La petite famille dans la Prairie

Chapitre 6 : La petite maison dans la prairie

Chapitre final

1562 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 06/05/2023 13:31

La vie s'écoulait paisiblement dans les plaines autour de Walnut Grove. Le soleil, les arbres, les oiseaux étaient les mêmes qu'à Burr Oak. Les gens y étaient simplement plus accueillants, plus travailleurs.

Dans l'ouest sauvage, une chose avait plus de valeur que l'or. Cette chose, c'était l'eau. Assis sur un rondin, en bordure de route, un gros bonhomme regardait son collègue faire les cents pas au pied d'une butte. C'était un gigantesque rondouillard à la barbe fournie, remplie de miettes, à la chevelure longue et en bataille abritée autant que possible du soleil par un petit chapeau rond. Son camarade était un petit maigrichon à lunettes, tenant une brindille à trois branches. Les deux premières extrémitées dans chaque mains, la troisième faisait des mouvements de bas en hauts, indiquant au jeune homme dans quelle direction chercher. Le binoclard s'immobilisa enfin, gratta le sol du talon et indiqua l'endroit à son camarade qui se leva en ramassant la pioche qui trainait sur l'herbe. Frappant la terre de bon cœur à plusieurs reprises avec son outil, le géant finis par mettre rapidement à jour une petite flaque d'eau claire. Les deux hommes partirent du même rire sonore et satisfait. Le gigantesque barbu saisit son collègue à lunettes par les épaules, et lui annonça, telle une révélation :

-Tu es un sourcier, Harry !

Le jeune homme cessa de rire, repris son sérieux puis fit quelques pas, en fixant un point à l'horizon.

-Qu'est-ce qui t'arrive, petit ? S'enquit son volumineux ami.

Tendant l'index au loin, Harry lui indiqua un point blanc sur la route. Il s'agissait de la bâche d'un chariot. Plissant les yeux pour faire point derrière ses lunettes, le jeune homme annonça avec sourire :

-Les Ingalls arrivent.


...



Aussi rapide que pouvait être Jolly Jumper, il avait eu besoin de faire une halte. Ils venaient de quitter la clairière au ruisseau. Cette même clairière dans laquelle Belt était venue emporter Laura. S'arrêter à cet endroit avait eu l'avantage d'exorciser les souvenirs de la fillette. Elle attendait avec impatiente de retrouver sa famille. Ce qui, elle le savait, ne serait plus très long. Luke, lui, était un peu déçu de ne pas pouvoir tenir sa parole : la famille de Laura les devancerait de quelques heures. Le duo était donc à nouveau sur le dos de l'appaloosa, qui galopait à bonne allure. Luke n'était pas bavard, au grand dam de Laura. Elle essaya donc d'engager la conversation :

-Vous n'avez pas répondu à mes questions, annonça la petite rouquine sur un air de reproche feint.

Derrière elle, le cow-boy eu un sourire en coin. Il était de bonne humeur et se sentait le cœur à parler de Jenny. Il se demandait ce que devenait la jeune Irlandaise.

-Tu peux me poser une question, concéda-t-il avec légèreté.

-Vous avez déjà tué quelqu'un, M'sieur Luke ?

Ce n'était pas le sujet qu'il espérait aborder. Mais fit de son mieux :

-Un sage a dit un jour : "Tuer un homme, c'est quelque chose. On lui retire tout ce qu'il a et tout ce qu'il pourrait avoir".

Il sentait bien que la fillette n'était pas satisfaite de sa réponse.

-J'ai déjà tué, avoua-t-il avec difficulté. Je ne le ferai plus.

La gamine l'avait mis mal à l'aise. Elle le regretta aussitôt.

-Vous êtes un homme bon, M'sieur Luke.

-J'essaie de faire au mieux. J'essaie de faire ce qui est juste.

Jolly ralenti la cadence. Le rythme soutenu du voyage commencait à le fatiguer. Luke repris :

-J'essaie de mettre un peu d'espoir dans ce monde. Le peu d'espoir que tu arrives à reprendre autour de toi finis toujours par te revenir. D'une façon ou d'une autre.

-Moi, je crois que ça fait de vous un héros, lui avoua Laura avec toute la conviction d'une fillette de dix ans.

Le cow-boy solitaire avait l'habitude des honneurs. Il les évitait autant que possible. Il ne s'en sentait pas vraiment en être digne.

-Ce sont des gens comme toi, ou tes parents, les véritables héros, Laura.

D'une voix calme, il commença un récit qu'il n'avait jamais véritablement pris le temps de raconter :

-J'ai été trouvé dans un chariot comme celui de tes parents. J'avais l'âge de ta sœur, Grâce. Tout bébé, précisa-t-il. Le chariot était criblé de flèches et à moitié brûlé. Mes parents ont très certainement subit l'attaque d'une tribu indienne. On ne peut pas blâmer les Indiens. Nous venions sur leurs terres. Pour eux, nous étions des envahisseurs. Quoi qu'il en soit, j'ai été élevé par une brave femme, qui m'a recueilli, dans une petite ville. J'ai appris de tout le monde, là-bas. Et j'apprends toujours.

