Adrian Pendragon

Chapitre 3 : Chapitre 2 : La blessure de Merlin

5411 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 24/06/2023 08:58

Elle avait passé des années à lui murmurer que rien de tout cela n'était sa faute et que le passé ne pouvait être changé. Elle le regardait, impuissante, sombrer dans des souvenirs remplis de cris et de pleurs alors qu'elle n'avait que ces trois jours pour tenter de le ramener à la raison. Elle voulait juste que Merlin vive sa vie et se tourne vers l'avenir. Elle avait besoin de le voir heureux, mais le chagrin inconsolable qui faisait saigner le cœur du sorcier était tellement profond pour un homme qu'elle devait agir autrement. Cela devenait même urgent. Adrian, en âge de tout comprendre, était prêt à entendre la vérité. Il était assez grand pour comprendre que Merlin devait la laisser s'en aller... car, en la retenant, l'enfant sorcier perdait petit à petit ses pouvoirs.



Arthur venait de faire entrer son cheval dans l'étable. Sans un regard au gamin, une seule question ne cessait de tourner dans sa tête : de qui parlait Adrian ? « Faites ce que vous voulez, elle ne vous l'autorisera jamais. » Surement de la magie, se dit-il... après tout, Merlin était un puissant sorcier et puis, la couleur intensément ambrée qui s'était affiché dans les yeux de l'enfant montrait combien ce dernier détenait de ce père.

— Gauvain ?

Les mains sur le flanc du cheval, il tressaillit en reconnaissant la voix de Hunith. Il prit une profonde respiration et pivota pour découvrir une femme au visage doux et aimable. Lorsqu'il posa son regard marin dans celui de son interlocutrice, il y lisait tout l'amour d'une mère pour son fils et, probablement, pour Adrian. Il ne la connaissait pas beaucoup, mais ses yeux avaient le pouvoir de le rendre nerveux.

— Hunith, bonsoir.

Il paniqua quand il la vit froncer les sourcils. Sans oser bouger, il la suivit du regard et elle se posta devant lui, le forçant à baisser légèrement la tête. Il n'aimait pas sa façon de le scruter. Elle paraissait le sonder et, en se sentant comme un enfant pris en faute, il détourna ses yeux vers le sol. Il le pressentait : il venait de se trahir. Il ne releva pas son visage quand enfin, elle lui murmura d'une voix emplie de peine :

— Devant mon fils, appelez-moi "maman Hunith", c'est comme ça que m'appelle Gauvain...

Depuis qu'il s'était réveillé dans le corps du chevalier, il avait l'impression d'avoir oublié qu'un cœur pouvait battre aussi vite. Il voulait lui répondre, mais elle le devança :

— Quoi que vous ayez pu dire ou bien fait à mon fils, profitez de votre nouvelle position pour découvrir sa vie.

— Je sais que j'ai commis des erreurs, osa-t-il lui répondre d'une voix vibrante d'émotions, mais si je dois me retrouver devant Merlin, je dois le faire en étant dans mon propre corps.

Arthur sentit des frissons dans le dos lorsque le regard empli d'éclairs de la femme le statufia sur place. À quoi pouvait-il s'attendre ? Il avait perdu la personne qu'il n'avait jamais autant aimé et jamais, il ne s'était déplacé pour venir la récupérer. Elle n'avait pas besoin de lui dire combien il avait dû la décevoir.

— Vous aviez dix ans pour le faire. Aujourd'hui, à vous d'accepter cette situation.

— Je veux revenir dans mon corps, supplia-t-il.

— Je veux, je veux ! Voilà ce qu'est d'être roi ! grinça-t-elle en le dévisageant froidement, il est temps que vous subissiez les conséquences de vos actes !

— Mais...

Arthur se tut devant les yeux soudainement humides de Hunith. Il y avait une peine indescriptible, comme si elle lui dissimulait quelque chose d'autre... comme s'il y avait autre chose que la présence d'Adrian.

— Pourquoi avez-vous cessé de l'écouter ? lui demanda-t-elle.

Il eut soudainement mal à la tête. Tout parut tournoyer autour de lui, l'obligeant à s'adosser contre un mur en bois.

— Je ne comprends pas, bafouilla-t-il le visage livide.

