Adrian Pendragon

Chapitre 2 : Chapitre 1 : Les souvenirs se mêlent au nouvel hôte

5727 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/06/2023 08:46

Elle était partout et nulle part. Elle veillait et regardait, avec impuissance, le plus grand des sorciers. Elle était là quand Adrian avait poussé son premier cri et serait toujours présente dans leur vie. Mais, comme un voile impénétrable, Merlin semblait avoir perdu une partie de son être. Ce dernier, en devenant père, avait décidé que la magie qui coulait dans ses veines n'était qu'une traitresse. C'était une manipulatrice qui n'était que la cause de ses tourments, refusant catégoriquement d'écouter la voix enchanteresse. Et elle parviendrait à ses fins, coûte que coûte !



Arthur dévisageait Merlin qui, au pas d'une porte en bois, les regardait tour à tour avec un sourire... Le sorcier avait laissé ses cheveux pousser jusqu'à atteindre les épaules et avait aussi pris en musculature. Ce n'était pas flagrant, mais au souvenir de son corps mince, Merlin semblait plus robuste qu'autrefois. Bien que soleil laissât sa place à la demi-lune, il parvenait à voir ses traits las. En le voyant s'avancer, son cœur se serra avec une pointe de douleur. Le visage de son ancien ami était parsemé de traces de larmes : avait-il pleuré ? Et pour quelle raison ?

— Père ! s'exclama l'enfant en se jetant sur le sorcier qui le souleva pour le porter tout contre son corps.

— J'espère que tu n'as pas fait de misère à oncle Gauvain ?

— Non, marmonna Adrian d'une petite voix.

Arthur sursauta quand une main chaude se posa contre son front.

— Tu vas bien Gauvain ? Tu me parais bien pâlichon ? Allez, viens que je te fasse un chocolat chaud.

Arthur le suivit pendant que l'enfant qui enlaçait le cou de son père, le fusillait d'un regard menaçant. Ce petit homme ne pouvait pas être son fils, et même s'il ressemblait un peu à sa défunte mère, il n'arrivait pas à croire que Merlin ait pu faire en sorte d'être enceint de lui. Rien que de l'imaginer, ses membres frissonnèrent de dégoût. Un homme restait un homme. Il lui était inconcevable que le Merlin ait pu porter cette "chose" !

— Installe-toi, l'invita le maitre de la petite maison.

Il franchit la porte, la ferma puis, se tourna sur sa droite : il découvrit une table ronde en bois entourée de quatre chaises. Il s'avança en jetant un coup d'œil par la fenêtre avant de prendre place en se mettant dos à l'ouverture. Sur sa droite, il apercevait une bibliothèque remplie de livres ou, sûrement, de grimoires magiques. Il continua son inspection : une cheminée longeait le meuble, ensuite ses yeux se posèrent sur le derrière de Merlin. Ce dernier était devant un petit fourneau en laiton. Arthur aurait voulu savoir, comment avec le salaire d'un valet, le sorcier avait-il pu s'offrir ce genre de cuisine ?

Il détourna son regard sur la gauche et vit de l'autre côté de la pièce, un banc en bois extrêmement bien taillé. Deux gros coussins étaient posés au-dessus tout comme deux autres semblaient se caler contre un dossier. En comprenant qu'ils étaient dans la pièce, Arthur posa son regard sur la seule porte intérieure : surement la chambre de Merlin et du gamin.

— Tu m'as l'air silencieux, Adrian, résonna la voix fatiguée du sorcier. As-tu passé du bon temps avec oncle Gauvain ?

— Oui, papa, c'est juste que j'ai envie de dormir.

— N'as-tu pas faim ? lui demanda Merlin qui paraissait le regarder avec tristesse.

— Non.

— D'accord mon trésor, va te coucher, je vais te border.

Arthur écoutait et regardait Merlin rejoindre Adrian par la porte intérieure. Pendant ce temps, il tenait dans ses mains le bol de lait chaud mélangé à des copeaux de chocolat noir. Il en huma l'arôme en fermant les paupières. Cela faisait longtemps qu'il n'en avait pas bu. Merlin semblait garder le secret de cet élixir qu'il donnait à Arthur lorsqu'il se sentait fatigué. Il le savoura, le liquide coulant doucement dans sa bouche. Son cœur appréciait chaque gorgée car Arthur se souvenait du goût amer du chocolat et du lait léger, mais aussi des moments passés avec le sorcier.

