Un combat de tous les instants

Chapitre 11 : Malaises

3739 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 08/11/2016 19:28

 

April était assise à même le sol, son ordinateur portable sur les genoux, pendant que Donatello s'affairait à son plan de travail. Même si son laboratoire n'avait pas encore retrouvé une allure aussi professionnelle qu'autrefois, il avait réussi à le vider entièrement de tous les débris qui le jonchaient, vestiges des divers appareils et créations qu'il avait mis au point.

Il poussa un soupir, alors qu'il collait son oeil contre son microscope. Ce dernier faisait partie des rares outils qu'il était parvenu à sauver suite à l'invasion kraang. Il manquait cruellement de moyen, ainsi que de matériel. Fabriquer le rétro-mutagène pour Karai n'allait pas être aisé, et trouver le moyen de perfectionner le sérum pour tous les autres habitants de New-York relevait de l'impossible.

Il travaillait en silence, afin de laisser à April les moyens de se concentrer. Elle étudiait les données qu'il avait pu pirater sur le processeur des extraterrestres avant qu'elle ne débranche son T-Phone. Il manquait une partie des informations, mais elle espérait pouvoir croiser des éléments intéressants parmi celles qu'elles possédaient.

- Apparemment, les Kraang désirent étendre leur domination au-delà de New-York, mais ils n'expliquent pas comment ils ont l'intention de s'y prendre, releva l'adolescente au bout d'un long moment.

- A l'aide d'une armée, je suppose, exactement comme ils l'ont fait pour ici. Des milliers d'androïdes pénètreront dans les plus grandes villes de la planète, avec des pistolets armés de mutagère, et ils s'amuseront à terraformer la population. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi s'embêter à faire ça ? Pourquoi ne pas les exterminer, tout simplement ?

- Ils comptent les dominer. En faire leurs esclaves, en quelque sorte. Ils prévoient de bâtir d'immenses monuments à la gloire de Kraang Premier de par le monde. Je te parie que ce sont les humains qui devront se charger d'une tâche aussi révoltante.

- Dire que nous sommes les seuls à pouvoir les arrêter et que nous sommes là, à ne pas savoir comment nous y prendre...

- Nous faisons ce qui est en notre pouvoir, Donnie. Tu n'as pas à te fustiger de la sorte. L'important, c'est que nous gardions espoir, parce que c'est tout ce qui nous reste.

Le silence revint sur la salle. Donatello mélangeait désormais avec précision le contenu de fioles diverses que lui seul parvenait à distinguer et April poursuivit ses recherches dans les différents documents qu'elle avait sauvegardé sur son disque dur.

- J'ai trouvé la composition du mutagène perfectionné. Est-ce que ça peut-être utile ?

La tortue abandonna un instant son travail pour venir s'accroupir à côté d'elle, tandis qu'elle tournait son ordinateur dans sa direction. Il observa quelques secondes les notes affichées à l'écran, avant de secouer la tête, déçu.

- C'aurait pu être le cas si j'avais été en mesure d'identifier chacun des ingrédients utilisés pour obtenir le mélange final, mais ils proviennent tous de la dimension X.

- Mikey y a passé un long moment, il pourrait peut-être...

- Mikey s'amuse à renommer tout ce qu'il croise. Les dénominations qu'ils donnent à la faune et la flore de là-bas ne sont propres qu'à lui-même. Bien que je reconnaisse volontiers que ses connaissances en dimension X nous ont sauvé la mise par le passé, elles ne nous seraient en l'occurrence d'aucune utilité.

- Dans ce cas, oublie ce que je viens de dire. Je regarde si je ne trouve pas quelque chose de plus intéressant.

April s'était déjà remise à pianoter sur son clavier, mais Donatello ne se redressa pas immédiatement. Il continua de l'observer quelques secondes, étudiant avec adoration son nez retroussé, ses tâches de rousseur, sa peau délicate... Et son parfum. Oh, comme il appréciait son parfum ! Celui-ci l'enivrait plus encore que l'odeur des pizzas pour Michelangelo.

- Ahem... Donnie ?

Sans même s'en apercevoir, il s'était rapproché de l'adolescente au point de l'effleurer pratiquement. S'il avait eu plus de courage, en cet instant, il ne se serait pas arrêté alors qu'il était presque à la limite de l'embrasser, mais il n'avait pas le cran de Léo ou de Raph, ni l'insouciance de Mikey.

- Je... J'ai encore du travail. Il faut que je vérifie des tonnes de trucs. Au minimum. Puis que je laisse infuser le sérum de Karai. Et aussi... Bref, je devrais m'y remettre.

