Foxhound : Les débuts de Solid Snake

Chapitre 3 : CIGARE VS CIGARETTE

Catégorie: G

Dernière mise à jour 04/01/2011 17:51

CHAPITRE 3

 

 

Il sentait presque l’odeur de la poudre, l’odeur de la mort… les explosions résonnaient encore et encore, le torturant au plus profond de son esprit… les cris, les mitraillettes assourdissantes, les pleurs et le désespoir des civiles se mêlaient dans sa tête. La terreur, la violence, le quotidien de ce qu’il avait vécu au Koweït… tout défilait rapidement tel un film sans fin, la bande repassant toujours les mêmes images.

 

Ses battements de cœur commencèrent à s’accélérer, s’intensifier au fur et à mesure que les souvenirs se mélangeaient aléatoirement dans son subconscient.

 

Tout à coup, Il se retrouva dans cette plaine désertique. Ce silence… puis ce grondement sourd… quand enfin les cris revinrent avec plus d’intensité.

 

Et ce sang…

 

Cet effluve cuivré incomparable qui venait à sa rencontre, telle une immense vague. Son visage se tordit en une grimace de désespoir, face à l'horreur de la scène qui se jouait devant lui...
 

Les hurlements de détresse des âmes tombées et sacrifiées résonnaient dans sa tête comme une véritable cacophonie d'agonie.

 

Il suppliait que l’on mette fin à cette torture mentale, il en avait assez vu… 

 

"Non ! Non, non, non !" Sa propre voix résonna dans ses oreilles tandis que David se releva brusquement dans son lit, les draps froissés et noués autour de ses poingsserrés.
 

Il ouvrit de grands yeux en haletant profondément. Un cauchemar.

 

Se remettant peu à peu de cette douloureuse expérience. Il se redressa et posa ses deux mains sur son visage en tirant sa peau vers le bas. Le jeune homme jeta rapidement un œil à son environnement un peu déstabilisé par ce mauvais rêve. Une couchette sobre accompagnait un modeste casier de rangement et d’un bureau. Mobilier assez restreint mais bien suffisant. Un coin douche, ainsi qu’une petite kitchenette complétait le décor.

 

Il sortit du lit en poussant un grognement pratiquement inaudible, alors qu'il essayait physiquement de débarrasser son esprit de ces visions éprouvantes. Il enlaça ses mains derrière sa nuque et courba son dos pour l'étirer, puis fit pivoter son torse de gauche à droite, les pectoraux se contractant sous sa peau moite.

 

Snake regarda son réveil, 01h33, puis ses yeux contemplèrent par l’unique fenêtre de la pièce cette lune gibbeuse offerte par un ciel dégagé, une multitude d’étoiles accompagnant son éclat.

 

Avec cette frustrante impossibilité de trouver un repos pourtant tant mérité au vu de la journée qu’il avait vécu. David se convint à aller faire une ballade nocturne aux abords de la clôture de FOXHOUND afin de profiter de la brise rafraichissante et par la même occasion, se changer les idées.

 

Le soldat vit son attention se porter sur le paquet de cigarettes posé sur la table de travail. Il avait sérieusement besoin de ça… Néanmoins il faudra se montrer discret, les sorties nocturnes n’étant plus autorisées après une certaine heure…

 

Pourquoi pas ‘’s’en griller une’’, petit plaisir personnel qu’il s’autorisera sans complexe.

 

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Alors qu’il s’éloignait peu à peu des baraquements, Il entama sa première bouffée avec reconnaissance lorsqu’il fut interpellé par le moteur d’un véhicule situé à une soixantaine de mètres de sa position. Son attention se porta sur l’activité d’un groupe de militaires qu’il aperçut près du poste de contrôle d’entrée. Ces derniers chargeaient la remorque d’une camionnette, de lourdes caisses en bois, portées par deux individus qui les plaçaient délicatement au fond de l’engin. Il distingua sobrement  une silhouette qui semblait dicter la disposition du chargement.  Snake ne s’en préoccupa pas plus que cela… il était coutumier que durant la nuit, diverses activités se déroulent au sein de l’unité, comme des entrainements, ou tout simplement la livraison de denrées alimentaires, ou matérielles.