Arthur avait beau se convaincre que Merlin avait usé de sa magie sur lui, ou trouver des excuses pour son propre comportement envers le sorcier, il était prisonnier depuis longtemps d'un amour qu'Arthur avait lui-même anéanti.

Il regrettait.

Et ses regrets lui coutaient extrêmement chère.

Quand il eut fini, il aurait presque voulu lécher le fond du bol, juste pour se replonger dans ses souvenirs. Il soupira en fixant l'objet et se résigna à se lever pour voir ce que faisait son hôte. Il se dirigea vers la seule porte et découvrit que cela donnait sur un petit couloir : une fenêtre se trouvait sur sa gauche et deux portes sur le pan de mur de droite. En faisant quelques pas, il vit le sorcier déposer un baiser sur le front de l'enfant.

Merlin se redressa et quitta la chambre. Le mince sourire affiché sur ses lèvres trahissait sa fatigue.

— Tu as dû l'épuiser, lui chuchota celui-ci. Allons à côté.

À cette seconde, il réalisa qu'il ne savait pas où habitait Gauvain et, surtout, il sentait l'angoisse l'assaillir : qu'allait-il dire à Merlin ?

— Gauvain ?

— Oui ? répondit-il en fuyant son regard, la peur d'être découvert.

— ça ne te dérange pas si nous allons nous coucher ? lui demanda Merlin qui se dirigeait vers la seconde porte du couloir.

— Non, chuchota-t-il en paniquant.

Le chevalier avait-il une liaison avec le sorcier ? La réponse, il l'eut en distinguant un grand lit dans la pièce. Il avait subitement envie de lui hurler qu'il était Arthur et non ce satané de Gauvain, mais quand il croisa le regard océan de Merlin, de vieilles blessures revinrent irrémédiablement le hanter. Durant une brève seconde, il y avait lu tout le désespoir d'un amour que le sorcier aurait pu offrir à une personne... et cela le bouleversa...

— Mais si tu préfères lire avant de te coucher, vas-y...

Son cœur parut subitement s'affoler lorsque les bras de Merlin se frayèrent un chemin autour de sa taille avant de sentir son torse se coller au sien. Immobile et droit, il laissa le sorcier enfouir son nez aux creux de son cou.

— Merci d'avoir pris soin d'Adrian, marmonna ce dernier d'une voix qui le troubla profondément. Je sais que ce n'est pas facile pour lui et que je devrais accepter tout ce qui m'arrive... Mais je refuse de l'écouter, pas après ce qu'elle m'a fait...

Un sanglot étouffé s'échappa de la gorge de Merlin, brisant une fibre à l'intérieur de lui. Il avait l'impression que "elle" avait pris une place plus importante que lui. Arthur l'enlaça instinctivement contre son corps et écouta leurs cœurs battre. Il était conscient de la douleur qu'il avait infligée à Merlin, mais comment ce dernier avait-il pu utiliser la magie pour lui faire un enfant sans son consentement ? Pourquoi ne lui avait-il pas parlé de cette situation ? Arthur avait tellement de questions que l'intervention magique - ou manipulatrice - de son prétendu fils allait peut-être l'aider à comprendre la situation.


"Arthur courait dans les couloirs du château en sentant une colère monter en lui. Il poussa la grande porte de sa chambre et, le temps de comprendre qu'il était en train de rêver ce que Gauvain avait vécu à travers ses yeux, il assista à cette scène sans rien pouvoir faire.

— Comment avez-vous pu oser renvoyer Merlin !

Cela lui paraissait étrange de se voir à travers Gauvain : Cet Arthur-là paraissait si froid et sans cœur qu'il avait du mal à se reconnaitre.

— Je ne l'ai pas renvoyé ! grinça la voix de celui qu'il avait été.

— Oh ! Bien sûr ! Cela vous est complètement égal de savoir que Merlin soit parti ! Moi, je reviens à peine d'une patrouille que j'apprends que cela fait déjà une lune qu'il ne travaille plus pour vous !

Arthur ressentait la rage de Gauvain qui bouillonnait au fond de lui. Il y avait aussi une peur dont il ne comprenait pas le sens puis, en fixant les yeux impénétrables du roi qu'il avait été, il se rappelait qu'il n'avait jamais suggéré au sorcier de quitter sa demeure : il lui avait juste fait part que ce qui s'était passé entre eux ne devait plus avoir lieu.

— Dans ce cas, votre majesté ! Je m'en vais !