Il se leva précipitamment, manquant de se prendre la patte droite dans celle de gauche. Il avait beau être rompu au ninjutsu, en présence d'April, il devenait aussi maladroit qu'un bébé qui apprenait à marcher. Mal à l'aise, il regagna son bureau. Il n'y avait que lorsqu'il oeuvrait sur ses expériences qu'il ne commettait pas la moindre bévue.

- Je commence à avoir des crampes à force de rester assise, commenta la jeune fille. Je vais aller faire un petit tour.

- Euh... Oui, bien sûr. Vas-y. Amuse-toi bien.

"Pathétique", songea la tortue en secouant la tête avec véhémence. Pas étonnant qu'il ait Casey Jones pour rival. Si le garçon était loin d'être une lumière, il ne bafouillait jamais et faisait preuve d'une assurance à toute épreuve, sauf en présence de ras. Et encore, même cette phobie commençait à lui passer depuis qu'il côtoyait maître Splinter.

***

- Très bien. Voici la carte des égouts que Donatello avait élaborée, il y a quelques années de ça. Elle doit encore être d'actualité, à quelques détails près.

Léonardo déplia un plan gigantesque sur le sol de la salle principal. Michelangelo, Casey et Raphaël, rassemblés autour de lui, l'observèrent avec attention. Il plaça plusieurs morceaux de ficelle dessus, de façon à découper différentes zones de taille équitable, puis les désigna une par une :

- Nous nous séparerons en trois équipes. Le plus important sera d'abord d'isoler la zone dans laquelle se trouve Karai. Dès que nous l'aurons localisée, nous l'équiperons de ceci.

Il sortit de sa carapace une minuscule sphère noire, qui émettait de temps à autre une lumière rouge. Michelangelo l'étudia avec attention, tout en poussant un gémissement admiratif. Fin connaisseur, il souligna :

- Ça ressemble aux olives qu'on trouve sur les pizzas. À part qu'elles, elles ne clignotent pas, bien sûr.

- Qu'est-ce que c'est, Léo ?

- Un mouchard. Donnie en a retrouvé quelques-uns, l'autre jour, dans l'une caisse qui avait été à peu près épargnée par les Kraangs. Il suffira de le lancer sur Karai et il s'accrochera immédiatement à elle, c'est automatique.

- Et si elle plonge dans l'eau ?

- Ils sont imperméables. Donnie ne possède pas le titre de petit génie pour rien. Ensuite...

Ils furent interrompus par des bruits de pas dans l'escalier. Comme un seul homme, ils levèrent les yeux vers les marches, que Marion descendait d'un pas lent. Cela faisait plus de deux heures, désormais, qu'elle était partie s'isoler, et nul ne savait que Raphaël lui avait rendu une visite éclair, ce qu'il préférait d'ailleurs que les autres ignorent.

- Ouais ! s'exclama Mikey. T'es de retour !

Il se précipita immédiatement vers elle pour la prendre dans ses bras et l'adolescente l'accueillit avec un large sourire. Elle se sentait beaucoup mieux. Le fait que Raph lui ait rapporté sa rapière lui avait rendu le moral, en quelque sorte. Cela lui rappelait que rien n'était totalement perdu.

- Tu tombes à pic, on était sur le point d'énoncer le plan pour Lady Crochet.

- Ah non ! protesta Léonardo. Qu'est-ce que je t'ai dit ? Tu peux trouver des surnoms pour n'importe qui, mais il est hors de question que je te laisse donner un petit nom à Karai, encore moins "Lady Crochet". C'est... ridicule !

- Il a toujours eu un faible pour elle, informa Michelangelo à l'oreille de son amie. Et il est incroyablement jaloux.

- Eh ! Je t'ai entendu !

- Et alors, tu vas démentir ? coupa sèchement Raphaël. Sur ce, est-ce qu'on pourrait en revenir à la mission ?

Mikey, main dans la main avec Marion, la mena dans le cercle qu'ils formaient autour de la carte des égouts. Elle prit place entre lui et Casey, qui lui adressa une oeillade amicale. Après quoi, tout le monde se recentra sur les propos de Léo.

- Le plus difficile, ce sera de lui implanter le traceur. Elle est maligne, rapide et nous n'avons qu'un nombre limité de mouchards, car Donnie n'a ni le temps ni les moyens d'en fabriquer de nouveau, d'autant qu'il doit se concentrer sur ses recherches sur le mutagène. Par conséquent, nous n'aurons pas le droit à l'erreur.

- Et une fois qu'elle aura ce bidule sur elle ? interrogea Casey.

