Et la lumière fut

Chapitre 8 : Affronter sa peur

3492 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/09/2017 14:23

  • CHAPITRE HUIT - Affronter sa peur


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- Raclure d'ange ! cracha le démon, tu n'as rien à faire sur ces terres.


- Ton accueil me chagrine tant, rétorqua Lucifer d'une moue faussement ennuyée, nous venons à peine de nous rencontrer…


- Et je gage déjà que je trouverai nettement moins exaspérant de m'adresser à ton cadavre.


Tous se tenaient sur une épaisse élévation de ce qui avait peut-être un jour été de la pierre, à moins que ce ne fût un lambeau de chair rigidifiée. L'étrange dune faisait partie d'un ensemble de saillies. Malgré sa perfection stratégique, l'endroit n'en était pas moins infâme en bien des points : ses contours déchiquetés, sa surface parcheminée, sa puanteur, et ses bourrasques inopinées.


Dans un long et sinistre ricanement, le traqueur s'éleva dans les airs, sans autre but que de pouvoir toiser l'ange et la gardienne.


- Je te préviens Mazikeen, je vais prendre un immense plaisir à arracher la langue de ton ami.


- Ce n'est pas mon ami, rectifia froidement la démone.


- Oh ! quels mots cruels Maze, s'exclama Lucifer en tournant vivement la tête vers elle d'un air choqué. Une théâtralité surjouée qui provoqua immédiatement chez la brune un roulement d'yeux.


Bien qu'il n'eût pas de bouche, Keïth donnait l'impression de se fendre d'un sourire. L'immonde entité gloussa et dans sa voix s'entendait la moquerie crasse.


- Sois raisonnable, dit-il en se rapprochant significativement, laisse-moi emmener cet emplumé auprès de notre Maître. Laisse-moi faire mon travail !


De toute évidence, Mazikeen n'était pas d'humeur à obtempérer et sa manière de se positionner défensivement devant l'ange interrogea un peu plus le traqueur sur sa motivation à agir de la sorte.


- A quoi joues-tu gardienne ? Qui est-il pour que tu le protèges de la sorte ?


Murée dans son silence, elle demeurait imperturbable et aussi glaciale qu'un lac gelé. Il n'y avait guère que les doigts de sa main gauche, qui pianotaient sur sa cuisse.


- Quand Moloch apprendra que tu accompagnes l'un de nos ennemis…


- Oh, mais j'y compte bien, l'interrompit Maze d'un sourire énigmatique, seulement tu ne seras pas le porteur de la nouvelle.


Quatre ou cinq yeux de la créature manquèrent de jaillirent hors de leur orbite.


- Tu oses me menacer ? Moi ?


- Keïth, tu crois sérieusement que tu seras toujours en vie pour lui témoigner de notre rencontre ?


- Comme si je devais m'inquiéter de toi, gloussa t'il en balançant nonchalamment le bras en direction de l'ange, ou même de lui…


Un autre rictus diabolique éclaira le visage partiellement défiguré de la démone.


- Si j'étais à ta place, je n'espèrerais rien qui puisse arriver.


- Traduction, ponctua Lucifer dans un chuchotement exagéré, tu es déjà mort !


- Attention Mazikeen, avertit-il en ignorant l'intervention de l'emplumé, tu ferais mieux d'y réfléchir à deux fois…


La tortionnaire parcourut alors la distance entre elle et le traqueur. Le son de chacun de ses pas, malgré les bruits étouffés de ses chausses dans la cendre et les rugissements de la géhenne lointaine, lui parut d'une clarté surnaturelle. Elle s'arrêta en dessous, puis lui répondit d'une voix d'un calme presque irréel :


- Aussi surprenant que cela puisse paraître… Non.


Le battement irrité d'ailes de la créature était probablement, songea la brune, ce qui se rapprochait le plus d'un claquement de porte.


Soudain Keïth disparut dans un nuage de fumée pour réapparaitre en hauteur. Il se laissa planer au gré des courants volcaniques. Décrivant des cercles au-dessus de ses ennemis, le démon les observait d'aussi haut que lui permettaient les cendres qui saturaient l'air ambiant. Il serra sa lame des deux mains d'une impatience bouillonnante, puis aboya un ordre.


