Un combat de tous les instants

Chapitre 80 : Mission accomplie

2774 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 03/03/2021 22:28

- La façade est tombée ! annonça Michelangelo.

Précision pour le moins inutile, car ils avaient tous senti la secousse provoquée par le pan de mur que le laser avait découpé. Mikey ne pouvait cependant pas s’attaquer à la paroi suivante, au risque de blesser ses amis qui se battaient juste derrière.

- Prévenez-moi quand je pourrai continuer.

- C’est qu’on est un peu occupé, là, répliqua Léo.

D’un coup de sabre, il réussit à trancher l’une des jambes bioniques de Kraang Second, pendant que son frère bondissait dans les airs pour enfoncer son sai intact dans son poitrail métallique, qui émit une gerbe d’étincelles.

- Raph ! Attrape !

Marion lui lança son épée par-dessus le mur d’androïdes qui s’était dressé entre April et elle et les deux ninja. La tortue la rattrapa de justesse alors que Kraang Second s’agitait dans tous les sens pour tenter de lui faire lâcher prise. Raphaël sectionna un autre de ses membres.

Marion, désarmée, se pencha pour ramasser le pistolet qu’April venait de pousser vers elle d’un coup de pied. Ensemble, elles abattirent les exosquelettes qui leur faisaient face, puis enchaînèrent avec ceux qui menaçaient les deux frères, afin qu’ils puissent rester concentrés sur leur tâche.

- On y est... presque.

Marion changea radicalement de ton au moment de prononcer le dernier mot à l’intention de Mikey, car elle venait de remarquer qu’une chose étrange était en train de se produire. Le mur de diamant s’écartait lentement, comme mu par un mécanisme silencieux.

- Non, ce n’est pas la paroi qui bouge ! s’affola April. C’est le sol !

En effet, le plancher était en train de s’enfoncer progressivement sous le mur opposé, réduisant de plus en plus l’espace où elles pouvaient se mouvoir. Avec effroi, elles découvrirent ce qui se trouvait juste en dessous.

- Du mutagène... Cours, Marion ! Cours !

L’adolescente ne se le fit pas répéter. Contrairement à April qui était immunisée contre la principale arme des Kraangs, elle-même serait transformée en quelque créature difforme si elle devait sombrer dans ce flot visqueux. Elle s’empressa de regagner le corridor par lequel ils étaient entrés et s’y engouffra à l’instant où le sol achevait de se dérober sous ses pieds.

Même une fois en sécurité, elle ne ralentit pas l’allure et, ignorant Michelangelo qui tentait de comprendre ce qui se passait via le communicateur, longea le couloir principal pour rejoindre l’entrée empruntée par Kraang Second. Elle poussa un soupir de soulagement en découvrant Raph et Léo pantelants, mais indemnes.

L’extraterrestre continuait à leur faire face, néanmoins l’incident n’avait pas suffi à lui permettre de reprendre l’avantage. Il était bancal, et surtout tout seul, alors que les ninja étaient deux pour l’affronter. Et même trois, désormais.

Marion n’avait plus d’arme, ayant lâché son pistolet dans sa précipitation et Raph ayant toujours épée en sa possession, mais sa surforce, couplée au déséquilibre du robot que manœuvrait Kraang Second, lui suffirent amplement. Elle contracta son poing et frappa la carcasse de métal, la projetant sur le flanc. Les membres que le robot possédait encore émirent de grands mouvements désordonnés, jusqu’à ce que les tortues les tranchent à leur tour.

L’extraterrestre, vaincu, tenta de battre en retraite, avec pour cela l’intention de plonger dans la rivière de mutagène, mais c’était sans compter sur April qui avait traversé le liquide à la nage. Elle surgit devant lui et lui asséna un coup de tessen au niveau du front, juste avant que Raph ne le projette contre le mur de diamant d’un coup de pied. Il y resta accroché à l’aide de ses tentacules, et Marion l’acheva en lui lançant un morceau de métal prélevé sur son exosquelette, qui le réduit à un tas de gelée rosâtre répugnante.

