drows est vraiment étrange et mérite d'être plus amplement explorer. Cela pourrait être un premier pas pour Bregan D'aerthe en tant qu'organisation officiel à la surface. Et probablement l'occasion pour deux-trois aventures, pense Jarlaxle. Sur l'insistance de Kimmuriel, il a sélectionné quelques membres pour veiller à sa sécurité et juger si l'affaire en vaut la peine. Son escorte se résume à Valas Hune, Djakalite Dekri, un sorcier plutôt renfermé et Kronnath sans Nom, un noble d'une autre cité, un assassin qui avait empoisonné tous les membres de sa maison. Trois jeunes humains les accompagnent également mais leur rôle se limite à ramener les chevaux à Luskan. Jarlaxle avait reçu la pressante consigne de ne rien signer avant d'en avoir parler d'abord avec Kimmuriel. C'est à cette fin que Jarlaxe emporte une Pierre Messagère afin de pouvoir communiquer avec Kimmuriel sitôt qu'il aura les détails du contrat.

–Donc, entame Jarlaxle, en tête avec Aetha et Athalline toujours dissimulés sous leur déguisement humain, Jarlaxle lui-même ressemble à un noble à la tenue extravagante et clinquante, il avait aussi insisté pour avoir une longue barbe soyeuse. Vous avez fait le chemin depuis le bois de Neverwinter à pied?

Aetha l'ignore, complétement concentrée, ou faisant mine de l'être, sur la route.

–Oui, répond l'elfe du soleil, nous ne connaissions pas la région donc nous n'avons pas voulu risquer la téléportation. Nous aurions pu utiliser des chevaux mais nous avions besoins de voyager aussi rapidement que possible donc nous avons dû utiliser un... autre moyen, efficace mais peu discret.

–Qui est?

–Vous verrez bien, fait le capitaine, son visage sévère se fendant d'un sourire.

–Hmmm, j'aime les surprises, ronronne presque l'elfe noir.

–Elles ont tendance à être désagréablement mortelles, marmonne Djakalite Dekri, ses yeux ternes fixés sur l'elfe doré.

–Allons, Dekri, qu'est ce que la vie sans risque?

–Longue et sans danger? répondit Valas, d'humeur maussade, ses magnifiques yeux ambrés dissimulés sous une illusion qui les fait paraitre chocolat et humain. Il avait détesté les voir devenir aussi quelconque

–Ennuyeuse et sans intérêt, réplique Jarlaxle en donnant une claque amicale sur l'épaule de son lieutenant.

Ignorant le grognement exaspéré du lieutenant, Jarlaxle reporte son attention sur ses deux voisins. Autant l'elfe doré est détendu, sa compagne elfe noire tient fermement ses rênes et ne semble pas disposée à entretenir une quelconque conversation. Évidemment, cela ne fait que titiller la curiosité de Jarlaxle encore plus. Il a remarqué qu'elle communique sans difficulté avec les autres elfes mais dès qu'un drow l'approche, elle se ferme comme une huître. La route depuis Luskan jusqu'au bois de Neverwinter étant longue, le mercenaire a bien l'intention d'en apprendre un peu plus sur ses compagnons de voyages.

–Je m'interroge toutefois, cher Athalline, J'ai remarqué que votre groupe était loin d'être aussi hostile envers les drows que les autres Elfes. Sans parler de la présence de l'une d'entre nous parmi vous. D’où vous vient une telle tolérance?

Aux mots "l'une d'entre nous", les mains d'Aetha se crispent sur ses rênes jusqu'à devenir gris pâle avant de se détendre à nouveau, le visage impassible. Le capitaine ne répond pas, s'interrogeant manifestement sur ce qu'il peut révéler ou pas. Pas de refus catégorique, il n'as pas reçu l'ordre de ne rien dire sur son royaume mais hésite à dévoiler quoi que ce soit qui puisse lui nuire. Autant battre le fer quand il est encore chaud.

–La haine entre les Drows et les Tel-quessirs n'est un mystère pour personne. La plupart d'entre eux auraient déjà essayé de nous égorger, vous comprendrez ma curiosité.

–Il faut croire que nous sommes uniques, répondit l'elfe de soleil, Ca'armintyr est resté caché depuis les Guerres de la Couronne. Nous avons été épargnés par la plupart des conflits à l'origine de la haine entre les elfes et les Drows.