— Votre fils, Adrian, n'est pas aussi puissant que Merlin. Il est incapable (magiquement parlant) d'intervertir les corps... de plus, sa magie se meurt.

Surpris par ces mots, il la regarda quitter l'enclos quand il parvint à lui demander :

— Pourquoi ?

Elle pivota et lui chuchota avant de partir :

— Vous êtes son père, vous devriez le savoir.

Arthur ferma ses paupières en se demandant dans quel guêpier il s'était retrouvé...


Il sursauta en tremblant de tous ses membres lorsque Merlin l'appela. Il sortit rapidement de l'étable et le rejoignit dans la petite pièce à vivre. Merlin lui souriait à en faire battre son cœur, mais Arthur réalisa que ses sourires étaient comme une seconde nature, comme si cela lui permettait de survivre au milieu de tout ça.

— Si je fais des crêpes aux myrtilles, cela te conviendra-t-il ?

— Où est passé Adrian et...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que son corps frissonna en sentant celui du sorcier contre le sien. Enlacé par des bras longtemps oubliés, il écouta Merlin lui murmurer :

— Tu te souviens que ce soir, ma mère emmène Adrian parce que Constantin mange chez elle.

Il aurait voulu le garder tout contre lui encore plus longtemps. La chaleur corporelle de celui-ci semblait l'appeler à l'étreindre à son tour, mais il ne s'en sentait pas le droit...

.

La soirée se passa bien. Assis sur une chaise, il le regardait préparer ses fameuses crêpes avec habilité. Le parfum des myrtilles mêlé à la pâte embauma rapidement la pièce. Arthur n'arrivait plus à détacher son regard du corps du sorcier. Ce dernier paraissait l'entretenir et Arthur le trouvait toujours aussi attirant.

— Tu vas bien ?

Arthur parut soudainement sortir de ses pensées et paniqua en voyant son hôte s'assoir sur ses cuisses. Pourquoi Merlin parvenait-il encore à l'émouvoir ?

— Embrasse-moi, souffla-t-il, perdu dans le regard océan qui le fixait avec inquiétude.

Le cœur battant, les bras du sorcier passèrent sous les siens et ce dernier lui chuchota :

— Tu sais bien que nous avons arrêté ça depuis que... enfin, tu vois...

Arthur sentit une douleur dans sa poitrine quand la voix de Merlin parut soudainement lointaine. De quoi voulait-il parler ?

— Mais cette nuit, dors avec moi, supplia le sorcier qui l'étreignait comme si quelque chose lui échappait. J'ai besoin de te sentir près de moi.

La vie auprès de Merlin était trop calme pour ce que ce dernier était autrefois. Arthur avait des regrets et, peut-être, devait-il apprendre la vie du sorcier à travers le corps de Gauvain ? Si cela était sa punition, il y survivrait, mais il avait peur des souvenirs du chevalier.

Lorsqu'il s'allongea, plus tard, Merlin collant son dos à son torse, il le prit entre ses bras et attendit qu'il s'endorme pour mieux le sentir contre lui.



Il avait fait aussi vite qu'il avait pu. L'amère colère qui assaillait ses entrailles se tourner contre Léon. Ce dernier l'avait envoyé plusieurs jours au nord du royaume pour amener une famille au château alors que Léon savait pertinemment qu'il devait partir le lendemain... mais, non, son supérieur avait besoin de lui ! Il s'était laissé endormir par ses belles paroles ! Léon lui avait confirmé qu'il était l'un des rares chevaliers en qui il avait une confiance aveugle. Tout ça pour rencontrer une jeune fille muette qui semblait au bord du suicide. Gauvain(Arthur) n'avait même pas eu le temps d'arriver au parvis qu'Elyan l'avait averti que Gaius était parti deux jours plus tôt.

À ces souvenirs volés, Arthur se sentit furieusement trahi : la plupart de ses chevaliers savait pour Gauvain et Merlin !

Gauvain(Arthur) était fatigué lorsqu'il arriva devant la nouvelle petite demeure de Merlin. Il poussa la porte et vit immédiatement Hunith qui, les larmes aux yeux, lui indiqua qu'il pouvait retrouver son fils. Le roi qui suivait cette scène comme un fantôme crut recevoir une claque en voyant le visage rougi de Merlin se lever dans sa direction. Celui-ci pleurait à chaude larme tout en tendant ses bras vers lui. C'était étrange, il pressentait que quelque chose de grave venait de se produire... pourtant, il entendait le cri d'un bébé.

