Un combat de tous les instants

Chapitre 10 : Tous pour un

3676 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 08:14

Raphaël poussa un grognement hargneux avant de décapiter un androïde avec la pointe de son sai. Ils affluaient par dizaines dans la salle où Léonardo et lui s'étaient réfugiés. Son frère lui avait demandé de lui accorder un peu de temps afin de réfléchir à un moyen de quitter le T.C.R.I. sans encombre, mais au rythme où les Kraangs affluaient, il ne tiendrait plus très longtemps.

- Grouille-toi, frérot ! Ça chauffe, ici !

- Je fais ce que je peux.

Léo balaya la salle du regard. Il venait de décimer pour sa part deux extraterrestres, au volant d'un vaisseau, plus grand que les nacelles dans lesquelles ils avaient l'habitude de se déplacer à l'intérieur du bâtiment. Il ressemblait vaguement à la soucoupe furtive que Karai les avait aidés à combattre, avant qu'ils ne trahissent.

- Si seulement Donnie était là... maugréa-t-il. Quoique... Ça ne doit pas être si compliqué, si des cerveaux à tentacules parviennent à faire fonctionner ce truc.

D'un pas déterminé, il se dirigea vers le véhicule kraang et s'engouffra à l'intérieur, par l'accès resté ouvert. L'habitacle n'était pas très grand. Il pourrait tout au plus accueillir trois ou quatre personnes, mais pas davantage. Ce n'était pas grave. Léo ne voyait à travers cet engin qu'une porte de sortie.

Raph continuait à lutter avec acharnement contre les robots, bien qu'il commence à fatiguer, lorsqu'il entendit dans son dos un léger grésillement, comme celui qu'émettaient toutes les technologiques extraterrestres. Il se retourna et ouvrit des grands yeux quand il vit la soucoupe se mettre à léviter.

- Qu'est-ce que... Léo ? s'étonna-t-il.

Il resta bouche bée en apercevant son frère à l'intérieur de cette carcasse métallique, en train de s'affairer au niveau de ce qui s'apparentait le plus à un tableau de commande. Ce dernier ne réagit pas immédiatement à la mention de son nom. Quand il le fit, ce fut pour s'écrier :

- Raph, attrape le mutagène et rapplique en vitesse ! Je crois que j'ai compris comment faire marcher cette machine.

La tortue rouge l'observa avec effroi. Léonardo avait-il perdu la raison ? Il se posait la question. La technologie kraang était extrêmement complexe et même Donnie, malgré son esprit scientifique, se laissait parfois dépasser par elle. Comment son aîné espérait-il la dompter ?

Il n'était pas particulièrement emballé à l'idée de le rejoindre à bord de ce vaisseau, pourtant il dut se résoudre à abandonner sa lutte contre les androïdes et à courir dans sa direction quand une salve de tirs fut libérée sur lui. Il se rua à toutes jambes vers le trou béant qui donnait sur l'intérieur de la soucoupe, saisissant au passage le sac rempli à ras-bord de mutagène, sur lequel ils avaient finalement réussi à mettre la patte.

- Et maintenant, monsieur Donnieinstein ? lâcha-t-il d'un ton sarcastique.

Les lasers des Kraangs continuaient à faire rage, pendant que Léonardo observait tous les boutons et les différentes manettes. Il en poussa une vers le haut, ce qui eut pour effet de mettre l'appareil en lévitation.

- Tu vois, ce n'est pas très compliqué, assura-t-il avec un sourire.

- Si ce n'est pas compliqué, qu'est-ce que tu attends, alors ? Fonce !

Un projectile extraterrestre toucha le vaisseau au moment où Léo pianotait sur un clavier lumineux. Une secousse ébranla violemment leur moyen de transport fortuit, juste avant qu'une odeur nauséabonde de brûlé ne leur parvienne. Le tir avait provoqué un dysfonctionnement dans la carlingue, qui s'enflammait.

- Dépêche-toi ! exhorta Raphaël. Ce machin est en train de cramer. Soit tu le bouges vite d'ici, soit il faut qu'on évacue.

- C'est bon, j'y suis !

A peine l'aîné des deux frères eut-il prononcé ces mots que la soucoupe fit une embardée sèche. Déséquilibré, Raph bascula sur le sol où il retomba sur sa carapace en grimaçant de douleur. C'était décidément trop d'émotions fortes en une journée, même pour lui. Il était temps que cela se termine.

- Tchao, les Kraangs ! s'exclama joyeusement Léo, tandis que sa navette fondait vers le mur du T.C.R.I.

- Euh... Tu es sûr de toi, là ?

