Le Dogue d'Eire, Le Roi sans Couronne

Chapitre 8 : Camelot

1793 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/05/2021 11:57

Trois mois plus tôt, peu de temps après la mort de Dag, dans le village de Faël:


Les survivants de la garnison attendaient un signe de vie du prince depuis maintenant presque treize heures. Ils avaient regardé la course du soleil avec une inquiétude grandissante alors que la lueur de l’astre diminuait peu à peu dans le ciel. 

“Peut être qu’il est mort, on n’aurait pas dû le laisser partir seul… ” marmonna le plus jeune soldat du groupe en jetant un regard sombre au crépuscule qui s’installait lentement.

“S’il a réussi à revenir vivant après la boucherie de la nuit dernière, il reviendra cette fois-ci aussi.” Répliqua immédiatement le capitaine de la garnison.  

Comme pour confirmer ses paroles, la porte près de la table à laquelle ils se trouvaient s’ouvrit. Dans l’ouverture se trouvait Setenta, les vêtements tâchés de carmin et la main serrée autour de la couronne du roi. Son visage dur laissait peu d’espoir sur ce qu’il avait découvert.

“Prince ! Vous êtes blessé ?” S’exclama le capitaine en se relevant brusquement, laissant sa chaise basculer derrière lui. 

“Ce n’est pas mon sang et je suppose qu’il va falloir m’appeler Roi maintenant.” répondit le nouveau venu sur un ton sombre. 

“Qu’est-ce qu’il s’est passé ?” S’enquit un troisième soldat, inquiet pour la famille qu’il avait laissé à la capitale.

Seth se laissa tomber sur l’un des sièges près de la porte avant de répondre:

“La capitale a été prise. La population est en majeure partie en fuite, quant à la famille royale... -le brun laissa échapper un rire sans joie- J’en suis le seul survivant, les autres sont morts.” 

Un silence abasourdi s’abattit sur la pièce. 

“Morts ?” répéta le cadet du groupe d’une voix blanche.

Setenta se contenta d’un hochement de tête.

“Cet enfoiré de Dag… La mort serait un châtiment bien clément pour un être pareil… ” grinça le capitaine, le visage emprunt de dégoût.

“Ne vous en faîtes pas pour ça, je m’en suis personnellement occupé.” L’avertit le nouveau roi, “Cependant, les armées d’Uther ont investi la capitale et probablement une large partie des terres alentours. Il y a de fortes chances pour les Pendragon essayent de prendre le pouvoir ici.

-Mais je nous pensais alliés ?” s’étrangla l’un des soldats.

“C’était le cas, mais entre temps, mon père est mort et Dag aussi. Pour lui, les Lir sont tous morts et l’occasion est trop belle pour être manquée. Toutefois, les éléments lui permettant de se faire reconnaître comme roi ont soit été volés, soit détruit. Tant que j’ai la couronne, le peuple ne verra jamais Uther comme un dirigeant légitime. 

-Mais nous sommes trop peu pour reprendre le pouvoir !” S'inquiéta le cadet du groupe, faisant nerveusement balancer sa chaise.

L’héritier haussa les épaules et soupira:

“Nous n’avons pas le choix, j’irais à Camelot pour faire valoir mes droits sur le trône.” 

Les soldats échangèrent un regard entendu.

“Sir, ils savent probablement ce que vous êtes, vous finirez au bûcher, comme les autres !

-Justement ! Il est hors de question qu’il fasse subir en Eire ce qu’il a fait dans son propre royaume ! Avec le nombre de réfugiés que l’on a, même si je ne le voulais pas, je serais obligé d’y aller.”  

Le capitaine de garnison hocha la tête, leur roi avait raison:

“Bien, quels sont vos ordres pour votre absence ?” demanda-t-il donc.

“Dites au peuple de ne pas baisser les bras et de ne pas laisser Uther prendre totalement le pouvoir ici. Et protégez ceux qui pourraient être sa cible. Si un peuple comme le nôtre se soulève contre sa stupide purge, il sera obligé d’en abandonner l’idée. 

-Quand comptez-vous vous rendre là-bas ?” L’interrogea le second soldat.

“Dès maintenant. Plus vite je parlerais à Uther, plus vite nous pourrons enterrer nos morts et laisser la vie reprendre son cours. Pensez à garder un sorcier avec vous, qu’il puisse me contacter si nécessaire.” Expliqua Setenta en se levant. 

Il ne laissa pas le temps aux soldats de s’exprimer sur la question et quitta les lieux.

§

Juillet, Camelot: 


Le voyage avait duré bien trop longtemps à son goût. Trois mois de perdu pour rejoindre Camelot. En temps normal, Setenta aurait encore perdu près d’une semaine pour demander une audience au roi, mais heureusement pour lui une opportunité se présentait pour raccourcir ce temps. En effet, comme chaque année à la même période avait lieu un des tournois qui faisaient la réputation de la ville. Les Lir n’y avaient jamais participé, les frontières étaient trop éloignées et moins de temps ils passaient sur les terres des Pendragon, mieux ils se portaient.