— Merlin ? murmura-t-il en le blottissant contre lui.

Ce dernier au lieu de lui répondre s'agrippa à son dos, secouant son corps au rythme du sien comme si la vie venait de lui ôter une partie de son âme. Ce n'était pas le genre de réaction auquel il s'attendait, mais peut-être que cela venait-il du trop-plein de fatigues et des hormones qui bouleversaient encore l'intérieur de Merlin.

Alors, comme un frère, il l'étreignit en lui soufflant des mots doux et rassurants... des mots qu'Arthur ressentait avec douleur parce qu'il n'avait pas été là pour le sorcier.

Gauvain(Arthur) l'avait gardé tout contre son corps puis, en sentant le calme revenir, il déposa des baisers papillons sur les joues humides de Merlin. Ce dernier semblait lentement reprendre une respiration régulière mais ses yeux étaient comme vide : pourquoi l'étincelle de vie avait-elle disparu ?

Arthur sentait que Gauvain aurait voulu qu'il parle, mais au lieu de cela, le sorcier ne lui murmura qu'une seule chose :

— Ne me quitte jamais.

Le cœur du roi venait d'éclater en mille morceaux. S'il aurait pu pleurer, il l'aurait fait. Pourquoi n'avait-il pas pris son courage et n'était pas parti à sa recherche ? Pourquoi sa fierté l'en avait-elle empêché ?

— Promis Merlin, tant que tu auras besoin de moi, je serai là...

Il tourna son visage quand Gaius pénétra dans la pièce, les yeux gonflés par des larmes incessantes.

— C'est un beau garçon Merlin, souffla le vieil homme qui tentait de sourire, chose qui le perturba momentanément.

Arthur le regarda déposer le bébé dans les bras du sorcier et celui-ci déposa un baiser sur le front du tout petit.

— Adrian,... je l'appelle Adrian...

— Il est mignon comme tout, s'extasia-t-il en le voyant dormir contre la poitrine de son père.

C'était des instants uniques que le roi souffrait de ne pas avoir vécu auprès de Merlin. La fragilité du regard océan lui transperçait tellement le cœur qu'il haïssait de voir que c'était le chevalier qui avait pris sa place.

Mais, Arthur n'avait-il pas justement laisser cette place à un autre ? Il savait, au fond de lui, qu'il ne méritait que ce qui lui arrivait...

Mais... peut-être qu'un jour Merlin lui pardonnerait ? Peut-être avait-il une chance de se rattraper ?


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Gauvain regardait Gaius qui finissait de préparer une sacoche. Ce dernier allait partir à Healdor et probablement passer du temps avec Adrian.

— Qu'allez-vous dire au roi ? demanda-t-il au médecin de la cour.

— S'il me pose la question, la vérité.

Le chevalier ne lui parla pas des souvenirs d'Arthur, car il avait appris auprès de Merlin, que la magie n'agissait jamais sans aucune raison. Il lui suggéra seulement de donner un baiser sur le front de Merlin en pensant très fortement à lui.

— Je seraibientôt de retour, en entendant mon garçon, évitez de détruire le château.

— Oh, comme si j'allais déclarer une guerre... s'amusa-t-il en se laissant blottir par les bras de Gaius, pourriez-vous dire à Constantin que je suis désolé de pas pouvoir être là pour la fête de l'équinoxe.

Le médecin éclata de rire.

— Avec Adrian, je suis certain que ces deux garnements ont dû déjà en faire voir au roi.

Le chevalier sourit et le salua une dernière fois.


Gauvain soupira en se souvenant de la missive qui lui avait annoncé le décès de sa pauvre mère. Elle laissait derrière elle, un petit garçon de sept ans qui allait vivre chez sa grand-mère. Cette dernière, trop âgée pour veiller sur un gosse, Gauvain était parti le retrouver et le prendre en charge.