–Votre royaume est resté caché pendant près de 10 000 ans? s'exclame Valas, abasourdie. Comment est ce possible?

–La magie nécessaire pour cacher un royaume entier pendant si longtemps... ça ne peut pas être de la magie ordinaire, elle est soit d'origine divine soit le résultat de rituel de Haute Magie, enchaine Djakalite en fixant intensément le capitaine.

Alors que ce dernier s’apprête à répondre, Aetha pose précipitamment sa main sur son épaule, secouant la tête. Après un échange silencieux, Athalline se retourne vers les elfes noirs.

–Je crains que seuls leurs majestés aient le pouvoir de délivrer cette information à des étrangers.

–C'est un secret si dangereux?

–Peut-être pas, déclare Aetha prenant enfin la parole, mais les Drows sont connus pour exploiter la moindre information afin de nuire.

–Pourtant, ma chère Aetha, vous êtes vous-même une Drow comme nous et...

–NON, répond l'elfe noire en se retournant brusquement, ses yeux cramoisi durs et brillants, je ne suis pas comme vous, je ne suis pas une esclavagiste ni un bourreau, je n'exploite pas les faiblesses des autres races contre elles-mêmes. Je ne sers pas la Reine-Araignée !Je vous connais, Lollites et je ne vous fais pas confiance. J'ai confiance en la sagesse et les visions de la Prophétesse mais je vous préviens, je vous surveille et au moindre signe de complot contre Ca'armynthir, la Sombre Danseuse m'est témoin, je vous anéantirais!

Sa tirade terminée, Aetha se redresse aussi vite qu'elle s'est retournée et fais avancer sa monture plus avant d'un claquement de la langue et des talons autoritaires. Les Drows de Jarlaxle la regardent partir bouche bée tandis que les elfes de l'escorte semblent soudain très intéresse par la météo ou leur selles.

–Vous entretenez une compagnie intéressante, Capitaine, fait remarquer Jarlaxle, Je n'aurais pas cru qu'il s'agissait d'une fidèle d'Eilistraee, encore que sa présence dans votre groupe ait plus de sens maintenant.

–Qui? Demande Kronnath sans Nom.

–La Vierge Nocturne, répond Jarlaxle, la supposée fille de Lolth, une déesse que beaucoup de Drow à la surface vénèrent.

–Mais Lolth n'as pas de fille, dit le noble déchu, confus, Seulement un fils.

–À ce qu'on dit, c'est une alliée de la Seldarine, les dieux elfes de la surface et une ennemie de Lolth. La simple mention de son nom ou de son culte en Outreterre garantit que vous serez le prochain sacrifice sur l'autel de la Reine-Araignée. Ce n'est donc pas étonnant que peu de Drows aient entendus parler d'elle.

–Lolth a donc une si grande influence sur votre peuple ? Demande l'un des elfes de lune, curieux.

–Elle est notre principale divinité, notre société toute entière est construite autour de ses dogmes et la parole de ses prêtresses a force de loi. Les maisons nobles s'élèvent ou s'effondrent au rythme de ses caprices. Dit Djakalite, presque avec révérence. Tous les drows apprennent à l'adorée dés leur plus jeune âge. Lui manquer de respect est une sentence de mort.

–Je suis étonné que votre adoratrice de la lune ne vous en ait pas dis plus sur Lolth et la société Drow en Outreterre. remarque Jarlaxle, la tête légèrement penchée.

–Aeta et les siens parlent peu de leur passé en Outreterre, pour ceux qui en ont eu un. Répond Athalline en jetant un coup d'oeil à l’intéressée devant eux. Je comprend mieux pourquoi maintenant. Nous n'avions même aucune idée de la dépravation des Elfes Noirs jusqu'à ce qu'Aeta et son peuple nous rejoignent récemment. Sans vouloir vous offenser, rajoute t'il rapidement en se tournant vers Jarlaxle qui balaie ses inquiétudes d'un geste de la main.

Hum, Fait Jarlaxle, songeur, ainsi donc, les elfes noirs ne sont arrivés que récemment chez nos chers cousins qui étaient jusqu'ici complétement isolés. Et maintenant ils se promènent à travers la Côte des Épées à la recherche de mercenaires ? Je suis prêt à parier que leur royaume secret rencontre de sérieuses difficultés à rester secret.

