Le secret

Chapitre 10 : évacuer la pression

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Dernière mise à jour 09/11/2016 01:16

Au bout de deux jours, l'atmosphère était proche de l'explosion entre les humains et les turiens. Il n'y avait plus eu d'altercation ouverte, mais il suffisait de parcourir le vaisseau pour se rendre compte de la mauvaise ambiance qui y régnait. Le colonel était enfermé en salle des transmissions, occupé à décoder des bribes d'informations sur les terroristes avec Sadio. Seven prit donc les choses en main. Après plusieurs tentatives avortées pour concilier les deux espèces, elle commençait à désespérer. Leur survie dépendait de leur entente. Sur le terrain, ils devraient travailler ensemble et se faire confiance mutuellement. Autant dire que c'était mal barré. Il était temps d'essayer une autre approche.

La jeune femme rassembla toutes les escouades en même temps dans le hangar à navette. Cette partie du vaisseau présentait un vaste espace libre qu'elle comptait mettre à profit. Seize soldats humains et six agents turiens y avaient largement la place de se mouvoir. Pour l'instant, ils étaient devant elle, en rangs serrés, postés au garde-à-vous.

Sur les bâtiments turiens, on utilisait le combat à mains nues pour évacuer la pression. C'était précisément cette coutume que Seven voulait reprendre.

- Le principe n'est pas de blesser l'autre, prévint-elle. Faites gaffe à vos coups, et à vos défenses. Essayez de lutter avec le maximum d'adversaires. À part ça, pas de règles particulières.

Au début, chacun resta avec son espèce. Et puis, les combats se succédant, turiens et humains se mélangèrent, à la grande satisfaction de la jeune femme. Sans aller jusqu'à crier victoire trop vite, ils semblaient pouvoir se supporter pendant l'entraînement. Un bon point.

- Une stratégie intéressante.

Seven se retourna. Depuis la porte de l'ascenseur, Garrus Vakarian observait la scène.

- D'où vous est venue cette idée lieutenant ? Vous avez déjà servi sur un vaisseau turien ?

Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, le quartier-maître Gilts s'avança.

- Lieutenant, déclara-t-il, sauf votre respect, j'aimerais ma revanche.

Elle considéra un instant l'homme qui la fixait d'un air sérieux, puis sourit.

- Si vous voulez, quartier-maître.

C'était un bon combattant, plutôt rapide, mais qui se reposait beaucoup trop sur la puissance de ses coups. Seven, légère et souple, n'avait aucun mal à l'esquiver. En revanche, la garde du soldat était excellente, et elle éprouvait des difficultés à le frapper efficacement. Au bout de quelques instants, toutefois, elle parvint à se glisser derrière lui et à le maîtriser.

- Pas mal du tout, Gilts, lança-t-elle en l'aidant à se relever. Mais pas encore suffisant pour battre votre supérieure.

Le jeune homme en convint en riant. Plusieurs autres recrues les rejoignirent. L'un d'eux s'écria à l'attention de Vakarian :

- Au fait, Monsieur, c'est vrai que vous avez fait la résistance de Ménaé et la bataille de Londres pendant la guerre ?

Le Spectre acquiesça, déclenchant des exclamations admiratives de la part des bleus qui s'empressèrent de lui réclamer plus de détails. Cooper observait de loin leur enthousiasme devant les noms porteurs de gloire de célèbres opérations. Elle ne pouvait s'empêcher de les trouver puérils. Ils tomberaient de haut. À la première mission difficile, ou qui ne se passerait pas comme prévu, ils allaient vraiment en baver. Pour ceux qui survivraient.

- Tout ça remonte à loin, vous savez… Mais je ne suis pas le seul sur ce vaisseau à avoir fait la guerre contre les Moissonneurs, n'est-ce pas ?

- Le colonel Alenko n'aime pas en parler, intervint Seven.

- Vous aussi, vous avez fait vos preuves de manière spectaculaire, lieutenant ! s'écria un soldat. La mission Horizon, c'était quelque chose !

La jeune femme se rembrunit et ne répondit pas. Il y avait bien longtemps qu'elle n'avait pas pensé à Horizon… Quelque part au fond de sa mémoire, un sifflement mêlé de hurlements retentit, lointain.

- On peut dire ça, oui. Vous êtes assez reposés les gars, retournez vous entraîner !

Surpris, Garrus observa Seven. Le visage du lieutenant s'était fermé, et une ombre dansait au fond de ses iris clairs. Certaines missions laissaient des plaies, il était bien placé pour le savoir. Décidément, cette fille avait de nombreux démons pour quelqu'un d'aussi jeune.

- Dites-moi, lieutenant, vous croyez être capable de battre un vieux turien à la lutte ? demanda-t-il brusquement.

Seven ouvrit des yeux ronds. Hésita.

- Allez… Vous pouvez même utiliser la biotique si ça peut vous rassurer.

- J'ai pas besoin de biotique pour vous coller une raclée, Monsieur, rétorqua Cooper avec un sourire goguenard avant de se mettre en garde.

Le turien n'était sans doute pas aussi rapide que Seven, mais c'était un adversaire autrement plus redoutable que Gilts. Il avait beau avoir le double de son âge, il conservait une force et une technique plus que suffisantes pour la mettre au tapis. Mais la jeune femme avait pour elle sa vitesse et son esquive. Quand l'un prenait l'avantage, l'autre égalisait aussitôt. Les entraînements avaient cessé autour d'eux. Les bleus avaient formé un cercle et observaient le combat en silence, fascinés. En parant un coup particulièrement violent, Seven s'entailla la main sur l'armure de Garrus. Du sang gicla, sans que l'un ou l'autre y prenne garde. Totalement concentrés, ils frappaient, esquivaient, se déplaçaient, comme si la lutte avait été coordonnée à l'avance.

Presque sans le faire exprès, Garrus mit fin au combat d'un direct bien placé. Au sol, Seven reprit son souffle en se frottant la mâchoire.

- Bien envoyé.

- Vous m'auriez étendu au premier assaut avec la biotique, remarqua le Spectre en l'aidant à se relever.

- ça n'aurait pas été drôle, répondit Seven avec un sourire. Allez, les gars, terminé pour aujourd'hui, lança-t-elle à la ronde. Repos pour tout le monde !

Tandis que les soldats se dirigeaient vers l'ascenseur, Garrus la retint.

- Vous êtes blessée.

Seven leva la main. La coupure, assez profonde, saignait toujours.

- C'est pas grand-chose. Kelron va m'arranger ça en moins de deux.

- Même un médecin galarien ne fait pas de miracles, remarqua le turien, ça va peut-être vous handicaper.

- Aucun risque, rassurez-vous.

Coupant court à la conversation, Seven rejoignit sa cabine en vitesse. Elle banda aussitôt sa main. À de nombreux égards, il était vital que personne ne voie cette blessure. Cela soulèverait bien trop de questions auxquelles la jeune femme ne voulait surtout pas répondre. 

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