Au début, cela n'avait pas été facile. Il ne l'avait pas vraiment vu grandir et, comme un étranger, Constantin ne lui faisait pas confiance. Bien que le petit châtain pleurât encore la mort de leur mère, Gauvain se rappelait des mots blessants qu'il lui avait hurlés :

— T'étais pas là quand elle était malade ! T'était pas là quand elle est partie ! De toute façon, t'es pas mon vrai frère ! Je te déteste !

C'était exact. Il n'avait pas le même père, mais il restait son petit frère de sang.

Seule la curiosité du garçon avait réussi à briser la glace. Constantin le suivait à chaque fois qu'il allait voir Merlin. Comme Gauvain construisait une petite maisonnette au sorcier à l'extérieur du village, Constantin avait été stupéfait par son travail. Son petit frère, un peu sauvage, était devenu très proche de Merlin, le saoulant parfois un peu trop avec ses questions d'enfants. Il avait peur que le sorcier ne le repousse, mais le résultat était plutôt joli à voir : c'était comme une nouvelle famille.

Lorsque Adrian naquit, Constantin veillait sur le bébé et lui racontait ses histoires. Les yeux gris de son cadet pétillaient à chaque fois qu'il parlait du bébé : "tu verrais, il a fait trois pas aujourd'hui..." " J'aime bien quand il m'appelle Tantin..." "Gauvain, tu crois qu'il sait que je suis son copain ?" " Je lui ai appris à nager !" " J'aimerais qu'il ne grandisse pas..."

Puis, le temps avait passé, faisant de ses deux garnements les meilleurs amis du monde. Malgré leurs différences d'âge, il s'étonnait encore de voir son frère toujours aussi fou d'Adrian. Ces gamins étaient inséparables et quelque part, cela lui réchauffait le cœur. Même Maman Hunith était sous le charme de Constantin. C'était une femme super qui ne manquait jamais d'offrir tout l'amour qui manquait à son petit frère.

— Votre majesté ?

Gauvain sortit de ses pensées, pivota et tomba face à Léon qui jetait un regard circulaire dans la pièce.

— Oui ?

— Les chevaliers et moi sommes prêts pour la réunion sur les défis.

— Bien, j'arrive.


Gauvain sentait que le rôle de souverain serait vraiment moins marrant que prévu. Il était assis devant son bureau à dévisager depuis plusieurs minutes des bouts de parchemin où il avait demandé aux chevaliers de noter des idées de défis. Il s'accouda et posa pitoyablement sa tête entre ses mains. Les chevaliers avaient-ils bien compris sa question ? Bon, se dit-il en relevant quelques secondes ses yeux vers le plafond, il avait surement dû mal la poser "Trouvez-moi des défis de mise en situation !". Il fronça ses sourcils en relisant les quelques réponses :

- Combat sous la pluie (à cause de la boue, nous avons tendance à glisser)

- Combat avec nos propres moyens (parfois, sans nos armes, nous sommes souvent confrontés à nous servir de ce que nous trouvons à portée : exemple, les chopes pleines des tavernes)

- Tir à l'arbalète sur cible mouvante

Il finit par se dire que cela paraissait finalement une bonne idée. Ses lèvres s'étirèrent soudainement en un sourire mesquin lorsqu'il imagina très bien les chevaliers, dans la boue, se battant l'un contre l'autre, bandant leurs muscles et... grrr... ce serait absolument trop bon d'assister à ça ! Il se frotta les mains en se convaincant que ce serait amusant !

— Entrez ! hurla-t-il en entendant des coups frappés à sa porte.

Sa mâchoire se tendit en reconnaissant Léon puis, en repensant aux défis, il imagina le chef de la cavalerie, torse nu, se battant avec virilité et habilité et... secoua hâtivement la tête en se demandant ce qui lui arrivait ! C'était tout de même Léon ! Celui qui l'avait empêché de retrouver Merlin ! Celui qui voulait qu'il reste parmi les hommes de Camelot ! Bien sûr, Gauvain aimait être chevalier, mais à l'époque, sa vie avait pris une tournure radicale : sa mère était décédée et il n'avait pas pu assister à sa crémation. Constantin l'avait haï pour cette absence, puis, il y avait eu Merlin...

— Sire, reprit son aîné, veuillez m'excuser de vous déranger, mais je tenais à vous voir concernant ma sœur.

