La première Eve

Chapitre 6 : Le baiser de l'ange

6665 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/07/2018 18:26

Chapitre 6 : Le baiser de l'ange


La jeune experte médico-légale décida de quitter le commissariat peu de temps après le soudain départ de Lucifer.

Elle s'en fut récupérer le portrait-robot qui avait été réalisé d'après les descriptions de l'infirmière Naaji et étudia minutieusement la feuille de papier épais qu'elle avait dans les mains. Une très belle femme y était représentée. Ses longs cheveux d'encre encadraient un visage à la peau sombre dont les tempes et le front portaient de délicats tatouages. Ses iris charbonneux le disputaient à la volupté de ses lèvres prune qui découvraient deux petites canines pointues en une esquisse de sourire froid. A son cou triomphait un imposant collier qui pouvait sembler africain ou au moins d'inspiration tribale. Le dessin était plutôt de bonne facture cependant Maryam avait reconnu qu'elle était bien plus terrifiante en présence. Elle avait aussi avoué qu'elle s'était sentie complètement submergée quand « l'ifrit » avait plongé dans son regard jusqu'à son âme et qu'elle avait ri à ses pitoyables tentatives pour protéger les enfants. C'était une peur qui ne laissait pas prise à la logique, un pur instinct viscéral.

Ella remercia l'artiste et réalisa trois photocopies. Une pour Chloé, une pour Dan, et une dernière qu'elle plia soigneusement pour la ranger dans son sac à dos. Puis elle fit son petit tour pour saluer tout le monde et se dirigea vers la sortie. Elle avait prévu de faire une petite visite spéciale pour recueillir des informations supplémentaires.

Pile au moment où elle poussait la porte, elle découvrit avec surprise que Marcus Pierce était juste derrière elle, en train de la tenir, mais à la différence de Lucifer tout à l'heure, dans un geste plus prudent que courtois. Elle lui sourit quand même.

— Vous ne partez que maintenant, Capitaine ? Je croyais que vous aviez dit que vous ne restiez pas ?

— C'était plus ou moins mon intention… Mais il y a un truc qui me chiffonne dans cette affaire. Est-ce que Lucifer a dit quelque chose sur les CD ?

— Non rien. Mais il avait l'air très… préoccupé. Je pense bien que c'est la première fois que je l'ai vu autant froncer les sourcils…

— Vous croyez que vous pourriez améliorer la résolution ? C'est une honte qu'un hôpital de cette taille ne puisse se permettre que des enregistrements en noir et blanc. Sans ça, on aurait pu jeter un coup d'œil aux couches de couleur RVB…

Ella se mit à sautiller de joie et sourit un peu plus, les yeux brillants.

— Oh, vous m'impressionnez là ! Vous vous y connaissez en vidéo ? Le capitaine Monroe, c'était même pas la peine !

— Et bien… c'est parce que j'ai fait un peu de photo il y a quelques années, expliqua-t-il avec un léger embarras. J'étais curieux du processus non-argentique qui me laissait perplexe… Enfin peu importe… Je ne veux pas vous retarder mais est-ce qu'on ne devrait pas avoir déjà reçu le portrait-robot à cette heure ?

— Si ! Je l'ai mis sur le bureau de Decker. Est-ce que vous voulez aussi une copie ?

— Laissez, répondit-il avec un sourire forcé, je vais le faire…

Ella le considéra pensivement pendant qu'il faisait demi-tour et marchait vers le poste de travail de Chloé. Il prit la feuille de papier dans ses mains et cligna des yeux trois fois. C'était un visage assez familier qu'il n'était pas préparé à revoir un jour. Il se retourna pour lui demander quelque chose d'autre, mais le petit rat de laboratoire s'était déjà envolé…

.

Ella remontait la rue à grandes foulées et se sentit soulagée dès qu'elle aperçut les grilles toujours ouvertes de l'église de son quartier. Elle ajusta les sangles de son sac à dos sur ses épaules et se mit à courir pour les franchir. Puis elle poussa la porte derrière laquelle le parfum habituel des bougies, de l'encens et des vieilles pierres moussues avait l'habitude de l'accueillir. Un long tapis rouge menait jusqu'à l'autel, lui donnant toujours l'impression fugace d'être une starlette au festival de Cannes. Probablement la première starlette à avoir pris Klingon en seconde langue.

— Père Agostin ? appela-t-elle.

— Ici.

La réponse venait de la droite. Le père Agostin était un prêtre d'âge moyen qu'elle connaissait depuis quelques années. Blond et légèrement replet, l'homme était assez maniéré et rigide mais il aimait vraiment ses paroissiens. En équilibre sur un banc, il était présentement en train de regarnir son présentoir de brochures d'associations caritatives… Ella allait très régulièrement à l'église, de sorte qu'il la connaissait très bien et semblait content de sa visite.

— Ella ! Qu'est-ce que je peux faire pour toi aujourd'hui ? Est-ce que ça concerne ta famille ? Ton frère a encore des ennuis ?