–Sans vouloir vous manquer de respects, Capitaine, fit alors la guerrière Drow, sans se retourner, Vous en dites trop.

–Mes excuses. répond l'elfe doré en s'inclinant.

Ils poursuivirent leur chemin, animé par les questions du curieux Jarlaxle et les réponses polies mais parfois succinctes des elfes. Les autres drows ne font guère d'efforts pour participer mais écoutent attentivement la conversation. Autour d'eux, la campagne exhibe ses plus beaux charmes avec d'immenses champs de céréales parsemés de pousses vertes et de temps à autres des fermes, des auberges isolées et des lieux de villégiatures. Des caravanes marchandes et des groupes de voyageurs croisent parfois leur route qui les saluent jovialement ou bien passent prestement leur chemin. Ils longent le fleuve Mirar, étincelant sous le soleil montant, qui traverse le pays tel une lance argenté depuis l’Épine Dorsale du Monde jusqu'à son embouchure à Luskan.

Continuant leur route en amont de la rivière, ils trouvèrent un petit village où stationnent plusieurs bacs, le passage du Gué Noir. Le village possède de belles rues pavés et ornés de plantes, des maisons mieux bâties et colorés que ne peut normalement espérer un village de campagne. Une distinction possible grâce aux péages élevés que collecte chaque jour l'administration du gué aux bourgeois, marchands et artisans désireux de traverser le fleuve. Ceux qui ne peuvent se le permettre doivent continuer jusqu'à Mirabar, à plusieurs jours du Gué Noir, seul endroit ou le niveau de l'eau devient suffisamment bas pour être traversé à pied. Les tavernes alentours, entretenues et imposantes, profitent également de l'abondance de clients, obligés de passez le temps jusqu'à ce qu'un bac soit prêt à partir.

–Aaaah, fait Jarlaxle, Le Gué Noir, bondé comme d'habitude.

–Cet endroit est excessivement cher, remarque Athalline, Quand nous sommes arrivés, nous ne possédions pas la monnaie locale et avons dû payer en or et en joyau et ça nous a couté presque la moitié de ce que nous avions. Nous avons pensé que le royaume devait être très prospère pour être aussi cher mais après avoir vu les villages plus misérables sur la route de Luskan et la cité elle-même, j'ai plutôt l'impression que nous nous somme fait rouler.

–Oui, les gardes sont particulièrement à l'affût des nouveaux venus. Mais avec les bons contacts et les bons soutiens, on peut faire des merveilles. Attendez moi ici, dit Jarlaxle avant d'entrer dans la capitainerie.

Sans l'humeur et la curiosité enjouée de Jarlaxle, un silence gênant s'abat entre les elfes et les drows. Ils se regardent un peu chiens de faïence sans trop savoir quoi dire les uns aux autres. Le temps passe et Jarlaxle ne revient pas et petit à petit, Drows et elfes se séparent, presque sans le voir et reforment leurs groupes de départ, ceux du monde de la lumière et ceux des cavernes sombres. ça ne va pas, pense Athalline, La situation est gênante au possible. Si nous devons éventuellement travailler ensemble, nous devons pouvoir interagir sans Jarlaxle. Mais comment? Ils sont de l'Outreterre, des adorateurs de Lolth la Traitresse et ils ne nous aiment pas, ça se voit. Leur chef est charmant mais on nous a prévenus que les Lolithes sont des manipulateurs. J'espère que la Prophétesse a raison en disant qu'on a besoin d'eux...

–hmm hmm et donc euh, se racle la gorge Athalline, ce qui eut pour effet d'attirer l'attention de tout le monde. Vous travaillez pour Jarlaxle depuis longtemps? Quel genre de leader est il? Est il toujours aussi... extravagant?

Les Drows hésitent un moment, se consultent du regard avant de se tourner vers Valas, le lieutenant. Celui-ci soupire devant la décision apparemment unanime de le jeter dans l’arène.

–Le capitaine est un elfe intelligent, adroit au combat et un chef compétent. Il est stratégique, rusé et doué pour les négociations. Il sait discerner et utiliser au mieux les points forts de ses hommes et les points faibles de ses ennemis. Si vous avez des doutes, n'ayez crainte, il saura accomplir n'importe quel mission que vous lui confierez.

