Life is Strange : Le Gardien du Temps

Chapitre 24 : Déshinibée

3005 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 01/07/2019 14:38

Il était déjà 23h et la fête battait son plein dans la salle. En revanche, à la table où nous étions regroupés c’était une toute autre histoire. Depuis que Victoria nous avait rejoint les conversations avaient pratiquement cessé.

Bonjour l’ambiance…

C’est avec soulagement que je sentis mon portable vibrer. Cela me donnait une bonne excuse pour éviter de lancer un énième sujet de discussion qui tomberait à l’eau face au mutisme forcé de mes camarades.

« C’est moi où il y a comme un malaise là ? »

Je relevai la tête et jetai un coup d’œil à l’auteur de ce message. Warren n’arrêtait pas de se trémousser sur sa chaise. Dieu merci, je n’étais pas la seule à être mal à l’aise.

Avant que je n’ai le temps de répondre je reçu un autre SMS :

« Il y a carrément un malaise là ! Même les discours de Wells sont plus animés »

Je cachais mon rire en toussant. A chaque fois que nous étions rassemblés pour les discours à rallonge de notre directeur, une bonne partie des élèves en profitait pour discuter ou dormir. Une fois j’avais même vue Mme Grant piquer du nez.

« Tu te dévoues pour relancer la conversation ? » lui répondis-je.

Warren parcouru notre triste attablée du regard avec désarroi : Juliet tournait obstinément le dos avec Victoria faisant semblant de lire quelque chose sur son portable, Hayden dont l’enthousiasme diminuait au fur et à mesure de la soirée avait le regard perdu dans le vide. La conversation n‘était menée que part Dana et Trevor qui échangeaient quelques banalités. Je remarquais qu’ils avaient chacun une main sous la table. Leur rapprochement semblait en bonne voie.

« Seulement si tu fais semblant de rire à ma blague »

« Je ne suis pas une si bonne amie… :P »

Nous échangeâmes encore plusieurs textos et ma quinte de toux revint à plusieurs reprises.

Je relevai la tête lorsque je sentis le regard perçant de Dana sur ma nuque. Je rougis comme si j’avais été prise en faute. Le regarde de Dana passa de moi à Warren et elle me sourit d’un air entendu. Elle sortit discrètement son portable et me texta. C’est pétrifiée que je lu son message : 

« Je vois qu’au moins y en a qui s’amusent… Alors ça en est où entre vous deux ? Lui en tout cas il te dévore des yeux. »

Dana me fixa semblant attendre une réponse de ma part. Ce fut Zachary qui me tira de mon embarras lorsqu’il se leva et proposa d’aller chercher à boire.

Zachary, mon sauveur !


Je me levais d’un bon lui proposant mon aide. Il fallait que j’échappe au plus vite aux interrogations inquisitrices de Dana. J’avais beau l’apprécier, ses questions et sous-entendus m’embarrassaient au plus haut point. Ma relation avec Warren était au mieux… compliquée. Je savais que je devais y faire face mais je n’étais pas prête. Ou du moins c’est ce dont je me persuadais. 

Grandis un peu, Max. Tu ne peux pas fuir tout le temps !

Tu veux parier ? J’ai fait ça une bonne partie de ma vie, je peux continuer !

Que c’est mature de ta part !, persifla ma voix intérieure

J’étais en plein débat schizophrénique avec moi-même lorsque Zachary m’interpella :

« Alors Max, tu comptes boire ce soir ou tu vas faire la petite fille bien sage ? ».

Je fronçais les sourcils face à son air goguenard. 

Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à me prendre pour une gamine aujourd’hui ?


Je commençais en à avoir marre que l’on me parle avec condescendance comme si j’étais demeurée. 

Je commençais en avoir marre que l’on me regarde avec pitié, murmurant sur mon passage dans les couloirs de l’école « Regarde, c’est la fille qui a tout vu, cachée dans les toilettes ». 

Je commençais en avoir marre qu’une entité mystique me dicte ma conduite et me rabroue dès que j’ouvre la bouche.

Je commençais en avoir marre des attentions de Warren à mon égard, ou plutôt de ne pas savoir comment y répondre.

