La première Eve

Chapitre 1 : Un genre de soeur adoptive

3007 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/05/2018 22:08

Comme j'imagine que le fandom n'a pas trop le moral avec le non renouvellement de la série : cadeau.

Voici la traduction littérale d'une fic que je fais paraître en anglais depuis quelques mois sur une autre plateforme. Pour celles et ceux qui ont lu Speak of the Devil ce serait normal que vous y retrouviez des thèmes communs ou des redites car je voulais développer certaines pistes.

Niveau continuité, je la place début saison 3, avant le n°6 "Vegas with radish". Mais comme Pierce est là, bien qu'il n'ait pas encore fait son "coming out", je fais des allusions à son perso qui vont vous spoiler sur l'épisode 10 et même probablement le 16.

Nota : je n'utiliserai pas "détective" et "lieutenant" pour traduire les grades de police américains qui ne correspondent pas en France.

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LA PREMIÈRE EVE


Chapitre 1 : un genre de sœur adoptive


Jamais il ne s'était montré aussi agité devant elle.

D'habitude, il irradiait d'une insouciante coolitude, saupoudrée de coups d'œil insistants sur ses lèvres et relevée d'un petit quelque chose d'autre qu'elle ne cernait pas très bien. C'était un séducteur et un homme à femmes, et pourtant il réussissait à se donner l'air d'être vraiment entiché d'elle. C'était à la fois très déroutant et fascinant. Elle refusait pourtant d'admettre qu'elle aimait tous les privilèges spéciaux qu'il lui accordait : les videurs du LUX la traitant comme une VIP et ses boissons offertes, le code d'accès de l'ascenseur qui menait directement à son appartement-terrasse, les sérénades un peu trop révélatrices qu'il lui faisait au beau milieu d'une enquête…

Il ne savait que trop bien qu'il était séduisant mais il le lui rappelait sans arrêt, comme si elle n'était pas capable de s'en rendre compte par elle-même… D'un certain point de vue, elle trouvait sa vanité en béton armé étrangement rafraîchissante. A son avis, il n'était pas si bel homme que cela… Mais si on y ajoutait sa capacité naturelle à parader dans des costumes hors de prix, ses traits d'esprits et ses idées bizarres sur à peu près tout, son impatience, sa façon de tout prendre comme un jeu amusant et son attitude téméraire face au danger… Eh bien oui. Tout cela avait bien un effet sur elle ! Et chaque jour, elle remerciait le ciel d'y être « immunisée » et de ne pas se retrouver dans le même état que ses groupies extasiées, incapables de retenir leurs mains baladeuses en public.

Totalement ignorant des vilaines pensées de jalousie qui galopaient sous son crâne lorsqu'elle se remémorait tous ces gens qui se jetaient éhontément à sa tête, il la considérait avec préoccupation, de ce même sourcil froncé indigné qui était toujours le sien quand il essayait de faire valoir son point de vue.

— Ma chère inspectrice, oserais-je vous faire remarquer que c'est maintenant ou jamais ? Si vous ne me réclamez pas pour vous toute seule, Lilith ne va pas s'en priver ! Et malheureusement, elle n'est vraiment pas comme Maze, là-dessus. Je veux dire… pas vraiment le genre partageuse, vous voyez ?

Chloé lui adressa un regard perdu, cherchant dans les profondeurs de son esprit fatigué d'où est-ce que cette tirade pouvait bien sortir.

— Qu'est-ce que vous êtes en train de me demander, exactement ?

— Ah bah, je croyais que c'était évident ! De l'aide ! Faites-vous passer pour ma petite-amie et surtout tâchez d'être convaincante, ma chère. Je promets de faire tout ce que vous voudrez en échange. S'il vous plaît. Vraiment tout… répéta-t-il avec un large sourire plein de promesses salaces.

— Non, Lucifer. Vous êtes dingue et je n'ai vraiment pas le temps pour vos petits jeux. Certains d'entre nous doivent se comporter en adultes, n'est-ce pas ?

— Eh bien, eh bien, vous êtes dure en affaires… dit-il d'un ton taquin en posant ses coudes sur son bureau. Et même si je me proposais de vous aider avec la paperasse ?

La gorge soudain sèche et nouée, elle fit un effort conscient pour tenter d'ignorer totalement l'arc de son sourcil haussé et sa voix caressante inimitable. C'est sûr qu'il savait comment parler aux femmes flics…

— C'est assez tentant mais je sais que ce sont des paroles en l'air. Vous promettez mais vous disparaissez comme par magie aussitôt que les coupables ont les menottes. Donc pardon mais je ne vous crois plus.