–Je vois... et en tant que personne? Quelle est votre opinion?

–Un elfe qui se préoccupe de l'opinion d'un drow, on aura tout vu... marmonne Kronnath en faisant sauter adroitement entre ses mains d'étranges petites boules.

–Sans opinion, répond Valas d'un ton un peu froid. Non, définitivement sans opinion. Je ne sais pas ce que vous chercher à savoir mais vous ne l'apprendrez pas par moi ni par aucun membres de Bregan D'aerthe.

–À part qu'il inspire une loyauté rare pour des Drows, observe Aetha qui n'avait rien dit jusque là. Une aptitude étonnante pour un serviteur de la Reine-Araignée.

–Et voilà! Traversée tranquille à moitié prix avec boissons offertes par l'administration du Gué, claironne joyeusement Jarlaxle, les portes de la capitainerie se refermant bruyamment derrière lui. J'interromps quelque chose?

–Rien de vraiment important déclare Athalline

–Juste des elfes un peu trop curieux pour leur bien, renchérit Valas.

–Tant mieux parce que le prochain ferry part dans 10 minutes donc nous devons y aller maintenant. En avant, compagnons!

Ils se dépêchèrent en direction des docks ou ils trouvèrent le bateau et une longue file de caravanes marchandes, de chariots et de gens agités et bruyants, le tout encadré par plusieurs gardes. Sans s'arrêter, Jarlaxle se dirige vers l'un des gardes pour lui parler et lui remettre quelque chose que ses comparses ne discernèrent pas. Il leur fit signe de le suivre et ensemble, dépassèrent la file au grand mécontentement de ceux qui attendent encore leur tour.

–Et influent aussi à ce que je vois, marmonne Aetha.

Ils furent disposés à l'avant de l'embarcation, dans une zone réservés aux riches et influents afin de les tenir écartés de la plèbe et de leur permettre de descendre en premier. A peine touchèrent ils terre que les elfes quittèrent la route pour se diriger vers la forêt de Neverwinter sous le regard curieux de la foule. Ils s’enfoncèrent dans les bois rapidement, suivit des Drows qui maintiennent la cadence comme ils le peuvent.

Les Drows, plus habitués aux villes et aux souterrains, avancent avec précaution dans la forêt, obligeant leurs cousins à aller plus lentement qu'ils ne le feraient d'habitude. Le bois, bien que dense, est suffisamment clairsemé pour laisser passer les rayons dorés du soleil, illuminant les feuilles d'une belle lumière. De petites fleurs sylvestres aux couleurs vives tapissent le sol parmi les fougères et les buissons. De nombreux arbustes chargés de petits fruits rouges parsèment également le paysage.

–Vous êtes sûrs que vous savez où vous allez? Demande Kronnath. J'ai l'impression que nos montures marchent depuis des heures et que nous faisons du surplace.

– Bien sûr, répond un elfe des bois, nous approchons du cœur de la forêt, notre camp ne se trouve pas loin.

Ou du lieu de votre embuscade, pense le guerrier en jetant des regards furtifs alentours, maudites fées perfides...

–Et comment le savez vous? S'enquiert à son tour Valas, tout ici se ressemble pour moi...

– Ca'armynthir est majoritairement boisé, la plupart d'entre nous apprennent tôt à se repérer dans les forêt, explique l'elfe de bronze, mais la preuve la plus évidente est aux pieds des chevaux.

–Je ne vois rien d'autre que de l'herbe et des fleurs. Quoique, note le drow aux yeux ambrés, ces fleurs ont l'air d'avoir des couleurs étrangement éclatantes, par contre...

–Exactement. Si vous aviez fait un peu plus attention, vous auriez noter que le sol entre la lisière de la forêt et son cœur est surtout composé de fougères et de buisson mais ici, ils ont disparus pour laisser place à une pelouse fleuri étonnamment chatoyante. Un petit arrangement qu'on doit aux fées des environs.

–Des fées?! S'exclame Valas, soudain inquiet.

–Oh, donc les rumeurs sur cette forêt sont vraies. Il y a un portail qui conduit à la Féerie dans ces bois. Dit Jarlaxle avec un sourire.