- Absolument. Prends cette manette et utilise-la comme le joystick de la console de Mikey.

Raphaël, quoique peu convaincu par les notions de pilotage extraterrestre de son frère, obéit en silence. Il s'empara du levier, qui pouvait pivoter dans de nombreuses directions, et pressa le bouton rouge qui l'ornait à l'aide de son pouce. Un missile jaillit aussitôt d'un canon, situé sous le vaisseau, pour abattre la paroi dans un nuage de poussière.

- Aha, ouais ! s'écria la tortue rouge, soudain plus rassurée.

- Qu'est-ce que je te disais ? Franchement, Raph, tu devrais me faire confiance plus souvent.

L'intéressé ne releva pas. Il devait bien admettre que, sur ce coup, Léonardo l'avait étonné. Voler l'une des soucoupes des Kraangs était une idée complètement folle, pour ne pas dire digne de Michelangelo. A la différence près que, contrairement à tous les plans de ce dernier, celui-ci avait fonctionné.

***

Cela faisait désormais de longues minutes que Donnie, Mikey et les autres avaient rallié le toit du T.C.R.I., mais il n'y avait aucune trace de leurs frères nulle part. Bien qu'April partage leur inquiétude, elle se tenait à l'écart, en compagnie de Casey et de Marion, pendant qu'ils faisaient les cent pas.

- Toujours rien ? interrogea Michelangelo après que le spécialiste des sciences eut tenté de les contacter une nouvelle fois avec son T-Phone.

- Non. Ni Raph, ni Léo. Je n'arrive à joindre personne.

- Dans ce cas, nous n'avons pas le choix. Nous ne pouvons pas les abandonner s'ils sont en danger.

Donatello acquiesça d'un hochement de tête. Il porta une main à son bo, fixé dans son dos, mais ne l'en retira pas immédiatement. Il jeta d'abord un coup d'oeil à Casey, par-dessus son épaule, et lui ordonna :

- Raccompagne les filles jusqu'au repaire et attendez-nous là-bas.

- Quoi ? protestèrent-ils tous en chœur. Pourquoi ?

- Sait-on jamais ? Peut-être que Raph et Léo nous y attendent, même si j'en doute. Et puis, c'est trop dangereux.

- Trop dangereux ? répliqua April, vexée. Je suis une kunoichi à part entière, désormais. Je suis capable de me défendre et...

- Et tu es surtout celle qui ne doit tomber en aucune façon entre les tentacules des Kraangs. Quant à Marion, c'était sa première sortie sur le terrain, aujourd'hui. Pour des débuts, je crois que c'est amplement suffisant.

- Donnie a pas tort, approuva Mikey à l'intention de sa nouvelle amie. Ne vous inquiétez pas pour nous, tout ira bien. Avec un peu de chance, on tombera sur nos frères dès que nous aurons remis une patte dans cet...

Un fracas assourdissant couvrit la fin de sa phrase. Cela paraissait provenir du flanc ouest du T.C.R.I. Immédiatement, le petit groupe se précipita dans cette direction afin de voir ce qui se produisait. Alors qu'ils approchaient de l'extrémité du toit, une soucoupe extraterrestre apparue, son canon laser braqué sur eux.

Ils poussèrent un hurlement de terreur. Croyant leur dernière heure venue, April saisit par réflexe la main de Donnie, Casey celle de la rouquine, pendant que Marion et Michelangelo se serraient l'un contre l'autre, terrifiés. Ils fermèrent les yeux, mais les rouvrirent quelques secondes plus tard, étonnés de ne pas avoir encore entendu de déflagration.

- Oh... Ça alors !

L'accès à la cabine de pilotage venait d'être abaissée, dévoilant Léonardo et Raphaël, qui se trouvaient à l'intérieur. En dépit de la peur qu'ils leur avaient infligé à l'instant, ils paraissaient aussi terrorisés qu'eux. Ils se ruèrent vers la sortie en courant et, sans même prendre le temps de formuler la moindre explication quant à leur présence dans le vaisseau Kraang, ils s'écrièrent :

- Courez !

Les autres ne réagirent pas tout de suite, mais en voyant de la fumée s'échapper de l'appareil volant et surtout en écoutant le bruit anormal qu'il émettait, ils ne tardèrent pas à comprendre qu'il menaçait d'exploser d'une seconde à l'autre. A l'instar des deux tortues, ils prirent leurs jambes à leur coup.