 

Le jeune homme passa donc son chemin, indifférent. Plus loin, alors qu’il extirpait une nouvelle fois sa cigarette de sa bouche pour en détacher la cendre brulée qui s’accumulait à son extrémité, il fut surprit par un grognement canin. Pivotant très lentement sur lui-même, il se retrouva sans surprise nez à nez avec Berger Allemand, faisant sans nul doute parti de la garde de l’enceinte. Snake ne s’inquiéta pas de la menace. Au contraire, Il fit face, et plia ses jambes, pour se retrouver au même niveau de la bestiole peu amicale. La démonstration de ses crocs était le signe d’un avertissement évident.

 

« Hé…Gentil Mon grand… Sage ! » Dit-il d’une voix douce au possible.

 

Snake proposa sa main au canidé. Pure folie en sachant, qu’il s’agissait d’un chien d’attaque, mais cela ne sembla pas le rebuter le moins du monde.

 

« Viens voir là ! Allez… »

 

Son membre fut maintenant à quelques centimètres de l’animal, et il resta ainsi, sans bouger, attendant que celui-ci veuille bien maintenant de lui-même se rapprocher. Quelques secondes s’écoulèrent, avant que le chien ne décide enfin à renifler l’individu. Puis lorsqu’il sentit la bête en confiance et d’un revirement total, il s’empressa de poser sa main sur le pelage à poils courts, caressant délicatement.

 

« Ben tu vois… tu n’avais rien à craindre de moi ! » sourit le jeune homme en poursuivant ses gestes toujours très doux. De l’autre main, il se permit une nouvelle bouffée de nicotine.

 

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« Ce chien aurait pu te sauter à la gorge et toi tu lui offres ta main ! Tu es dingue ! »

 

La voix qui interpella David fut très vite reconnaissable par son timbre unique. C’était bien Big Boss qui se tenait là. Snake fut très surpris. Il ne l’avait pas entendu venir. Un vrai fantôme ce type… se dit-il intérieurement alors qu’il se remit debout.

 

« Il m’aurait sauté à la gorge, s’il avait eu une raison de le faire Monsieur… » David regarda l’animal qui s’assit, ses deux billes noires le fixant intensément.

 

« Quand même… tu n’étais pas obligé de tenter le coup du gentil maître ! » rétorqua Big Boss avec agacement.

 

« J’ai toujours eu cette empathie pour les chiens ! » 

 

« J’ai un charmant petit caniche si tu veux… » Rétorqua Big Boss le sourcil arqué.

 

 « … » Snake perplexe, s’imagina le vieux avec son animal de compagnie.

 

« C’était de l’humour…  »

 

« Ah… ! »

 

« Les jeunes d’aujourd’hui ne savent plus rire ou quoi ? » Jack haussa dramatiquement les épaules avant de tâter son pantalon à la recherche de sa boite à cigares.

 

« Soyons sérieux, peux-tu me dire ce que tu fais là à cette heure si tardive ? »

 

Le jeune homme se savait en dehors des règles mais il se convint à répondre sans gène :

 

« Pour être franc avec vous Monsieur, je n’arrive pas à trouver le sommeil… »

 

« Alors on est deux… » Big Boss mit ses mains dans son manteau « Dans ce cas là, j’aime venir ici… pour réfléchir. »

 

Snake montra sa cigarette au vieil homme « Et pour ça ? »

 

Son supérieur émit un petit ricanement « Pour ça également… en effet ! » Il sortit son briquet, et sa boite acajou. « Mais au moins moi quand je fume, ce ne sont pas ces vulgaires clopes ! » 

 

« J’aime les cigarettes… » Rétorqua simplement le jeune homme en entamant une nouvelle inspiration, les yeux de nouveau levés vers le ciel d’encre.

