Un combat de tous les instants

Chapitre 4 : L'inconnue de Raphaël

3732 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:47

- Par là ! ordonna Raphaël.

Il désigna rapidement une bouche d'aération par laquelle ils pourraient pénétrer dans le T.C.R.I. Il avait suivi les Kraangs et la jeune fille jusque là, avec Casey et Léonardo sur ses talons, néanmoins seule l'adolescente avait pu se faufiler à l'intérieur. Comme il avait dû attendre ses amis en retrait, le ninja n'avait pu s'y engouffrer avant que l'entrée ne se reverrouille d'elle-même.

Combien de temps allait-elle réussir à faire preuve d'assez de discrétion pour échapper à la vigilance des extraterrestres ? Cet endroit grouillait de cerveaux à tentacules, robotisés ou non. L'un d'eux finirait par la repérer. Ce n'était qu'une question de minutes, voire de secondes.

- Attends, Raph ! le retint Léo en le saisissant par le poignet. Nous devrions réfléchir à ce que nous allons faire une fois là-dedans.

- D'accord. Je rentre, je cogne, je fais ce pour quoi je suis venu, et ensuite, j'écoute ton plan. Ça te laisse tout le temps que tu veux afin de le préparer.

La tortue au bandeau bleu poussa un soupir blasé pendant que Raphaël se faufilait à l'intérieur du bâtiment, suivi de près par Casey. Si l'adolescent n'avait aucun mal à se déplacer dans l'étroit conduit de ventilation, c'était plus compliqué pour son ami, dont la carapace occupait une bonne partie de l'espace restreint.

- La seule chose que nous allons trouver là-dedans, ce sont les ennuis.

- La ferme, Léo ! grondèrent-ils en choeur.

Raphaël aurait pu admettre que son objectif était seulement d'épargner à cette inconnue une mort lente et douloureuse, toutefois il ne pouvait s'y résoudre. Il était censé être le sans-coeur de la bande, l'égoïste qui ne se souciait jamais du sort des autres. Il ne voulait pas faillir à sa réputation. Il n'avait pas oublié, d'ailleurs, la réaction de Casey lorsqu'il avait mentionné cette fille pour la première fois.

Il secoua la tête. Quel imbécile il faisait ! Il se mettait à agir de façon téméraire et irréfléchie dans l'unique but de porter secours à une adolescente. Il avait l'impression de tomber aussi bas que Donnie avec April ou que Léo avec Karai. Malgré cela, il ne pouvait se résoudre à revenir sur ses pas.

Ils atteignirent enfin l'un des couloirs du bâtiment, dans lequel ils furent immédiatement plus à leur aise. Léonardo dégaina ses ninjatos par mesure de sécurité et Casey l'imita en empoignant sa crosse de hockey. Dès qu'ils esquissèrent un seul pas vers l'avant, toutefois, une alarme stridente se déclencha.

- Mik... Ah non, c'est vrai, il n'est pas là. Qui a donné l'alerte, dans ce cas ? interrogea le garçon.

- Peu importe. C'est devenu trop dangereux de rester dans le coin. Il faut battre en retraite.

- Partez, je vous rattrape !

- Raph, tu... Reviens ici tout de suite !

L'intéressé ignora les sommations de son frère et suivit le corridor jusqu'à atteindre une porte qui, par chance, n'était pas fermée. Il lui fallait retrouver la jeune fille en urgence, puisque c'était à n'en pas douter elle que les Kraangs avaient repéré.

Il erra pendant plusieurs minutes dans le dédale de salles et de couloirs qu'était le T.C.R.I., au point de ne plus savoir où il se trouvait, ni quel chemin il avait emprunté. Une série de cris qui résonnèrent à proximité l'empêchèrent de s'interroger là-dessus. Il devait se dépêcher.

- Qu'est-ce que...

Il n'acheva pas sa phrase, abasourdi, lorsqu'il pénétra dans un vaste laboratoire kraang où un combat faisait rage. Contrairement à ce qu'il pensait, la jeune fille qu'il était venu secourir n'avait absolument pas besoin de son aide. Pour un peu, c'était pratiquement avec les extra-terrestres qu'il aurait dû compatir.

L'épée de l'adolescente pourfendait les carcasses robotiques des cerveaux à tentacules avec dextérité. Sa lame les scindait en deux sans la moindre difficulté, lorsqu'elle ne se contentait pas de les empaler dessus. Des androïdes hors d'usage jonchaient déjà le sol. Raphaël l'observa, la bouche entrouverte. Finalement, elle s'en sortait bien. Même très bien...

- Saletés de cervelles décomposées, vous allez me dire où se trouve ma...