Ils ne s'immobilisèrent qu'une fois qu'ils se jugèrent en lieu sûr, placés à couvert derrière l'une des deux excroissances pointues qui le rehaussaient. Mikey fixait ses frères avec un mélange de stupeur et d'admiration :

- Waouh ! Vous avez vraiment piqué une soucoupe kraang pour voler jusqu'ici ? Vous êtes trop forts, les frérots. Tapez-m'en trois !

La tortue leva sa main en l'air, que Léo, Raph et Donnie vinrent frapper en même temps. Une expression de profonde concentration passa sur le visage du benjamin, tandis qu'il se grattait le menton en marmottant :

- Hum... Il va vraiment falloir que je trouve le moyen de mettre en place un "tapez-m'en six", même si ça risque d'être sacrément balèze.

- Je suis heureux de vous revoir sains et saufs, affirma le scientifique. Je dois avouer que moi aussi, vous m'avez bluffé. S'emparer d'une soucoupe, il fallait y penser.

- C'était l'idée de Léo. Ça, en revanche, c'était la mienne.

Raphaël laissa tomber sur le sol à ses pattes le sac à dos qu'il portait sur sa carapace. Il était rempli à ras-bord de solides bocaux de mutagènes, que Donnie observa avec émerveillement. Il y en avait bien plus que ce qu'il avait espéré, largement assez pour reprendre ses recherches et surtout pour créer un antidote destiné à Karai.

- Enfin, quand je dis la mienne, disons que j'ai accepté qu'on retourne en chercher à nos risques et périls, quand nous avions brièvement réussi à semer l'armada Kraang. Je sais, je suis un héros. Inutile de me remercier.

La tortue rouge s'attendait à une réplique cynique de la part de Marion, étant donné que la jeune fille se plaisait à lui en lancer des dizaines par jour, néanmoins elle garda les lèvres scellées. Par réflexe, elle avait songé une seconde à rétorquer de façon acerbe, mais elle s'était ravisée de justesse. Après tout, il avait pratiquement fait preuve de gentillesse avec elle, dans l'ascenseur, aussi était-ce sa façon de lui rendre la pareille.

- On ferait mieux de ne pas trop s'attarder dans le secteur, souligna Léo. Si vous voulez, nous vous raconterons tout lorsque nous serons en sécurité au repaire. En attendant, il faut qu'on parte d'ici, avant que les Kraangs ne rappliquent.

Bien que les deux groupes, à présent réunis, aient de nombreuses informations à se communiquer, la proposition du leader fut acceptée à l'unanimité et, tous ensemble, ils entreprirent de regagner les égouts, grâce à l'aide des ailes mécaniques qu'ils avaient abandonnées sur le toit avant de pénétrer dans le bâtiment.

***

- Finalement, notre aventure n'est rien, comparée à la vôtre, commenta Léonardo.

Ils avaient fait une halte en chemin pour s'arrêter dans un supermarché désaffecté, d'où ils étaient repartis avec des piles entières de pizzas surgelées, au plus grand plaisir de Michelangelo. Ils étaient en train d'en déguster des parts savoureuses, dans la salle principale du repaire, tout en relatant les évènements récents.

- Les habitants de New-York sont dans la dimension X... répéta Raphaël. Maintenant que vous le dites, ça ne me parait pas si absurde que ça, mais les ramener ne va pas être une sinécure.

- Ils sont des millions, enfermés dans cette horrible alvéole, se lamenta Donnie. Il va me falloir des litres et des litres de rétro-mutagène si nous voulons tous les sauver, or je n'ai pas les moyens d'en fabriquer autant. Et, même si c'était le cas, il me faudrait des siècles pour y parvenir.

- Dire qu'ils étaient là, juste sous nos yeux.

April et Marion venaient de murmurer mélancoliquement cette phrase en chœur, ce qui leur valut d'échanger un regard peiné. Parmi ces gens mutés se trouvaient leurs familles, et se savoir impuissantes était le plus difficile à supporter pour elles.

- Encore un bout de pizza ? proposa Mikey, soucieux de rendre le sourire aux deux filles.

La rouquine accepta d'un hochement de tête la part qu'il lui tendait, mais la seconde adolescente, malgré sa prévenance, repoussa la sienne. Elle s'était déjà forcée à manger un morceau, bien qu'elle n'ait absolument pas faim. Toute cette histoire, en plus de l'abattre totalement, lui avait coupé l'appétit.

- Je... Je vais aller faire un peu de rangement, à l'étage, si personne n'y voit d'inconvénient.

April et elle avaient pris l'habitude de ranger le désordre qui régnait dans le repaire depuis l'invasion extraterrestre lorsqu'elles avaient un moment de libre, car les tortues et Casey n'étaient pas de fervents adeptes du nettoyage. Elle-même préférait employer son temps autrement, mais en cet instant, elle avait vraiment besoin d'une activité qui lui occuperait les mains et qui ne nécessiterait aucune concentration.