- Mikey, c’est bon, on est en sécurité sur le flanc droit de la ruche. Tu peux découper la deuxième paroi.

Ils entendirent le bruit caractéristique du laser en train de tailler une ouverture dans un pan du mur, qui ne tarda pas à s’affaisser. Le cri que Marianne poussa dans les communicateurs lui fit écho.

- Ça y est, j’y suis ! Botticelli ? Botticelli ! Vous avez fini avec les Kraangs ?

- Presque. Laisse-nous encore une minute, et on embarque.

- Et moi ? lança Casey. On m’oublie ?

Il avait abattu les dernières navettes furtives et se posa sur la façade qui gisait désormais à l’horizontale sur un tas de carcasses kraangs endommagées, que les cerveaux avaient désertées. Il bondit à terre et s’empressa de rejoindre ses amis.

Depuis l’entrée de la ruche – ou ce qu’il en restait –, ils regardèrent à distance Donnie, Slash et Leatherhead se débarrasser des derniers résidus de l’armada extraterrestre. Alors qu’ils remontaient à bord du technodrome, la voix de Mikey résonna aux oreilles de tout le monde.

- Marianne... Tu as la même chose que moi sur tes écrans ?

- Oui, souffla la jeune femme. Je prends les commandes. Prépare ton laser. Détruis cette espèce de paroi en diamant, et toi, Botticelli, tiens-toi prêt à déverser le rétro-mutagène.

- Pourquoi ? s’inquiéta Léo. Qu’est-ce qui se passe ?

- Des renforts en approche. Beaucoup. Je dirais qu’ils seront à peu près là dans vingt-huit unités de temps kraang, soit environ dix minutes. À ce propos, j’ai analysé la composition de l’air. À cause des modifications qui ont dû être faites pour altérer la gravité, il n’est pas aussi toxique que dans le reste de la dimension X. Il faudra environ quatre minutes à un adulte pour suffoquer, et un peu moins à un enfant. Ils devront être évacués en priorité dès qu’ils auront été retransmutés.

Le laser du technodrome traversa une nouvelle fois la plateforme, tandis que l’appareil progressait lui aussi, mais Mikey interrompit immédiatement son tir, car si le diamant avait été entamé, il réfléchissait surtout l’onde d’énergie pour la renvoyer à sa source, exactement comme il l’avait fait avec les tirs de pistolet d’April.

- Oriente le canon à un angle de soixante-douze degrés, estimèrent en chœur Marianne et Donnie, une consigne de Michelangelo s’empressa d’exécuter.

Le retour du laser évitait ainsi le technodrome, juste assez pour ne pas risquer d’endommager sa coque. Donatello remonta à bord avec les Mutanimaux, et l’appareil progressa lentement en direction de la ruche, au même rythme que le diamant se morcelait. Quand, enfin, la paroi s’écroula, Raph, Léo, Marion, April et Casey reculèrent tous de quelques pas.

- Et maintenant ? demanda le ninja bleu.

- Trouvez le moyen de désactiver les alvéoles, indiqua Marianne. J’arrive pour l’évacuation.

Il était convenu que ce serait les quatre humains qui serviraient de guides aux habitants de New York une fois que leur apparence naturelle leur aurait été rendue. La vue des tortues, après ce qu’ils avaient traversé, n’aurait fait que les angoisser et donner potentiellement lieu à une scène de panique nuisible au bon déroulement des opérations.

- Tu pourrais être un peu plus précise, le choléra ! Tu t’es échappée de ce truc, non ? Alors...

- J’ai trafiqué mon alvéole de l’intérieur, et sans matériel, sans aucune connaissance de la technologie à laquelle j’avais affaire, le tout avec ces immondes tentacules en guise de main, il m’a fallu des jours, répliqua Marianne. Je suppose qu’il doit y avoir une sorte de panneau de commande, quelque part. Ou...