Laura n'imaginait pas que sa simple question ouvrirait la couverture du grand livre des aventures de Lucky Luke. Elle imaginait encore moins que son histoire était tragique.

-On arrive tous quelque part, poussé par le vent. Enchaîna-t-il. Continuer d'avancer quand il n'y a plus de vent, comme le font tes parents, ça, c'est de l'héroïsme.

Il se pencha légèrement en avant, pointant son index sur un point noir à l'horizon. Il conclut, satisfait :

-Et parfois, on trouve des endroits comme Walnut Grove.


...


Plum Creek était un peu à l'écart du modeste centre-ville de Walnut Grove. Mais comme le reste de la ville, c'etait par un large chemin de terre que l'on y accédait, et la petite maison y était en bois brut. Elle était encadrée d'un petit appentis d'un côté et une modeste grange de l'autre. Et s'étalant derrière la maison sur une raisonnable surface, se trouvait un champ prêt à être labouré. Charles et Caroline venaient de calmer les chevaux et arrêter leur chariot lorsqu'ils entendirent la voix de Laura. Carrie et Mary enjambèrent la ridelle, sautèrent hors du schooner pour rejoindre leur sœur, suivis de leurs parents, talonnés par Rantanplan. Toujours sur le dos de son fier appaloosa, Luke aida la fillette à descendre, puis mit pied à terre à son tour. Avant de saluer les Ingalls, Luke annonça paisiblement :

-Bisbee et les Starr ne vous poseront plus de problème.

-Je rembourserai mes dettes, quoi qu'il arrive, annonça fièrement Charles.

Les deux hommes échangèrent une franche poignée de mains. Caroline se permit une accolade. Les retrouvailles faisaient chaud au cœur. L'émotion laissa rapidement place aux questions pratiques. Luke s'enquit de savoir s'ils avaient fait bonne route. Après l'avoir rassuré, Charles lui avoua :

-Étonnamment, c'est votre chien qui a retrouvé les chevaux.

Le cow-boy ri alors de bon cœur et frotta amicalement le crâne de l'animal :

-C'est un chien plein de surprises !

Rantanplan annonça fièrement :

-J'ai ramené les vaches au péril de ma vie. J'ai dû affronter des poissons sauvages, un lapin sanguinaire et un escargot psychotique !

Jolly Jumper lui adressa un sourire amical :

-Tu n'es peut-être pas inutile, pour une erreur de la nature.

Descendant le chemin, un petit homme d'Église en soutane noire, au crâne dégarnie luisant sous le soleil, s'approcha du groupe. Il interpella Lucky Luke :

-Je vois que vous avez trouvé sans peine.

-Oui, merci, Révérend Alden.

À son arrivée à Walnut Grove, ce fut le révérend Alden qui avait aiguillé Luke vers Plum Creek. L'homme en robe noire s'adressa à Caroline avec bienveillance :

-Vous êtes conviés à un petit repas, chez moi, pour fêter votre retour.

Puis, il s'adressa à Luke :

-Si vous souhaitez vous joindre à nous…

-Ce serez avec joie, mon Père, mais nous devons reprendre la route: avec un peu chance, Rantanplan va finir par prendre le bon train.

Les jours avaient passés, et le train qui semblait si loin au cow-boy la semaine précédente allait finalement arriver quelques jours plus tard. Luke coupa court aux adieux, remerciant la famille d'avoir veuillez sur son camarade canin, qu'il installa sur le dos de son cheval, puis mis le pied à l'étrier. Jolly emporta Rantanplan et son cow-boy sur quelques mètres, laissant la petite maison derrière eux. Une voix les retint. La voix de Laura. La fillette courait sur le chemin de terre :

-M'sieur Luke ! M'sieur Luke !

Le cheval blanc s'arrêta, laissant la fillette les rejoindre.

-Vous reverra-t-on, M'sieur Luke ?

Le regard dans le loin, de la malice au coin des lèvres, Luke ne fit aucune promesse :

-Si le vent me pousse par ici, peut-être.

Du haut de sa monture, il posa sur Laura un regard bienveillant.

-N'oublie jamais petite : Tu es une héroïne, et tu as une histoire à vivre. Vis-la au mieux, pour toi et pour les autres.

La gamine gonfla ses poumons d'espoir et un large sourire se dessina sur son visage :

-Promis M'sieur Luke. Je vais la vivre et, plus tard, je l'écrirai.


D'un doux mouvement des rênes, le cavalier repris la route. Le soleil déclinait tranquillement, virant à l'orange dans le ciel rougeoyant du Minnesota. Lucky Luke pris une légère inspiration, et se mit à chanter :

-I'm a poor lonesome cow-boy…

Rantanplan hurla à la mort, l'empêchant de continuer.

-Les maux de tête me reprennent, Cow-boy… Indiqua Jolly.


Le voyage était encore long.


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