- Non, bien sûr, vas-y, l'encouragea Léonardo, qui avait dû percevoir son désir de se retrouver seule quelques minutes.

D'un pas lourd, Marion se dirigea vers l'escalier. Elle sentait les six paires d'yeux fixées sur elle dans son dos, mais feignit de ne rien remarquer. Elle monta les marches à un rythme régulier, jusqu'à disparaître hors de leur champ de vision. Sitôt que ce fut le cas, elle autorisa les larmes qu'elle retenait jusqu'à présent à ruisseler le long de ses joues.

Malgré la compréhension d'April et l'affection de Mikey, elle n'avait pas tenu à se mettre à pleurer devant eux. Elle l'avait déjà fait une fois, le jour où elle avait découvert leur repaire, et elle n'avait pas l'intention de recommencer. Il s'agissait d'une marque de faiblesse qu'elle préférait garder pour elle.

Elle se dirigea vers la première des quatre chambres à coucher, qui était celle de Léonardo. April et elle avaient déjà fait du bon travail, à l'intérieur, mais de nombreux débris jonchaient encore le sol, ainsi que des fragments de bandes dessinées, qu'elles avaient entrepris de ranger dans une boîte en carton au cas où l'envie viendrait à leur propriétaire de les recoller.

Elle continua à sangloter silencieusement durant un long moment, tandis qu'elle ramassait les éclats de bois qui avaient jadis constitué une commode. Elle les jetait les uns à la suite des autres dans le couloir, car comme cette séance de nettoyage n'avait pas été préméditée, elle n'avait emporté aucun sac poubelle avec elle.

Elle n'interrompit son labeur que lorsqu'elle s'enfonça par inadvertance une écharde dans le doigt. Aussitôt, une petite bulle de sang se forma à la pointe de son index, qu'elle entreprit de suçoter. Alors qu'elle contemplait sa minuscule blessure pour s'assurer qu'aucun fragment ne se trouvait encore à l'intérieur, elle entendit quelqu'un toussoter dans son dos.

Elle s'attendait à voir April, qui s'efforçait toujours de lui redonner de l'espoir dans des instants comme celui-ci, bien qu'elle-même ne soit guère mieux lotie, mais contre toute attente, c'était Raphaël qui se tenait dans l'encadrement, les mains jointes derrière sa carapace.

Marion baissa précipitamment les yeux. Elle ne tenait pas à ce qu'il aperçoive leur rougeur, mais ils étaient si gonflés qu'il était difficile de ne pas soupçonner qu'elle avait pleuré, même si ses larmes s'étaient désormais taries. Si la tortue remarqua quoi que ce soit, toutefois, elle n'en souffla mot.

- Qu'est-ce que tu veux ? s'enquit-elle d'une voix rauque. C'est quelqu'un qui t'envoie ? Léo ? Rassure-le, dis-lui que je sauverai autant de morceaux de BD que possible.

- Non, en fait... Personne ne m'a demandé de venir. Ils ne savent même pas que je suis là, sinon ils m'en auraient certainement dissuadé.

- Je me demande bien pourquoi.

Marion ne put empêcher ses lèvres de prononcer cette phrase et dut admettre qu'elle n'était pas dénuée de raison. Après tout, Raphaël était la dernière personne à avoir sa place auprès de quelqu'un qui se sentait au bord du gouffre, lui qui avait davantage tendance à pousser les gens qu'à les ramener sur la terre ferme

- J'ai quelque chose pour toi, confessa-t-il après un bref silence. Léo et moi étions en train de rechercher des tubes de mutagène quand j'ai trouvé ça dans une pièce qui servait visiblement de rebut aux Kraangs.

Il sortit son avant-bras de son dos et l'étendit en direction de la jeune fille, qui l'observa, étonnée. Entre ses trois doigts bandés, il tenait une garde finement ciselée qu'elle connaissait bien. Il s'agissait de sa rapière.

- Oh ! s'exclama-t-elle, folle de joie. Mon épée ! Je n'arrive pas à croire que tu l'as retrouvée. Merci ! Merci infiniment. Je...

Elle n'acheva pas sa phrase. Le temps pour elle de se saisir de l'arme et de baisser les yeux pour contempler sa lame acérée, Raphaël en avait déjà profité pour disparaître. Apparemment, il n'avait que faire de sa gratitude, mais malgré cela, Marion eut un sourire. Elle lui était reconnaissante de lui avoir rapporté son bien le plus précieux, ne lui en déplaise.

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