Ange et démon n'eurent pas à attendre longtemps. Une mélopée funèbre plus cinglante que les vents inlassables résonna dans une cacophonie terrible de rugissements et de cris. Un chœur d'hymnes déments accompagnés par le vacarme apocalyptique des vagues tectoniques.


Une puanteur envahit l'air et, bientôt des failles apparurent un peu partout, d'où filaient des abominations à quatre bras, mi humanoïdes, mi reptiliens. Des défenses jaillissaient de leur gueule béante figée en un rictus moqueur d'affreuses cornes et une chevelure emmêlée ornaient leur crâne monstrueux, et des gouttelettes d'un feu bilieux se formaient entre leurs serres.


Nombreux. Très nombreux.


Mais qu'importe, finalement. Mazikeen avait une stratégie bien rodée dans ce genre de situations où le doute commençait à l'emporter : Frapper la première et tuer tout ce qui se trouvait à portée.


La brune grommela comme si elle avait écopé d'une besogne assommante.


- Ceux-là sont pour moi ! s'exclama-t-elle avec autorité. Toi, tu te charges de cette vermine.


L'espace d'une seconde, Lucifer ne cacha pas sa surprise.


- Attends une minute ! interpella t-il avec de grands yeux écarquillés.


- Un problème peut-être ?


- Oui j'en ai un... Après toutes tes menaces, tu me laisses me débrouiller avec lui ?


- Je n'ai pas le souvenir de lui avoir spécifié son bourreau.


- Magnifique, souffla le déchu en ballant de dépit les bras, merci du cadeau !


Mais la gardienne ne l'entendait plus, déjà sur les troupes. Ses lames tournoyaient, sectionnant membres sans distinction. Elle se déplaçait constamment, dansait pour profiter des espaces laissés vacant par les ennemis.


Sans relâche, la tortionnaire trancha têtes et torses, comme si elle retirait méticuleusement la croûte récalcitrante sur un hachoir à pain. Lames ébènes tranchèrent, perforèrent chair, gras en tous sens, éclaboussant sa peau de sang et de pus jaune moutarde.


Toutefois, les démons étaient assez intelligents pour ne pas attaquer en un peloton unique, une formation qui aurait limité leurs mouvements. Au lieu de cela, ils attaquaient par petits groupes de trois ou quatre qui prenaient d'assaut la position de la gardienne. Le gros de la horde attendait au pied de la dune pour mieux intervenir au cas où l'une des escouades se ferait occire. De partout ils jaillissaient, portant chaque coup dans le double but de blesser leur cible et d'offrir une ouverture à l'un des autres groupes.


Vive comme l'éclair, Mazikeen tailladait sans trêve. L'Ombromantien tournoyait toujours au-dessus d'elle comme un insatiable rapace mais cela ne semblait pas plus l'inquiéter que cela. Ses lames se repaissaient du carnage, et elle arborait un sourire presque aussi diabolique que les créatures qu'elle décimait.


L'estomac noué, Lucifer constata que c'était une véritable chance pour lui de l'avoir de son côté. Dans l'hypothèse de devoir la combattre un jour, le déchu n'était pas certain de survivre à sa furie.


Foncer dans le tas semble être son pêché mignon… et j'avoue que c'est terriblement efficace, Songea L'ange avec admiration.


Il secoua vivement la tête pour s'extraire de sa contemplation. Comment, par la sainte création, allait-il remplir sa mission et atteindre son adversaire en hauteur alors que ses ailes refusaient de bouger depuis sa première attaque.


Plein de dégoût, le déchu reporta son regard sur le traqueur pour s'attarder sur ses bras d'une longueur horrifique, sa peau noire et luisante, ses ailes convulsives, et ce tourbillon de grêle poussiéreuse qui tournoyait sous sa taille…


Tout, absolument tout le répugnait chez ce chasseur d'anges.


Oui, c'était ainsi qu'on le nommait à la Cité d'argent.


Cette redoutable créature faisait partie d'une race d'esclaves conçus et reproduits pour servir l'en-bas, c'était du moins ce qu'on lui avait appris… Peu étonnant que l'enfer octroie sa confiance à un peuple qui lui est entièrement soumis. Gardien des portes, Il était connu pour être la principale menace des patrouilles angéliques. Par sa faute, nombreux frères et sœurs étaient tombés au fil des siècles.


Pas question pour Lucifer de connaître le même sort.