— Je sais combien vous tenez à Merlin, mais vous ne le pouvez pas ! Vous êtes chevalier !

— Chevalier ! Un piètre petit grade pour servir un homme tel que vous !

— Je ferais comme si vous n'aviez rien dit, Gauvain !

Un brouillard épais se leva puis se dissipa. Il était maintenant dans les quartiers des chevaliers. Une main sur le cœur, il était assis au bord du lit, un baluchon à ses côtés. Bien qu'Arthur semblât voir à travers le chevalier, il n'aimait pas du tout ce que ce dernier ressentait : c'était une douleur que lui-même, en tant que souverain, ne pouvait se permettre d'éprouver."


Gauvain, confortablement allongé sur le lit royal, souriait en contemplant le plafond. Ce n'était pas donné à tout le monde de vivre dans le corps d'un souverain. Il commençait sérieusement à se dire que cette situation était amusante. Il était vrai que les choses n'auraient pas dû se dérouler ainsi. Une dizaine de jours plus tôt, il avait discuté avec Adrian. Gauvain l'avait surtout manipulé à la demande de Gaius. Le médecin s'inquiétait de plus en plus sur l'état de Merlin. Alors, ensemble, ils avaient échafaudé un plan... et, comme il se retrouvait actuellement à la place du roi, autant dire que cela était un fiasco.

Gauvain avait pourtant suivi à la lettre les recommandations du médecin. Il avait raconté un faux rêve à Adrian : celui où il avait imaginé Arthur emprisonné dans le petit corps de son neveu. Évidemment, il avait conscience -et honte à lui- de se servir de l'enfant... ou de sa magie. Il connaissait assez le petit sorcier pour comprendre que ce dernier serait capable de tenir tête à son propre père. C'est sans doute pour cela qu'il ne restait plus qu'à confronter le roi à la vérité.

Pourquoi la magie de l'enfant avait-elle seulement interverti les adultes ?


"Gauvain, planté devant une fenêtre, regardait le ciel légèrement recouvert de nuages. Il semblait perdu dans ses pensées. Les paupières closes, sa mâchoire se contracta quand le visage de Merlin s'imposa dans son esprit et le plus troublant fut de ressentir avec violence une multitude de coups de lame en plein cœur. En tentant de rester maître, il se rappelait que, le jour fatidique, il n'avait fait aucun geste envers le sorcier. Celui-ci était planté devant lui et pleurait à chaudes larmes...

Gauvain, sans comprendre la souffrance qui lui enserrerait la poitrine, saisissait enfin que la mémoire du roi était en train de lui révéler les souvenirs qui le hantaient chaque jour. Désarmé d'être spectateur de ses scènes passées, il continua cette étrange vie du roi.

Gauvain/Arthur ouvrit son regard brillant quand la porte grinça en annonçant l'arrivée de sa reine. Dans un rapide mouvement, il passa une main sur ses yeux, prit une respiration et pivota en regardant la reine qui resta au pas du lit.

— Arthur, lui chuchota-t-elle, pourquoi n'es-tu pas parti chercher Merlin ?

— Je ne peux pas, répondit-il en plongeant son regard dans celui de la jeune femme.

— Tu tiens à lui et...

— Gwen, notre devoir est de gouverner Camelot et de fonder une famille, je n'ai pas le temps de batifoler avec...

— ARTHUR ! coupa-t-elle d'une voix que le chevalier ne reconnaissait pas, je respecte tes choix, mais Merlin a le droit de connaitre la vérité ! Tu dois être honnête avec lui !

— Oh ! Et qu'est-ce que je lui dirais ?

— Ce que tu ne ressens pas pour moi.

— Ce n'est pas aussi simple ! gronda-t-il en se tournant vers la vitre, Merlin est un homme et...

Gauvain sentit l'âme du roi se déchirer et son cœur battre d'une tristesse qu'il dissimulait derrière sa voix autoritaire. Il comprenait pourquoi, aujourd'hui, cet idiot n'avait rien fait. Il était effrayé et honteux de ressentir ce genre de chose pour un homme.

— Je...

— Cela suffit GWEN ! intima-t-il, je ne veux plus entendre son nom ! Il est parti et j'en resterai là !

— Bien."


Gauvain se réveilla en sueur et surtout en panique.