Au même moment, elle remarqua sa présence. Déstabilisée de sentir ses yeux se river désormais sur elle, la tortue détourna précipitamment le regard. Elle détruisit un Kraang qui s'apprêtait à lui tirer dessus avec son pistolet laser avant de s'exclamer d'un ton autoritaire :

- Encore toi ? Que fais-tu ici ?

- Je...

Que pouvait-il bien répondre à cela ? Qu'il était venu dans le but d'empêcher les habitants de la Dimension X de la réduire en pièces ? Elle lui rirait au nez à juste titre. Alors qu'il réfléchissait à l'explication qu'il allait lui donner, Casey et Léonardo firent irruption dans la salle. La stupeur les paralysa.

- Eh ! C'est elle, la fameuse meuf d'hier ?

- La fameuse meuf d'hier, elle a un nom, je vous signale, protesta l'intéressée. Elle s'appelle...

Elle n'eut pas le temps de révéler son identité. Distraite par leur arrivée à tous les trois, elle s'était légèrement détournée de son combat et se fit surprendre par l'assaut d'un Kraang, qui la frappa au visage. Elle tituba, sonnée. Un autre eut le temps de la projeter contre le mur, où elle fut assommée pour de bon, avant que les tortues ne réagissent.

- Raph, tu m'expliques ?

- Pas le temps. A l'attaque !

Il jeta un sai à la face d'un robot, pendant que Léonardo tranchait le buste d'un second. Grâce à un palet de hockey explosif, Casey put en atteindre quatre à la fois. Ils s'apprêtaient à crier victoire lorsque les renforts survinrent. Deux escouades kraang pénétrèrent à leur tour dans la pièce pour les mettre en joue.

- Et maintenant, Raph ? Tu es d'accord pour que l'on sorte d'ici tant que nous avons encore nos carapaces sur le dos ?

- Aucune objection, Léo !

Il se précipita vers l'adolescente inconsciente, qui souffrait d'une trace violacée au niveau du front, ainsi que de la joue. Il la chargea sur ses épaules avec autant d'aisance que s'il manipulait un sac de plumes et emboîta le pas à son frère, pendant que Casey assurait leurs arrières.

***

- Waouh ! s'extasia Mikey. C'est la première fois que je vois une humaine d'aussi près !

Il était penché au-dessus du visage de la jeune inconnue, qu'il examinait avec intérêt. L'adolescent possédait de longs cils, qui effleuraient sa joue blafarde à chaque respiration. Ses cheveux aux diverses nuances châtaines, défaits pendant le combat, formaient une auréole autour de son visage. Même si une frange rebelle dissimulait une partie de son front, il pouvait également apercevoir la bosse violacée qui se trouvait juste en-dessous.

- Et moi ? s'offusqua April.

- Pas d'aussi près. Donnie me taperait si je me risquais à t'approcher autant.

- Quoi ? Non, ce n'est pas vrai, je... Ahem... Mikey, écarte-toi que je l'examine !

Après s'être empourpré et avoir bredouillé durant quelques secondes, Donatello, qui venait de pénétrer dans la pièce avec Raphaël sur ses talons, parvint à recouvrer son sang-froid. Michelangelo lui céda sa place auprès de l'inconnu, afin qu'il puisse diagnostiquer son état de santé.

- Elle était vraiment en train de donner une raclée aux Kraangs lorsque vous l'avez trouvé ? interrogea la juvénile tortue.

- Et une sacrée. D'ailleurs, Raph... Comment as-tu su qu'elle serait là-bas ?

- Je l'ai vu suivre l'escouade que nous avions aperçu. J'ai songé qu'elle risquait d'avoir des ennuis si elle s'aventurait seule au T.C.R.I et je n'avais pas tort. Elle n'aurait pas tenu une minute avec l'arrivée des renforts, si nous n'avions pas été là.

- D'accord, mais pourquoi n'avoir rien dit ? insista Léo. Tu aurais pu t'expliquer clairement au lieu de jouer les entêtés.

- Ouh ! Raph est amoureux ! singea Casey.

April le fusilla du regard et le reptile acariâtre s'apprêtait à répliquer, néanmoins il fut interrompu au même moment par Donatello, qui s'était relevé. D'après lui, la jeune fille souffrait d'une commotion cérébrale, qui pourrait se révéler plus ou moins grave selon l'évolution de son état. Il était d'ailleurs relativement inquiet qu'elle n'ait pas encore repris connaissance.

- Et maître Splinter ? interrogea Raphaël, désireux de ne pas s'attarder plus longtemps sur le sort de cette inconnue, au risque de s'attirer de nouveau les railleries de Casey.