Gauvain dut faire un effort pour éviter de paraitre étonné : une sœur ? Quelle sœur ? Il l'aurait su...

— Comment cela ? dit-il en tentant de garder le visage froid d'Arthur.

Il regrettait de pas s'être habitué avec ses mimiques royales.

— Ce n'est pas grave, votre majesté, je sais combien vous êtes occupé, je vais vous laisser et...

— Non ! s'écria-t-il en se giflant mentalement.

Pourquoi cela devrait-il l'intéresser ? se demanda Gauvain. Ce n'était que Léon.

— Juste, bafouilla-t-il en faisant mine de relire les petits bouts de parchemins, rappelez-moi ce que vous vouliez.

Un silence envahit la pièce, l'obligeant à fixer le chevalier. Il y avait dans le regard scrutateur de ce dernier des questions muettes qui l'inquiétèrent. Il devait faire vraiment attention à ne pas se faire prendre.

— Sir Léon ?

— Vous sentez-vous bien ? interrogea l'aîné qui fronçait dangereusement des sourcils.

— Oui, bien sûr, continuez, je vous prie...

— Je désirais savoir si Nadia pouvait quitter sa place de servante.

Gauvain qui réfléchit rapidement finit par hocher la tête. La jolie Nadia était donc sa sœur. Pourquoi Léon ne lui avait-il rien dit ?

— Merci, sire !

La voix soulagée de Léon le troubla, faisant battre son cœur avec plus de violence. C'était une de ces facettes qu'il ne lui reconnaissait pas. L'aisance et la stature de son interlocuteur semblaient plus révélatrices que ce qu'il savait de cet homme. Pourtant, se convainquait-il, c'était ce même Léon qui ne méritait pas de compassion.

— Vous êtes certains que cela ne dérangera pas la gouvernante si elle s'en va ?

Gauvain eut un moment d'absence en se rappelant la jeune adolescente qu'il était parti chercher alors que Merlin donnait naissance à Adrian.


— Combien d'hommes te faudrait-il ? demanda-t-il à travers la voix du roi Pendragon.

— Quelques gardes, et j'aimerais que Gauvain les accompagne, lui répondit Léon.

L'un en face de l'autre, il voyait bien l'inquiétude dans les yeux du chevalier qui, habituellement, ne laissait jamais rien paraitre.

— J'ai une totale confiance en lui, poursuivit Léon, si je pouvais venir, je le ferais...

— Mais vous devez accompagner ma reine.

— Ou sinon, je peux y aller et demander à ce que Gauvain prenne ma place et...

— Non ! coupa la voix du roi, personne ne doit savoir qu'elle se recueille au lac !

— Bien, votre majesté, j'aurais juste une requête à vous demander.

— Oui ?

— Je souhaite qu'aucun de vos hommes ne sachent que la jeune fille est ma sœur.

— Pourquoi cela ?

— Elle n'a jamais su pour moi, bredouilla soudainement la voix vibrante du chevalier. Quand elle est née, mon père qui était au service du vôtre venait de mourir et pour avoir rejoint l'armée de Camelot, je crois que ma mère était persuadée de m'avoir déjà perdu... alors, elle ne lui a jamais parlé de moi...


Gauvain se réveilla en croisant un regard qui le contemplait d'un air inquiet. Pendant une seconde, il réalisa qu'il ne connaissait vraiment pas Léon. Comment une mère avait-elle pu renier son propre fils au point de mentir sur son existence à sa petite sœur ?

En fait, tout le monde avait des secrets. Et tout le monde se mentait.

— Je vais bien Sir Léon, vous pouvez disposer, dit-il en voyant que celui-ci lui parlait, mais que Gauvain était trop absorbé par ses pensées.

— En êtes-vous certains, sire ?

— Oui.

— Bien.


Léon quitta la chambre royale. Il avait la désagréable sensation qu'il se passait quelque chose et il était rare qu'il se trompe sur ce genre de chose. Il connaissait le roi depuis qu'il était venu avec son père à l'âge de huit ans pour devenir, plus tard, chevalier. Arthur étant plus jeune que lui, ils avaient tous les deux presque fini par grandir ensemble.