— Oh mon Dieu, hacha-t-il les mots en réalisant qu'il avait aussi acquis les souvenirs du roi. Il aurait voulu descendre et discuter de cela avec Gaius, mais comment expliquer la douleur qu'Arthur s'interdisait de dévoiler ? Comment avouer à Gaius qu'Arthur avait passé tout son temps avec Guenièvre dans l'espoir qu'elle lui donne un héritier ?

Et puis, cela amena un autre sujet : si Guenièvre était au courant, pourquoi le roi n'était-il pas revenu cherché Merlin ?


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Arthur fut réveillé par de délicats coups de petits pieds. Il grogna en dévisageant son agresseur qui était nul autre qu'Adrian. Le garçon, bras croisé, le toisait d'un regard menaçant et cela commençait à l'agacer.

— Levez-vous ! lui cingla le fils de Merlin. Mon père ne va pas tarder à se lever.

En remarquant qu'il s'était endormi sur le tapis de la grande pièce, il étendit ses bras et, les mains posées sur le bas de son dos, il se cambra pour détendre ses muscles.

— Vous devez aller chercher du bois sec à la réserve, lui ordonna sèchement le petit, c'est dehors, sur la gauche de l'entrée.

La voix d'Adrian était tellement emplie de haine qu'Arthur se demandait vraiment ce qu'il foutait là !

— Si je suis ton deuxième père, tenta Arthur avant d'être interrompu par Adrian.

— Vous ! Vous n'êtes rien ! lui lança l'enfant qui courut immédiatement en direction des chambres.

Si Arthur avait toujours rêvé d'avoir un héritier, il était hors de question que ce môme puisse être le sien.

En entendant une porte s'ouvrir, il se précipita vers la sortie et pivota sur sa gauche. Il saisit deux bûches quand, son cœur rata un battement quand il entendit la voix de Merlin :

— Gauvain ?

— Oui.

Le regard posé sur un visage plus serein que la veille, il s'étonna de le trouver toujours aussi attirant qu'autrefois. Mais ses yeux océan avaient perdu leurs éclats. Était-ce à cause de lui que le sorcier paraissait moins tenir à la vie ?

— P'pa ! coupa l'enfant en prenant toute l'attention de Merlin, oncle Gauvain m'a promis d'aller pêcher !

— Oh, je vois, taquina le sorcier en ébouriffant les boucles blondes, vous aviez déjà prévu une sortie entre vous, n'est-ce pas ?

— Mais, si tu veux, reprit Adrian, tu peux venir avec nous aussi...

— Non, c'est gentil mon trésor, tu sais que je dois aller voir Grand-mère ?

— Oui ! Tu lui feras un bisou de ma part !

— D'accord, mais avant de commencer cette journée, allons déjeuner...


Arthur sentait que le môme voulait juste l'éloigner un temps du sorcier. Adrian semblait bien plus malin qu'il ne laissait paraître et Arthur savait qu'il ne se laisserait pas faire.

Assis sur une chaise, il regardait Merlin chauffer du lait pendant que l'enfant raclait une grosse barre de chocolat noir. Il pencha la tête quelques secondes et prit enfin le temps de détailler ce gamin. Ce fut le cœur palpitant d'angoisse qu'il dut conclure que ce garçon devait vraiment être le sien. Il avait les cheveux de sa mère Ygraine et les yeux de Merlin, mais le plus beau était de découvrir le même sourire sur ses lèvres.

— Voilà ton café bien serré Gauvain, lui chuchota Merlin en déposant la tasse devant lui.

Arthur plissa ses paupières et rumina intérieurement. Il voulait aussi du chocolat chaud !

— Tu as l'air contrarié ? lui murmura Merlin.

Arthur but d'une traite le liquide et leva son visage vers ce dernier.

— Aucun problème.

Merlin éclata de rire en secouant la tête, puis Arthur se figea en voyant ce dernier s'approcher de lui et déposer un doux baiser sur sa chevelure. Gauvain et Merlin avaient une étrange relation...

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À Camelot, Gauvain marchait en se dandinant d'un pied sur l'autre en direction du terrain d'entrainement. Il avait si mal dormi qu'il avait besoin de s'aérer la tête et de profiter de son nouveau rôle : être le Roi.

Ce matin, il avait un brin oublié dans quel corps il se trouvait et encore moins dans quel lit il s'était endormi. C'était bien la première fois qu'il avait dû voir le visage de George d'aussi près. Le pauvre, se disait-il, n'avait-il pas idée de réveiller un homme qui détenait une dague sous l'oreiller ? Le servant avait dû avoir sa dose de frayeur et, son arme n'était –fort heureusement– pas aiguisée. Bon, il avait à peine éraflé le cou d'un George blanc comme un linge...

