Un combat de tous les instants

Chapitre 21 : Des hauts et des bas

3419 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 14/07/2016 22:06

 

- Trente-sept. Tout va bien, tu n'as pas de fièvre.

Donatello recula son thermomètre pendant que Marion était secouée par un éternuement. Même si elle s'en tirait plutôt bien, elle n'échapperait visiblement pas à un léger rhume suite à sa baignade forcée. Elle n'avait pas la chance de posséder un corps couvert d'écailles comme les tortues pour la protéger.

- Tiens, bois ça. Le chocolat chaud est le meilleur des remèdes après avoir pris froid.

Michelangelo lui tendit une tasse fumante, de laquelle exhalait une douce odeur cacaotée. Au moment de la lâcher, il en renversa par inadvertance sur le chemisier sec qu'elle avait revêtu une fois revenue au repaire. Il s'excusa précipitamment, mais elle lui indiqua d'un sourire qu'elle ne lui en voulait pas.

Afin de compenser sa maladresse, il s'empressa de déposer sur ses épaules une couverture, dans laquelle elle s'emmitoufla. Ils étaient tous regroupés dans la grande salle, à l'exception de Léonardo et de maître Splinter qui se trouvaient dans les appartements de ce dernier, auprès de Karai. Si elle avait recouvré sa forme humaine, elle n'avait toujours pas repris connaissance.

- Ne t'inquiète pas, je vais prendre soin de toi, affirma Mikey. Si tu veux, je te laisserai même choisir la pizza pour le repas.

- En fait, je crois que je préfèrerais des raviolis, avoua Marion, penaude. C'était la spécialité de la soeur et ça me manque de ne pas en manger.

- Bah... Ça reste italien. On doit bien avoir une boîte de conserve qui traîne quelque part, on en a rapporté des tonnes de chez April.

- Moi, ce qui me manque le plus, ce sont les gyosas à la pizza de Murakami, soupira mélancoliquement Donatello.

Marion acquiesça distraitement. Michelangelo lui avait déjà parlé de ce plat que le cuisinier aveugle avait inventé pour eux, mais elle n'avait jamais eu l'occasion d'y goûter, puisqu'il avait disparu en même temps que tous les autres quand les Kraangs avaient envahi New-York. Les tortues ignoraient s'il avait pu s'échapper ou s'il était tombé entre les tentacules des extraterrestres.

L'adolescente était en train de boire sa dernière gorgée de chocolat chaud, désormais plus tiède que brûlant, quand la porte du dojo coulissa précipitamment. Léonardo apparut dans l'encadrement, un large sourire sur le visage, tandis que tous les regards s'orientaient dans sa direction.

- Elle est en train de se réveiller ! s'exclama-t-il joyeusement. Venez vite !

Donatello fut le plus prompt à réagir, suivi de près par April. Casey l'imita, mais Mikey hésitait. Comme Marion n'avait pas l'air tentée de se précipiter au chevet de celle à qui elle devait ses éternuements récurrents et sa douche froide, il s'en serait voulu de la laisser seule.

- Ça va aller, ne t'inquiète pas, assura-t-elle. Va avec les autres.

Michelangelo ne se le fit pas répéter. Il se précipita vers le dojo et disparut de l'autre côté, tandis que l'adolescente demeurait seule dans la grande salle. Elle croyait l'être, du moins,  emmitouflée dans sa couverture chaude, avant de prendre conscience de Raph n'avait pas bougé non plus à l'annonce du réveil de Karai.

Il était assis sur le bas des marches de l'escalier et il lui tournait le dos. Le menton calé sur son poing serré, son coude placé sur son genou, la tête légèrement baissée, il semblait perdu dans ses pensées. Dans un bruissement de tissu qu'il ne perçut pas, Marion se mit debout.

D'un pas lent, elle traversa la pièce, l'étoffe qu'elle tenait autour de son corps balayant le sol dans son sillage. Raphaël ne la sentit approcher qu'une fois qu'elle fut pratiquement à sa hauteur. Il sursauta. Pour un ninja, il était capital de toujours percevoir une présence, or songeur comme il l'était, il n'y avait pas prêté la moindre attention.

- Pourquoi est-ce que tu ne les as pas accompagnés ? demanda Marion en prenant place à côté de lui.