— Non, non, mon Père. Je voulais vous poser des questions sur un sujet relativement… délicat et je pense qu'il vaut mieux que nous soyons seuls.

Au-dessus de ses yeux gris, les sourcils clairs du prêtre s'étaient froncés d'inquiétude.

— Veux-tu que je t'entende en confession ?

Un peu nerveuse, Ella jeta un coup d'œil autour d'elle. Il n'y avait pas grand monde. Principalement de vieilles dames qui priaient silencieusement et un couple de touristes étrangers qui prenaient des photos. Pourtant, elle ne voulait pas qu'ils puissent être effrayés par ses questions bizarres portant sur des démons…

— Oui, accepta-t-elle. Je crois que ce serait parfait, mon Père !

D'un signe de tête inquiet, le prêtre lui fit signe de le suivre dans le confessionnal où il entendait d'habitude les pécheurs soulager leur conscience. Mais dès que la porte fut refermée, Ella se mit à farfouiller bruyamment dans son sac, à la recherche du portrait-robot.

— Est-ce que vous pouvez ouvrir cette fenêtre de séparation ? J'ai quelque chose à vous montrer…

— Non, je ne peux pas. De quoi s'agit-il Ella ? Tu as l'air assez… agitée aujourd'hui… Enfin un peu plus que d'habitude, non ?...

— Et bien c'est très sérieux. Pour faire court, j'ai rencontré une fille adorable sur une enquête. Elle est musulmane…

— Oh, je pense que je vois où tu veux en venir. Tu es troublée par sa sensualité et inquiète de sa religion différente ?

— Non, non, écoutez-moi, n'essayez pas de deviner… Je suis venue vous voir parce que j'ai des questions sur la Bible. Regardez ceci… le pressa-t-elle en posant le dessin contre le cannage qui recouvrait la séparation du confessionnal.

— Très honnêtement, je n'y vois pas grand-chose… Si tu me disais exactement ce que tu veux, si tu n'es pas là pour te confesser ?

— Je veux que vous me disiez tout ce que vous pourriez savoir de démons bibliques qui tuent des enfants.

— Quoi ?! Mais quelle idée, c'est horrible !

Ce n'était certes pas le genre de refus que la jeune femme avait envie d'entendre. Elle s'éclaircit la voix et décida d'opter pour une approche plus frontale pour le secouer un peu. Peut-être allait-elle le regretter et qu'il lui faudrait aller dans une autre église à l'avenir, mais c'était important.

— Écoutez, mon Père, il y a un meurtrier là dehors en liberté. Qui tue des bébés. Notre seul témoin est une infirmière traumatisée qui soutient qu'elle a vu un démon femelle qui ressemblait à ça (elle tint la photocopie levée contre le grillage). La pauvre est mortellement angoissée, s'inquiète de son état mental et de l'éventuelle perte de son job si jamais elle en parlait à la Police. Elle est assez convaincue que ce n'est pas une meurtrière « normale » parce qu'elle a semblé apparaître de nulle part, comme par magie, et qu'elle parlait une langue étrangère ou peut-être ancienne… L'infirmière n'a pas l'air d'être une déséquilibrée, ses collègues en témoignent, et elle est venue vers moi parce qu'elle a compris que j'avais la Foi. Mon Père, j'ai vraiment besoin des infos que vous pourriez avoir pour pouvoir parler avec elle. Alors est-ce que vous allez m'aider ou faudra-t-il que je me tourne plutôt vers un imam ?

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.°.

Après avoir facilement rassemblé quelques informations en faisant le tour des employés du LUX, Daniel Espinoza s'approcha de Lucifer et de l'espèce de bombe sexuelle ahurissante qu'il était en train de peloter éhontément sur la piste de danse. Bien sûr, il fallait qu'elle soit à tomber…

Son petit sourire en coin s'élargit pourtant quand il remarqua que le soi-disant Diable était en train de perdre un peu de sa superbe pour une raison inaudible, car ils étaient en train de chuchoter. En ce qui le concernait, Dan se satisfaisait de tout ce qui pouvait gommer un tant soit peu le sourire arrogant de ce stupide bellâtre… Même s'il ne considérait plus réellement Lucifer comme un ennemi, cela ne voulait pas dire qu'il ne le trouvait pas très énervant, à peu près tout le temps.

Il en était le premier surpris mais devenir ami avec son frère Amenadiel, avait changé le point de vue de Dan sur le Consultant Civil. Ça et puis le fait qu'ils partageaient tous les deux maintenant une sorte d'amour à sens unique pour Chloé. Il aurait presque pu considérer ça comme une forme de camaraderie bizarre, un peu comme lorsqu'ils avaient découvert qu'ils étaient tous les deux fans de la franchise de L'Exterminateur au cinéma. Quoique ça ne saute pas forcément aux yeux de tous, ils avaient des choses en commun.

Par exemple, ils étaient assez crétins tous les deux pour avoir laissé filer Chloé en raison de leurs sombres petits secrets… Inutile d'extrapoler beaucoup à ce sujet : avec un nom pareil assumé, Lucifer n'était pas un petit saint. L'an dernier, Maze avait fait la preuve qu'elle pouvait être une vraie brute. Et flippante avec ça, capable de mettre au pas les mafias russes ou chinoises.