Lorsqu'il aperçut enfin les chevaliers, ses lèvres s'étirèrent avec malice. Il se frotta frénétiquement les mains l'une contre l'autre et regarda ses hommes se placer en ligne devant lui. Il savoura ce moment avec délectation.

— Bonjour, sire ! s'exclamèrent-ils.

— Bonjour à vous !

Tout le monde semblait bien là et personne ne manquait à l'appel. Il sourit en tournant quelques secondes son visage vers Léon. Si ce dernier était tellement dévoué à son souverain, Gauvain n'avait qu'une seule envie : celui de le voir ramper au sol jusqu'à mordre la poussière !

— Bien, commença-t-il en marchant devant eux, les mains dans le dos, j'ai entendu dire que dans un royaume lointain, il faisait concourir tous les chevaliers sur plusieurs défis,évidemment, seront disqualifiés ceux qui auront échoué au premier essai.

— Que se passerait-il pour le vainqueur ? demanda Perceval.

— Il se passera que cette personne, répondit-il en se plantant devant Léon, obtiendra un petit domaine aux alentours du château.

Gauvain croisa un regard tout d'abord ahuri qui passa ensuite à un noir non dissimulé.

— Il est temps que certaines lois changent et que le royaume puisse féliciter le meilleur d'entre vous ! s'écria-t-il sans lâcher de ses yeux ravis un Léon qui tendait durement la mâchoire. Demain, je vous donnerai la liste des défis, en attendant, tous les chevaliers doivent se présenter auprès de l'archiviste pour toutes inscriptions.

Sur ces mots, il se retira et partit en direction du laboratoire de Gaius. Il aurait tellement voulu déstabiliser Léon, mais il ne connaissait pas sa faiblesse. Et Dès qu'il le saura, il le briserait.

— Votre majesté !

Gauvain s'arrêta, ferma ses paupières et soupira pour reprendre un visage royal.

— Oui, Léon ?

— Pouvez-vous me dire ce qui vous êtes passé par la tête ? demanda celui-ci.

— Cela est-il un problème de vous retrouver face aux autres chevaliers ?

— Non ! s'exclama-t-il, c'est la façon dont vous avez amené le sujet ! Vous ne m'avez pas consulté !

— Oh, aurais-je –par mégarde– touché votre fierté ?

Gauvain tentait de retenir son sourire mesquin.

— Non, votre majesté, mais je demande à ce que Gauvain y participe.

Ce fut à son tour d'être surpris : pourquoi le chevalier aurait-il souhaité cela ? Léon lui faisait bien assez comprendre qu'il n'était pas digne d'être un chevalier. Et devoir rester ici, sous la contrainte, parce qu'il préférait mille fois vivre près du sorcier et de son petit frère, l'avait déjà miné.

En plus, si Arthur –qui était coincé dans son corps– devait participer à ces défis, Gauvain était certain que le roi ne lui pardonnerait jamais. Sauf, s'il revenait avec Merlin.

— Même s'il n'est qu'une dizaine de jours présents, reprit Léon en attirant son attention de ses pensées, j'estime qu'il a aussi le droit de faire valoir son statut.

— À vous entendre, vous seriez prêt à tout pour que Gauvain soit là ?

— Non, lui répondit Léon dont les joues empourprées ne lui échappèrent pas. Mais j'aimerais voir ce qu'il vaut.

— Bon point.

Gauvain le regarda partir et se demanda ce que Léon avait vraiment contre lui. Le jour où il avait voulu rejoindre Merlin, Léon avait osé lui poser un ultimatum et il ne l'avait pas du tout apprécié. Mais là ? C'était étrange...

Soudain, il pensa à la cause de son nouvel emploi du temps : Constantin. Il l'avait oublié. Demain, il enverrait Gaius prévenir le roi pour que celui-ci relève les défis.


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Arthur attachait les rênes de son cheval près d'un arbre lorsqu'il entendit la voix de Constantin.

— Hé ! Gauvain !

Il n'eut pas le temps de pivoter qu'un corps fin venait de se jeter sur son dos, glissant les jambes autour de sa taille. Il savait que son chevalier passait du temps avec cet adolescent déjanté, mais il n'était pas GAUVAIN ! Il se sentit rougir quand il reçut un baiser contre sa tempe droite avant de sentir son dos s'alléger du poids du jeune homme.

