Un combat de tous les instants

Chapitre 2 : Réparer les dégâts

3490 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:19

- Il faut croire que vous avez eu plus de chance que nous, murmura April, mélancolique, en se laissant tomber sur le rebord pierreux qui faisait office de canapé.

Donnie et elle étaient revenues au repère au moment même où Mikey et Léo y ramenaient maître Splinter, inconscient. Ensemble, ils avaient fouillé les décombres du laboratoire dans l'espoir d'y trouver des produits susceptibles de le soigner. La tortue au bandeau violet était agenouillée à même le sol, où elle s'efforçait de composer un régénérant.

- Je me demande comment il a réussi à survivre jusqu'à présent. Il est salement amoché... souffla Michelangelo en venant s'accroupir aux côtés du rat géant.

Il posa un seau d'eau à côté de lui et, à l'aide de la serviette la plus propre qu'il était parvenu à trouver dans ce champ de ruines, il entreprit de nettoyer ses plaies. Comme le sang était séché, il refusait de lâcher les poils sur lesquels il avait coagulé. Un bain aurait été l'idéal, mais les Kraangs avaient réduit leur salle de bain à néant.

- Au fait, April... Je suis désolé que tu n'aies pas retrouvé ton père.

- Moi aussi... Moi aussi...

Le regard triste, elle posa sa main sur le front de maître Splinter. Il semblait fiévreux. Ses blessures purulentes avaient dû le conduire à attraper une infection. Elle espérait que Donatello parviendrait à le sauver. Il lui avait toujours paru indestructible. Le voir ainsi diminué lui causait un véritable choc, encore pire que de savoir la ville aux tentacules des extra-terrestres.

- Au moins, personne ne sait que nous sommes de retour, ce qui va nous laisser le temps de prendre soin de lui, affirma Léonardo.

Donnie leva les yeux du tube à essai sur lequel il était penché et échangea une expression gênée avec April. Cela n'échappa pas à l'oeil avisé de son frère, qui lui demanda aussitôt ce qui se passait.

- Les Foot-bots nous ont attaqués alors que nous étions à la surface. Nous en avons détruit quelques-uns, mais ensuite, j'ai jugé préférable de fuir, car il en sortait de partout.

- Tu es en train de me dire qu'ils vont aller rapporter à Schredder, si ce n'est déjà fait, que nous sommes de retour à New-York ?

- Euh... Oui ?

Léo frappa son front lisse avec le plat de sa main. Il ne manquait plus que cela. Ils allaient avoir suffisamment à faire au cours des semaines à venir pour tenter de repousser l'invasion Kraang sans avoir en plus besoin de surveiller leurs arrières par crainte de voir surgir le Destructeur dans leur dos.

Des éclats de voix se firent entendre et, par réflexe, ils sursautèrent. Aucun d'eux ne se sentait en sécurité à chaque fois qu'il était question de Schredder. Par chance, ce n'était nul autre que Casey et Raphaël, qui revenaient de leur patrouille. April se leva aussitôt pour bondir dans les bras de son ami, au grand dam de Donatello.

- Je suis heureuse que vous soyez revenus sain et sauf. Est-ce que vous avez eu des ennuis ?

- Raph a pu se défouler contre quelques boîtes de conserve extra-terrestres, mais moi, je n'ai pas eu ce bol. La maison était déserte, ajouta-t-il sur un ton beaucoup plus grave. Si ma soeur et mon père sont quelque part, ce n'est plus ici.

- Pareil pour moi. Les rues sont désertes, nous n'avons croisé personne. New-York est devenu une véritable ville fantôme.

Raphaël ne prêta pas la moindre attention au reste de la conversation et se précipita vers son maître dès qu'il eut remarqué son corps étendu sur une vieille couverture rapiécé. Il remplaça Mikey, qui commençait à fatiguer, afin de poursuivre le nettoyage des plaies encore à vif.

- Ce n'est pas vrai, lâcha-t-il au bout de plusieurs minutes. Tout le monde n'a pas fui ou n'a pas été capturé. Tout à l'heure, j'ai vu une fille.

- Une fille ? répéta Casey avant de s'esclaffer. Alors pendant que je poireautais, môssieur jouait les casanovas. Ca m'étonne de toi, vieux.

