Un combat de tous les instants

Chapitre 22 : Le message

3686 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 10/11/2016 07:49

 

- Et une maxi-pizza bien chaude ! Une !

Mikey sortit joyeusement le plat italien du four pour venir le déposer sur la table de la cuisine, autour de laquelle tous les autres étaient rassemblés, à l'exception de Léonardo et de maître Splinter, restés aux côtés de Karai qui avait encore besoin de repos. Sa rétromutation avait été plus éprouvante que Donnie l'avait prévu, mais au moins, elle avait fonctionné, c'était le principal.

- Pensez à en garder au moins une part pour Léo au moment de vous servir, rappela la tortue orange.

À peine avait-il prononcé cette phrase qu'April prenait un morceau de pizza dans le carton, avant de quitter la pièce. Casey l'imita sans prononcer un mot et Donatello, soucieux de ne pas les laisser seuls tous les deux, décida de leur emboîter le pas afin de garder un oeil sur eux.

Comme Michelangelo n'était désormais plus qu'en présence de Raphaël et de Marion, il s'attendait à voir l'un ou l'autre partir en claquant la porte, mais contre toute attente, cela ne se produisit pas. L'adolescente se laissa tomber sur une chaise et la tortue en fit de même.

- Bah... Ça s'est arrangé, entre vous ? C'est parce que Raph t'a sauvé la vie, c'est ça ?

- Il faut croire, répondit Marion avec un haussement d'épaules, avant d'esquisser un sourire. Tu peux t'asseoir sans risque, on ne va pas se taper dessus avec le carton. Du moins, je ne pense pas.

Elle adressa un regard interrogatif au ninja aux yeux verts, qui acquiesça d'un hochement de tête. À présent qu'ils avaient mis la situation au clair, ils semblaient avoir temporairement épuisé leurs sujets de dispute, ce qui parut satisfaire Michelangelo.

- Enfin ! Je savais que vous finiriez par vous entendre ! Je suis trop content !

Il attrapa Marion par le cou et donna une tape affectueuse à Raphaël en le frappant au niveau du bras, ce qui lui valut une expression dédaigneuse. Après avoir mordu dans un morceau de pizza, il demanda, la bouche pleine :

- Par contre, quelqu'un sait quelle mouche a piqué April ? Et Casey ? C'est pas leur genre de bouder. Ou alors... Ou alors, ils sont ensemble et ils préfèrent rester entre eux. Ouch ! Voilà qui ne va pas plaire à Donnie.

- Ce n'est pas le cas, s'empressa de couper Marion avant qu'il ne commence à s'inventer des histoires. C'est après moi qu'ils en ont, tous les deux. Je me suis... disons disputée avec Casey hier, et avec April tout à l'heure. Ne te préoccupe pas de ça, ça finira par leur passer. Du moins, ils finiront par vous reparler à vous, puisque vous ne leur avez rien fait.

- C'est pas comme si ça me manquait, souligna Raph. Surtout cet imbécile de Casey, il est parfois encore plus lourd que toi, Mikey.

- Yeah, merci du compliment. Eh, attends... C'en était pas un !

Marion éclata d'un petit rire et s'apprêtait à lécher la pointe de son pouce, couverte de sauce tomate, lorsqu'elle sentit son portable vibrer dans sa poche. Intriguée, elle le consulta. Qui pouvait bien lui écrire ? Elle n'avait actuellement aucun correspondant, à l'exception du groupe avec lequel elle vivait, et personne ne lui aurait envoyé un sms alors qu'ils étaient tous au repaire.

- Qu'y a-t-il ? demanda Mikey, tandis qu'elle fixait son écran avec incompréhension.

- Je... Je ne sais pas.

- De mauvaises nouvelles ? grommela Raph.

- Je ne sais pas non plus.

- Quoi, alors ? insistèrent en chœur les deux tortues.

Marion déposa son téléphone au centre de la table afin de permettre à ses amis de lire l'étrange message qu'elle venait de recevoir. Il était écrit dans une sorte de langage codé, complètement incompréhensible. Elle aurait pu croire qu'il s'agissait d'une mauvaise blague, mais le numéro de l'expéditeur ne ressemblait à aucun de connu. Il ne possédait même pas d'indicatif.

- Tu devrais montrer ça à Donnie, suggéra Raph. S'il s'agit d'un message crypté, en moins d'une heure, il en sera venu à bout.

- J'aimerais surtout savoir qui me l'envoie, indiqua Marion, les sourcils froncés. Tu as raison, je vais lui demander. Mikey, tu peux finir ma part de pizza.