Depuis le tout début, Trixie trouvait ces deux-là « géniaux » ou « trop marrants » mais la vérité, c'était que ce n'était absolument pas son cas. Pour la bonne et simple raison que le petit tour de magie de Lucifer… ne marchait pas si bien que ça sur lui non plus. Et parce qu'il n'était pas le gros débile qu'ils croyaient tous, il avait choisi de garder ça pour lui…

La première fois qu'il en avait vraiment pris conscience, c'était quand il s'était jeté à la gorge de Lucifer comme un enragé. Pendant l'affaire du prof de yoga grassouillet qui avait impliqué une espèce de « couteau démoniaque ». Si Lucifer n'avait pas été si occupé à le sous-estimer et le prendre de haut, il aurait compris ce qu'il y avait derrière le fait qu'il soit un « cas compliqué ». Depuis le premier jour, devant l'école de Trixie, l'inspecteur n'avait pas été impressionné par son petit numéro. Et il n'avait jamais ressenti cette attirance irrésistible dont tout le monde faisait grand cas. L'Ex était peut-être le seul à voir la bizarrerie profonde que le Nouveau cachait sous son charme, parce que contrairement à Chloé, il n'en était nullement séduit.

La patience que Dan affichait venait de ce qu'il était assez intelligent pour comprendre que ce type était important pour la carrière de Chloé et pour ses résultats professionnels – alors que lui-même n'avait rien fait d'autre que l'enfoncer, en définitive. Ses propres insécurités, lâchetés ordinaires, échecs et sa rétrogradation après la seconde mort de Malcolm, jetaient une ombre de soupçon injuste sur elle. Parce qu'elle était sa femme, on supposait automatiquement qu'elle devait forcément « savoir » et qu'elle était en réalité sa complice. Et quand ce n'était pas le cas, il ne pouvait rien faire non plus pour empêcher les autres de penser qu'elle était stupide d'avoir été si aveugle. Lorsqu'il était revenu de l'hôpital, Pierce lui-même avait murmuré un truc sur « l'inaltérable aveuglement de Lois Lane » [1] lorsqu'il croyait que personne n'écoutait. Dan n'avait pas apprécié que leur patron fasse ce genre de petit commentaire sur la femme qu'il avait aimée… et qu'il aimait toujours.

Après l'empoisonnement de Chloé, après que Lucifer lui eut brisé le cœur en fuyant lâchement à Vegas pour épouser une strip-teaseuse, elle aurait eu tellement de raisons de prendre Trixie sous son bras et de partir très loin sans jamais revenir à Los Angeles… Qu'est-ce qui la retenait encore ici, au fond ? Il savait parfaitement que Pierce n'avait pas une haute opinion d'elle puisqu'il venait de lui refuser plus de responsabilités syndicales au sein du commissariat et même un simple jour de congé alors qu'elle n'en demandait jamais…

L'homme trop gâté qui lui faisait face avait tout pour lui. Mais alors qu'il aurait eu ses chances avec elle s'il avait su s'y prendre, il n'avait pas les couilles de lui dire ce qu'il ressentait vraiment et se comportait présentement comme un connard de première.

— Je peux vous dire un mot ? demanda-t-il en essayant d'ignorer la façon dont la beauté gothique, incrustée à même le costume de Lucifer, l'examinait avec un air outré.

— Comment oses-tu nous interrompre, rebut du genre humain ?

Daniel fronça le sourcil. Rebut du genre humain maintenant ? Encore une autre malade qui avait accepté de le suivre dans son petit délire de jeu de rôle favori ? Où les trouvait-il ?

Le Diable afficha un sourire un peu mécanique avec un coup d'œil perplexe pour la belle.

— Très chère, ne sois pas si impolie. J'ai demandé à mon ami Daniel de m'aider parce que c'est un officier de police sensationnel ; il n'interrompt rien du tout, il ne fait que son travail…

Cette fois, elle eut l'air authentiquement scandalisée.

Toi, tu es ami avec les humains ? Pourquoi faire ?

— Bien sûr que je le suis ! C'est devenu tellement tendance ! Même Maze en a deux ou trois, ajouta-t-il un peu machiavéliquement en utilisant la rivalité naturelle entre la mère et la fille. On appelle ça « s'intégrer », ma chère.

Lilith scanna l'inspecteur Espinoza des pieds à la tête et il eut l'impression de n'être rien d'autre qu'un morceau de viande. Même s'il la trouvait attirante de prime abord, elle venait de réussir à doucher son humeur en un rien de temps. En plus, Charlotte rodait toujours dans ses pensées.

— Eh bien, je t'ai connu plus difficile, dit-elle à Lucifer, mais je suppose qu'il n'est pas si mal... Est-ce que je devrais m'intégrer avec lui aussi ?

Même pour Dan, il n'était vraiment pas difficile de deviner ce qu'elle avait vraiment en tête avec son « intégration ». Aussi fut-il tout de même assez surpris par la réponse de Monsieur J'adore-les-parties-à-trois-et-je-m'en-vante.