Il arrêta de jouer avec sa chaise comme un gamin. Elle ne put que remarquer combien il eut l'air déçu et chagriné pendant quelques secondes mais cela ne dura pas, tandis qu'il se relevait. Debout au-dessus d'elle, il la dominait de toute sa haute taille, un profond regret dansant dans les sombres abysses de ses pupilles.

— Et bien, je suis navré de vous avoir embarrassée avec ma… requête. Quoi qu'il en soit, c'est probablement mieux ainsi, pour vous et pour moi, alors…

Sans un mot, elle lui lança un regard furieux en comprenant qu'il se défilait encore et prit le premier dossier posé sur le sommet de l'éternelle pile qui encombrait son bureau.

— J'ai été… très heureux de faire votre connaissance, inspectrice, commença-t-il en se faisant soudain bizarrement solennel. Je tenais à ce que vous le sachiez. De fait, je ne pourrai peut-être plus travailler comme consultant civil de la police.

Elle releva la tête pour lui adresser un autre regard acéré.

— Alors quoi ? Vous êtes en train de me faire du chantage maintenant ? Non mais sérieusement ?

Il fronça les sourcils. Le pire c'est qu'il avait vraiment l'air sincère.

— Mais non ma chère… Je veux dire… euh… lieutenant, corrigea-t-il en toute hâte. Je disais juste que je sais bien d'expérience que Lilith est assez difficile à gérer elle aussi. Elle est jalouse, passionnée… Tenez maintenant que j'y pense, on dirait que certaines femmes de ma famille ont quelques petits points communs… Je ne crois pas qu'il soit sage de la laisser sans surveillance dans cette bonne cité de Los Angeles, parce qu'elle pourrait se montrer…

Chloé poussa un gros soupir et croisa ses doigts en tachant de rassembler tout le calme dont elle était capable.

— De votre famille ? Vous essayez de dire que cette Lilith est un autre membre de votre tripotée de…

Elle chercha ses mots en agitant vaguement la main.

— Oui, j'en ai bien peur.

— Bon d'accord, alors dites-moi, qu'est-ce qu'elle est pour vous ? Une cousine ? Une tante ? Rien de tout ça ? Si jamais vous osez me dire votre grand-mère, je jure que je commence à pleurer !

Il laissa échapper un petit rire étouffé, amusé à l'idée qu'elle ait pu être plus agacée que prévu par le corps magnifique que sa mère avait emprunté, puis il se fit un peu plus hésitant, en évitant de la regarder directement dans les yeux. Ça c'était nouveau.

— C'est compliqué. C'est un genre de sœur adoptive mais…

— Mais quoi ?

Il ouvrit la bouche en ayant l'air de chercher ses mots.

— J'ai un peu le sentiment que vous allez vous mettre à m'incendier aussitôt que je commencerai à expliquer…

— Lucifer, vous êtes mon ami et je connais très bien vos défauts et la plupart de vos travers… Laissez-moi deviner, votre sœur a déjà eu des problèmes avec les autorités, n'est-ce pas ?

Anticipant sa réponse, Chloé opinait d'un air entendu et interrogateur pendant que Lucifer la regardait avec rien moins que de la circonspection.

— On pourrait dire ça…

— Ok, pas besoin de votre petit tour de magie pour ça… C'est comme si « mauvaise graine » était tatoué partout sur elle ! dit-elle en levant les yeux au ciel comme elle le faisait toujours, quoique d'habitude, à cause de lui. Ça saute aux yeux ! Elle dégage cette vibe à peu près aussi fort que vous débordez de… euh… Laissez tomber. Ce que je voulais dire, c'était que si vous aviez besoin d'en parler à quelqu'un, je suis là. Je ne suis sans doute pas aussi bonne que Linda dans ce domaine mais… vous savez… je peux parler avec elle aussi. Je suppose que vous me vouliez comme « fausse petite-amie » dit-elle en traçant en l'air des guillemets avec ses doigts courbés, pour avoir un meilleur modèle à lui montrer ? Ne le prenez pas mal mais… meilleur que Maze ? Est-ce qu'elle va habiter chez vous ?

Il ouvrit la bouche et puis la referma aussitôt, stoppé dans son élan alors qu'elle lui souriait de nouveau. En fait, elle trouvait assez touchant de réaliser qu'il pouvait de temps en temps se montrer un peu moins égoïste et peut-être un peu plus responsable. Elle était sur le point de lui dire que le commissariat pouvait sans problème lui accorder des heures pour régler ses impératifs familiaux…

… quand il ruina toutes ses illusions d'une simple petite phrase. Comme d'habitude.