- Ouh... Je t'ai déjà dit que je t'aimais, toi ?

- Tous les jours, répondit la jeune fille dans un sourire, avant de l'embrasser sur le crâne.

Tandis que Michelangelo fondait sur le morceau qu'elle avait laissé sur la table, elle quitta la cuisine et fut aussitôt happée par trois paires d'yeux alors même qu'elle n'avait pas encore refermé la porte dans son sillage. Casey et April, côte à côte, l'observèrent longuement tandis qu'elle prenait soin de les ignorer, pour se diriger vers Donnie.

- J'ai reçu ça à l'instant, indiqua Marion en plaçant l'écran de son téléphone à hauteur de son visage. Est-ce que tu as une idée de ce dont il pourrait s'agir ?

- Absolument pas la moindre. Enfin, à première vue, je dirais que c'est crypté et avec l'ordinateur, si ce message a un sens, je dois être en mesure de le traduire. Qui t'a envoyé ça ?

- Je l'ignore. Je compte sur toi pour en savoir plus.

- Je peux ? interrogea Donatello en tendant la patte vers le portable.

L'adolescente le lui remit et il s'éloigna presque aussitôt vers son laboratoire, l'appareil dans une main, sa part de pizza inachevée dans l'autre. Quand il eut disparu, Marion ramena son attention sur Casey et April, qui la fixaient toujours. Les sourcils froncés, elle lâcha :

- Vous ne croyez pas qu'on ait tous mieux à faire que de se crêper le chignon ? Si tu ne l'as pas encore fait, Casey, confirme à ta copine que tu as bien essayé de m'embrasser, ça m'évitera de passer pour une mythomane.

- Il vient de le faire... avoua la rouquine. Je lui ai posé la question, et... Bref, c'est vrai que je me suis emportée sur ce coup, mais toi aussi, tu as été très désagréable.

- Je n'apprécie guère que l'on me prenne pour une menteuse. Jusqu'à preuve du contraire, j'ai toujours été franche avec tout le monde, moi.

- Tu vois, tu recommences ! protesta April.

- Pardon, ça m'a échappé. Je suis prête à enterrer la hache de guerre, si ça te convient aussi. Et toi, Casey ? Tu as l'intention de m'en vouloir éternellement pour ce râteau ?

- Ma fierté en a pris un coup, mais... Non, admit le garçon avec un haussement d'épaules. OK, on est à nouveau potes.

Marion tendit son poing serré dans leur direction, qu'ils cognèrent tour à tour afin de sceller leur amitié fraîchement retrouvée. À présent que les dernières tensions venaient d'être apaisées, le calme allait enfin pouvoir revenir sur le repaire, et ce ne serait pas du luxe.

***

Le code utilisé sur le message que Marion lui avait demandé de déchiffrer était extrêmement complexe, même pour Donnie, qui bénéficiait pourtant de l'aide de nombreux programmes informatiques. Il lui fallut plus d'une heure pour en venir à bout. Lorsqu'il y parvint, il n'en crut pas ses yeux.

Il recopia sur un papier le texte qui s'affichait sur l'écran de l'ordinateur portable d'April et le plia soigneusement en deux pour le porter à Marion. Durant son absence, celle-ci en avait profité pour informer Casey et April de la tâche qu'elle lui avait confiée et, rejoints par Mikey et Raph, ils guettaient tous impatiemment son retour.

- Alors ? s'enquirent-ils en choeur.

- C'est... C'est... Il vaut mieux que tu le lises d'abord, affirma Donnie en remettant à l'adolescente le feuillet qu'il tenait à la main.

Marion s'en saisit et le parcourut rapidement des yeux. Au fil de sa lecture, son visage perdit peu à peu en couleur, jusqu'à ce qu'elle devienne blême. Sa respiration s'accéléra, sa vision se troubla et, après avoir lu la dernière ligne, le document glissa sur le sol, où Mikey s'empressa de le ramasser.

- Ça alors ! s'exclama-t-il pendant que Raph, Casey et April étaient interpelés par l'étrange réaction de la jeune fille. Ça vient de Marianne.

- Marianne ? répétèrent-ils tous.

- Elle... Elle dit qu'elle est dans la dimension X, bredouilla Marion, et qu'elle a des informations à me communiquer. Apparemment, elle a réussi à échapper à la vigilance des Kraangs, mais elle s'expose constamment au danger. Elle a besoin de mon aide.

- En clair, ta soeur de te demande te rendre là-bas, alors que tu es censée être toute seule, en dépit du danger que ça représente ?