— Non, tu ne dois pas, parce que je l'apprécie beaucoup. D'ailleurs, j'aime tout le monde ici. Mes clients, et pendant que j'y pense, tous mes collègues du commissariat ! déclara fermement Lucifer – ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Pourquoi n'irais-tu pas demander un autre jus de fruit, pendant que je discute des ennuyeuses obligations d'un propriétaire de club avec Daniel ?

— Je déteste les fruits et en plus j'ai vraiment faim, bouda-t-elle avec mauvaise grâce.

— Splendide ! Nous irons dîner juste après, sussura-t-il de sa voix de velours regorgeant de promesses tacites.

Légèrement hypnotisés par la façon dont elle marchait, le Diable et l'homme la suivirent en retenant leur respiration. Puis ils prirent place sur le grand canapé rond et Lucifer se plaça intentionnellement de façon à bloquer la vue de Daniel.

— Daniel, vous savez évidemment que je ne suis pas ce genre de rabat-joie… mais là, je vous le demande, ne regardez pas ma sœur comme ça.

— Votre sœur ? Arrêtez de vous payer ma tête ! Tout le monde a bien remarqué la façon dont vous « dansiez » avec elle et ça n'avait rien de fraternel ! Ah et « pendant que j'y pense », si vous pouviez vous en tenir à Ducon au lieu de Rebut du genre humain

— Oubliez ça. Elle ne connait pas bien les usages locaux. Croyez-moi, et c'est vraiment dans votre intérêt, si jamais elle vous demande de la vénérer, quoi qu'il vous en coûte, refusez et partez tout de suite en courant !...

— Pourquoi, vous êtes jaloux ?

— Bien sûr que non, ne soyez pas stupide. Mais l'Inspectrice me tuerait s'il vous arrivait quelque chose…

Se relevant sous l'affront, Dan se demanda fugitivement pourquoi il était toujours aussi choqué d'être en bute à la constante muflerie de son vis-à-vis qui le traitait tout le temps d'idiot. Mais il préféra essayer de clarifier son "s'il vous arrivait quelque chose".

— De quoi parlez-vous exactement ? Est-ce que vous essayez de dire… que vous la suspectez d'être impliquée dans les disparitions ?

Avec un embarras comique à voir, Lucifer l'incita à se taire.

— Shhh ! Si mon travail avec vous tous m'a appris quelque chose, c'est que vous avez un besoin compulsif d'avoir des preuves de tout ! En ce qui me concerne, je trouve que c'est une vaste perte de temps parce qu'accuser et faire cracher le morceau est beaucoup plus mon style… Mais pour en revenir à elle, je l'ai bien connue autrefois. J'espère qu'elle a changé ses façons mais je n'en suis pas sûr… Alors, hum… Est-ce que vous avez recueilli des infos utiles ?

Les mains sur les hanches, l'inspecteur pencha la tête, pas très sûr de comprendre de quoi il retournait.

— Quand vous dites que vous l'avez bien connue, vous ne voulez pas dire… au sens biblique du terme, n'est-ce pas ? On ne sait jamais trop avec vous…

— Oh pitié ! s'énerva Lucifer. J'ai déjà été minutieusement sermonné par l'Inspectrice ET par Linda, merci bien ! Et apparemment, je n'ai pas de circonstances atténuantes...

Dan ne put s'empêcher un sourire totalement incrédule et presque effaré.

— Oh mon Dieu, vous voulez dire qu'elle serait la première avec qui vous avez… ? Mon pote, vous êtes dans de très sales draps. Mais comment ça se fait que lorsqu'il y a une mauvaise décision à prendre, vous êtes toujours le premier à lever la main ?

Lucifer leva les yeux au ciel, et chassa ces considérations d'un petit geste élégant.

— Dan, croyez que j'apprécie grandement votre tendre intérêt pour la précocité de ma vie sexuelle mais pour la ixième fois, laissez mon Père en dehors de tout ça ! Nous devons faire vite. Je n'aime vraiment pas l'idée mais il va probablement falloir que je convoque un conseil de famille parce qu'elle vient juste de me dire qu'elle était enceinte…

Daniel vérifia deux fois au-dessus de l'épaule de Lucifer. Si c'était vrai, c'était encore insoupçonnable.

— Et alors quoi ? Elle est mineure ? J'espère bien pour vous que non !

— Mineure ? Elle est bien bonne, celle-là. Très loin de là.

Lucifer claqua des doigts devant les yeux fixes de Dan parce que ce dernier recommençait à sourire bêtement pendant qu'il la regardait siroter son jus de fruit à la paille.

— Hey, Dan, Dan, Dan ! On se reconcentre ! Ecoutez-moi attentivement… Personne n'est vraiment prêt pour ce qui pourrait sortir très bientôt de son adorable petite chatte… Qu'est-ce que vous avez découvert ?

— Je… J'ai découvert… que vous n'aviez aucune caméra ici ! C'est complètement imprudent !