- Des leviers, coupa April, une main sur sa tempe. Il y en a un pour chaque rayon de la ruche.

- Ok, on y va, annonça Casey. Je me charge de ceux du fond.

Grâce à ses rollers et au temps qu’il avait passé dans la navette furtive plutôt qu’à se battre à même le sol, il n’avait pas été aussi éprouvé par la pesanteur que ses amis, et serait par conséquent le plus rapide. Les autres s’élancèrent dans son sillage. Ils n’avaient pas une seconde à perdre s’ils voulaient avoir terminé avant l’arrivée de la nouvelle armada.

Les câbles qui parcouraient les alvéoles cessèrent de luire au fur et à mesure que les Terriens les déconnectaient, et les mutants recroquevillés à l’intérieur commencèrent à s’agiter, conscients que quelque chose d’inhabituel était en train de se passer.

- Marianne ? lança Marion à la jeune femme qui avait débarqué du technodrome. C’est bon, on a fini.

- Parfait. Les mutants, mettez-vous à couvert. Botticelli, envoie la sauce. Michelotto, prépare-toi à actionner l’ouverture des portails.

Léo et Marion, au cours de leurs différentes missions communes, avaient réussi à se procurer huit modèles portatifs, que Marianne avait démontés et réassemblés pour les rendre beaucoup plus pratiques, avant de les greffer au technodrome. Mikey n’aurait qu’à appuyer sur un bouton et les humains à franchir in portail pour que tout le monde puisse regagner la Terre.

April, Marion et Casey se recroquevillèrent sur eux-mêmes tandis que Léo et Raph s’éloignaient le plus possible des rayons, afin de ne pas être effleurés par la moindre goutte de rétro-mutagène. Ils n’avaient pas envie de connaître la même expérience malencontreuse que leur cadet.

Le technodrome effectua un tour complet de la ruche, pulvérisant sur son passage l’intégralité des cuves d’antidote. Alvéole par alvéole, les humains redevinrent eux-mêmes, tandis que Michelangelo s’adressait à eux depuis la salle de pilotage.

- Nous sommes des Terriens venus vous porter secours. Quittez les rayons et rassemblez-vous à l’extrémité du bâtiment. Dès que vous verrez apparaître de grands triangles roses, franchissez-les, les enfants en priorité. Ils vous reconduiront sur notre planète. Nous sommes des Terriens venus...

Le message était répété en boucle. Certains individus paraissaient méfiants, quelques-uns crièrent que ce n’était sans doute qu’un piège pour les envoyer à la mort, mais la plupart, trop heureux d’avoir retrouvé le corps qui était le leur et convaincus qu’aucun sort ne saurait être pire que celui qu’ils avaient connu, obtempérèrent.

- Papa !

L’exclamation d’April, débordante de joie, couvrit le brouhaha émis par ces milliers de New-Yorkais qui convergeaient dans la même direction. Ses pouvoirs psychiques l’avaient aidée à localiser Kirby O’Neil parmi la foule pourtant très dense, encadrée d’un côté par Marion et Casey, de l’autre par Marianne.

L’adolescente se jeta dans les bras de son père, qui l’étreignit maladroitement, comme s’il avait du mal à réaliser qu’elle était bel et bien là, devant lui, et que son cauchemar touchait à son terme.

- Économise ton souffle, papa, et suis les autres, conseilla April après l’avoir serré une nouvelle fois contre elle.

- Tu ne viens pas avec moi ? s’affola Kirby, avec la voix rauque de ceux qui n’ont pas eu l’occasion de parler depuis longtemps.

- J’arrive tout de suite derrière. Je dois aider mes amis à...

- Non, April, pas question ! Je viens à peine de te retrouver, je refuse que nous soyons encore séparés ! Soit tu m’accompagnes, soit je ne bouge pas.

Le soupir de Marianne résonna dans le communicateur, mais elle n’émit aucune objection lorsque Marion déclara :

- C’est bon, April, on gère. Donnie, combien de temps avant l’arrivée de l’armada ?