L'adolescent eut tout juste le temps de lever son gant de hockey pour se protéger que le sai de Raphaël sifflait déjà dans sa direction. Il s'empala dans la texture molle de l'accessoire, tandis que la tortue accompagnait son geste d'un regard assassin.

- Eh, on dirait bien que je viens de toucher un point sensible. Ce cher Raph n'est peut-être pas si dénué de sentiments qu'il veut bien le faire croire, en fait.

- La ferme, Casey, sinon je...

- Ca suffit, vous deux ! s'écria April en s'interposant. Vous n'allez quand même pas vous battre alors que maître Splinter est dans cet état ?

Mikey et Léo l'approuvèrent d'un hochement de tête, juste avant que Donatello ne pousse un cri victorieux dans leur dos. Apparemment, il avait réussi à composer un remède à partir du peu de matériel qu'il était parvenu à sauver des décombres. Raphaël s'écarta aussitôt pour lui céder sa place auprès du rat.

- Normalement, cette mixture hyperprotéinée devrait suffire à lui rendre les forces qu'il a perdu en errant des jours durant dans les égouts, mais ça ne l'empêchera pas de devoir se reposer par la suite, car il souffre sûrement d'infections qui peuvent endommager son système immunitaire, auquel cas...

- Abrège, Donnie, et fais-lui avaler le médoc ! l'interrompit Mikey, au grand soulagement de tous.

Avec précaution, la tortue pinça les lèvres de son maître et fit tomber quelques gouttes du remède entre ses crocs acérés. Comme Splinter ne le recrachait pas, il recommença, jusqu'à avoir vidé dans sa gorge le contenu de sa fiole en verre.

- Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre de voir si ça fait effet.

- Quoi ? Attendre ? se lamenta Michelangelo. Je déteste attendre, j'ai horreur d'attendre, et en plus, nous n'avons même pas de pizza pour passer le temps ! Je veux un résultat tout de suite.

- Ne t'inquiète pas, Mikey, nous allons trouver de quoi t'occuper. Il y a tout le repère à nettoyer.

Les paroles de Léonardo provoquèrent une moue sceptique chez l'ensemble de ses amis. Même le ménage, auquel les tortues refusaient généralement de se livrer sans protester, semblait être une sinécure à côté de l'idée de remettre les lieux en état.

- Je pense que, pour commencer, nous devrions chercher tout ce que les Kraangs n'ont pas ravagé, ainsi que ceux qu'il sera possible de réparer, et les rassembler ici. Quant aux autres, nous nous en débarrasserons.

- Naaaooonnn !

Mikey se jeta sur la télévision, dont l'écran avait été brisé par le tir d'un pistolet kraang. Elle n'était plus en état de fonctionner, pourtant cela le rendrait infiniment triste s'il devait s'en débarrasser. Elle avait été sa meilleure amie, au cours des quinze dernières années.

- Tout mais pas elle ! Vous ne nous séparerez jamais !

Léonardo secoua la tête d'un air blasé avant de prendre la direction de l'escalier qui conduisait aux chambres, Raphaël sur ses talons. Le leader du groupe attendit d'être sûr qu'ils soient seuls à l'étage et que personne ne les ait suivi pour enfin oser demander :

- Raph... Quand vous étiez à la surface, est-ce que par hasard...

- Non, répondit-il aussitôt, car il avait compris où son frère voulait en venir. Je n'ai vu aucune trace de Karai. Ne t'inquiète pas pour elle. Je plains surtout les malheureux Kraangs qui se retrouveront sur le chemin de ses crocs.

Léo voulut esquisser un sourire, mais il n'y parvint pas. Il se préoccupait bien trop du sort de la jeune fille pour réussir à feindre une quelconque allégresse. Même la tape amicale de son cadet ne suffit pas à le dérider.

Ils ouvrirent les portes des chambres une par une, mais tout ce qu'ils y trouvèrent n'était que désolation. Les revues de Raphaël étaient réduites en charpie, les figurines de Michelangelo en morceaux, les matelas éventrés, les armoires brisées... Rien ou très peu avait survécu à la folie des Kraangs.

Leur inspection s'acheva rapidement. Ils purent trouver une lampe en état de marche, quelques objets électroniques appartenant à Donatello qui paraissaient encore fonctionner et des oreillers qu'ils parviendraient peut-être à raccommoder. Le reste était hors d'usage.