 

« Tu dis ça en n’ayant jamais gouté un vrai cigare !! » Big Boss semblait décidé à  défendre ardemment sa drogue préférée « Un cubain ! Un bon cubain d’origine, la senteur même, là tu fumes quelque chose de vrai ! » Il ouvrit son coffret, et tint entre deux doigts l’objet cylindrique qu’il tendit à David « Tiens tu m’en diras des nouvelles !! » 

 

Snake se saisit du précieux poison qu’il porta à ses narines, afin de s’imbiber de l’odeur. « Bof… vous savez, moi et les cigares… » Dit-il enfin d’une nonchalance révoltante. D’ailleurs,  Big Boss crut rêver en entendant de tels propos, il attrapa la cigarette restée dans l’autre main de David et la jeta machinalement au sol avant de l’écraser de sa chaussure.

 

« Fume moi ça !! Et tout de suite » Gronda Big Boss d’une sonorité presque paternelle.

 

Le jeune homme n’en revint pas de la détermination avec laquelle son supérieur s’exprima pour une histoire de cigares. Il était vrai que David s’était initié à la cigarette à ses quinze ans, de par sa propre initiative. Depuis tout ce temps il s’était contenté de sa cartouche de nicotine, sans réellement savoir si le modèle au dessus lui conviendrait mieux. Il choisit donc d’obéir à contrainte, non moins convaincu que le cigare n’était pas fait pour lui…

 

Snake examina l’objet en le tournant dans tous les sens, puis s’empressa de mordre le petit embout. Il le cala ensuite au coin de sa bouche et se décida à chercher son briquet. Dans cette entreprise, il fut précédé par Big Boss, qui lui tendit le sien, positionnant sa main de manière à ce que la légère brise ne vienne pas faire vaciller la flamme.

 

A cet instant, voyant  David ainsi  avec ce cigare, il se sentit envahi d’une sensation bizarre…Un frisson lui parcouru l’échine, le fait de faire face à un miroir lui renvoyant une image plus jeune de sa personne le perturba quelque peu. Big Boss se stoppa un instant dans son geste, il semblait hypnotisé.

 

« Monsieur ? Vous allez bien… ? » Demanda le soldat avec un regard suspicieux.

 

Le commandant en Chef cligna plusieurs fois son œil comme pour s’éveiller de ce bref retour dans le passé, puis termina d’allumer l’extrémité.

 

« Bien sûr que ça va ! Alors qu’est ce que tu attends ? »

 

David habitué à ses modestes cigarettes, entreprit d’inspirer, comme par habitude, une quantité égale. L’erreur fut d’oublier que les cigares émettaient une fumée plus irritante. Snake s’époumona dans une horrible toux, impossible à stopper. Il sentit ses yeux s’humidifier… Quel horrible goût dans la bouche… sa trachée était comme en feu. Snake se frappa à plusieurs reprises sa cage thoracique, avec une expression de dégout. Il tint à distance le maudit cigare, l’observant avec une grimace.

 

«  Je… je crois que je vais en rester à mes cigarettes ! » conclut-il en toussant par intermittence. « Mais merci quand-même Monsieur… »

 

Big Boss bougonna dans sa barbe, manifestement déçu de voir un amateur  de la sorte ne pas apprécier un bon cubain.

 

« Solid Snake… ou l’homme qui ne savait pas fumer… ! » se moqua le commandant en secouant la tête d’un dépit évident.

 

« … » David le dévisagea, un peu vexé.

 

« Redonne-moi ça… ! Tu ne sais pas ce qui est bon…! » Big Boss reprit son cigare, le tâtonna et le rangea d’un geste machinal dans son petit coffret de bois. Le vieux dévisagea ensuite sa nouvelle recrue «  J’aurai essayé… »

 

Les deux hommes se murent dans le mutisme, Big Boss, huma profondément l’air frais et contempla les étoiles. Son œil se perdit dans cette vaste immensité, laissant place à un proverbe qui lui vint à l’esprit.

 

« La guerre plait aux peuples querelleurs, Et dieu perd son temps à faire les étoiles et les fleurs » Déclara t’il soudain en usant d’un très bon accent français. « Victor Hugo avait raison… »

 

Snake qui ne quittait pas non plus des yeux le firmament, compléta en parlant dans la même langue.

 

« Il y aura toujours des gens qui observeront les règles de l'honneur, comme on observe les étoiles, c'est-à-dire de très loin. » Le jeune homme regarda son commandant d’un sourire narquois. « J’apprécie également beaucoup les œuvres de cet auteur… »

 

Jack porta son cigare à ses lèvres gravées d’un petit rictus. Toutefois, Cette expression ne tarda pas à s’effacer.