— Gauvain ?

Arthur baissa son regard qu'il parvint à maitriser et fronça ses sourcils, quand les lèvres de Constantin bredouillèrent :

— Toi, tu n'es pas mon frère.

Le roi venait de perdre de sa superbe.

— Je, quoi, comment tu...

— Adrian ! brailla l'adolescent.

Arthur, figé, se disait que si ce dernier n'avait pas reconnu Gauvain, alors Merlin le saurait. Soudain, il sursauta quand des éclats de rire résonnèrent à ses oreilles. Les yeux écarquillés, il vit ses satanés gosses se taper dans la main avant de croiser les bras.

— T'avais raison Adrian, c'était marrant de le voir la bouche ouverte !

Non seulement, Arthur devait prendre sur lui d'être dans le corps de Gauvain, mais en plus, il devait aussi supporter leurs blagues ?

— Bien ! cingla Arthur, maintenant que tu t'es bien amusé Adrian ! Remets-moi dans mon corps et ne t'inquiète pas, je laisserai ton père vivre sa vie, c'est au moins la seule chose qui semble marcher pour lui.

— Non ! trancha le blondinet.

— Et pourquoi, je te prie ?

Il vit l'enfant serrer les dents avant de lui dire amèrement :

— Pas avant que vous n'ayez réparé ce que vous avez détruit en lui.

Arthur allait lui dire sa façon de penser, mais les yeux emplis de haine lui glacèrent le dos.

Après une longue et terrible minute de silence, il regarda les gamins partir patauger dans l'eau pendant qu'il se demandait encore la raison de sa présence. Merlin n'avait pas besoin de lui et ce gosse non plus. Il avait mis du temps pour effacer la seule nuit qu'il avait passée avec l'enchanteur et il avait beau le nier, tous les sentiments qu'il avait enfouis au fond de lui revinrent hanté son pauvre cœur. Comment pouvait-il considérer cette situation comme une seconde chance, si Adrian le malmenait ?

Il passa la matinée à les regarder nager puis, en sentant un coup de fatigue, il s'allongea à l'ombre d'un chêne et ferma ses paupières, juste le temps d'une petite sieste. Ce qu'il ne s'attendait pas était qu'une nouvelle fois, une magie semblait persister à ce qu'il voit à travers les yeux de Gauvain une partie de ses souvenirs.


Il faisait sombre lorsqu'il frappa à la porte de la maisonnette de Hunit.

— Bonsoir, est-ce que Merlin est là ? demanda-t-il.

Elle eut à peine le temps de hocher la tête qu'il pénétra sans attendre son accord. Son cœur palpita quand, au milieu de la petite pièce, son regard se posa sur le dos de son ami.

— Merlin, c'est moi, Gauvain.

— Va-t'en, murmura-t-il son ami d'une voix qui lui fit mal au cœur.

— Je m'en irai que lorsque tu m'auras expliqué pourquoi tu es parti de Camelot !

Il voyait bien que quelque chose n'allait pas. Et cela le blessait de l'entendre à nouveau lui dire de s'en aller. Non, Gauvain n'abandonnerait jamais celui qu'il considérait comme un frère. Il osa s'avancer bien que la voix brisée de Merlin s'éleva plus fortement :

— Je t'ai dit de t'en aller, Gauvain ! Va-t'en !

— Non, répondit-il avec calme.

Arrivé derrière le sorcier, Merlin pivota. Son souffle se coupa net lorsque ses yeux s'attardèrent sur un ventre arrondi. Une multitude de questions envahirent soudainement sa tête, mais les sanglots de son ami le sortirent rapidement de ses pensées.

— Je... suis... un monstre... marmonna le sorcier qui, le visage rougi et humide, reculait d'un pas tremblant.

— Non, répliqua-t-il en tendant ses bras, c'est moi le monstre, j'ai juste été surpris et, non, je ne partirai pas.

— Mais, hoqueta Merlin, regarde-moi, j'ai...

Gauvain s'avança et l'étreignit de force tout contre lui jusqu'à ce que Merlin se calme.

— Non, tu es beau, murmura-t-il à son oreille, et tu le serais encore plus si tu me souriais...

— Ce n'est pas vrai... continua le sorcier en pleurant.

— Regarde-moi, insista-t-il, en écartant son buste.

Le regard océan qui se planta dans le sien lui fit l'effet d'une torture. Ses yeux étaient si remplis de larmes et si perdus que tout ce que Gauvain désirait à cette seconde était de le protéger des hommes tels que le roi.