- Elle ne peut compter que sur moi, et d'après ce qu'elle me révèle dans son message, elle a peut-être trouvé un moyen de sauver les habitants de New-York.

Les tortues et les adolescents s'échangèrent un regard. Pouvaient-ils vraiment se fier à cela ou s'agissait-il d'un leurre ? Quel intérêt les Kraangs auraient-ils eu à attirer Marion dans la dimension X ? Ils ne procédaient pas ainsi, d'ordinaire. La jeune fille, toutefois, ne se posa pas la moindre question.

- Nous devons y aller ! s'exclama-t-elle aussitôt.

- Ouais ! l'approuva Mikey. Come back dans la dimension X !

- On ne devrait pas se précipiter, intervint Donnie. Tout le monde sait les risques que nous encourrons, là-bas. Nous ne pouvons pas décider de partir pour l'univers des Kraangs sur un coup de tête. Il faut d'abord que nous en parlions à Léo et que nous...

- Je te servirai de guide, se proposa Michelangelo sans laisser son frère terminer.

- Je serai aussi de la partie, indiqua April. Après tout, ces saletés détiennent également mon père.

- Et ma petite soeur, surenchérit Casey. Vous pouvez compter sur moi.

- Tant qu'on peut casser du méchant... conclut Raphaël, au grand dam de Donatello qui poussa un soupir, face à un tel concentré de témérité.

***

L'équilibre de Karai était précaire. Même si elle n'en avait plus conscience, elle avait perdu l'habitude de marcher sur deux jambes au cours des derniers mois. Léonardo la soutenait par un bras, maître Splinter par l'autre, tandis qu'ils la conduisaient dans la grande salle du repaire. Elle avait passé plusieurs heures couchées, et à présent, il fallait qu'elle commence à recouvrer progressivement un rythme de vie normal.

Le ninja bleu fut surpris de trouver l'endroit si calme. Il n'y avait personne à l'exception de Donatello, assis sur la bordure en pierre, qui semblait légèrement contrarié. Léo confia Karai aux bons soins de son père biologique pour fondre sur lui.

- Que se passe-t-il ? Où sont tous les autres ?

- Ils viennent de me mettre à la porte de mon propre laboratoire, commenta la tortue, acerbe. Mikey est en train de mettre sur pied une expédition dans la dimension X, à la demande de Marion.

- Quoi ? s'écria Léo. Et ça leur a pris comme ça, devant une part de pizza ?

- Non. Sa soeur Marianne lui a envoyé un message. D'après ce qu'il dit, elle a peut-être un plan pour sauver tous les habitants de New-York qui sont aux tentacules des Kraangs, mais pour ça, elle va avoir besoin d'aide. Tu les connais tous, tu sais comment ils s'échauffent vite...

- Même April ? s'étonna Léo.

- Surtout April. Pas pour le goût du frisson ou de l'aventure, mais surtout pour retrouver son père. Si tu veux tenter de raisonner cette bande d'entêtés, je souhaite bon courage. Moi, j'ai échoué.

Bien que Léonardo lui ait résumé les évènements survenus au cours des derniers mois, Karai avait des difficultés à prendre conscience de la situation, puisque la prise de la ville par les Kraangs était ultérieure à sa mutation. Elle ne conservait donc aucun souvenir de l'invasion, ni de la cité fantôme dans les égouts de laquelle ils vivaient désormais.

Elle se sentait terriblement honteuse. Quand Shredder avait décidé de s'allier avec les extraterrestres, elle n'avait pas désapprouvé son projet. Au contraire, furieuse d'avoir été trahie, du moins le croyait-elle, par Léo et les autres, elle avait vu cette association comme un moyen de se venger.

À présent qu'elle savait où cela les avait conduits, elle regrettait son attitude. Le leader des tortues n'avait pourtant eu de cesse de lui répéter quelle menace les Kraangs représentaient, et si elle avait été un temps de son avis, elle avait tourné le dos à ses mises en garde lorsque la haine l'avait aveuglée.

- Léo... commença-t-elle en le voyant s'éloigner vers le laboratoire.

- Je reviens dans une minute, assura-t-il. Je vais les ramener dans le droit chemin en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

***

Mikey était assis sur le plan de travail de Donnie et racontait en détails à une Marion mi-émerveillée, mi-sceptique, ce qui leur était arrivé lors de leurs aventures dans la dimension X, à lui en particulier. Pendant ce temps, Raphaël fouillait les différentes étagères à la recherche du système d'oxygène qu'ils avaient utilisé pour pouvoir respirer dans l'univers des Kraangs.

- L'ennui, c'est que nous n'avons plus de portail, indiqua April. Comment allons-nous nous rendre là-bas ?