–Des fées! Tonne Djakalite, l'air aussi anxieux qu'en colère. Vous n'avez pas parlé d'avoir affaire à ces créatures vicieuses!

–Ils ne sont pas tous vicieux. Répond Athalline. Et nous ne l'avons pas mentionné parce que ce n'est pas vraiment important. Les fées des environs sont amicales envers ceux qui respectent leur foyer et nous ne nous attarderons pas longtemps ici de toute façon.

Les sourcils froncés, l'elfe noir ouvre la bouche prêt à répliquer quand un soudain cri à l'avant du groupe l'interrompt.

–Nous sommes arrivés!

Ils pénétrèrent dans une vaste clairière étrangement ensoleillés en dépit de la dense voûte sylvestre. D'un haut bloc de roches s'écoule une cascade et à son pied, un étang d'une incroyable clarté. Dispersées aux alentours, se trouvent plusieurs tentes aux motifs bruns et verts, difficiles à distinguer parmi les arbres. Quelques elfes s'y trouvent, des bois, de la lune et du soleil. Certains s'entrainent, d'autres sont plongés dans leurs méditations ou leurs lectures et d'autres ne font que flâner.

– Qu'est ce que c'est que ça? Demande Kronnath, les sourcils froncés, les yeux luisants. C'est une expédition en terre étrangère ou un camp de vacance? Pas de gardes? Si c'est là la conception des Daarthirs de la vigilance, je suggère qu'on rebrousse chemin aussitôt avant que quelque chose n'entre dans ce camp et ne nous tue tous par surprise.

L'elfe de bronze en face de lui pointe le sommet d'un arbre sur sa gauche sans se retourner. Perchés parmi les branches, se tiennent deux autres elfes encapuchonnés, le visage entièrement couvert en dehors des yeux. Habillés de tenues forestières bruns verts, immobiles, ils sont difficiles à distinguer du feuillage. Leurs mains tiennent des arcs aussi meurtriers qu'élégants et des épées courtes pendent à leurs ceintures.

– Les gardes mis à part, le camp est protégé par plusieurs sortilèges. Vous n'avez aucunes craintes à avoir, cousin, le manque de vigilance ne fait pas partie de nos défauts.

– Cousin?! Je vais t'en donner moi du cousin! Marmonne entre ses dents le noble déchu.

– Alae sha, salue Athalline, les bras grands ouverts, Nous sommes de retour.

Aussitôt, plusieurs elfes descendent des arbres et se joignent à l'assemblée, accueillant avec allégresse le retour de leurs compagnons. Avec le groupe d'Athalline, l’expédition se résume à une vingtaine d'elfes, toutes races confondues. Bientôt on va voir des elfes des mers, pense Jarlaxle amusé.

– Est ce que c'est lui? C'est Jarlaxle? Demande un grand elfe de lune bien plus beau que les autres avec des cheveux dorés, une couleur inhabituel pour un elfe argenté. Sa tenue aux tons neutres est impeccable, il porte sur sa poitrine une broche avec deux étoiles dansant en cercle et une étrange rune comme fond.

–Oui, répond l'elfe de soleil avant de se tourner vers le drow concerné. Jarlaxle, je vous présente le Haut-lieutnant Vaelen Rêvedune, le chef de notre expédition.

–Salutation, dit l'elfe noir avec un hochement de la tête. Je n'avais jamais encore rencontré d'elfe de lune tel que vous.

–Probablement parce que je n'en suis pas un, sourit l'officier. Je suis un Ruar'Tel'Quessir, un elfe des étoiles.

À ces mots, les yeux de Jarlaxle s'arrondissent tandis que ses compagnons drows échangent des regards perplexes.

–Un elfe des étoiles? Demande Valas, les sourcils froncés. ça existe?

–Ce sont des créatures de légendes, explique son chef avec un sourire. Je pensais que si leur race avait jamais existé, elle était éteinte depuis longtemps mais apparemment les vieux mythes viennent à la vie ces derniers temps.

–Nous sommes bien réels, je vous assure. Vous aurez tout le temps de vous en rendre compte à Ca'armynthir. Hin! Fait l'elfe d'une voix forte. Les autres elfes se raidirent aussitôt, prêt à agir. Pliez les tentes et préparez vos affaires, nous partons. Ileth, prends ton équipe et rameute nos montures, nous nous occuperons d'empaqueter vos affaires. Si vous vous voulez bien nous excuser un instant, rajoute t'il avec un salut respectueux.