- Ils sont déjà bien assez nombreux comme ça. De toute façon, on ne peut pas dire que Karai et moi sommes bons amis. Je ne l'ai jamais supporté et c'est réciproque. Et puis... Et puis, pourquoi est-ce que je te raconte ça, moi ? Qu'est-ce que ça peut bien te faire, d'abord ?

- Rien. J'étais curieuse, c'est tout.

- Et toi ? Pourquoi tu n'as pas accompagné Casey pour lui tenir la main ?

- Oh, s'il te plaît, arrête avec ça ! protesta la jeune fille. C'est lui qui a tenté de m'embrasser. Quand tu es arrivé, ça faisait déjà plusieurs secondes que je m'efforçais de le repousser, mais tu n'as vu que ce que tu as voulu voir, comme toujours. Tu n'es rien d'autre qu'une fichue tête de mule !

Raph ne releva pas immédiatement. Était-elle en train de lui mentir pour qu'il cesse ses cinglantes réflexions ou s'agissait-il de la vérité ? Le doute était permis, puisqu'il n'avait pas réellement vu Marion lèvres contre lèvres avec Casey. Cela corroborerait également avec l'avis de Donatello.

- Si c'est le cas, pourquoi est-ce que tu ne l'as pas dit plutôt ?

- Pourquoi l'aurais-je fais ? Tu étais tellement convaincu d'avoir raison que tu aurais refusé de m'écouter. Qui plus est, même s'il s'était vraiment passé quelque chose entre Casey et moi, je ne vois pas en quoi ça te regarderait.

- Tu es censée être l'amie d'April, et il est clair qu'elle a des sentiments pour lui.

- Pour savoir ce qu'April ressent, il faudrait être dans sa tête, je crois, marmonna Marion entre ses dents.

Elle fut victime d'un nouvel éternuement et un frisson lui parcourut le corps. Afin de lutter contre cela, elle resserra davantage sa couverture autour d'elle, mais ne parvint pas pour autant à gagner un peu plus de chaleur. Contre toute attente, Raphaël vint passer un bras autour de ses épaules pour la réchauffer. Elle l'observa avec des yeux ronds.

- Quoi ? grogna-t-il lorsqu'il s'aperçut qu'elle le fixait.

- Non, rien. C'est juste que... c'est plutôt gentil, comme geste.

- C'est surtout que tu grelottes et que ça me tape sur les nerfs. Ça me rappelle le nombre incalculable de baffes que j'ai dû flanquer à Mikey avant des missions parce qu'il claquait des dents.

- Dans ce cas, tu aurais tout aussi bien pu te contenter d'une gifle. Ça fait circuler le sang et, par la même occasion, ça améliore la température du corps.

Raphaël ne releva pas et Marion n'insista pas dans la provocation. Elle se sentait plutôt bien, avec le bras de la tortue dans son dos, et elle bénéficiait du mouvement circulaire qu'il exécutait sur la couverture pour diffuser une douce chaleur à travers le tissu. C'était agréable.

- Tu sais, tu n'es pas le seul à t'être trompé, confessa-t-elle au bout d'un moment.

- Bah tiens...

- Si, je t'assure. Moi aussi, j'ai eu tort. Il semblerait que, finalement, tu ne sois pas aussi crétin que je n'ai pourtant eu de cesse de le répéter récemment.

Raphaël résista quelques secondes, mais finit par laisser le sourire qui titillait sa bouche s'exprimer. Il détourna la tête, trop tard cependant pour qu'il échappe à Marion. Cette dernière s'en amusa, puis se décala de quelques centimètres sur sa droite, afin de se rapprocher de lui.

***

Karai battit faiblement des paupières. Elle souffrait d'une épouvantable migraine et elle avait l'impression que son corps la brûlait de l'intérieur. Sa vision était floue, elle était incapable de distinguer le lieu dans lequel elle se trouvait, pas plus que l'ombre difforme qui était penchée au-dessus d'elle.

Elle percevait des murmures, mais ils se répercutaient douloureusement en écho dans son esprit sans qu'elle ne réussisse à en saisir le moindre mot. Elle avait totalement oublié ce qui avait bien pu lui arriver. Elle tenta de bouger, mais au même moment, une nausée la secoua.