 

« Si on y réfléchit, Il se rapproche assez de la réalité… L’espace a toujours été le plus grand mystère de l’homme, les étoiles sont là pour attiser sa curiosité et cette envie de les conquérir. Force est de constater, que l’univers reste théoriquement inaccessible pour l’être humain, il est bien trop vaste… Un jour peut-être qui sait, nous pourrons imaginer aller plus loin que la lune… Mais en attendant c’est sur cette foutue planète qui à l’origine n’avait aucune délimitation, où l’homme s’est rabattu. Il a depuis, envié des territoires, créé des pays, engrangé des guerres pour l’obtention  au final, de toujours plus de frontières. »

 

Snake observa chez Big Boss une certaine amertume se décrire au fur et à mesure de ses propos. Son visage devint d’un sérieux contrastant, on pouvait presque sentir de la colère émaner de ses mots.

 

« Un monde unifié… un peuple ne formant qu’un… ne serait-ce pas le rêve pour la future génération… ? Ne serait-ce pas le paradis du genre humain… ?» Conclut enfin le Commandant d’une passion démonstrative.

 

« Monsieur… » Snake ne regarda point son interlocuteur, il se contenta de fixer le lointain. « Pour en arriver à une telle extrémité… il faudrait forcer les pays à se regrouper… autant dire prendre les armes pour les obliger à se réunifier… imaginez vous les différents gouvernements abandonner comme ça leur autorité ? Nous devrions de toute façon nous immiscer dans une nouvelle guerre.  Ne serait-ce pas un peu contradictoire ? »

 

« Mais s’il n’y a jamais de tentative, comment savoir… ? »

 

« Parce que vous pensez que quelqu’un d’assez fou pourra un jour envisager une telle possibilité ? »

 

« Qui sait… Personnellement, je pourrais m’attendre à tout…En ce bas monde rien n’est impossible… c’est bien une chose que j’ai apprise»

 

Le vieil homme offrit une mine réfléchie au  jeune soldat, puis un sourire assez étrange…il décida contre toute attente, de mettre fin au sujet. « Bien, ce n’est pas tout mais vu l’heure… Ce fut ma foi… très instructif de discuter avec toi Snake ! Mais il faut que j’y aille, tu devrais en faire autant, car la journée de demain te réserve bien des surprises. Crois-moi. » Big Boss termina son cigare qu’il jeta ensuite sur le sol granuleux, avant de commencer à s’éloigner de son acolyte  « J’espère sincèrement que tu apprécieras un jour un bon cubain… ! ».

 

« Aucun risque… » Marmonna David encore avec cette désagréable saveur qui persistait dans sa gorge.

 

« Pardon ? » le grand patron se retourna, incertain d’avoir entendu le soldat.

 

« Non… non… rien Monsieur… » Se défila ce dernier en souriant niaisement « Je vous dis à demain… Commandant. »

 

Il eut pour simple réponse une main levée en signe d’au revoir, alors que la silhouette lui avait déjà tourné les talons et s’éloignait peu à peu dans la pénombre. David ne savait pas trop quoi penser de ce dernier débat… ce changement radical d’attitude… Pourquoi Big Boss s’était-il ainsi confié ? Ces proverbes français n’étaient pas anodins… pourquoi les avoir cités… ? Pourquoi avoir mis tant de conviction dans cette curieuse déclaration… ?

 

« Le Paradis » se répéta Snake dans la langue de Molière. Lieu de toute paix, de toute égalité… arriver à souhaiter un nouveau monde… comme si cela était possible, quelle folie… cela prouvait que Big Boss avait du en voir de toute sorte dans sa jeunesse pour arriver à imaginer à une idée pareille… Cet œil mutilé, masqué derrière son bandeau  noir cacherait-il son lot de secrets,  de lourds fardeaux ?  Ceux qui faisaient le mystère de ce grand homme.

 

Mais également, sa légende, son histoire, sa respectabilité… et son idéalisme.

 

Un PATRIOTE, un héros couvert de médailles avait-il le droit d’envisager de telles pensées… ?

 

A suivre,

 

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