— Et bien… ça se discute. C'est pour la tranquillité de mes clients. Vous savez, quelquefois la température monte tellement que tous les vêtements pleuvent…

— Oh, quel fléau ces problèmes de clim ! répondit Dan sans masquer le sarcasme.

— Exactement ! Allons, comprenez-moi... Certains clients ont leur petite célébrité et n'apprécient pas que des sex-tapes indésirables filtrent ensuite sur internet... Personnellement, je ne trouve rien à redire à mon physique ou à mes performances, mais certains peuvent trouver que…

— La ferme. Vous aggravez votre cas… Donc… Tout le monde se rappelle très bien de votre « sœur » mais il semble qu'elle n'ait rien fait de plus que de danser et boire comme les autres. Par contre, vos danseuses, et aussi le « streap-teaseur », ont parlé d'une autre femme qui s'est fait remarquer exactement le même soir… Une grande.

Il tourna rapidement les pages de son carnet du bout de l'index.

— C'est là… Une beauté africaine, à la peau très foncée, grande et voluptueuse. L'une de vos danseuses a dit qu'elle l'avait vue entrer dans la réserve vers une heure du matin avec le barman. Je crois que nous devons retrouver cette suspecte pour l'interroger, mais je ne sais pas bien comment. Peut-être ce soir, si elle revient ?

— Quelle danseuse ?

— Elle m'a dit : Kinky ou peut-être Kiki Afterglow [2], je ne me relis pas très bien… Toutes vos danseuses sont obligées d'avoir des noms pseudos de porno ?

— Vous n'aimez pas ? Je l'ai pourtant choisi moi-même…

Au bar, Lilith décida de toute évidence que badinage ennuyeux avait assez duré et reposa son verre d'un geste sec qui cliqueta contre la surface brillante du comptoir.

— On y va maintenant, Lucifer ?

— Oui, juste une seconde !

Il se retourna de nouveau vers l'inspecteur.

— Vous pouvez venir ce soir ? Disons, vers dix heures ? Ce sera drôle de faire équipe pour rechercher notre « bombastique » suspecte. Je vous en devrai une si vous acceptez.

— Désolé, Lucifer, ce n'est pas possible, j'ai un truc de prévu avec Trixie…

Le Diable arbora une moue boudeuse en laissant échapper un soupir exagéré.

— Allons ! Est-ce que vous croyez vraiment que je ne sais pas pertinemment que vous utilisez toujours, l'un comme l'autre, votre gamine comme excuse quand vous ne voulez pas faire un truc plus drôle avec moi ?

Lucifer !

Cette fois, Lilith avait le regard électrique en revenant vers eux. Ses talons résonnaient avec impatience en massacrant le parquet de danse à chaque pas. Le propriétaire de club regarda son sol laqué avec chagrin.

— Merde, plus le temps de vous circonvenir… Daniel, vous me collerez votre poing dans la figure plus tard mais là je dois vraiment faire quelque chose qui risque de vous déplaire… prévint-il en levant les mains…

…juste avant d'attraper la tête de l'inspecteur dans une prise de fer et de lui claquer un baiser sur les lèvres. Les yeux de Dan s'élargirent sous la surprise et il repoussa vivement le Diable l'affaire faite, très clairement sur la défensive et absolument désarçonné.

— Mais qu'est-ce qui vous prend enfin ! Où est-ce que vous avez vu que j'étais le moins du monde intéressé ? Je ne le suis pas !

— Eh bien, tant pis pour vous ! répondit-il tout fort, avant d'ajouter à son oreille. N'en faites pas tout un drame, c'est juste pour vous protéger.

— Me protéger ? Mais qu'est-ce que vous me chantez là encore ? Vous êtes dingue ? Vous avez pris de la drogue ou un autre truc ? protesta Dan dégouté qui s'essuyait vigoureusement la bouche du dos de la main.

— N'en dites pas plus, ce sera notre petit secret ! Je promets que je ne dirai à personne que vous avez embrassé un homme et avez aimé ça !

Juste derrière eux, une voix toute proche, rude et assez inattendue, s'éleva en les faisant sursauter tous les deux sur place.

— Ah c'est donc là que vous étiez ! Est-ce que j'ai manqué quelque chose ?

Arrivé sans crier gare, Marcus Pierce se tenait debout les mains dans le dos et les contemplait avec un regard légèrement condescendant. La tête levée vers le ciel comme pour prier, Dan ferma les yeux obstinément pour essayer de ne pas perdre son sang-froid dans une explosion de colère.

— Je vous déteste ! siffla-t-il à l'attention de Lucifer, en pointant vers lui un index agressif. C'est mon patron et vous avez fait ça juste devant lui !

— Et bien quoi ? s'étonna le Diable. Est-ce que vous voulez que je l'embrasse aussi, comme ça vous êtes à égalité ? Aucun problème, je me sens d'humeur magnanime aujourd'hui…

— Ha ! Quand il gèlera en Enfer ! rétorqua le capitaine.