- Grâce au paramétrage du T-Phone, nous pourrons la suivre à la trace sur nos écrans. Dès que le rétro-mutagène sera au point, nous lui tendrons un piège, une tâche que le fait de connaître sa position exacte nous rendra nettement plus aisée. Après quoi, il nous restera plus qu'à l'asperger avec le sérum, et elle redeviendra la Karai que nous avons toujours connu.

- Personnellement, je l'ai presque toujours connu comme elle est maintenant : dangereuse, fourbe et j'en passe.

- Raph, cette période est derrière elle, désormais ! Elle s'est repentie et elle est de notre côté, maintenant. Cette fois, ça ne changera plus. Pour en revenir à mon plan... Nous avons suffisamment eu d'émotions fortes aujourd'hui au T.C.R.I., alors nous passerons à l'action demain.

- C'est dommage que maître Splinter ne soit pas encore en état de se déplacer trop longtemps, argua Mikey. Puisqu'elle lui a sauvé la vie, elle aurait peut-être pointé le bout de ses écailles en sa présence.

- J'y ai pensé, mais ce serait trop éprouvant pour lui de nous suivre dans les égouts. Il sera bien mieux ici, à se reposer et à reprendre des forces. Par contre, comme je suis celui en qui elle a le plus confiance, je partirai seul.

- Quoi ? s'exclamèrent en chœur les trois autres garçons. Depuis qu'elle a muté, elle est... imprévisible. Ce n'est pas parce qu'elle avait de l'estime pour toi autrefois et qu'elle a aidé Splinter que ça l'empêchera de vouloir te bouffer.

- Je prends le risque. Je m'occuperai du réseau de galeries qui s'étend de la 331 à la 362. Mikey, Raph et Casey, vous formerez la première équipe et vous explorerez toute la zone à partir du tunnel 377. Marion ira avec Donnie et April dans...

- Une minute... l'interrompit la tortue au bandeau rouge. Tu as vraiment l'intention de coller Marion sur la piste de Karai ? C'est du suicide.

- Eh ! s'écria l'intéressée, en colère. Je ne suis peut-être pas capable de descendre d'un ascenseur en rappel, ni de pulvériser autant de Kraangs que vous à la minute, mais je pense avoir quand même fait mes preuves tout à l'heure. Je ne suis pas une jouvencelle en détresse. Je suis capable de faire face au danger, moi aussi.

- C'est vrai, Raph. Elle a assuré pour une première fois.

- Oh, très bien, faites comme vous voulez ! Sauf que si vous aviez deux sous de jugeote, vous penseriez également que c'est une mauvaise idée. En admettant que Karai ne se laisse pas dominer par son instinct et arrive à se souvenir que nous sommes ses amis, elle n'a jamais vu Marion. Elle ne connait pas son odeur et elle ne sait pas qui elle est. C'est une étrangère pour elle. Même si elle ne s'en prend pas à nous, elle l'identifiera comme une menace et elle cherchera à l'attaquer. Et toi, ajouta-t-il à l'intention de l'adolescente, puisque tu n'es pas une jouvencelle en détresse, demande donc aux autres combien se sentent de taille à affronter Karai si elle te menace ?

Michelangelo et Casey détournèrent immédiatement les yeux en sifflotant. La kunoichi était déjà redoutable du temps où elle était humaine, et cela n'avait fait qu'empirer depuis qu'elle était devenue à moitié serpent. Elle était encore plus rapide, plus forte et plus roublarde qu'autrefois. Personne, pas même Raph, qui était pourtant de loin le meilleur combattant d'entre eux, ne saurait la maîtriser si elle cessait de se contrôler.

Léonardo, suite aux propos que son frère venait de tenir, semblait visiblement penser la même chose, car il affichait désormais une expression perplexe. Marion, entre eux, gardait le silence. Son regard passait alternativement des uns aux autres, mais s'attardait plus longuement sur Raphaël.

- Je suis désolé... confessa le leader des tortues. Je crois qu'il n'a pas tout à fait tort. Je n'avais pas pensé à ça au moment de mettre mon plan sur pieds, mais effectivement, il vaudrait peut-être mieux pour toi, ainsi que pour le bon déroulement de la mission, que tu n'y prennes pas part.

L'adolescente afficha une mine légèrement déçue, mais ne tenta pas de discuter. Si elle avait d'abord cru que Raph tentait une nouvelle fois de la tenir à l'écart, elle devait admettre que tout le monde est assez unanime concernant le sort qui l'attendait si elle prenait part à la recherche de Karai. Par conséquent, elle était contrainte de se ranger à l'avis général.

- Puisqu'il en est ainsi, je resterai au repaire pendant que vous mènerez votre course-poursuite dans les égouts.