Je commençais en avoir marre de tout le monde. Et de moi-même.

Je crispai les poings et répondis : 

« Dis-moi, Zachary, qu’est-ce qu’une fille doit faire pour effacer cet insupportable arrogance que tu affiches en permanence pour masquer le fait que ta vie est pathétique et que le seul moment où tu peux te démarquer dans un domaine, c’est sur un terrain de foot ? À défaut d’intelligence il ne te reste que tes muscles. » 

Mais putain ça ne va pas ou quoi ?! Qu’est ce qui t’a pris de dire un truc pareil ??!!

Il me regarda ahuri, la mâchoire tombante. Je ne sais pas qui de nous deux fut le plus surpris. Il se reprit très vite et son sourire se fît glacial. 

« Tu veux vraiment le savoir, Maxine ? »

Enhardie par le fait de ne pas m’être pris une volée d’insultes je hochai la tête.

« Vas-y je suis tout ouïe, Zachary. »

Il pointa du doigt la petite table à côté de nous. Elle était submergée par des gobelets de bière. Voulait-il que je boive un verre ? Connaissant Zachary je parierais plutôt qu’il voulait faire un concours de boisson.

« Prépare toi à perdre, mauviette », lançais-je crânement.

« J’ai hâte de voir ça… »


Mes camarades sortirent de leur torpeur lorsque nous amenâmes les boissons à table. Victoria semblait pourtant toujours en mort cérébrale et seul son haussement de sourcils face aux nombreux gobelets apportés m’indiqua qu’elle était encore en vie.

« Il était temps mec, la soirée va enfin pouvoir commencer », lança Hayden plus enthousiaste que jamais.

« Remercie Caulfield, c’était son idée. C’est qu’elle est devenue grande maintenant ! », dit Zachary sarcastique.

Décidément ce type faisait tout pour me porter sur les nerfs. Il était temps que quelqu’un le remette à sa place. Et soyons réaliste je n’étais surement pas la mieux placée pour le battre à un jeu de boisson. Je n’étais pas vraiment une grande buveuse mais je n’allais pas me défiler pour si peu. J’étais prête à parier que Chloé aurait pu réussir haut la main. Puisque la soirée était en son honneur je devais au moins essayer. Mais comment faire ?

Je pris discrètement Warren à part et lui résumai la situation.

« Max Caulfield, tu n’as vraiment peur de rien, plaisanta Warren. Tu as conscience que Zachary doit boire depuis l’âge de 13 ans ? »

« Tu as une idée pour m’aider ? »

« Pas vraiment non. Tu vas devoir compter sur ta chance. »

Je suis foutue.

Nous rejoignîmes la table. Il ne restait plus que Dana, Zach, Victoria et Hayden. Les autres s’étaient dispersés dans la foule. Je remarquai que les yeux de Victoria étaient posés sur moi, pensifs.

« Alors Caulfied, il me semble que c’est toi qui a ouvert les hostilités », me dit Zachary en me tendant un verre. 

Bon il va falloir assurer. Je ne peux pas perdre face à ce crétin. Respire à fond et…

« Attendez, ça vous dit de faire un jeu ? Garçons contre filles ? »

La voix de Victoria me fit presque sursauter. C’était la première fois qu’elle intervenait depuis son arrivée.

Zachary ronchonna.

« Tu as cru qu’on avait quel âge ? 12 ans ? »

« Je crois surtout que tu as peur de perdre face à des filles », fit Victoria la voix mielleuse. 

« Puisque tu me cherches. Vous êtes partants », demanda-t-il à Hayden et Warren.

Heureusement pour moi Dana accepta de participer. Cela me rassura de ne pas être toute seul face au défi de Zachary. Avec un peu de chance, je ne finirais pas la tête dans les toilettes. J’étais décidé à gagner coûte que coûte.