Aujourd'hui, il se rendait compte que le roi agissait... bizarrement. Comment pouvait-il avoir oublié que Nadia était sa sœur ? Arthur avait lui-même insisté pour y envoyer des hommes malgré qu'elle ne vivait plus dans son royaume.

Foi de chevalier, il trouverait la réponse... mais en attendant, il devait retrouver Nadia.


Il sourit en la voyant regarder le ciel. Depuis qu'il avait pu la faire venir, grâce à feue la reine, sa sœur avait mis du temps à l'accepter en tant que frère. Il se souvenait du regard affolé qu'elle lui avait lancé le premier jour. Il y avait tellement de colère contre lui qu'il s'était senti abattu et, bien qu'il en avait voulu à sa mère, il s'en voulait aussi pour n'avoir jamais eu l'occasion de la rencontrer. Quel genre de frère était-il pour avoir abandonné sa famille ? Lorsqu'il avait pu lui parler, il avait fallu trois longues saisons de silence.

Il avait imaginé les pires atrocités qu'elle avait pu voir. Le village natal de Nadia avait été attaqué et sa mère avait réussi à lui envoyer une missive en l'avertissant qu'il lui restait encore de la famille. Cependant, Gauvain n'avait pu que trouver Nadia et un vieil homme, décédé en cours de route de ses blessures. Sa sœur ne lui avait pas vraiment tout raconté. Il le savait à son regard bleu qui ressemblait à celui de sa mère. Un jour, peut-être, saurait-il ce qu'elle lui cache ?

La vie à Camelot n'avait jamais été facile, surtout avec le roi Uther Pendragon qui proclamait sa haine contre la magie. Il avait vu les hommes de son père revenir des combats, en sang pour certains et morts pour d'autres. Au lieu de penser à sa mère, Léon avait admiré son père pour avoir mené à bien plusieurs batailles... mais c'était ça, la vie des hommes : protéger le royaume qui permettait aux familles de vivre dans une certaine mesure où il y avait assez de gardes et de chevaliers...

* Coucou toi ! mima-t-il avec ses mains.

* Bonjour Léon.

* J'ai une bonne nouvelle ! Le roi te libère de ton poste !

* C'est super !

* Oui ! Alors, maintenant, que comptes-tu faire ?

Le visage pâle de sa sœur s'empourpra soudainement et elle lui avoua enfin ce qu'elle ne voulait pas encore lui dire :

* Léon, ce soir quelqu'un va venir te voir et... te demandera ma main...

Il peina à comprendre que la petite adolescente de quinze ans avait maintenant dix ans de plus et était devenue une belle jeune femme. Lui qui la voyait toujours aussi petite, sentit une pointe de déception... il aimait son rôle de grand frère et, désormais, un homme avait réussi à voler le cœur de sa sœur... Il avait pensé que Gauvain -souvent entouré de jolies femmes- aurait pu la séduire. Combien de fois l'avait-il espéré en les voyant tous les deux parler avec leurs mains ? C'était une idée stupide d'avoir pu imaginer que cela aurait pu marcher.

* Surtout, reprit-elle en souriant, ne soit pas dur avec lui.

* Qui est-ce ?

* Tu le sauras en temps voulu.

* Mais...

Elle éclata de rire et se jeta dans ses bras, l'étreignant de toutes ses forces.


Pendant ce temps, Gauvain avait assisté à la scène, en se souvenant parfaitement d'avoir passé un peu de temps avec la jeune fille. Elle était douce et gentille, ce qui était loin d'être le cas de son aîné. Il eut un léger sourire en se disant que ce dernier allait surement avoir du mal à accepter qu'elle se marie. Le futur époux allait avoir du souci à se faire, mais Gauvain n'avait pas non plus oublié sa vengeance et celle-là lui tenait à cœur.

Mais, il devait aussi penser à Merlin...

D'ailleurs, comment se comportait le roi avec lui ? Le sorcier allait-il mieux ? À cette question, il se doutait bien que non. Cette saison, bien que merveilleuse, était devenu l'enfer de Merlin. Gauvain se souvenait d'avoir tout fait pour lui dire que sa magie n'y était pour rien. Hunith le soutenait dans cette bataille qu'elle perdait toujours face au regard triste de Merlin. Le sorcier s'enfermait chaque année dans une profonde solitude que même parfois, Gauvain ressentait celle d'Adrian. L'enfant semblait trouver refuge auprès de son petit frère qui l'adorait. Alors, peut-être, se disait-il, il était temps qu'Arthur réalise que la blessure de Merlin le tuait à petit feu.