Gauvain l'avait toujours vu sourire, même dans les périodes sombres de Camelot. Mais, là, c'était bien plus que de la peine. Il avait l'impression que Merlin avait abandonné tout ce en quoi il croyait. Ce crétin d'Arthur avait brisé le cœur de son ami. Pire, il lui avait ôté une partie de son âme. Peut-être même celle de l'innocence, parce qu'un bébé ne se faisait pas tout seul !

Un mince sourire sur le doux visage de Merlin attira son attention.

— Tu es enceint, chuchota Gauvain en inclinant son visage sur le côté, et porter un enfant est toujours un acte de beauté.

— Mais, bafouilla son ami en s'essuyant les joues, je suis un homme. Pourquoi je ne te répugne pas ?

— Et alors ? Tu peux être tout ce que tu es, tu restes mon ami. En plus, tu savais très bien que lorsque j'aurais appris ton départ, je serais venu te chercher, n'est-ce pas ?

Il sourit en apercevant une légère lueur, danser dans ses prunelles.

— Oui...

Il resserra son étreinte en lui murmurant qu'il allait rester avec lui.

— Mais... reprit le sorcier. Tu es chevalier et...

— Merlin, écoute-moi bien....

Il y avait une telle fragilité dans le regard de son ami que Gauvain se demanda ce qu'Arthur avait bien pu faire subir à Merlin, en dehors de l'avoir mis enceint.

— Tu es plus important que tout ce que Camelot a à m'offrir. De plus, je dois prendre soin de mon petit frère...

— Petit frère ?

— Oui, Constantin, il a neuf ans. Il vit non loin du lac d'Avalon avec ma grand-mère, donc, je profiterai de mon temps libre à le passer avec toi, parce que toi aussi, tu es comme mon frère...

— Tu es sûr de le vouloir ? lui demanda timidement Merlin qui semblait reprendre des couleurs.

Pour toute réponse, Gauvain le fixa droit dans les yeux et lui confirma qu'il serait toujours à ses côtés. Il allait lui demander depuis combien de temps, il était dans cet état quand la voix sèche de Hunit l'interrompit :

— Bien ! Maintenant que vous savez qu'il est enceint, qu'allez-vous faire ?

Le cœur affolé, il s'écarta subitement du sorcier et se tourna vers elle. À sa façon de lui avoir posé cette question, nul doute qu'elle pensait qu'il était celui qui... avait mis la graine. Il fallait qu'il rectifie l'erreur :

— Oh, euh, bafouilla-t-il, je, ce... ce n'est pas ce que... vous croyez...

Il plissa ses paupières lorsqu'elle ne put s'empêcher d'éclater de rire.

— Merlin m'a raconté que vous étiez un enfant coincé dans le corps d'un adulte et je dois avouer que c'était tentant de vous faire une petite frayeur...

— Ah-Ah, se moqua-t-il en voyant Merlin retenir un rire, moquez-vous bien, ma vengeance sera terrible...

Les jours suivants parurent passer assez vite et Arthur voyait à travers les souvenirs de son chevalier un Merlin qui irradiait de bonheur.

— Gauvain, tu n'es pas obligé de faire ça, tu sais que...

— Que quoi, mon cœur ? Que tu vas toi-même construire un toit dans ton état ?

Il se posta derrière le corps du sorcier, collant son torse contre son dos puis, d'une petite caresse amicale, il plaça une main sur son ventre.

— Quand est-ce que je le sentirais bouger ? demanda-t-il le menton sur l'épaule droite de Merlin.

— Je ne sais pas... bientôt...

— Je veux te construire une petite maison où tu seras bien avec ton bébé, laisse-moi t'offrir ça...

— D'a... d'accord. Merci Gauvain...

— De rien mon cœur, répondit-il en osant mordre une oreille de Merlin qui, à ce geste, s'éloigna subitement de lui. Oh, euh, je... pardon Merlin, c'était juste tentant...

Le visage rougi du sorcier l'inquiéta : avait-il pris un coup de froid ? L'hiver, pourtant doux, dans son état, il valait mieux qu'il rentre se coucher.

— Merlin ?