Nous fîmes différents jeux d’alcool dont je compris à peine les règles et dont j’oubliais le nom au fur et à mesure que la soirée avançait. Très rapidement je sentis l’effet de l’alcool, peu habituée à en boire aussi vite. Ce fut grâce à Dana et Victoria si j’évitais de finir complètement ivre. Elles étaient bien plus entrainées que moi à ce genre de soirées, la plupart des jeux ne semblaient avoir aucun secret pour elles. À ma grande surprise, Warren se débrouillait plutôt bien. Lorsque nous jouâmes au « Quarters » (jeu dont le but est de faire rebondir une pièce sur la table afin qu’elle atterrisse dans un gobelet) il ne manqua aucun de ses coups et obligea Victoria a enchainer plusieurs verres d’affilé. Zachary, qui était mon adversaire ne réussit péniblement que deux de ses tirs. 

Je m’amusais plus que je ne l’aurais cru. Je buvais certes plus que je n’aurais dû mais malgré tout l’ambiance était nettement plus drôle qu’en début de soirée.

Le dernier jeu s’acheva alors sur notre victoire (ou plutôt celle de Victoria et de Dana). Mes camarades me félicitèrent dans une cacophonie sans queue ni tête. Même Zachary me concéda d’un compliment de mauvaise grâce :

« Pas mal Caulfield, j’avoue que tu t’en es bien sortie. »


Totalement enivrée, je m’éloignais de notre petit groupe, prise d’une soudaine envie de danser. Je me ravisais juste un instant, fis quelques pas en arrière et attrapais la main de Warren au passage l’entraînais avec moi sur la piste. Complètement surpris, ce dernier manqua de tomber face à ma soudaine brutalité. Warren ne semblait pas en meilleur état que moi.

Nous étions au milieux de nombreux élèves dansant sur le rythme de la musique crachée par les basses. J’entourais son cou de mes deux bras, comme si je me raccrochais à une bouée de sauvetage.

En un sens, c’est ce qu’il est pour moi, c’est grâce à lui si j’ai réussi à garder la tête hors de l’eau ces derniers temps.

« Ça va, Max ? Tout va bien ? »

Encore maintenant il s’inquiétait pour moi.

« Oui ça va bien, très bien même. Je voulais juste te parler un peu, en tête à tête »

« À propos de quoi ? De ta soudaine victoire alcoolisée ou du fait que nous dansions un slow sur de la techno ? »

« Je pense que ma victoire me donne droit à un nouveau surnom, je te laisse m’en chercher un, c’est ton lot de consolation. Et je préfère éviter de danser trop vite, je ne suis pas sûre d’être complètement en état. »

La chaleur et l’ivresse me montait à la tête, je me sentais étrangement euphorique. Je n’étais vraiment pas habitué à boire autant. Désinhibée, j’en profitais pour me laisser aller un peu ; je murmurais à l’oreille de Warren :

« Ça me fait très plaisir de te voir ce soir. Je te trouve très beau. »

Son visage vira au rouge. Je trouvais ça adorable.

« Ah… Heu… Merci ? Toi aussi tu es très belle, dit-il en faisant glisser son regard sur moi. Mais dis-moi Drunk Max, tu ne serais pas un peu bourrée ? »

Piquée au vif, je lui répondis : 

« Et alors, ça te dérange ? »

« Au contraire. »

Il me fit un grand sourire et je sentis ses bras se resserrer au tour de ma taille.

Nos visages se rapprochèrent dans une lenteur insupportable, le regard complice.

Nous nous embrassâmes. Cette fois-ci, toute timidité s’était envolée. Je passai ma main dans sa nuque et l’autre dans son dos pour l’attirer plus proche. Il paru décontenancé mais me rendit mon baiser. 

Nous fûmes interrompus par le bruit du micro qui s’allumait. Le proviseur était venu et il s’apprêtait à faire un discours. Je n’avais pas envie de l’entendre parler. Lui qui avait engagé ce psychopathe de Jefferson comme professeur et qui avait couvert les magouilles de Nathan Prescott.


Je décidai de sortir, entraînant Warren avec moi. Dans la précipitation il manqua de tomber dans la piscine, ce qui nous fit rire et nous contournâmes le bâtiment, où n’y avait personne.

Cette fois-ci ce fut les lèvres de Warren qui se posèrent sur les miennes. Je fermais les yeux ne pensant plus à rien et profitant juste du moment. Cachée, nos bouches s’ouvraient et nos langues s’entremêlaient dans une danse endiablée.