— Quel soulagement, inspectrice ! s'exclama-t-il rayonnant. Je pensais que vous vous montreriez bien moins compréhensive, compte tenu du fait que j'ai couché avec elle !

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Un pauvre petit gargouillis sortit de sa gorge et ses yeux s'agrandirent dangereusement. Les yeux comme des billes, la bouche arrondie de surprise, figée sur sa chaise, elle avait l'air un peu pâle, pour le coup.

— Quoi ? Vous… vous n'êtes pas sérieux. Est-ce que vous vous payez encore ma tête ?

— Ah non, je ne ferais jamais ça. Est-ce que ça change quelque chose si je vous dis que je ne savais pas qui elle était à l'époque ? demanda-t-il un peu penaud et étrangement peu sûr de lui.

Elle avait les joues d'un rose sombre et il était évident, même pour lui, qu'elle était furieuse. Elle jeta un coup d'œil alentours avant de chuchoter par-dessus son bureau :

— Lucifer Morningstar, vous cherchez vraiment les ennuis ! C'est juste pour vérifier mais… est-ce que vous savez au moins que c'est interdit et puni par la loi ?

— S'il vous plait, lieutenant, je ne suis pas sûr de pouvoir me tenir loin d'elle, avoua-t-il précipitamment avec un regard hanté qui la fit paniquer un peu.

Honnêtement il portait toute cette affaire d'immersion permanente dans son rôle d'acteur à un niveau jamais atteint.

— Ça suffit maintenant ! siffla-t-elle tout bas. Un peu que vous allez vous tenir à l'écart ! Est-ce que vous voulez aller en prison ?

— Ah bien sûr que non ! Ça fait seulement sept ans que je suis sorti du Guantanamo de Papa !…

Le regard sombre du Diable se mit à vagabonder autour de la vaste salle du commissariat et s'arrêta dans sa course sur le bureau de Dan. Lucifer se remit à sourire avec espoir à mesure que le plan parfait commençait à se dessiner dans son esprit. L'ex de Chloé était suggestivement penché le nez dans le frigo, à la recherche de son dessert favori, en exposant par là-même certains de ses atouts les plus intéressants.

— Attendez une seconde… Puisque vous n'avez plus aucun usage sexuel de votre Crétin, réfléchit-il à voix haute, verriez-vous un inconvénient à me le prêter pour appâter Lilith ? C'est sûr qu'il ressemble un petit peu à Adam, mais ses abdos sont plutôt bien dessinés d'après ce que j'en ai vu, et de toute évidence il continue à entraîner sa fragile enveloppe mortelle pour…

Elle se leva pour lui donner une tape mécontente sur le bras et se gagna un « aïe » offensé.

— Est-ce que vous allez vous taire ? Vous ne croyez pas qu'il a déjà le cœur brisé à cause de l'amnésie incompréhensible de Charlotte ? En plus, vous ne pouvez pas utiliser les gens comme bon vous semble, Lucifer. Et encore moins les amis. Est-ce que vous voulez vraiment que je pense que votre cas est totalement désespéré ou quoi ?

Il répondit alors malicieusement en chantonnant presque :

— D'accord, pas d'utilisation du Crétin… Mais alors est-ce que ça veut dire que vous allez reconsidérer mon offre précédente, qui tient donc toujours et plus que jamais ?

Elle s'assombrit et le poussa sans ménagement dans la première salle d'interrogation libre pour pouvoir lui parler en privé, et il se laissa faire avec joie. Mais une fois à l'intérieur, force était de constater qu'elle n'avait aucune intention coquine en tête et se croisait les bras en mode « Maman à qui on ne la fait pas » qui émerveillait si fortement Maze. Elle le regardait droit dans les yeux au point qu'il en était lui-même un petit peu troublé. Et ça aussi c'était une première.

— Lucifer, vous m'inquiétez vraiment, vraiment beaucoup. Je pense que j'ai sous-estimé complètement la gravité de vos problèmes, et c'est un euphémisme.

— Et bien inspectrice je suis vraiment navré, ce n'était pas du tout mon intention…

— Je sais, l'interrompit-elle. Ce que je ne sais pas, c'est pourquoi vous avez l'air aussi troublé. Je vous ai vu rejeter des avances non désirées plusieurs fois, du moins pendant qu'elles avaient lieu sous mon nez… Pourquoi est-ce différent cette fois ? Pourquoi pouvez-vous être aussi à cheval sur les principes avec Charlotte et dire que vous êtes incapable de résister à votre sœur ? Ça n'a aucun sens et vous feriez mieux de vous expliquer très clairement là-dessus.