— Oh mais je peux arranger ça très facilement, si vous voulez… Il ne faut jamais dire jamais… Mais pas maintenant. J'ai une dame totalement frustrée qui m'attend et ce n'est vraiment pas dans mes habitudes de laisser cela se produire, roucoula-t-il en s'esquivant.

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.°.

Avec son sourire habituel, Lucifer laissa derrière lui « l'escadron de police ». Digérant toujours la nouvelle, il s'éloignait sous les douces lumières du LUX, avec Lilith à son bras.

Tout bien considéré, les choses ne s'étaient pas si mal passées…

L'inspecteur Ducon était assurément beaucoup trop grand pour être protégé de Lilith comme un bébé – avec la bonne amulette, contenant les noms de Senoy, Sansenoy et Samgelot – et pas une inefficace Main de Fatima, mais il fallait qu'elle sache sans ambiguïté que Daniel n'était pas non plus quelqu'un dont elle pouvait se repaître. Lucifer espérait vraiment qu'un baiser sur la lèvre supérieure ferait l'affaire en matière de protection angélique…

Au moins, croyait-elle toujours que par « le lieutenant » il parlait de Dan… L'autre parent de « l'héritière des Enfers ». Il n'avait pas la moindre envie de penser à ce qu'elle pourrait faire si elle se mettait à croire qu'une « femme miraculeuse » s'avisait de la défier. C'était vraiment dommage que Chloé ait refusé de se faire passer pour sa Reine. Il avait même acheté la toute dernière édition de Petit-ami pour les Nuls. Tout aurait été merveilleusement plus simple si elle avait dit oui, sans parler du fait qu'il aurait adoré pouvoir l'embrasser et la toucher « sous couverture »…

Sorti sous la voûte nocturne, il contempla sa « sœur » les yeux tristes tandis qu'elle semblait soutenir légèrement son ventre. La petite maligne le dissimulait exactement de la même façon dont ils escamotaient leurs ailes. Il n'y avait qu'elle pour avoir adopté ce stratagème pragmatique. Sur le trottoir luisant rincé par une averse récente, elle le contemplait les yeux brillants, ce qui le rendait coupable parce que, techniquement, il était un peu en train de comploter contre elle…

Qu'allait-il bien pouvoir faire ? Serait-il capable de trouver une solution à ce problème ? Il savait au fond de lui que c'était de son ressort et à lui de faire quelque chose. Il savait aussi malheureusement qu'il ne pouvait pas demander d'aide à Chloé sur un sujet qu'elle refusait de voir depuis le tout début. Son état de Diable. Le vrai. Même récemment retraité.

Toujours pensif, il caressait distraitement la peau douce du bras de Lilith mais se revoyait en pensée au sein de cette grange. Lorsque Pierce avait pris la balle pour protéger Chloé parce que lui-même était bien trop occupé à enrager contre son Père et ses ailes restituées. Les considérer comme une petite tape encourageante sur l'épaule ? Ridicule ! « Bien joué, fils ! Sympa d'avoir réglé le problème de ta psychopathe de mère pour moi ! ». Etait-il possible que tout ceci ait même été finalement le plan initial ? Son Père lui délégant la résolution de toutes ses emmerdes avec les femmes ingérables de la Cité d'Argent ? Le Vieil Hypocrite, ça aurait été bien de lui !

D'un autre côté, il était épuisé par « les sentiments ». Maze avait raison. Les sentiments étaient merdiques et il désirait ardemment leur échapper, se sortir de cette situation. Bien sûr, Linda y aurait certainement trouvé à redire… Il pouvait facilement se l'imaginer dire avec le petit ton moqueur dont elle usait de plus en plus avec lui : « La paternité tend à faire fuir les hommes de toute éternité, Lucifer. N'imaginez pas que vous êtes le premier à débarquer sur des terres inconnues ». Il jeta un coup d'œil discret en direction du ventre invisible. Ce n'était pas difficile de compatir avec tous ces pères réfractaires, même si les démons à naître n'étaient pas de lui…

Parce qu'il était inutile de se voiler la face : si Lilith était sur le point de donner naissance à un nombre indéterminé d'ifrits – qui bientôt mettraient à sac d'abord son penthouse, et ensuite tous les environs – ça signifiait que le barman et le videur étaient tous deux à la fois responsables et morts ! Il valait donc mieux l'emmener quelque part en dehors de la ville et en discuter de nouveau, cette fois beaucoup plus sérieusement avec Amenadiel.