- Les médicaments que vous avez rapporté de l'appartement des O'Neil vont être très précieux pour sa guérison. Grâce à eux, je vais certainement pouvoir lui sauver la vie. Je lui ai déjà fait prendre des antibiotiques avant votre arrivée, afin de combattre les infections, et j'ai nettoyé ses plaies, avec du désinfectants, cette fois-ci.

- Et pour elle ? s'enquit April. N'y a-t-il rien que tu puisses faire ?

- De la glace serait utile pour faire désenfler sa bosse, mais le réfrigérateur est hors d'usage.

- Le réfrigérateur, peut-être, mais j'ai ce qu'il faut !

Sous le regard désemparé des cinq autres, Mikey abandonna d'un bond les coussins sur lequel il avait été s'asseoir et se précipita vers la cuisine. Donatello ne le quitta pas des yeux, puis continua à fixer l'encadrement même après qu'il eut disparu. Il revint quelques secondes plus tard avec un mouchoir à la main, duquel suintait un liquide brun et fuchsia.

- D'accord, j'avoue que ce n'est pas l'idéal, mais Minette Glacée a tout de suite accepté de nous donner un peu du sorbet qu'elle produit.

- C'est une idée brillante ! s'exclama Donnie. Non, il ne faut pas que je dise des choses pareilles, sinon tu vas finir par le croire et ce sera une catastrophe.

- Trop tard, frérot. Je savais bien qu'un jour, tu reconnaîtrais enfin mon talent.

Raph poussa un soupir désespéré et Léo secoua la tête d'un air blasé, pendant que Michelangelo se trémoussait au rythme d'une danse d'auto-satisfaction. Quand il s'interrompit enfin, Donatello les pria de le tenir informer de l'état de santé de l'inconnu car il avait l'intention de se retirer dans son laboratoire.

Il y passait chaque instant où il ne se trouvait pas au chevet de maître Splinter et avait déjà bien avancé dans la reconstruction de son antre. Même si certains objets étaient irréparables et ne pourraient pas être remplacés de sitôt, il avait réussi à en sauver certains. Qui plus est, April lui avait rapporté son ordinateur portable. Bien qu'il soit loin d'être aussi puissant que celui que les Kraangs avaient détruit, il le dépannerait.

Léonardo, pour sa part, se retira auprès de maître Splinter, que les autres avaient installé dans les restes de ses appartements en leur absence. L'air y était plus doux que dans la salle principale et le sol était recouvert d'un fin plancher, beaucoup moins froid que le béton.

Michelangelo, pour sa part, s'installa sur le long rebord qui occupait le centre de la pièce et qui faisait office de canapé géant pour lire une bande dessinée en mauvais état. Il avait absolument besoin de se divertir et, en l'absence de sa précieuse télévision, il ne pouvait pratiquement compter sur rien d'autre.

- Raph, tu viens t'exercer avec moi dans le dojo ? interrogea Casey. Ça te défoulera un peu, mon vieux. Regarde-toi, t'as l'air tout crispé.

La tortue hésita. Son regard passa brièvement de l'adolescent à la jeune fille, encore étendue sur le sol. April était venue s'asseoir à ses côtés, afin de la surveiller. Ses yeux croisèrent ceux de Raphaël, qui les détourna précipitamment, presque gêné.

- Vas-y, murmura-t-elle très bas afin que Casey ne l'entende pas. Je viendrai te chercher si...

Elle s'interrompit. L'inconnue venait de bouger. Ses paupières, du moins, s'étaient agitées et un petit gémissement s'était échappé de ses lèvres. Aussitôt, les deux compères vinrent s'accroupir de part et d'autre de la rouquine. Celle-ci les repoussa néanmoins, affirmant que l'adolescente risquait de prendre peur si elle se sentait oppressée dès son réveil.

Elle battit faiblement des cils, avant d'ouvrir enfin les yeux, révélant des prunelles brunes, presque noires. Sa vision était floue et elle souffrait d'un violent mal de tête. Elle n'avait aucun souvenir de ce qui lui était arrivé, mais elle était convaincue qu'elle avait subi un choc. Elle ne souffrirait pas autant si tel n'avait pas été le cas.

- Bonjour, la salua April.

L'inconnue, qui n'avait pas encore remarqué sa présence à sa droite, sursauta. Comme sa vue se stabilisait, elle put distinguer sa queue-de-cheval orangée et son visage parsemé de tâches de rousseur. Elle l'observa, méfiante, avant d'étudier les alentours qui lui étaient étrangers.

- Toi ! s'exclama-t-elle lorsque son attention se posa sur Raphaël. Encore ? Tu es partout, bon sang !