En voyant l'emplumé le fixer avec insistance, Keïth ordonna immédiatement à L'Ombromantien de s'écarter de la démone pour se diriger vers sa nouvelle cible. Le serpent au corps de cuir s'agita furieusement, rependant une odeur émétique de pourriture.


Parfait, il suffisait de demander… La solution à son problème se révélait d'elle-même.


- C'EST CA, hurla Lucifer de tous ses poumons, ENVOIE-MOI TON IGNOBLE REPTILE !


Un grognement venu des tréfonds fit écho à son appel alors que la bête vrillait de plus en plus vite dans sa direction.


Des choses invisibles grouillaient, glissaient et éclataient sous ses pieds. Mais Lucifer inexorablement poursuivi, franchissait dans une course effrénée des crevasses aussi étroites qu'insondables au travers de rideaux de vapeurs toxiques. Malgré les nombreux obstacles, il appréciait les caprices du terrain : la plaine était assez vaste et le brouillard épais.


Il adoptait un itinéraire chaotique, virant inopinément de temps à autre, afin de ne pas s'offrir en cible facile. Dans son dos, l'Ombromantien ouvrit le feu, saturant l'environnement de toute évidence, il cherchait moins à atteindre une cible qu'à déstabiliser sa proie déjà bien amochée.


Une boule d'énergie faillit faire mouche. La charge corrompue se ficha dans le sol à quelques centimètres de Lucifer : Des éclats volèrent en tous sens, certains pourrissant avant même de retomber. Quelques secondes plus tard, l'ange perçut un chapelet d'impacts approcher dans sa direction et n'eut que le temps de s'accroupir et lever haut les mains, invoquant autour de sa personne, un bouclier de lumière matérialisé sous la forme d'une cloche. Les projectiles percutèrent celle-ci et ses bras entiers s'engourdirent sous leur puissance cumulée.


Aveuglé, meurtri, Lucifer cligna des yeux. Il releva enfin la tête pour voir fondre dangereusement sur lui, l'infatigable serpent. Après un bref temps d'arrêt, l'ange tendit les mains, posa les paumes contre le sol, puis psalmodia.


Lucifer eut l'impression de s'enfoncer tout entier dans les effluves liquéfiés qui bouillaient sous la croûte de ce monde. Une chaleur torride l'assaillait de toutes parts, et il en sentit la puanteur sur sa langue.


N'y prend pas garde. Continue.


Il s'enfonça encore, guidé par ses battements de cœur. Une puissance nouvelle afflua autour de lui, le traversa. Elle lui fit moins l'effet d'une force magnifiée que d'une détermination renouvelée d'une volonté exaltée qui lui permettrait d'accomplir des miracles non parce qu'il le pouvait, mais parce qu'il le désirait plus que tout.


Le sol explosa.


La déflagration projeta dans les airs assez de débris pour saturer les cieux. De la chair corrompue et rôtie, empuantissait l'air. Des éclats de roches et des braises se mirent à tomber en grêlons meurtriers, détruisant et embrasant tout ce qu'ils touchaient. Le sol ondoya, se déchira, faisant naître autour de l'ange de nouvelles crevasses et autant d'oueds de pus incarnat.


Si le nuage initial avait plongé la plaine dans une nuit brumeuse aussi artificielle qu'éphémère, la pénombre de quelques secondes eut au moins le mérite de déstabiliser assez longtemps son poursuivant. Ce dernier rata sa plongée et s'écrasa lourdement sur les rochers, juste à côté de l'ange.


Il fallut quelques instants pour que la créature se remette de ce violent choc et s'élève à nouveau dans les airs d'un puissant cri strident.


Lucifer la laissa venir, puis évita de justesse son furieux piqué en exécutant, malgré sa blessure à l'épaule, une habile roulade sur le côté. Avant même qu'il ne se soit redressé, une invocation de sa part fit apparaitre deux courtes lames de lumière.


Il étudia avec attention les déplacements de l'Ombromantien et ce n'est que lorsqu'il plongea à nouveau vers lui qu'il décida à agir.


Malgré sa préparation et ses incroyables réflexes, Lucifer manqua de peu le serpent, l'intuition surnaturelle et les déplacements constants de ce dernier, lui permettant de le sentir arriver et de l'esquiver à la dernière seconde.