Athalline et son équipe, Aeta compris, partirent s'occuper de leurs effets. Restés seuls, les drows n'ont rien d'autres à faire que regarder les elfes démonter leurs tentes et s'équiper, dans une ambiance de chaos contrôlé. Les tentes se défont elles-mêmes et se plient en ballots sous la supervision d'elfes. Des armes, des sacs et des provisions sont échangés à toute vitesse avant d'être empaquetés et posés au sol. Soudainement, plusieurs hennissements se font entendre. Encadrés par Ileth et son équipe, plusieurs chevaux ailés entrent dans le camps, probablement depuis une autre clairière. Recouvert d'un pelage argenté pour la plupart, ils agitent nerveusement leurs queues et crinières hérissées de plumes.

-Est ce... notre moyen de transport? Demande Jarlaxle, ses yeux rouges pétillants.

-Oui. Confirme le Haut-lieutenant pendant que les elfes disposent de beaux tapis bleu argenté sur les pégases et installent les ballots de part et d'autres de leur dos. Grâce à eux, nous rejoindrons Ca'armynthir en quelques jours. Ils sont rapides, endurants et avec un peu de magie, invisibles dans le ciel. Sitôt que les préparatifs seront finis, nous pourrons partir. Avez vous l'habitude de voyager par les airs?

-Hmm, non, on ne peut pas dire que ce soit l'un de nos moyens de transports habituels. Mais je suis toujours ouvert à de nouvelles expériences.

-Évidemment. Maugrée quelqu'un derrière lui, si bas qu'il ne sut dire de qui il s'agit.

-Donc vous ne savez pas monter de pégases? Je m'en doutais, dit l'elfe des étoiles. Ne vous en faites pas, vous monterez derrière l'un de mes soldats. Ileth! Charge un peu plus les pégases de réserve, nos invités drows vont monter avec des cavaliers. Avec qui? Hmm... Athalline? Merci. Aetha? Non? Très bien, Elen? Merci beaucoup. Atha? et toi Vraën? Merci à vous deux. Voilà, installez vous derrière eux et nous pourrons partir.

Pendant ce temps, les préparatifs de départs se terminèrent. Jarlaxle ne s'installe pas tout de suite derrière Athalline et caresse d'abord l'encolure du pégase argenté avec un sourire, fasciné. L'elfe doré le laisse faire amusé tandis qu'à ses côtés, Aetha l'observe, les sourcils froncés.

-Il n'y a pas de brides? N'est ce pas nécessaire pour diriger un cheval?

-Des pégases, pas des chevaux, répond tranquillement Athalline, nous travaillons avec eux depuis qu'ils sont petits pour les faire réagir à une série d'ordres et de mouvements. Il n'y a nul besoin de brides ou de harnais.

-Est ce que c'est sûr? Demande Valas, le visage impassible mais les bras fermement serrés autour de la poitrine de l'elfe des bois devant lui. Est ce qu'on ne risque pas de tomber si des vents forts soufflent?

-Ne vous inquiètez pas, répond le cavalier en désignant le tapis sur lequel ils sont assis.Ces tapis sont spécialement enchantés afin de maintenir les cavaliers sur le dos du pégase, même en cas de mauvais temps.

-Par Lolth, Jarlaxle! Crie Djakalite, enfourché sur un pégase, les bras pendant et le torse le plus éloigné possible de l'elfe devant lui. Arrête de caresser cette bête et grimpe!

Le Drow attrape finalement le bras tendu du capitaine et s'installe derrière lui. Une fois tous les cavaliers en selle, le Haut-lieutenant crie un bref ordre en elfique avant d'indiquer le ciel. Sa monture se cabre aussitôt, ses larges ailes déployées dans toute leur splendeur. Elle pousse fortement sur ses pattes arrières et d'un bond, s'élance vers le ciel. Ses ailes battent fortement tandis qu'elle dépasse la canopée de la forêt droit vers l'infini saphir. Les autres pégases le suivent de près, bientôt phalange de point clairs perdus dans l’immensité du ciel septentrional..