- Nous n'avons encore rien dit à maître Splinter de ce projet, alors je compte sur toi pour garder le secret, indiqua Léo. Il n'aimerait pas nous savoir en train de prendre des risques uniquement pour lui ramener sa fille saine et sauve.

- Je serai une tombe, je peux vous l'assurer. Sur ce, je ne vais pas vous importuner plus longtemps. Fignolez donc votre plan, et bonne chance.

Elle s'était forcée à prononcer ces mots avec entrain, mais Michelangelo dut s'apercevoir que son ton était feint, car il lui adressa un sourire compatissant. En cet instant, Marion se sentait encore plus inutile que jamais depuis qu'elle avait rejoint le groupe formé par les tortues, April et Casey.

D'un pas traînant, elle s'éloigna, tandis que les quatre garçons se reconcentraient déjà sur la carte de Léonardo. Au même instant, elle aperçut la rouquine qui sortait du laboratoire de Donatello. Celle-ci ne semblait pas de meilleure humeur qu'elle et perdue dans ses pensées, elle lui passa devant sans même la voir, en se dirigeant vers l'escalier.

- Oh, Marion ? Tu es descendue ? s'exclama-t-elle, surprise, après que l'intéressée eut toussoté pour lui faire remarquer sa présence.

- Oui, depuis quelques minutes à peine et juste assez longtemps pour me faire évincer de la mission qui concerne Karai. Enfin, j'admets que Léonardo a une bonne raison de me tenir à l'écart, mais je ne peux m'empêcher d'être légèrement dépitée.

- J'allais monter là-haut pour te rejoindre et t'aider à faire un peu de ménage. Je comprendrais que tu en aies assez, mais je crois que moi aussi, j'ai besoin de m'occuper les mains, alors si tu veux m'accompagner, tu pourras m'expliquer tout ça.

- Pourquoi pas ? Il n'y a que comme ça que j'ai l'impression de servir à quelque chose.

April précéda son amie dans les escaliers en colimaçon jusqu'à l'étage, puis dans la chambre de Michelangelo, où l'odeur des vieux morceaux de pizzas en décomposition qu'elles avaient jeté trois jours auparavant ne s'était pas totalement estompée. Elles avaient longtemps essayé de concentrer leur effort sur une seule chambre à la fois, mais ce travail était si lent et si fastidieux qu'elles alternaient les pièces, afin de se dépayser un peu.

Tandis que Marion continuait à trier les objets qu'il était possible de sauver et qu'April manipulait avec précaution -et à l'aide d'un crayon à papier- les slips sales de Mikey, la première se mit en devoir de lui raconter la conversation qu'elle venait d'avoir avec Raph et Léo. Son interlocutrice, bien qu'elle compatisse avec le sentiment qui l'étreignait d'être tenue à l'écart, se rangea à l'opinion des tortues, en affirmant que cette décision était sans nul doute la plus sage.

- Et toi ? Qu'est-ce qui t'arrive ? s'enquit à son tour la jeune fille châtaine. Tu ne m'as pas semblé dans ton assiette lorsque tu es sortie du labo. Un souci avec le rétro-mutagène ?

- Non, rien, affirma précipitamment April. Tout va très bien. Je t'assure.

Sa voix aiguë et sa façon de détourner le regard d'un air gêné pour ne pas la regarder en face permirent à Marion de comprendre aisément qu'elle ne lui disait pas toute la vérité. Cela avait-il un lien avec les sentiments que Donatello lui portait vraisemblablement ? Elle était prête à parier que oui et aurait aimé en savoir plus, toutefois jouer les commères ne lui ressemblait pas. Si son amie n'avait pas envie de lui en parler, elle ne forcerait pas.

- Bon... Hum... Je crois qu'en continuant à ce rythme, nous aurons fini de vider les chambres d'ici la fin de la semaine, annonça la rouquine, désireuse de changer de sujet. Si les tortues parviennent à réparer le mobilier, elles pourront revenir dormir ici.

- Ainsi, nous n'aurons plus à supporter les ronflements de Raph et de Mikey dans la même pièce.

- Hélas, il restera Casey.

Puisque les humains ne disposaient pas de leur propre chambre, ils continueraient à passer leurs nuits au rez-de-chaussée, dans les nids de fortune qu'ils s'étaient constitués avec les couvertures et les draps que les Kraangs avaient laissé en lambeaux derrière eux.

- Il sera plus simple de l'étouffer avec une taie d'oreiller s'il est seul, commenta Marion.

Les deux adolescentes éclatèrent d'un petit rire qui, l'espace de quelques secondes, suffit à les distraire de leurs préoccupations. Cela ne fut toutefois qu'éphémère et ce fut toujours avec leurs sombres pensées qu'elles se remirent à l'ouvrage.

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