Dans un râle de mécontentement, le déchu se remit en position, guettant l'opportunité d'un autre passage.


Et cette fois, il ne le rata pas.


En effet, quand l'Ombromantien passa à proximité de sa personne, Lucifer frappa. La créature hurla de surprise et de douleur mêlée quand les lames se fichèrent dans sa peau. Utilisant les armes comme des crochets, l'ange se balança sous le démon, puis profita de l'élan pour s'agripper à lui.


Un hurlement résonna quand il parvint enfin à se poser sur le démon, le chevauchant comme une vulgaire monture.


Le reptile poussait des cris stridents, assailli qu'il était par la douleur. Les deux lames servaient de rênes, le cavalier n'avait qu'à donner un petit-à-coup sur l'une des armes pour indiquer au démon où il serait avisé de tourner.


Malgré l'urgence de la situation, Le déchu ne put s'empêcher de tournoyer quelques secondes au-dessus du champ de bataille, contemplant sans retenue le sillage de dévastation qui semblait se former de lui-même au milieu des lignes ennemies : Maze, de ce qu'il en voyait, avait succombé à la folie meurtrière des combats. Des dizaines de démons jonchaient la plaine. De plus, toutes les dépouilles avaient été découpées en trois morceaux au moins.


Lucifer l'abandonna très vite à son carnage pour se focaliser sur sa tâche.


Keïth.


Néanmoins, le traqueur ne trépignait pas devant la scène et se contentait de demeurer un immobile spectateur, ses ailes diaphanes battant en silence.


Alors que l'Ombromantien s'élevait toujours plus haut tout en cherchant à le désarçonner, Lucifer le força à se diriger vers son maître. Quand il jugea la distance satisfaisante, l'ange se saisit à nouveau de ses armes et scinda d'un geste vif le serpent en deux. Un lambeau de chair énorme disparut purement et simplement de son corps, le laissant se vider de ses entrailles et de son sang.


La bête étant sur le point de se disloquer, l'appui ne fut pas des plus stables, mais il lui suffit à bondir du corps agité de convulsions droit vers sa cible qui le fixait sans mot dire, tendant juste son bras dans sa direction.


Ce qui le stoppa net dans son saut.


La bouche déformée dans un cri silencieux, Lucifer resta suspendu dans les airs, son corps tendu à l'extrême. D'un mouvement de doigt, le traqueur le rapprocha jusqu'à ce que son visage touchât presque le sien, comme s'il le reniflait.


- Je suis impressionné, admit l'entité. Voilà que ma proie s'amuse à jouer le rôle du chasseur…. Tu t'es bien débrouillé ange, mais sache que dans ce domaine, j'ai quelques siècles de pratique.


Le traqueur avait l'air de vouloir prendre son temps et de déguster la peur qu'il était tout à fait conscient d'avoir provoquée. Son bras mince et démesuré vint se poser sur la blessure de l'ange, et il gloussa d'une voix suintante de malignité.


- Tu dois être bien jeune et ignorant pour avoir cru un seul instant me vaincre. J'ai été créé pour vous détruire, toi et tes semblables… Tu ne peux me défier.


Bloqué par une force à la fois sèche et brulante, Lucifer se débattit pour s'y soustraire. En vain. Malgré sa frêle apparence, Keïth se révélait bien plus fort que lui. L'aura maléfique, délétère de ce dernier paraissait étouffer ses forces.


- D'abord, je vais te faire souffrir, susurra le démon d'une voix de givre, ensuite laper ton sang, et pour finir, faire l'offrande de tes ailes à mon maitre.


Lucifer sentit alors un afflux d'énergie meurtrir son épaule blessée pour y enflammer chacun de ses nerfs, puis son cerveau tout entier. S'il avait eu le temps de s'y préparer, son esprit aurait probablement tenté de repousser l'invasion insidieuse de cette conscience étrangère qui s'immisçait en lui, mais sa volonté avait été balayée par une déferlante de magma psychique toutes ses défenses mentales, calcinées, pulvérisées. Une lumière aveuglante baigna soudain son âme, projetant sur le rempart de sa conscience l'ombre d'un millier de tourments. Lucifer hurla, et ses ailes se mirent à convulser. La douleur était comme une lance

chauffée à blanc, un cauchemar qui scarifiait ses pensées et embrasait son âme.


