Un combat de tous les instants

Chapitre 84 : Bonus : L'ultime affrontement

Chapitre final

2808 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 06/05/2021 22:27

- Maître, attendez. Je sens quelque chose.

De sa patte musclée, Tiger Claw repoussa Shredder et se posta devant lui, sur la défensive, en reniflant à deux reprises. Cette odeur, il la connaissait. Il l’avait déjà affrontée. Et il l’avait même déjà blessée. Mais surtout, il avait une bonne raison de vouloir se venger d’elle.

Il laissa son bras retomber le long de son flanc et, de l’autre, un membre bionique fabriqué à partir de la technologie kraang, il dégaina son blaster pour le pointer dans la direction opposée à celle du vent, qui portait cet effluve familier jusqu’à lui.

- Tu n’aurais pas dû revenir, menaça-t-il entre ses crocs. Tu vas payer pour ce que tu m’as fait. Et puisque tes amis ne sont sûrement pas loin, ils vont aussi regretter leur témérité.

- Désolée, le matou, mais c’est moi qui ai la rancune la plus tenace. Et je n’aime pas trop le ravalement de façade que tu m’as fait subir.

Sous la lumière de la lune, les cicatrices qui barraient le visage de Marion luisaient d’un éclat argenté. Tiger Claw la repéra, mais au moment de presser la détente de son arme, un shuriken s’y ficha et le fit exploser.

- Déjà qu’elle n’était pas agréable à regarder avant, c’est encore pire maintenant. À cause de toi, j’en suis presque arrivé à regretter de m’être entiché d’elle.

Tiger Claw sursauta à l’écoute de cette voix, celle du ninja au bandeau rouge. Il avait bien senti une autre odeur, en plus de celle de la fille, mais elle ne lui avait évoqué aucun individu connu. Et surtout, ce n’était pas la senteur sécrétée par une tortue. C’était celle d’un humain.

- Eh oui, ton odorat n’est pas infaillible, railla Raph en surgissant à son tour d’une ruelle.

Le félin saisit un autre pistolet, mais le ninja se mit à couvert avant que le tir l’atteigne. Alors qu’il s’apprêtait à cracher une autre salve, Shredder s’interposa dans un mouvement de cape et se dirigea vers la ruelle.

- Je te laisse la fille, mais ne touche pas aux protégés de Hamato Yoshi. Ils sont à moi.

- Bien, maître.

Tiger Claw fit aussitôt volte-face et, avec souplesse, entreprit de gravir la façade de l’immeuble au sommet duquel se tenait Marion. Il entendait des rires et des cris de joie fuser à travers les fenêtres devant lesquelles il passait, sans que personne ne lui prête attention. C’était Noël. Et il allait s’adonner à de véritables festivités.

- Tu devrais appeler tes amis pour t’aider, conseilla-t-il une fois dressé devant Marion. Seule, tu n’as aucune chance contre moi.

- Oh, je ne serai pas seule, même si j’ai passé un accord avec les tortues. Je leur laisse Shredder, et en contrepartie, je te règle ton compte. Avec l’assistance d’un vieil ami qui, lui, est juste venu pour le plaisir de la castagne.

- Kongala !

Tiger Claw ne perçut l’approche de l’autre humain qu’au moment où il bondit du toit du bâtiment voisin. Ses vêtements étaient couverts de suie et exhalaient la même odeur que les milliers de cheminée de la ville. Il fallait croire qu’ils étaient plus malins qu’il ne le pensait. Ils s’étaient camouflés pour se soustraire à son odorat aiguisé.

Casey n’avait pas voulu participer au réveillon avec ses amis, mais dès que Marion l’avait averti du combat qui se profilait, il avait sauté dans ses rollers pour venir leur prêter main forte. Jamais il n’aurait manqué une telle bataille !

Il lança deux palets de hockey explosif pendant que Marion se ruait sur Tiger Claw, sa rapière à la main.

***

Pendant les semaines, les tortues s’étaient entraînées à cette fin. Chacune dans son coin, sans le dire aux autres, mais toutes portées par le même objectif : celui de prendre leur revanche sur le meurtrier de leur père. Le moment était venu.