J’étais en train de passer mes mains sous le t-shirt de Warren lorsque son portable sonna sur le thème des Dents de la mer.

« Tu devrais répondre », lui dis-je, haletante.

Il soupira mais décrocha son téléphone :

« C’est mon père, j’avais complètement oublié mais il devait me rapporter mon ordinateur. Je dois y aller, c’est l’affaire de 5 min. »

Il s’apprêtait à partir lorsqu’il ajouta avec sourire timide : 

« Ne bouge surtout pas, je reviens vite. »

Je lui soufflais un dernier baiser puis il partit en courant.

J’en profitai pour tenter de reprendre mon souffle, épuisée par toute cette activité physique. 

Je devrais penser à faire sport, je suis à deux doigts de m’évanouir.


J’avais trop bu. Ma tête tourbillonnait dans tous les sens, je n’arrivais pas à me concentrer. Je m’affalai sur le premier banc venu, espérant que mes sens se calmeraient.

J’espère que je ne vais pas vomir.

Un moment plus tard, quelqu’un s’approcha de moi. Bien que j’entendis ce qu’on me disait je n’en comprenait pas le sens. Je ne sais même pas si je répondis. Je sentis qu’on m’aidait à me relever et que je tanguais beaucoup. Ce fut la dernière chose dont je me rappelai.


Lorsque je repris conscience, il faisait sombre et j’étais dans mon lit. Impossible de savoir comment j’étais arrivée là. Encore groggy je tentais péniblement d’atteindre mon portable pour connaitre l’heure. Je pris alors conscience que je ne portais que mon T-shirt de pyjama et mes sous-vêtements. Quiconque m’avait ramené m’avait retiré mes vêtements. Un sentiment de profond malaise m’envahit. Le souvenir de la vidéo de Kate droguée faisant le tour du lycée s’imposa à moi comme un amer parallèle de ma situation et je me retins de justesse de vomir dans mon lit. Jamais ma chambre ne m’avait paru aussi froide.

Il me fallu plusieurs minutes pour arriver à me calmer et ne plus sentir monter la bile au fond de ma gorge. Mes yeux commençaient à s’habituer à l’obscurité et ma tête tournait un peu moins; j’arrivais à voir les contours de ma chambre. Alors que je me concentrais sur ma respiration pour continuer à m’apaiser, j’entendis quelque chose. Interloquée, je cherchais l’origine du bruit. On aurait dit une respiration saccadée. Mon sang ce glaça lorsque je cru voir quelque chose bouger légèrement au fond de ma chambre. Quelqu’un était dans ma chambre. Je pouvais vaguement voir une silhouette près de la porte.

D’un bon je tentais de sortir de mon lit mais j’avais sous-estimé mon état et je tombais sur le sol, m’écorchant le menton au passage. Sonnée et impuissante je vis que la chose se rapprochait. Malgré la pénombre, je compris rapidement qu’il ne pouvait pas s’agir de quelqu’un. 

Ça n’était pas humain, ça ne pouvait l’être. Ça avait bien une forme vaguement humanoïde mais la ressemblance s’arrêtait là. Son corps était un amas de morceaux de chairs mélangés aléatoirement suintant un étrange liquide. Tout était tordus, déformés, aberrant. C’est pétrifiée que je vis la chose avancer. Elle était voûtée et son visage était caché par un amas de longs cheveux emmêlés. 

Je sentais ma gorge se serrer prête à donner naissance à un cri d’effroi mais j’étais complètement tétanisée. Paralysée, je gisais impuissante sur le sol alors que la chose n’était plus qu’à un mètre de moi. 

Je pouvais maintenant la voir complètement. Mon cerveau n’arrivait pas à enregistrer ce que je voyais, incapable de faire face à cet aberration. J’avais envie de hurler à m’en faire saigner les tympans dans l’espoir de me réveiller de cet effroyable cauchemar. Ma gorge était devenu un véritable étau, je suffoquais, incapable de détacher mon regard face à cet horreur. La chose leva son bras, prête à m’attraper.

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