Leurs cultures étaient à l’image de leurs dirigeants, auparavant proches, elles avaient fini par différer, jusqu’à atteindre le point de rupture quelques mois plus tôt. Les premiers problèmes étaient apparus il y avait presque vingt ans, lorsque Uther avait lancé la première purge. Des centaines de druides, sorciers et créatures avaient alors dû fuir leur pays pour échapper à la corde ou aux flammes du bûcher et c’est l’Eire qui leur avait ouvert ses portes. Ne voulant pas perdre les relations commerciales qu’il avait avec l’île, Uther avait laissé courir, non sans quelques entrevues houleuses. Ainsi, les tensions s’étaient accumulée pendant près de vingt ans. Mais maintenant que l’Eire était sans Roi, sans héritiers… L’occasion avait été trop belle et Uther l’avait saisi. 

Au fil de son voyage, Setenta s’était tenu au courant de ce qui avait lieu dans son royaume. Les Pendragon rencontraient une large résistance dans les pans de la population. Ce n’était pas une rébellion qu’ils pouvaient mâter, après tout, les habitants obéissaient. La plupart du temps. Le respect qu’ils donnaient aux Pendragon était celui dû à un roi étranger ainsi qu’à son armée, pas à leur dirigeant. 

Mais ce dernier avait pour le moment d’autres préoccupations en tête. Par exemple trouver l’endroit où se déroulait le tournoi. 

Les murs de la cité se trouvaient désormais derrière lui mais Setenta ne savait toutefois pas mieux où il devait aller. Il avait dû venir à Camelot deux fois, au maximum, et la dernière fois datait. À bout de patience, Seth dû se résoudre à demander à un passant. Il avisa ainsi une jeune femme seule qui se tenait près d’une fontaine publique:

“Excusez-moi mademoiselle, pourriez-vous m’indiquer où se déroule le tournoi ?” 

Un visage souriant encadré de boucles sombres se tourna vers lui:

“Bien sûr, vous comptez participer ?” 

Setenta jeta un regard à son sac avant d’adresser un sourire à son interlocutrice.

“Oui, c’est en effet ce qui est prévu.” Confirma-t-il, “Du moins, ce sera le cas si je ne suis pas en retard pour les inscriptions. 

-Ce serait en effet dommage d’avoir fait le voyage jusqu’ici pour rien.” Pouffa la brune en ajustant son fardeau, “Les tentes sont dressées près de la muraille, si vous la suivez vous tomberez forcément dessus.

-Au moins aurais-je eu l’occasion de rencontrer des personnes charmantes, telle que vous, mademoiselle ?” 

Seth laissa volontairement sa phrase en suspens, attendant que la brune complète. Celle-ci, finissant par comprendre où voulait en venir le brun, répondit:

“Guenièvre, mais tout le monde m'appelle Gwen.

-Et bien Gwen, je vous remercie de votre aide. Et ce serait avec plaisir que je vous reverrais dans les gradins lors des épreuves.” Fit le voyageur avec une semi-courbette. 

“Tout le plaisir serait le mien.” Répliqua la brune avec un léger rire et une révérence identique.

Après un rapide salut, l’étranger s’éloigna dans la foule pour suivre la direction que Guenièvre lui avait indiquée. Près de dix minutes plus tard, les tentes et le terrain sableux du tournoi finit par apparaître devant les yeux de Setenta.

“C’est pas trop tôt… ” Soupira ce dernier en rejoignant le groupe de personnes situés devant la tente principale.

La foule était constituée d’individus plus divers les uns que les autres. Il y avait là bien entendu des chevaliers mais aussi des guerriers orientaux, germaniques ou venant d’autres contrés plus éloignées. Seth jeta un regard à la file qui s’étendait jusqu’à l’intérieur de la tente avant de pousser un nouveau soupir désespéré. Il remit son sac correctement sur son épaule et se prépara à attendre, encore.

Une heure, sous un soleil de plomb, qui sembla passer comme trois, c’est ce qu’il fallut pour que Setenta rejoigne finalement l’ombre de la tente. Celle-ci, loin d’être rafraîchissante comme l’on aurait pu l’espérer, rendait la chaleur de ce mois de juillet lourde et collante. Contrairement à la plupart des chevaliers, le jeune homme n’en était que peu incommodé, sa résistance provenant probablement de ses gènes maternels. 

“Titre, nom, prénom et contrée d’origine, s’il vous plaît.” Demanda finalement l’homme assis à une table en face de lui, tirant finalement Seth de ses pensées.

“Chevalier Setenta Lir, du royaume d’Eire.” répondit-il, omettant volontairement son réel titre, “Mais j’aimerais être présenté sous un autre nom, en y mettant le prix bien entendu.” 

Il ne pouvait pas se permettre d’être reconnu avant la fin du tournoi. Si l’on mentionnait son nom, il pouvait tout aussi bien demander à être emprisonné sur le champ. Non, il lui fallait s’exposer dans la lumière, là où il serait intouchable.

De l’autre côté de la table, le regard du fonctionnaire s’était illuminé à l’entente d’une promesse d’argent facilement gagné. Au moins, il n’aurait pas perdu sa journée sous cette chaleur infernale:

“Quel nom dois-je t’inscrire ?” S’enquit-il, plume à la main, alors que Setenta déposait trois pièces d’or sur le bois.

Le roi sourit:

“Cu chùlainn.”

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