Donnie, Mikey et Léo surgirent des poubelles dans lesquelles ils s’étaient cachés en guettant l’approche de Shredder. Ils empestaient, mais c’était le cadet de leurs soucis. Ils étaient là pour le tuer, et leur puanteur n’était que le reflet de l’âme noire du Destructeur.

Michelangelo étant le plus rapide, ce fut lui qui ouvrit le bal en ligotant Shredder avec son kusarigama. Le temps de s’en dépêtrer, Donatello lui avait déjà lancé une bombe fumigène au visage pour l’aveugler et préparer la charge suivante, celle simultanée de Raph et de Léo.

Shredder fut forcé d’admettre qu’ils avaient progressé depuis leur dernier combat. Beaucoup. Leur niveau était désormais plus proche de celui de Splinter que des quatre débutants qu’il avait affrontés le soir où Xever et ce traître de Bradford avaient été changés en monstre.

Les coups pleuvaient de toutes parts. Ceux de Mikey, vif comme l’éclair. Ceux de Donnie, calculés. Ceux de Raph, redoutables. Et ceux de Léo, assurés. Ils harcelaient ses flancs, ses membres. Quand Shredder parvenait à atteindre l’un de ses ennemis, les autres le lui faisaient aussitôt regretter.

Il décida de se concentrer sur le rouge, celui qui était devenu humain, et dont l’enveloppe était par conséquent moins solide que celles ses frères, mais il ne parvint pas à le toucher. Le bleu, le chef de la bande, veillait toujours à l’en empêcher. Ils travaillaient en équipe, là où Shredder était seul. Seul face à ceux que Hamato Yoshi considéraient comme ses fils.

Une pointe de mélancolie se mêla à sa haine tandis qu’il songeait à Karai, qui avait été sa fille, celle qu’il aurait dû avoir avec Tang Shen si celle-ci ne lui avait pas préféré ce rat infâme ! Exactement comme sa mère, Karai l’avait trahie. Elle avait préféré s’allier avec ces êtres abjects plutôt que de demeurer aux côtés de l’homme qui l’avait élevée, qui lui avait tout appris.

Shredder, puisant dans sa colère, réussit à blesser Léonardo au bras, avant de projeter Michelangelo contre un mur, avec une telle rage que sa carapace se fissura. Il saisit ensuite l’extrémité du bo de Donatello, qu’il fit passer par-dessus son épaule. Le ninja mauve échappa au pied avec lequel il tenta de lui broyer le crâne juste à temps, en roulant sur le côté.

Raphaël reçut à son tour un coup au plexus, qui lui coupa le souffle. Il recula d’un pas vacillant, tandis que Léo percutait Shredder de tout son poids pour l’empêcher d’achever son frère. Cela lui valut d’essuyer un nouveau kata, encore plus violent que celui qui avait eu raison de Mikey.

- Vous pensez vraiment que vous allez réussir à me vaincre ? tonna Shredder. Vous pensez que vous allez réussir là où votre maître a échoué ?

- Non, répondit une voix dans son dos, et le Destructeur se figea, tout comme le temps autour d’eux. C’est moi qui vais le faire. Parce que je n’étais pas l’élève de Splinter. J’étais la tienne.

***

Marion balaya son menton avec le revers de son poignet pour en ôter le sang. Cela ne lui ferait jamais qu’une estafilade de plus sur le visage. Tiger Claw poussa un feulement strident tandis que Casey lui brisait le genou avec sa batte de baseball. Son offensive, kamikaze, lui valut de se faire déchirer le bras au-dessus du coude, mais elle mit surtout le tigre à terre.

Les deux adolescents étaient mal en point et ils commençaient à fatiguer au terme du long combat qu’ils avaient livré contre le mutant, mais la victoire leur était presque acquise. D’un coup de pied retourné, l’une des premières techniques que Mikey lui avait enseignées, Marion le désarma.