— Mhh, Lucifer aime quand vous la jouez autoritaire, inspectrice, ronronna-t-il avec un bonheur évident qui la dérangeait un petit peu.

Mais elle pencha soudain la tête de côté, acquiesçant très lentement plusieurs fois, les yeux plissés d'incrédulité tandis qu'ils parcouraient son visage mal rasé à la recherche d'un indice. Elle était physiquement bien plus proche de lui qu'elle ne se l'autorisait d'habitude. Comme si toute son « activité inspectrice » la rendait plus sûre d'elle. Il avait toujours pensé que la confiance et le pouvoir la rendaient sexy en diable. Est-ce que c'était de sa faute s'il avait toujours le ticket pour les femmes fortes et magnifiques ? Bien sûr, il aimait évidemment la réconfortante « facilité » des Brittanys. Mais il n'aurait jamais suivi une voie de trublion rebelle sans un certain goût pour les défis, pas vrai ?

— J'arrive pas à y croire… Vous essayez de gagner du temps ? Il y a un truc qui vous fait peur ? Chez elle peut-être ? Oh mon Dieu ! Merde, pardon, désolée pour ça… Je voulais dire… Est-ce qu'elle aurait des tendances inquiétantes dont vous voudriez nous informer ?

— Assez oui… Je vous félicite d'avoir évité le catéchisme mais, du coup vous n'avez jamais entendu parler d'elle ?

Ella déboula sans façon dans la pièce, clignant des yeux avec un petit sourire lorsqu'elle les vit debout face à face dans une posture tendue. Chloé adressa un regard plutôt soupçonneux et fâché à Lucifer. Est-ce qu'elle l'avait embarrassé ?

— Oh, non les gars ! Est-ce que vous étiez encore en train de vous disputer ? Prenez-vous donc une chambre et faites retomber la pression ! Non, je rigole. Allez venez, le devoir nous appelle, il y a une nouvelle enquête qui vient de tomber

Chloé fit face à la petite jeune femme pétillante après un dernier regard sévère pour son partenaire, laissant entendre sans ambiguïté qu'elle n'en avait pas fini avec lui, quelle qu'en fût la raison. La brune laborantine jeta un pouce au-dessus de son épaule et ajouta d'un ton plus hésitant.

— Je suis désolée mais le capitaine a dit que c'était un genre de priorité.

— Merci Ella. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

— Accrochez-vous bien à votre petit déj parce que c'est moche. Pierce vous veut sur cette affaire car c'est assez délicat : un infanticide. On ne sait pas encore comment, mais quelqu'un est entré en plein jour dans la maternité de l'hôpital et a tranché la gorge d'un nourrisson. Pas de traces, personne n'a rien vu. Moi je vous le dis, il y a des jours où je déteste mon boulot.

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Les deux femmes quittèrent la salle d'interrogatoire, laissant Lucifer avec une sensation terrible de catastrophe imminente. Il avait l'impression que sa cage thoracique était écrasée et respirait par à-coups. En essayant de soulager la douleur de la paume de sa main, il réalisa dans un choc que ses ailes venaient juste de se déployer d'un coup sec sans le moindre avertissement. Elles frémissaient tout autour de lui comme si elles répondaient à son tourment intérieur.

— Oh pour l'amour du ciel ! murmura-t-il entre deux halètements pénibles. Je n'ai pas besoin de vous, foutus trucs en plumes qui ne font peur à personne ! J'ai besoin d'être vraiment moi !

Derrière la porte, la voix de Chloé lui parvint assourdie mais un petit peu insistante :

— Est-ce que vous venez, Lucifer ? Un meurtre répugnant, d'habitude vous adorez ça.

— Oh Père, s'il te plait, non ! soupira-t-il avec une pointe de désespoir. Tu ne peux pas être aussi cruel. M'envoyer un tel criminel quand je suis incapable de faire sortir mon Diable de sa boîte… Je te déteste !

— Lucifer ?

— J'arrive lieutenant, grogna-t-il.

Elle rouvrit la porte d'un coup et se figea sur le seuil, clignant plusieurs fois des yeux à la vue de dizaines et dizaines de petites plumes blanches qui dansaient dans la pièce et retombaient doucement sur le sol tout autour de lui. Il se tenait bizarrement devant elle et toute son allure embarrassée évoquait un peu celle de son frère Amenadiel, sans qu'elle sache vraiment pourquoi.

— Mais qu'est-ce qui se passe ici ?

— Rien, rien, inspectrice. Quelqu'un a dû accidentellement crever un pauvre oreiller qui ne faisait que passer. Allons-y ! la pressa-t-il. Comme vous l'avez dit, le crime ça n'attend pas !

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