- C'est tout ce que nous avons pu sauver, affirma Léo en déposant ses maigres trouvailles sur le sol de la salle principale.

- Il me faudra des mois avant de pouvoir remettre mon labo en état... murmura Donnie, abattu. Le matériel que les Kraangs ont ravagé est extrêmement rare.

- Sans parler que nous n'avons plus de télévision, geignit Mikey.

Personne n'eut le coeur à le fusiller du regard. April avait rassemblé de vieux chiffons, des draps usés et des couvertures élimés, et entreprenait désormais de fabriquer une sorte de nid pour maître Splinter, allongé à même la pierre. Quand elle eut terminé, Raphaël le porta jusqu'à la couche de fortune.

- Il sera toujours mieux là-dessus, non ? s'enquit-elle.

Elle aurait aimé faire davantage pour le rat, mais comment l'aurait-elle pu ? Les moyens manquaient cruellement. Donatello n'avait même pas de quoi le soigner : il avait pratiquement gaspillé toutes ses réserves dans la préparation qui, pour l'instant, semblait n'avoir aucun effet.

- Et maintenant ? interrogea Casey. Qu'allons-nous faire ? Pour les Kraangs, je veux dire. Nous devons leur reprendre New-York.

- Sauf que nous n'avons presque plus d'armes, plus de robots, rien... Alors qu'ils sont des milliers. Comment comptes-tu t'y prendre ? Même l'armée a échoué, nous sommes tous seuls. Sans parler que Schredder sait sûrement, à l'heure qu'il est, que nous sommes de retour. Il va envoyer les Foot-bot à notre recherche et ne cessera pas de nous persécuter tant qu'il ne nous aura pas transformés en soupe de tortue.

Donnie s'interrompit. En ajouter davantage n'aurait servi à rien. La situation était catastrophique, pour ne pas dire désespérée, et il avait pour une fois su la résumer avec concision.

Après cela, plus personne ne prononça le moindre mot. Ils se contentèrent de se relayer auprès de Splinter à tour de rôle, tout en méditant sur le sort, qui n'était pas joyeux. Ils avaient tous leurs propres préoccupations et ne tenaient pas à les partager avec les autres.

April et Casey s'inquiétaient pour leur famille respective, de même que pour le reste de l'humanité. Léonardo ne pouvait s'empêcher de laisser son esprit vagabonder en direction de Karai, dont le joli visage se matérialisait sans cesse dans son esprit. Raphaël était furieux de se sentir aussi impuissant, lui qui aimait tant se battre.

Ils décidèrent de dormir un peu. Cela ne faisait que quelques heures qu'ils étaient revenus à New-York, pourtant ils avaient presque l'impression de ne l'avoir jamais quitté. Se reposer leur ferait le plus grand bien. Qui savait si, au cours des jours à venir, le ciel ne leur tomberait pas sur la tête. Ils auraient besoin d'être en forme pour faire face, à ce moment-là.

- Eh, les gars ! Les gars !

Ils étaient tous profondément assoupis lorsque la voix de Michelangelo les tira du sommeil. Léonardo fut le premier à se redresser. Ils s'étaient tous pelotonnés ensemble, les uns contre les autres, dans un angle du recoin, emmitouflés dans les restes de couverture qu'ils avaient pu sauver.

- C'est maître Splinter, je crois qu'il a bougé.

D'un geste de la main, il désigna le rat, toujours étendu dans son nid de fortune, pendant que les cinq autres se rapprochaient. Ils l'observèrent avec circonspection. Il lui était déjà arrivé de se montrer brutal à son réveil, notamment à l'époque où le Roi des Rats tentait de s'en prendre à son esprit.

- Il faudrait que quelqu'un le tapote, affirma Donnie. C'est pratique pour ramener quelqu'un à la conscience.

Aussitôt, tous les regards convergèrent pas Mikey, qui poussa un petit cri de joie. Il était ravi d'avoir été choisi, jusqu'à ce qu'il comprenne réellement ce que cela impliquait. Avec un soupir, il s'accroupit à côté de son maître, qu'il secoua doucement au niveau de l'épaule.

Les lèvres recouvertes de fourrure de celui-ci remuèrent faiblement, dévoilant ses crocs l'espace d'un instant. Le sang de la tortue ne fit qu'un tour, néanmoins il ne renonça pas. Après tout, il s'agissait de Splinter. Il n'avait rien à craindre de lui... ou si peu.