- Cinq minutes trente. Pressez un peu l’allure et ce sera bon.

- Allez, les gars, on se remue ! exhorta Casey. Vous croyez que vous êtes pas suffisamment restés ici ? Vous voulez refaire une petite thalasso à base de mutagène ? Et n’oubliez pas, les gosses d’abord !

La cohorte accéléra un peu, et bientôt, les deux tiers des New-Yorkais eurent traversé, dont April, comme le révéla la fréquence brouillée de son communicateur.

- Raph, Léo, je crois que vous pouvez commencer à nous rejoindre, annonça Marion. On y est presque.

Son regard, à l’instar de celui de sa sœur et de Casey, passait régulièrement de la foule au ciel, où elle craignait de voir surgir l’armada. Le firmament rosâtre de la dimension X demeurait cependant vierge de toute présence ennemie. Il n’y avait rien à craindre pour l’instant.

- Dans moins d’une minute, on pourra crier victoire ! s’exclama Casey en faisant tournoyer sa crosse, fier comme un paon. Et se faire une méga-teuf qui déchire dans les égouts !

Le premier réflexe de Marion fut de lui rendre son sourire, mais il s’effaça presque aussitôt de son visage. Au-delà de toutes les pertes qu’ils avaient subies et de toutes les souffrances qu’ils avaient endurées pour en arriver là, elle n’était pas pressée de voir cette mission se terminer. Elle n’était pas du tout pressée d’être... après.

Raph et Léo les rejoignirent pendant que les derniers milliers d’humains franchissaient les portails. Marianne jaugea le flot restant d’un œil expert et porta la main à son communicateur :

- Technodrome ? Vous pouvez débarquer. Botticelli, prépare le compte à rebours pour la fermeture automatique des portails et l’autodestruction du technodrome. Fixe-le à...

- Oui ? À combien ?

La jeune femme s’était arrêtée net, et Donnie eut beau répéter sa question, elle ne reprit pas. Comme elle était reliée au canal principal de communication, tous purent entendre son silence et s’en inquiéter. Marion s’empressa de contourner la foule qui se pressait encore devant eux pour rejoindre sa sœur, Raph et Léo sur ses talons.

Marianne se tenait toujours à la même place, aussi droite qu’à l’accoutumée, mais son visage d’ordinaire implacable était blême, et ses traits décomposés. Marion crut également voir sa lèvre inférieure trembler. Affolée, elle la saisit par les épaules dès qu’elle fut à sa hauteur.

- Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle en la secouant un peu trop brusquement. Ça ne va pas ?

Son aînée ne répondit pas, et une fois de plus, Marion leva les yeux, convaincue qu’elle allait apercevoir l’armada kraang qu’ils appréhendaient, mais celle-ci n’avait toujours pas pénétré dans leur champ de vision. De toute façon, ce n’était pas le ciel que Marianne fixait, mais les New-Yorkais. En suivant ses prunelles, Marion découvrit ce qui la troublait, et pâlit à son tour.

- Bon sang, les filles ! s’exclama Léo. Ce n’est vraiment pas le moment de faillir. Vous allez nous dire ce qui vous arrive, oui ou non ?

Peine perdue. Les deux sœurs étaient à présent aussi muettes l’une que l’autre. Donnie tenta de raisonner Marianne en faisant appel à son bon sens, notamment en lui rappelant à quel point il était urgent de se préparer à fermer les portails pour que l’armada ne puisse pas rejoindre la Terre dans leur sillage, mais il aurait tout aussi bien pu s’adresser à un mur.

- Marion...

Raph esquissa un geste pour poser sa patte sur le bras de la jeune fille, ce qu’il ne se serait d’ordinaire jamais permis en présence de sa sœur, et cela eut sur elle comme l’effet d’un déclic. Elle le repoussa d’un mouvement sec, broyant au passage les os de son poignet, et, poussant un cri féroce, elle dégaina son épée pour se ruer vers l’avant, droit sur la foule.

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