Casey, malgré sa blessure, leva son bras et plaqua son taser contre la fourrure de Tiger Claw, dont le corps fut parcouru par une décharge électrique qui acheva de le paralyser. Il s’affaissa davantage, le museau pointé en direction du sol, pendant que Marion plaquait l’extrémité de sa rapière sous sa gorge.

- Un dernier mot ? demanda-t-elle.

- Vous avez été de vaillants adversaires, concéda Tiger Claw, à leur grand étonnement. Je ne regrette rien.

Marion, qui ne s’était pas attendue à cela, sentit sa main devenir moite, malgré le froid ambiant. Abandonner son père dans la dimension X avait été une chose, mais elle n’avait jamais abattu un ennemi qui ne soit pas un extraterrestre de sang-froid. Pour la première fois, elle douta d’en être capable.

- Pas même d’avoir choisi le camp de Shredder ?

- Je suis un mercenaire, mais j’ai le sens de l’honneur. Il m’a embauché, en conséquence de quoi je suis serai loyal jusqu’au bout, quoi qu’il m’en coûte.

- Ton maître sera mort d’un instant à l’autre, souligna Marion. Ce ne serait pas idiot de tomber maintenant, alors que tu es sur le point d’être libéré de lui ?

- C’est peut-être le sort que je mérite pour avoir suivi des ordres que je n’approuvais pas toujours.

- Comment ça ? intervint Casey, qui le menaçait à présent avec l’une de ses crosses de hockey. Faudrait être stupide pour faire ça.

- Loyal, répéta Tiger Claw dans un rugissement. J’ai été muté par les Kraangs, vous croyez vraiment que j’appréciais de voir Shredder travailler avec eux ? Et surtout de ne pas pouvoir les combattre moi-même, parce qu’ils étaient ses alliés ?

Marion songea à faire une allusion à son bras mécanique, pur produit de la technologie extraterrestre, mais elle la ravala. Après tout, eux-mêmes n’avaient pas hésité à retourner les armes des Kraangs contre eux pour s’assurer la victoire.

- Ils ne resteront pas éternellement sur la défaite que nous leur avons infligée en dimension X, souligna l’adolescente. Un jour, ils reviendront essayer de s’emparer de la Terre. Qu’est-ce que tu feras, à ce moment-là ?

Tiger Claw leva ses yeux de félin en direction du visage balafré de Marion, tandis que Casey entrouvrait les lèvres, sans toutefois objecter. L’un comme l’autre, ils avaient compris ce que signifiait sa question.

- Je suis un mercenaire, martela Tiger Claw. Je ferai ce que la personne à qui je serai lié par contrat m’ordonnera.

- Si je te laisse partir, tu auras une dette de vie envers moi. Que se passera-t-il si ton nouveau maître, pour une raison ou pour une autre, te demande de me tuer ? Ou de t’en prendre aux tortues ?

Tiger Claw ne répondit pas immédiatement. Il réfléchit pendant une longue minute, soupesant ce dilemme d’honneur. Enfin, il reprit la parole :

- Je ne devrais rien aux tortues, mais là où elles seront, je suppose que tu seras, alors ça revient effectivement au même. Vous n’opérez qu’à New York, n’est-ce pas ?

- À peu près.

- Dans ce cas, je quitterai la ville. Je quitterai même le continent, et je ferai de l’Asie mon nouveau territoire, mais si tu devais t’aventurer là-bas...

- Je comprends, affirma Marion. Et je crois que nous avons un accord.

Sur ces mots, elle esquissa un geste pour abaisser sa rapière, mais elle se ravisa en se rappelant que Shredder n’avait pas encore été vaincu, et que, de ce fait, Tiger Claw demeurait toujours son loyal sous-fifre, jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle. Ils attendirent donc, Casey les bras croisés, Marion l’épée levée, et Tiger Claw à ses pieds, que l’autre combat s’achève.

***

Shredder devait se rendre à l’évidence. La créature qu’il avait sous les yeux n’était pas Karai. Ses lames avaient rebondies sur sa peau et s’étaient tordues, lui qui les pensait presque indestructibles. Quelle était cette monstruosité ? Une mutation ? Il ne pouvait croire qu’il s’agissait de sa fille, et pourtant...