Même si elle était la première femme jamais créée, Lilith n'en était pourtant pas une. Ses grossesses étaient différentes pour une bonne raison, comme il l'avait découvert dans les stades ultérieurs de leur vie commune. A l'époque, il ne connaissait pas grand-chose à la reproduction – splendide résultat de la politique et du credo de son Papa : les anges n'ont pas de sexe. Elle seule y faisait exception. D'abord parce que elle avait été intentionnellement créée pour être fertile en tant qu'épouse d'Adam et mère de la future humanité ensuite parce que les anges sous leur forme céleste étaient beaucoup plus proches du Plan Mental. Comme elle était à moitié angélique, une simple petite pensée luxurieuse de la part d'un homme pouvait suffire à lui engendrer des enfants… et avec le boulot extraordinaire que Papa avait fait sur son châssis… pas besoin de vous faire un dessin. Ici pourtant sur le Plan Terrestre, elle avait besoin de matière pour revêtir les formes de ses enfants. Il supposait donc qu'elle avait dû sucer à mort – littéralement – deux adorateurs consentants mais ignorants, pour fournir tout un tas d'atomes nécessaires à la création de corps solides… Et puis bonne chance pour expliquer aux autorités médicales qu'elle les engloutissait intégralement par le vagin ! [3]

— Je nous appelle un taxi, dit-il après quelques minutes, en cachant qu'il était aussi en train d'envoyer un texto à son frère. Je n'ai pas envie de prendre le volant alors que tu es si belle. Tu pourrais me distraire.

Elle inclina gracieusement la tête et attendit, nichée contre lui, frissonnant un peu mais sans se plaindre, comme au bon vieux temps, quand elle avait l'habitude de se baigner dans sa lumière surnaturelle pendant des heures.

Lucifer avait eu également tout le temps de repenser au bébé de l'hôpital, pendant qu'il faisait semblant de s'intéresser aux enregistrements vidéo avec Ella. Enfin, il ne faisait pas vraiment semblant parce que sa préoccupation était réelle. Sa meilleure supposition était que Lilith avait tué l'enfant en raison du pacte qui existait entre son Père et elle. Puisqu'elle avait refusé d'être la Mère de l'Humanité comme prévu, Il lui avait donné une autre mission de remplacement… Elle serait chargée de supprimer les enfants non viables, les bâtards impurs engendrés hors des directives divines, et ceci jusqu'au jour où elle accepterait de se soumettre à son destin. Pour être très honnête, Lucifer supposait que son Père avait dû surtout penser aux nombreux enfants qu'elle pourrait mettre au monde et qui seraient tous nés de ses pouvoirs de succube. Adam lui en avait donné plusieurs, lui-même quand il était Samael également… Mais l'un comme l'autre, que ce soit le Premier Homme ou l'ange, ignoraient tout de ces arrangements.

C'était là la raison pour laquelle Lilith le quittait régulièrement en larmes. Elle partait donner naissance à ses bébés et puis… les tuait. C'étaient les ordres de leur cher Papa pour mériter sa liberté ! Lucifer se rappelait encore la rage pleine d'effroi qui l'avait saisi lorsqu'il avait appris toute la vérité et qu'il était revenu à la Cité d'Argent pour affronter son Père. Il s'était armé d'une lame angélique et l'en avait menacé. Il était tellement hors de lui de découvrir l'odieuse cruauté de ce pacte ! Si en colère qu'il tremblait de tout son être et avait envie de vomir.

Durant les premiers stades de leur vie ensemble, dans sa caverne, Samael avait d'abord été choqué quand il avait compris que Lilith tuait sans ciller des animaux pour les manger. Cette facilité à tuer l'effrayait parce qu'il était encore trop tendre et il lui avait demandé incessamment d'arrêter pour l'amour de lui. Mais quand il avait su pour le pacte, il avait finalement compris qu'elle le faisait pour s'endurcir et affermir sa main lorsqu'elle aurait à le faire sur sa propre chair et son propre sang.

Linda prétendait ne pas pouvoir comprendre comment il pouvait massacrer ses ailes à répétition. Mais en toute franchise, comment n'aurait-il pas pu, considérant ce que Lilith avait eu à endurer encore, et encore ?

Il pressa sa main gentiment entre les siennes.

Il était de plus en plus anxieux de pouvoir parler à la sage Linda parce qu'il pensait que le meurtre du bébé était une terrible erreur d'interprétation. « Enfant impur » avait un sens différent au Paradis où la procréation médicalement assistée pouvait être assimilée à avoir des enfants hors des « liens sacrés du mariage »…

Il faudrait qu'il explique à Lilith et, si elle ne voulait pas comprendre, l'obliger à arrêter. En vérité, il l'avait su depuis le premier jour, quand ses ailes avaient fait irruption en plein commissariat.

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Trop profondément pris par ses soucis, il n'avait pas remarqué que Lilith était restée étrangement silencieuse, elle aussi. Mais alors que Dan et Pierce avaient quitté le LUX à leur tour, il sortit brutalement de sa transe et vit la façon dont elle détaillait le Capitaine, avec le même regard intense dont elle avait gratifié Dan, et où dansait quelque chose de très sombre. Enfin plus sombre que d'habitude... Lucifer n'arrivait pas à identifier ce sentiment parce que, bien sûr, les sentiments n'étaient pas son fort. Oh par le caleçon de Papa, comme il avait hâte d'être à sa prochaine session avec Linda !

—Est-ce que tu sais qui il est ? demanda-t-elle d'une voix douce et la plus innocente possible.

— Eh bien oui, c'est le capitaine Marcus Pierce, il est à la tête du commissariat où je travaille.