- Fastoche ! s'exclama Casey. En passant par le T.C.R.I.

- La dernière fois, on ne peut pas dire que la mission là-bas a été un succès.

- Honnêtement, je ne sais pas comment ça se passait avant mon arrivée dans l'équipe, mais depuis que je suis ici, je crois qu'aucun de vos plans ne s'est déroulé comme prévu, souligna Marion. Nous nous en sommes pourtant tous tirés indemnes à chaque fois.

- C'est ce que je dis toujours, commenta Raph. Pourquoi perdre du temps à réfléchir ? On fonce dans le tas et on avise, ça ne peut pas être pire.

L'adolescente lui adressa un sourire par-dessus son épaule, auquel il ne s'attendait pas, mais qu'il consentit à lui rendre. À présent qu'ils avaient enterré la hache de guerre, ils semblaient pratiquement sur la même longueur d'onde, ce qui n'échappa pas à Casey. Malgré l'expression neutre qu'il s'efforça de conserver, ses sourcils s'arquèrent légèrement.

- Dites donc, je peux savoir ce que vous fabriquez, tous les cinq ?

Le groupe sursauta. Perdus dans leurs réflexions et leurs élucubrations, ils n'avaient pas entendu la porte s'ouvrir sur Léonardo, qui les fixait désormais avec autorité, les pattes croisés sur son poitrail.

- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Donnie m'a dit que vous projetiez de vous rendre dans la dimension X suite à un message que Marion aurait reçu de sa soeur disparue. Vous n'êtes pas sérieux ?

- Bien sûr que si ! confirma joyeusement Mikey. Et c'est moi qui serai le chef de l'expédition. Je connais le coin mieux que personne, alors...

- Alors, c'est de la folie. Les Kraangs sont plus puissants que jamais, comme on a pu s'en rendre compte par nous-mêmes au T.C.R.I. Si en plus on s'aventure directement dans leur univers, ils ne feront qu'une bouchée de nous.

- Léo, tu sais que je ne suis pas la plus téméraire de la bande, mais il va bien falloir se résoudre à agir tôt ou tard, déclara April. On ne peut pas laisser indéfiniment les habitants de New-York aux tentacules des Kraangs, ni les extraterrestres poursuivre leur but de terraformer la Terre. Nous devons les affronter. Autant que ce soit maintenant.

- Marianne compte sur moi, surenchérit Marion. Je ne peux pas la laisser toute seule là-bas, surtout qu'elle a vraisemblablement un plan. Je la connais par coeur. Si elle dit qu'elle peut sauver tout le monde, c'est que c'est effectivement le cas. Elle ne m'exposerait jamais au danger sans un motif valable.

- Peu importe. C'est trop dangereux et nous ne sommes pas prêts pour une telle mission. Nous devons encore...

- Quoi ? Risquer nos carapaces dans les égouts face aux sbires de Shredder ? répliqua Raph. Pour sauver Karai, on a tous failli y passer. Casey, Mikey, Donnie, moi et même Marion a manqué de se noyer. C'est bon, le danger, on connait, et on est de taille à y faire face.

- Vous...

- T'as visiblement pas compris, Léo, coupa son frère. Ce n'est pas une négociation. On y va, un point c'est tout.

- Tu m'as déjà fait ce genre de chantage pour aller au T.C.R.I. et...

- Et jusqu'à preuve du contraire, on en est tous revenus vivants. Même Marion et Mikey.

Les deux intéressés ne s'offusquèrent même pas de la remarque ironique de Raphaël, trop occupés à ponctuer chacun de ses propos d'un hochement de tête. Léonardo, bien décidé à ne pas lâcher un pouce de terrain, cette fois, répliqua, déterminé :

- D'accord, alors ce sera effectivement sans moi. Je suis censé être le chef, or vous passez maintenant votre temps à saper mon autorité. Puisque c'est à se demander à quoi je sers, je suppose que je ne vous manquerai pas.

- Non, en effet, affirma Raph.

Les deux tortues se fusillèrent du regard, les émeraudes de Raphaël croisant les saphirs de Léonardo. Celui-ci fut le premier à détourner le sien, avant de lâcher dans un murmure colérique :

- Vous n'êtes bon qu'à en faire qu'à votre de tête, de toute façon.

Sur ces mots, il tourna les talons et quitta la pièce, furieux contre lui-même d'avoir échoué, tandis que dans son dos, les autres poussaient des cris de joie, heureux d'avoir obtenu le dernier mot, acquis en grande partie grâce à la répartie de Raphaël.

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