...-M&A-...-L&G-...


Gaius ne tardait pas à arriver aux alentours de midi chez Merlin. Tout au long de son trajet, il avait écouté la petite voix qui lui avait entièrement révélé ce qu'elle souhaitait et lui avait soufflé de veiller sur eux, comme il l'avait toujours fait. Il espérait aussi que le changement de corps en valait le coup.

Il sourit en apercevant la demeure de son ancien pupille et amena son cheval à l'écurie où il croisa Arthur dans le corps de Gauvain.

— Bonjour, le salua-t-il.

— Gaius !

— Comment cela se passe-t-il ? demanda-t-il à voix basse.

— Je dois avouer que certaines choses m'échappent... et je risque de me trahir à tout instant parce que je ne suis pas Gauvain, Hunith m'a déjà découvert et je...

— Elle le savait.

— Comment cela est-il possible ?

Le médecin soupira en affaissant les épaules et lui demanda s'il entendait à nouveau la petite voix qui le hantait autrefois.

— Gaius, vous m'aviez dit que c'était mon imagination, bafouilla-t-il, angoissé. Vous m'aviez dit que le fait que Guenièvre ait fait une fausse couche et que mon désir d'être père était très fort, cela avait poussé mon cerveau à écouter la voix d'une enfant...

— Je le sais...


Arthur avait apprécié cette nuit, Merlin blotti contre son corps, mais les souvenirs du chevalier avaient achevé son cœur d'homme. Ce Gauvain semblait si proche de Merlin qu'Arthur en crevait de jalousie.

— Arthur, murmura-t-il à voix basse, vous êtes certain de ne pas l'avoir entendu ?

— Non ! Puis, qu'est-ce que ça peut faire ? Merlin paraît... à priori heureux et...

— Détrompez-vous, il est vulnérable à cette période.

— Pourquoi ?

— Votre fils ne vous a rien dit ?

— C'est à peine si j'arrive à me faire écouter ! Pour lui, je ne suis rien !

Ces mots avaient la fâcheuse tendance de lui briser le cœur. En parlant de lui, il porta lascivement une main sur ses paupières lorsqu'il le vit arriver, accompagné de Hunith et de Constantin.

Adrian vint enlacer Gaius en lui souhaitant la bienvenue puis le petit frère de Gauvain salua ce dernier avec une poigne. Sa mâchoire se tendit quand son fils commença à marcher sur les talons de Hunith qui sortait de l'étable.

— Adrian ! tonna le médecin d'une voix sèche.

L'enfant bouda en revenant vers eux comme s'il savait pourquoi le médecin l'appeler.

— Mon garçon, chuchota le vieil homme, pourquoi ne pas avoir dit à ton père comment se comporte ton oncle en compagnie de Merlin ?

— Pour quoi faire ? grinça-t-il en fusillant Arthur d'un regard noir. Elle ne m'a jamais dit de faire plus que ce qu'elle m'a suggéré !

Adrian, le visage renfrogné, se tourna vers le roi et bomba son torse en lui hurlant avec colère :

— De toute façon ! Tout ça, c'est votre faute ! Je vous déteste !

Arthur, malgré l'attitude blessante du gamin qui venait de partir en courant, releva tout de même ses propos :

— À qui fait-il référence en parlant de "elle" ?

— Si vous ne l'entendez plus, alors ce "elle", comme vous le dites, m'interdit de vous donner son identité.

— Parfait ! grogna-t-il. Je suis là, coincé dans le corps de Gauvain et je ne peux rien y faire !

— Cela a un but précis, mais c'est à vous de comprendre, commenta Hunith avant de les laisser seuls.

— Puis-je au moins savoir quel genre de relation entretenait Gauvain et Merlin, demanda-t-il à Gaius le cœur battant.

— Ils sont amis. Parfois, à l'occasion, ils étaient amants jusqu'à il y a cinq ans...