- Cette douleur qui te gangrène est celle des feux de l'enfer. Elle va ronger lentement ton âme jusqu'à te faire agoniser.


La fièvre affligeait l'emplumé de plus belle, le rendant nauséeux. Il se sentait impur, souillé, comme si un millier de parasites s'immisçaient entre ses muscles, rampaient le long de ses os, enserraient ses organes et s'insinuaient dans la moindre de ses pensées. Ses souvenirs n'étaient que flammes, ses ambitions des buissons d'épines. Il mobilisait jusqu'à sa dernière once de volonté pour ne pas perdre connaissance.


- Et ne compte pas sur le divin, ajouta Keïth en brandissant son arme, Il ne te sauvera pas… car vois-tu, Je vais t'empêcher d'y faire appel.


Dans un long gloussement sadique, l'entité plaqua sa lame infernale sur l'épaule de sa proie qu'il glissa lentement le long de ses omoplates jusqu'à atteindre l'ossature de ses ailes. Lucifer, pouvait presque sentir ses muscles réagir au stimuli de cette menace.


Il pouvait presque bouger… presque !


L'espace d'une seconde, toutefois, car il lui sembla que cela ne lui servirait à rien. Le grand brun darda ses yeux dans ceux du traqueur, et tout ce qu'il vit là, ce fut un désespoir aussi insondable que l'abysse.

Puis, il baissa la tête, comme résigné.


- Avant de t'achever, ange, je veux connaitre ton nom…


En contrebas, Lucifer pouvait apercevoir Mazikeen maculée de sang, qui se tenait fièrement au milieu de cadavres. Le regard accusateur et furieux qu'elle lui renvoya était comme une bile acide brûlant ses entrailles. Son implacable expression semblait l'invectiver de lâche.


Et elle avait raison, il était lâche.


Lâche de refuser tout son potentiel.


Lâche de se mentir de la sorte.


Lâche de se croire encore Samael.


Un lâche... UN FOUTU LÂCHE !


Assez !


Il était temps que ça s'arrête et d'assumer.


Le chasseur plissa des yeux, lorsqu'il réalisa que les épaules de sa proie commençaient à trembler de manière incontrôlée, puis son visage se releva lentement, et il vit qu'il était en train de glousser, ou plutôt essayait de se retenir.


- Pourquoi ris-tu ? s'agaça l'entité.


- Parce que je viens de réaliser que je peux te battre.


Malgré sa torture, Lucifer avait craché ces mots avec un étrange aplomb, comme si quelqu'un d'autre s'exprimait à sa place.


- Très drôle, se moqua la créature, La douleur te fait délirer pauvre fou.


- Je crois au contraire qu'elle m'aide à me révéler, rétorqua Lucifer d'une voix étonnement calme. A mon arrivée ici, une personne m'a fait comprendre que je ne pouvais pas nier la vérité sur ce que je suis. C'est pourtant ce que j'ai fait... jusqu'à maintenant...


- Ça suffit ! ton laïus me fatigue, il est temps d'en fin…


- Tu voulais savoir mon nom, l'interrompit-il d'un regard lentement devenu rouge, Je suis Lucifer et tu vas découvrir que je ne suis loin d'être un ange !


Pour la première fois, une expression mal assurée se dessina sur le visage de Keïth. Huit des neuf yeux se changèrent en fentes méfiantes.


Mais il était trop tard.


Une rage consuma le déchu, balayant toute raison en un instant infime, brûlant sa conscience, et il perdit tout contrôle. La lueur rougeâtre apparue dans ses yeux s'intensifia et le monstre en lui gronda. Son côté démoniaque enfin libre, il s'élançait avec toute la puissance de ses muscles, de ses ailes enfin libérées de la paralysie, et heurta violemment le traqueur. Son élan les emporta tous deux droit vers le sol tandis qu'ils pulvérisaient plusieurs rochers dans un vacarme infernal.


Spectatrice satisfaite, Mazikeen ferma ses paupières en humectant profondément l'air.


Elle la sentait se propager, comme un entêtant parfum.


Il n'avait jamais connu la caresse de la peur. Et aujourd'hui pour la première fois, sa main fourbe l'avait saisi, emprisonné. Bâillonné.


Non… pas Lucifer.


Keïth.


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A suivre…

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