Elle plissa les yeux d'incrédulité pour lui demander :

— Toi, un archange, tu laisses cette créature misérable te donner des ordres ? Est-ce que tu as perdu toute estime de toi ?

Lucifer éclata de rire.

— Non, il m'en reste ! Le capitaine me tolère parce que le Lieutenant et moi sommes sacrément bons pour résoudre des crimes ensemble. Si je partais, son taux de réussite s'effondrerait brutalement et il le sait. Alors quoi qu'il puisse penser de moi, il évite de la ramener…

Sa main reposait à la taille de Lilith pendant qu'ils faisaient quelques pas pour s'éloigner de l'entrée principale du club.

— Tu devrais être prudent avec lui, l'avertit-elle. Il te déteste, mais pour de bon, pas comme ton petit toutou d'inspecteur qui ne sait pas mentir de façon crédible.

Ils se tenaient debout sous les lourds nuages noirs menaçants, sur l'asphalte crûment éclairé par les néons des boutiques alentours, et Lucifer passa un bras autour de l'épaule de sa compagne. Il adressa un petit sourire en coin à Daniel qui était toujours en train de lui balancer des regards noirs indignés en retournant à la poubelle innommable qu'il appelait sa voiture.

— Pour Dan, je suis au courant, mais qu'est-ce que tu veux dire concernant Pierce ?

Lilith ne répondit pas directement. Au lieu de cela, elle arqua un long sourcil mince et sombre en voyant le taxi jaunâtre qui s'arrêtait à leur hauteur près de la bordure du trottoir.

— Est-ce là notre transport ? C'est une blague ! Jusqu'ici je croyais que le tien était très quelconque mais celui-ci est tout bonnement pitoyable ! Et cette couleur ! Demandes-en un autre. Et je veux quelqu'un de plus beau derrière le volant !

Il porta à ses lèvres le dos de sa main.

— Ma Dame, vos désirs sont des ordres… Nous prendrons donc ma très quelconque Corvette à cent mille dollars et je serai votre chauffeur dans ce cas. Je reviens dans une minute.

Lucifer donna au chauffeur de taxi un indécent billet de banque pour le renvoyer avec classe et partit en direction de son voiturier pour récupérer ses clés et son bolide noir et lustré.

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.°.

Pierce choisit très précisément ce moment pour franchir les trois mètres qui le séparaient de Lilith restée seule avant d'emprisonner ses bras fins dans ses poings durs et de la secouer un peu, comme il lui martelait avec animosité :

— Qu'est-ce que tu fabriques ici ?

— Bonjour à toi aussi, Caïn… Cela ne te regarde absolument pas mais j'imagine que c'est une sorte de visite de famille.

— Ne m'appelle pas comme ça !

— Comme c'est étrange ! Ça fait longtemps que tu piques les répliques de Samael ?

Il ne daigna pas répondre, si ce n'est pas une autre question :

— Est-ce que tu lui as dit quoi que ce soit sur moi ? Ou sur nous ?

— Peut-être bien que oui, ou peut-être bien que non. Tu ne lui as pas révélé qui tu étais, n'est-ce pas ?

— Rien ne presse.

— Est-ce que tu prémédites de te venger contre lui, pour l'éviction du Paradis ?

Marcus lui broya un peu plus les os du bras dans sa poigne brutale mais il n'en avait cure.

— Tu me fais mal, Caïn, l'avertit-elle. Pas la peine de se disputer. Si tu me laisses tranquille, je ne dirai rien de plus, ni sur toi ni sur les vraies raisons qui t'ont poussé à tuer ton frère. Ecarte-toi, il revient.

— Est-ce que tu as égorgé ce bébé à l'hôpital ? Ne mens pas !

— Je me charge du sale travail que Dieu m'a ordonné d'accomplir. Qu'est-ce que tu y trouves à redire ? Est-ce que tu as envie qu'Il aggrave encore ton châtiment ? Médite un peu sur ce qui est arrivé à Samael, très cher ! Juste pour avoir essayé de se rebeller, il a perdu son foyer, sa famille, jusqu'à son épiderme et il a souffert pendant des millénaires. Et c'était son soi-disant fils préféré ! Alors maintenant ou tu me lâches, ou je te dévore sur place.

Pierce obtempéra mais non sans un sourire insensé ses yeux bleus étincelèrent sans montrer la moindre peur.

— Tu vas quitter cette ville et cette planète ! Retourne en Enfer, tu n'es pas la bienvenue ! Partout où tu vas, tu ne sais que semer le graines maudites de la haine et de la jalousie !

Elle leva les yeux sur lui pour lui offrir un triste petit sourire en coin.

— Je le sais bien. Et c'est pour ça que j'ai autant besoin de lui.

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(à suivre)

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Notes

[1] Je continue avec les références de Smallville… :-D

[2] Jeu de mot vraiment intransportable en français. Kinky peut signifier ici « coquine ». Afterglow est parfois utilisé pour désigner le sentiment de félicité post-coïtal.

[3] Référence directe au personnage de Bilquis dans American Gods de Neil Gaiman (également père du comics Lucifer)

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