Tout lui revint en mémoire au même instant. Le T.C.R.I., les cerveaux à tentacules, les trois énergumènes qui avaient fait irruption, l'échec de son opération... Elle fusilla la tortue du regard, qui s'empressa de lui rendre la pareille, les bras croisés sur sa carapace.

- Calme-toi, tu as besoin de rester tranquille un moment. Donnie pense que tu souffres peut-être d'un traumatisme crânien.

- Donnie ? Qui est-ce ? Et vous, qui êtes-vous ? Et surtout où suis-je ?

- En sécurité. Inutile de nous remercier, j'ai vite compris que la gratitude ne faisait pas partie de ton vocabulaire, lâcha sèchement Raph.

- Je n'en avais pas l'intention. À cause de toi et des deux autres zozos qui t'accompagnaient, mon plan a échoué lamentablement. Je m'en sortais très bien avant que vous n'arriviez.

- Ah bon ? Ton coup sur la tête a dû altérer ta mémoire, alors, parce que j'ai souvenir d'une alarme assourdissante que TU avais déclenché. Juste après que tu aies perdu connaissance, une armée entière de Kraangs a fait irruption dans la pièce où nous nous trouvions. Tu crois vraiment que ça m'a fait plaisir de te traîner jusqu'au repaire ? Non, mais c'était soit ça, soit laisser les extraterrestres te muter en une bestiole bizzaroïde pour faire des expériences sur toi. Et je commence sacrément à regretter ma décision...

- Si tu la regrettes tant que ça, arrête de toujours chercher à me sauver la vie, ça me fera des vacances, d'autant que je n'ai pas besoin de toi, ni de personne.

La jeune fille s'apprêtait à se mettre debout, mais April l'en empêcha. Avec le choc qu'elle reçut, il valait mieux pour elle de rester assise, voire couchée. Raphaël allait répliquer suite à ses paroles acerbes, cependant la rouquine l'en dissuada d'une expression autoritaire. A son grand dam, ce fut Casey qui reprit :

- Ouah, elle a du répondant, la meuf. Je crois que tu as trouvé ton maître, vieux. Pas étonnant qu'elle t'ait tapé dans l'oeil.

- Elle ne m'a pas... Grr !

- Vous allez arrêter, oui ? tonna April. Ne m'obligez pas à aller chercher Léonardo pour qu'il se charge de vous faire tenir tranquille.

- Léonardo ? Mais... Vous êtes combien, en tout ?

- Oh, excuse-moi, il est vrai que nous aurions dû commencer par nous présenter. Je m'appelle April O'Neil. Lui, c'est Casey Jones et le grognon se nomme Raphaël. Il y a également Léonardo, le chef de la bande, Donnie, qui t'a soignée, et...

- Moi !

L'adolescente fut bousculée par Michelangelo, désireux d'apparaître en personne devant la nouvelle venue. Il lui prit la main avec vivacité et la serra avec une telle énergie qu'il aurait tout aussi bien pu lui déboîter l'épaule. Avec un large sourire, il s'annonça :

- Moi, c'est Mikey. La plus cool des tortues !

- Arrête, imbécile, tu vas la faire fuir en courant.

- Mais non, j'essaye juste de me montrer amicale. Tu veux de la pizza ? Nous n'en avons plus, mais je peux toujours en fabriquer. C'est très bon pour la santé, la pizza.

- Pour l'empoisonner, oui, grommela Raph dans son dos.

- Dis, c'est quoi ton petit nom ?

Le regard de l'inconnue les étudia tous de la tête aux pieds ou pattes, les uns à la suite des autres. Elle s'attarda longuement sur Raphaël, avec un froncement de sourcils, puis termina son examen sur le visage enjoué de Mikey. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi ces tortues hybrides se préoccupaient à ce point d'elle.

- Marion, finit-elle par révéler. Je me prénomme Marion.

- Formidable, lâcha le reptile au bandeau rouge, ça nous fait toujours une information. A présent, si tu nous plutôt expliquais pour quelle raison tu cours après les boîtes de conserve ?

- Tu veux parler des extraterrestres ?

- Evidemment.

La jeune fille hésita une seconde à répondre. Elle n'était pas certaine de pouvoir faire confiance à ses interlocuteurs, néanmoins ils semblaient être également des ennemis des cerveaux à tentacules et ils ne faisaient preuve d'aucune hostilité à son égard, à l'exception du grincheux. Cela la convainquit de leur avouer ses motivations.

- Ils ont enlevé ma soeur. Ils l'ont enlevée et je me suis juré de faire l'impossible afin de la retrouver.

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