- Sensei.. Revenez à vous, s'il vous plaît. Sensei.

Il leva la tête en direction de ses frères, qui affichaient eux aussi une mine dépitée. Leur peine était palpable, et leurs amis humains la partageaient. Pour preuve, Casey ne fronça même pas les sourcils lorsqu'April vint poser une main compatissante sur l'épaule de Donatello.

- Lé-o...

Ils ouvrirent de grands yeux. Michelangelo, totalement déstabilisé, perdit l'équilibre et tomba sur les fesses dans un grand bruit. Les tortues se rassemblèrent immédiatement autour de Splinter, qui venait de prononcer le nom de leur chef dans un râle à peine perceptible. Celui-ci lui tapota main.

- Je suis là, maître. Nous sommes tous là. Est-ce que vous m'entendez ?

- Ma... tête...

Il tenta d'ouvrir les yeux, en vain. Visiblement, cela provoquait trop de souffrance en lui pour qu'il puisse y parvenir. Il renonça. Léonardo le fixa avec une inquiétude grandissante, tandis qu'une violente quinte de toux le secouait de la tête aux pieds.

- Mes fils... Vous...

Il n'eut pas l'occasion d'achever sa phrase. Il replongea dans les limbes de l'inconscience avant d'y parvenir. Donatello profita du fait d'être debout pour examiner ses blessures. Elles étaient toujours purulentes, en dépit du soin que Mikey avait pris à les nettoyer une par une. Sans désinfectant, hélas, le résultat serait le même.

- Qu'est-ce qui est le plus à craindre, Donnie ? interrogea Léo.

- La septicémie, je dirais. D'autant que son corps est en état de grave faiblesse et qu'il n'a actuellement pas les moyens de se défendre contre les infections, quelles qu'elles soient. Je crains que nous n'ayons pas le choix : nous allons devoir remonter à la surface. Il n'y a que là-haut que nous pourrons trouver ce dont il a besoin.

- Rassure-moi... Tu n'es pas sérieux ? Si nous mettons le nez hors du repaire à l'heure actuelle, Schredder nous cueillera comme des fruits mûrs. Et si ce n'est pas lui, nous devrons affronter l'armada que les Kraangs enverront contre nous.

- Tu préfères laisser mourir maître Splinter, peut-être ?

- Je t'interdis de dire une chose pareille, seulement il faut réfléchir aux risques. Si nous nous faisons tous tuer, je ne pense pas que nous lui serons d'une grande utilité.

- Si nous ne faisons rien, c'est à son agonie que nous risquons d'assister.

Léonardo secoua la tête. En tant que chef, il se trouvait dans une impasse. Il n'avait aucune envie de voir l'état de son sensei s'étioler davantage, toutefois il ne voulait pas non plus mettre en danger la vie de ses frères.

- Euh... Les gars ? appela timidement April. Les Kraangs n'ont pas l'air d'avoir trop massacré les immeubles et les habitations.

- Oui, et alors ?

- Mon père garde beaucoup de médicaments dans son armoire à pharmacie. Il répète sans cesse que ça peut toujours servir. Avec un peu de chance, nous y trouverons des antibiotiques, des compresses aseptisantes et assez de choses pour soigner Splinter.

- Ouais, ça, c'est trop de la balle ! approuva Mikey. Tu es un génie ! Ou une géniale. Comment ça se dit, au féminin ?

- Ca ne résout pas le problème. Comment allons-nous sortir d'ici sans risquer de tomber sur les Foot ou les Kraangs ? A mon avis, ils n'attendent que ça : une erreur de notre part.

- Il y a une bouche d'égout, à proximité de l'appartement dans lequel j'habite... Habitais. C'est toujours moins dangereux que de parcourir toute la ville. Il doit à peine y avoir deux rues à traverser.

Ils fixèrent tous Léo avec insistance pendant que celui-ci s'accordait une minute de réflexion. A contrecoeur et dans un soupir, il finit par accepter la proposition de l'adolescente. En revanche, il n'avait pas dit son dernier mot. Il interrompit Michelangelo au moment où il s'apprêtait à pousser un cri de joie.

- Je reste malgré tout persuadé que nous ne pouvons pas y aller comme ça, affirma-t-il, une lueur déterminée dans le regard. Il nous faut un plan.

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