Les lèvres pincées, il cligna ses paupières pour ne pas se laisser emporter par sa jalousie. Il savait que cela ne le regardait pas, il avait volontairement mis fin à une histoire qui ne devait pas avoir lieu et qui n'avait d'ailleurs jamais commencé.

— Bien, souffla-t-il d'une voix inaudible sans oser demander la raison qui les avait poussés à tout arrêter entre eux.

Merlin était à priori seul, avait pu constater Arthur. Quant à Gauvain, aux dernières nouvelles, il l'avait vu aux bras d'aucune autre personne. Pourquoi avait-il la désagréable sensation qu'il lui manquait une partie de l'histoire pour tout comprendre ? La réponse était surement là, quelque part.

— Oh, reprit Gaius, et tant que j'y pense, vous rentrerez avec moi.

— Pourquoi ? demanda Arthur.

— Hum... comment vous dire... Gauvain a décidé de faire participer les chevaliers à des sortes de... défis...

— Quoi ! ? Mais... Grrr ! Je savais qu'il allait foutre la pagaille au château !

— Vous devrez y participer.

— Hein ? ! Je vais le tuer, oui ! Qu'est-ce qui lui prend ? !

— Je l'ignore, sire.


Arthur passa l'après-midi à écouter les gamins parler avec les adultes. Il fut même surpris de voir Adrian grimper sur ses cuisses, même si cela était seulement pour éviter à Merlin d'avoir des soupçons. S'il ne voulait pas admettre qu'il aimait malgré tout son fils, son cœur battait de joie parce qu'il était précisément son garçon.

Lorsqu'il glissa ses bras autour de la taille d'Adrian, sa peau frémit au contact des petites mains qui se posèrent sur les siennes. Arthur, surpris que celui-ci ne le repousse pas, essayait de s'imprégner de la chaleur de son fils.

Il avait subitement des regrets quand il observa le magnifique tableau : Merlin riait avec Constantin, Gaius s'affairait avec Hunith à préparer le souper et Arthur tenait son fils sur ses genoux.


Quelques minutes plus tard, Gaius, installé dans la pièce à vivre, lui sourit en lui souhaitant bonne nuit. Arthur se dirigea vers les chambres et vit Merlin embrasser son fils... ou, plutôt leur garçon. Il pénétra dans la pièce, dans l'intention de lui dire aussi bonne nuit -en tant que Gauvain- et regarda le sorcier s'en aller.

— J'espère que vous quitterez bientôt ce corps, maugréa l'enfant en détournant son visage.

Arthur, penché au-dessus de l'enfant, sentit son cœur se comprimer à ces mots.

— Quand j'aurai compris la raison de ma présence...

— Alors, faites vite ! grinça Adrian d'une voix froide.

— Sais-tu au moins ce que je dois faire ? tenta-t-il sans se laisser démonter.

— Je ne sais pas ! Vous n'êtes pas idiot quand même !

— Adrian...

— Évitez juste d'être un crétin !

Il sortit de la chambre en soupirant. Ce gamin le haïssait, il n'y avait plus aucun doute, mais lorsque son fils employa les mots que le sorcier utilisait souvent à son égard, il savait que Merlin avait dû parler de lui.

Il rejoignit ce dernier qui était déjà allongé dans le lit. Le sorcier, toujours aussi silencieux, le désarçonnait. Ne se confiait-il pas à Gauvain ?

Il s'étendit et fut surpris de sentir le dos de Merlin se coller à son torse, tirant par la même occasion sur son bras droit pour qu'Arthur l'enlace. Il ferma ses paupières en ne pensant qu'à celui qu'il avait honteusement éloigné de lui.

Demain, il tenterait de lui parler, pour le moment, tout ce qui comptait était qu'un jour, Merlin le pardonne...


Endormi profondément, Arthur tressaillit lorsque la voix d'autrefois revint résonner à ses oreilles... "Père..."

La soirée se passa trop vite à son goût. Il n'avait pas vraiment participé aux discussions, il avait juste écouté. Lorsque Hunith et Constantin décidèrent qu'il était l'heure de rentrer, il les salua, puis, la mère de Merlin lui murmura à l'oreille qu'il devait être patient, car bientôt, il comprendrait la douleur de Merlin.

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