Elle se mit à hoqueter bruyamment et elle entendit de l'agitation autour d'elle. Alors qu'elle se redressait péniblement sur un coude, afin de ne pas s'étouffer, ses yeux recommençaient à voir convenablement et elle distingua une bassine qu'on venait juste de déposer à côté d'elle.

Elle était en train de vomir à l'intérieur lorsqu'elle entendit un bruit étrange, solide. Il s'agissait d'un petit palet noir, en grande partie fondu, ou plus exactement dissous. Qu'est-ce que cette chose faisait dans son estomac ?

- Karai ? Est-ce que tout va bien ?

Cette voix lui était familière. Elle se retourna, pour voir deux yeux bleus à la forme oblongue qui la fixait avec inquiétude. Elle reconnut Léonardo, son vieil ennemi devenu au fil du temps son ami. Elle acquiesça d'un hochement de tête, qui intensifia son mal de crâne. Elle y porta aussitôt sa main.

- Non, avoua-t-elle, on dirait que mon cerveau va exploser.

- April, va lui chercher un médicament. La trousse est rangée dans la salle de bain, au rez-de-chaussée.

April ? Elle était là, elle aussi ? En regardant autour d'elle, Karai constata qu'ils étaient nombreux. Trois des quatre tortues étaient présentes, ainsi que cet adolescent qui avait rejoint leur bande et dont elle était incapable de se souvenir du nom, et la rouquine. Il y avait également maître Splinter.

- Père... murmura-t-elle en le voyant.

- Miwa, ma très chère.

Le rat mutant tendit les pattes dans sa direction et elle essuya ses lèvres, salies par un filament de bile, avant d'accepter son étreinte. Elle avait été si injuste avec Hamato Yoshi, ainsi qu'avec ses disciples, tout cela parce que Shredder l'avait manipulée. Elle ne pourrait jamais se le pardonner.

- Père, comment suis-je arrivée ici ? Que s'est-il passé ?

- Tu ne te souviens pas ? interrogea Donatello. La mutation ? Tu as été transformée en serpent après être tombée dans du mutagène.

- Je...

Karai ferma les paupières pour mieux se concentrer. Elle rassembla ses souvenirs, d'abord épars dans son esprit confus, et parvint à se remémorer la cage dans laquelle Shredder l'avait enfermée, juste au-dessus du bassin. Un frisson parcourut son corps lorsque sa chute lui revint en mémoire.

- C'est le trou noir après ça, indiqua-t-elle après avoir narré ses réminiscences aux tortues. Est-ce que c'est normal ?

- La mutation demeure un mystère, même pour moi, indiqua Donnie. J'imagine que c'est dû au fait que, sous ton autre forme, ton instinct animal a pris le pas sur ton instinct humain. Ça expliquerait que tu aies tout oublié à ton réveil, du moins je suppose.

- Et Shredder, où est-il ?

- Quelque part à la surface, informa Léo. Il a envoyé ses sbires tenter de te capturer, mais nous avons réussi à le contrer et à te ramener ici saine et sauve. Tu es en sécurité, à présent.

- Merci, les garçons. Il semblerait que je vous doive une fière chandelle.

Karai adressa un sourire à la tortue au bandeau bleu, qui le lui rendit immédiatement. Il passa ensuite une main derrière sa nuque, gêné. Il la trouvait encore plus belle que le souvenir qu'il avait gardé de sa forme humaine et, pour un peu, il aurait presque rougi de son regard charbonneux posé sur lui.

***

April se glissa sans bruit hors du dojo pour traverser la grande salle jusqu'à la salle de bain, pour y prendre les médicaments réclamer par Léo. Elle n'avait parcouru que deux mètres lorsqu'elle remarqua les silhouettes de Raph et de Marion au bas des escaliers. À leur vue, elle dut cligner des yeux à deux reprises.

Non, elle ne rêvait pas, le ninja tenait bien l'adolescente enlacée. Que se passait-il ? D'ordinaire, ils parvenaient tout juste à prendre un petit déjeuner ensemble sans se jeter des fourchettes au visage et il passait tout leur temps libre à se lancer des réflexions désagréables.