Sans lui répondre, il le vit partir précipitamment jusque dans la maisonnette de Hunit. Lorsque Gauvain le rejoignit, il le trouva devant la cheminée. Il ôta ses chausses et son long manteau et s'approcha de son ami qui tressaillit. Il voulait tellement faire plus pour l'aider que, parfois, il avait du mal à le rendre, ne serait-ce, un peu heureux. Merlin avait le droit de se sentir bien, le droit d'être bientôt un papa comblé. Alors, pourquoi s'interdisait-il tant de chose ? Était-ce parce qu'il était un homme qu'il devait se haïr de porter un enfant ?

— Tu devrais partir, Gauvain, lui chuchota Merlin, en s'écartant d'un pas.

— Qu'est-ce que tu as ? Et puis, je ne vais pas te laisser seul. Constantin et ta mère sont partis dormir chez ma grand-mère.

— Il le faut...

— Merlin, je n'aime pas être rejeté sans aucune raison. Alors, qu'est-ce que tu as ?

— Rien.

— Si ! Et je ne partirai pas tant que tu...

— Je, coupa le brun d'une voix tremblante,... je crois que... ce sont les hormones et je...

— Oh, répondit-il en comprenant ce qu'il voulait lui dire.

Il sentait un tel manque de confiance et de peur dans la voix de Merlin que cela lui brisait trop souvent le cœur. Il n'aimait pas voir son visage se baisser de honte alors que Merlin n'avait rien demandé de tout ça.

— Je... je sais ce que tu penses, bafouilla péniblement son ami en fuyant son regard. Je n'ai pas... je ne suis pas du genre à... je ne suis pas...

En le voyant bégayer à en perdre les mots et à trembler comme une feuille, il le blottit tout contre lui et dessina, de sa main droite, de grands cercles d'apaisement sur son dos.

— Chut, il n'y a pas de mal à vouloir se faire du bien...

Merlin releva son regard vers le sien, un brin paniqué de surement croire qu'il se moquait de lui.

— Je... je ne te demande pas de... et puis... tu aimes... les femmes... et...

Il le fit taire en déposant ses lèvres contre les siennes. À travers leur premier baiser, il sourit en le voyant accepter cet échange. C'était tendre. Et c'était certainement ce que Gauvain avait aussi besoin pour se sentir vivant, après tout ce qu'ils avaient vécus.

— J'aime les hommes, lui révéla Gauvain. Et, toi, Merlin, reprit-il d'une voix amusée pour qu'il n'ait pas à avoir peur de ses mots, tu as la chance d'avoir un beau spécimen à tes côtés...

L'éclat de rire de Merlin lui embauma le cœur.

— Gauvain, s'essouffla Merlin qui ne semblait pas accepter cette situation, je ne peux pas...

— Hé, répondit-il en encadrant son visage, j'aime faire l'amour et je peux t'assurer que le sexe, c'est bien, le sexe soulage le corps, il diminue le stress et c'est extrêmement bon pour la santé... et, pour toi Merlin, je ne t'oblige à rien, mais dès que tu sens l'envie venir, je suis là et surtout, susurra-t-il à son oreille, n'aie aucun scrupule à me le faire savoir... parce que je ferais tout,... mais absolument tout pour te faire hurler de plaisir..."


Arthur, affolé, se réveilla en redressant son buste, le front en sueur. Son cœur souffrait de ce qu'il venait de voir. Il n'avait pas le souvenir de l'avoir vu aussi fragile, pas même le jour où Arthur lui avait dit de ne plus faire allusion à leur unique nuit.

— Bien dormi ! nargua Adrian le sourire mauvais au bord des lèvres.

Maintenant le roi en avait marre :

— Je t'ordonne de me rendre mon corps ! Ou je t'assure que je dirai tout à Merlin !

— Était-ce ce genre de menace que vous lui avez proféré pour qu'il s'en aille de votre château ?

— Je te rappelle que je suis ton souverain !

Le garçon renifla et le toisa d'un regard sombre.

— J'imagine que les souvenirs de mon oncle Gauvain vous ennuient, reprit froidement le petit. Maintenant, vous saurez pourquoi il souffre et, peut-être, trouverez-vous la meilleure façon de soigner ce que vous avez brisé en lui !

Décidé, Arthur se mit debout et lui jeta un regard aussi sombre que le sien.

— Tu penses que je ne serais pas capable de tout lui dire ?

— Faites ce que vous voulez, lui répondit l'enfant d'un air étrangement calme.

Soudain, Arthur se crispa quand les yeux d'Adrian passèrent d'un bleu océan à un ambré étincelant.

— Elle ne vous l'autorisera jamais, ajouta le garçon.

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