Il reconnaissait son style. Leur style. Celui du clan des Foots. Les techniques de combat de Karai avaient cependant été corrompues par un soupçon de l’enseignement d’Hamato Yoshi. Shredder y reconnaissait toujours sa patte, mais chacune des attaques de la kunoichi avaient un petit quelque chose en plus qu’elles ne possédaient pas avant.

Karai l’affrontait avec toute sa haine, toute sa hargne, toute sa soif de vengeance. Ses coups étaient vifs, précis, et son enveloppe indestructible la protégeait des ripostes de Shredder. Les tortues avaient cessé de se battre. Elles observaient la scène en silence, sous les flocons de neige qui venaient de commencer à tomber. Ce n’étaient pas à elles de porter le coup fatal, mais à Karai, dont la vie et la famille avaient été volées par l’homme qu’elle dominait.

D’un violent coup de pied, elle atteignit Shredder au menton. Le Destructeur bascula à la renverse, emporté par le poids de sa lourde armure, et tenta de rouler sur le flanc pour esquiver l’assaut suivant, mais Karai était déjà de nouveau sur lui. Elle martela sa cuirasse avec ses jambes en diamal, le nom que Mikey avait choisi de donner au matériau qui composait son corps.

Shredder réussit à se redresser, car sa force brute et son poids étaient supérieurs à ceux de Karai, mais la jeune fille n’avait pas dit son dernier mot. Elle para habilement le kata qu’il lui opposa et réussit, tout en esquivant le bras musculeux qui essaya de la frapper à la gorge, à glisser la lame de son tanto entre le visage de Saki et son casque, qu’elle arracha.

Le Kuro Kabuto vola sur plusieurs mètres et rebondit jusqu’aux pieds de Donatello, qui l’immobilisa sous sa patte pendant que Karai contemplait le visage défiguré de son adversaire. Elle n’éprouvait ni pitié ni peur. Seulement du dégoût et de la colère. Shredder fit une ultime tentative pour reprendre l’ascendant sur elle, mais il échoua.

- C’est terminé, siffla-t-elle avec mépris au moment où son tanto lui tranchait la gorge. Père.

Shredder tomba à genoux en tentant de porter une main à la plaie béante d’où le sang giclait à flot, mais il n’en fut pas capable. Un instant plus tard, il s’écroulait pour de bon sous les yeux de celle qu’il considérait comme sa fille, pour le meilleur et pour le pire. Karai n’eut aucune réaction.

Pendant plusieurs minutes, personne ne bougea, ni ne prononça un mot. Cette immobilité se brisa quand Marion et Casey s’engouffrèrent dans la ruelle, échevelés mais indemnes. Ils s’arrêtèrent à une distance respectueuse du champ de bataille, tandis que Raphaël se tournait vers eux.

- Tiger Claw ? demanda-t-il.

- Il ne représente plus une menace, répondit Marion.

Elle leur donnerait de plus amples explications sur l’accord auquel elle était parvenue avec le tigre, mais plus tard. L’heure était bien trop solennelle pour s’encombrer de détails superflus. Donatello ramassa le Kuro Kabuto et le tendit à Léonardo, qui le porta à Karai. Il mit un genou à terre et leva les bras pour lui remettre le casque.

- Il te revient de droit, annonça-t-il. Tu es la dernière représentante du clan des Foots.

Karai hésita. C’était un immense honneur, mais aussi le symbole de tout ce qu’elle avait appris à haïr depuis que la vérité avait éclaté. Léonardo dut lire dans ses pensées, car il précisa :

- Le clan des Foots n’est pas Oroku Saki, et ce casque non plus. Ils seront ce que tu choisiras d’en faire.

Karai plia et déplia ses doigts en diamal. Elle les referma sur le précieux objet que Léonardo lui offrait et, lentement, avec une dignité à la hauteur de l’instant, elle se coiffa du Kuro Kabuto.

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