Afin de faire remarquer sa présence, April décida de feindre une quinte de toux. Marion sursauta et Raphaël s'empressa de retirer son bras de son dos. Tandis que son amie se tournait vers elle, la rouquine franchit la distance qui la séparait de la marche sur lesquelles ils étaient assis. Elle décida de feindre l'indifférence pour le moment :

- Karai s'est réveillée, mais elle souffre d'une violente migraine. J'ai oublié sur quelle étagère sont rangés les comprimés pour les maux de tête. Est-ce que tu le sais ?

- Euh... De mémoire, non, répondit Marion. Je peux t'aider à chercher, par contre.

April acquiesça et la jeune fille se leva pour lui emboîter le pas jusqu'à la salle de bain. Elle la précéda à l'intérieur et sitôt que la rouquine en eut à son tour franchit le seuil, elle referma précipitamment le battant dans son dos.

- Tu m'expliques ? dit-elle aussitôt.

- T'expliquer quoi ? répéta Marion, surprise.

- Qu'est-ce que c'était que cette scène avec Raphaël ? Vous ne vous supportez pas, or j'arrive à l'instant et je le vois te serrer contre lui.

- J'avais froid, c'est tout. C'était pour me réchauffer.

- Tu ne le supportes pas. Telle que je te connais, ou du moins que je crois te connaître, tu aurais sorti une réplique comme : "Je préfère encore mourir gelée plutôt que de t'approcher à moins d'un mètre."

- Il m'a sauvé la vie, tout à l'heure. C'est un peu différent.

- Tu lui as sauvé la vie hier, pourtant vous vous êtes plus disputés que jamais au cours de ces dernières vingt-quatre heures.

- Et alors ? C'est comme ça, que veux-tu que je te dise ?

- La vérité, lâcha April. Ce matin, Donnie m'a interrogée à ton sujet. Apparemment, Raph aurait fait courir le bruit que tu en pinces pour quelqu'un de la bande, sauf que maintenant, je te retrouve dans ses bras. À quel jeu est-ce que tu joues, exactement

- Ah, parce que tu crois que c'est ça ? répliqua Marion, vexée. Un jeu ? Si tu veux la vérité, la voilà. Hier, Casey a essayé de m'embrasser et je l'ai repoussé, sauf que Raph a surpris la scène, qu'il a mal interprétée. J'ai essayé de m'expliquer avec lui et je viens juste d'y parvenir... Atchoum... entre deux éternuements. Je suppose que sa gentillesse soudaine était un moyen d'effacer son odieux comportement.

- J'ai du mal à concevoir qu'il s'agisse de la vérité. Casey a toujours eu un faible pour moi, ce n'est un secret pour personne.

- Que tu me croies ou non, ça n'a aucune importance. Je n'ai pas de compte à rendre à une fille qui est incapable de tirer au clair ses propres sentiments et encore moins de se montrer honnête envers les gens qui l'entourent. Tu penses que je joue un jeu, mais dis-moi... De nous deux, qui s'amuse vraiment ? Moi ? Ou toi ? Donnie... Casey... C'est ça que tu souhaites ? Les avoir tous à tes pieds ? Félicitation, tu en as déjà deux sur cinq. Plus que trois !

April serra les dents. Les propos de Marion étaient odieux, elle qui avait pourtant vite appris à la considérer comme sa meilleure amie et une confidente de choix. La jeune fille, pour sa part, ne s'en voulait pas des mots durs qu'elle venait de prononcer. À ses yeux, ils valaient ceux de la rouquine.

- Je crois que je te déteste... marmonna April.

- Comme ça, nous sommes deux.

Marion se dirigea vers le fond de la salle de bain et parcourut rapidement l'étagère du regard, jusqu'à trouver une petite boîte jaune qui contenait des médicaments à base de paracétamol. Elle la jeta avec virulence en direction de l'autre adolescente, qui l'attrapa au vol.

- Cours, princesse. Ne fais pas attendre tes princes charmants. Un conseil, tout de même. Si tu veux plaire à Mikey, n'oublie pas de te tartiner d'anchois.

April la fusilla du regard, puis tourna rageusement les talons. Marion croisa les bras sur sa poitrine avec dédain tandis qu'elle faisait claquer la porte dans son sillage. Elle n'arrivait pas à croire que la rouquine se permette de lui faire la morale, et qu'en plus de cela, elle remette en doute son honnêteté, elle qui n'avait pas la franchise de s'exprimer. Elle ne manquait pas de toupet.

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