Miraculeux Décembre

Noël s'est doucement installé dans Paris. Sur le canapé du salon, mes grands-parents se sont endormis avec le faible son de la télévision. Mes parents quant à eux ont veillé tard pour ranger un peu la maison. Lorsque je suis rentrée, mes cadeaux trônaient toujours fièrement sous le sapin. Ils m'attendaient tous, les yeux gonflés par le sommeil. Le plus dur a été de justifier ma longue absence de deux heures. Après tout, j'avais dû récupérer les Miraculous un à un pour m'assurer qu'aucune autre identité n'allait être dévoilée.

- « Ne nous refais plus jamais ça ! » A crié ma mère avant de me serrer fermement dans ses bras, rapidement suivi de mon père.

Mes cadeaux sont extraordinaires, des nécessaires de coutures, du tissu de qualité et une nouvelle machine à coudre, la mienne ayant rendu l'âme il y a peu. Je les ai chaleureusement remerciés avant de leur offrir les leurs. La soirée s'est ainsi terminée dans l'euphorie de Noël, tandis que les lumières des feux d'artifices inondaient le ciel.

Allongée sur mon lit, je contemple le plafond. L'horloge avance si vite que d'un clignement d'yeux, nous sommes déjà midi.

- « Je suis fatiguée, Tikki. » Je râle en étirant mes bras au-dessus de ma tête.

Celle-ci répond du même entrain. La nuit n'a pas été de tout repos, ni pour moi, ni pour les kwamis. Au fond de moi, je regrette un peu d'avoir confié tous les Miraculous, bien que les raisons de la défaillance de Chat Noir me soient encore inconnus. Son visage lors du départ de notre ennemi me revient brusquement en mémoire. Il semblait si triste...

Dans un gémissement inconvenant, je me redresse en tailleur sur mon lit. Les cadeaux pour mes amis attendent patiemment sur mon bureau. Il faut que je me décide à sortir, sinon ils vont dormir ici jusqu'au prochain Noël.

A ma grande surprise, les rues de Paris sont plus fréquentées que l'année précédente. Tout le monde se promène, se salue et partage des souhaits bienveillants. Je me joins à eux sur le chemin de chez Alya. Je ne m'attarde pas bien longtemps chez eux, Rena Rouge et Carapace méritent bien du repos après leurs exploits de la nuit. Je dépose donc les cadeaux, étreints ma meilleure amie et tape dans la main de Nino avant de repartir. Une bonne partie de l'après-midi est engagée quand je me retrouve devant le portail de la résidence Agreste.

- « Bonjour, j'ai un cadeau pour A-Adrien ! »

La caméra de surveillance s'étend sur son dispositif et me scrute dans tous les sens. Soudain, un compartiment encastré dans le mur s'ouvre.

- « Vous pouvez le glisser dans la fente. »

Mon excitation retombe aussi vite. J'aurais dû me douter qu'ils ne me laisseraient pas voir Adrien. Mais j'espérais qu'en ce jour de Noël, le personnel de la famille Agreste se montrerait plus clément. Dans un soupir las, j'insère le paquet cadeau dans le compartiment. La caméra disparait derrière une plaque métallique.

- « Tant pis, on se verra plus tard... » Je marmonne en tournant les talons.

Après avoir rendu une petite visite chez Milène et Rose, mes pas me guident tout droit vers le Liberty. Je n'y ai pas prêté attention la veille mais le navire est décordé de guirlandes lumineuses et autres décorations de Noël. Je m'arrête un moment à l'entrée pour admirer l'ensemble de l'œuvre de Juleka et sa mère.

- « Marinette ? »

Sur le pont, Luka me toise d'un air étonné, sa guitare à la main. Une fois la surprise passée, il m'invite à le rejoindre. Les petites poches sous ses yeux s'étirent lorsqu'il me sourit. Mon cœur s'emballe, mes mains dans mon dos maintiennent un sac dans lequel se trouve son cadeau et celui de Juleka.

- « Tu as passé un bon réveillon ? »

Si combattre le Papillon aux côtés de ma fière équipe peut rentrer dans le réveillon, alors je pense que oui. Je hoche lentement la tête et lui demande la même chose.

- « Oui, sans problème. Enfin... Tu as dû lire les nouvelles. »

J'acquiesce, bien que je n’aie consulté aucun site Internet depuis la veille. Mais j'imagine déjà les gros titres sur les exploits de Ladybug et Chat Noir.

- « M-Merci.

- Pourquoi ? »

Je me mords la lèvre inférieure.

- « De nous avoir tous sauvés, avec les autres super-héros. »

Il secoue doucement la tête.

- « Non, c'est uniquement grâce à Ladybug. C'est elle qui est à la base de tout. »

Acceptant le compliment de bon cœur, je décide de changer de sujet et, dans un léger tremblement, dégote le paquet cadeau vert et rouge emballé par mes soins.

- « Un cadeau ? Marinette, tu n'aurais pas dû, je...

- Ouvre-le. »

Luka m'observe, ses joues se teintent d'un léger rouge quand il déballe précautionneusement le papier cadeau, dévoilant une paire de mitaines noires. Ses lèvres s'étirent dans un large sourire, il enfile les mitaines et découvre le serpent et la note de musique cousue au dos.

- « Joyeux Noël, Luka. »

Alors que je m'attendais à un simple merci, Luka attrape ma main et m'attire contre lui pour m'étreindre. Mon corps entier se met à bouillir, j'enlace son dos de mes bras et enfouis ma tête dans son torse.

- « C'est magnifique Marinette, tu es si talentueuse ! »

Mon visage entier doit être rouge comme une tomate, maintenant.

- « Mais je ne pensais pas que tu allais...

- Ce n'est pas grave.

- Attends, est-ce que tu es libre le reste de la semaine ? »

Ses mains gantées descendent le long de mes bras. Je détourne le regard pour réfléchir.

- « Oui, il me semble.

- Alors viens, je t'apprendrai à jouer de la guitare, qu'est-ce que tu en dis ? »

L'idée d'apprendre à jouer l'accord parfait m'enjoue, j'accepte sa proposition avec plaisir avant de prendre congé. Au passage, je dépose le cadeau de Juleka sur le côté. Le ciel s'assombrit au large et il y a encore une personne que je dois voir avant la fin de cette journée de Noël.

Assise sur la barrière du deuxième étage de la Tour Eiffel, je caresse distraitement le dernier paquet cadeau à distribuer.

Mes jambes se balancent dans le vide tandis que je profite du paysage obscur de la ville.

- « Une coccinelle sur un toit, se languit sans son chaton. » Je chantonne, une fine buée s'échappant de ma bouche.

- « Bonjour, ma Lady. »

Du coin de l'œil, j'observe mon partenaire s'installer à mes côtés, une rose à la main. Ses traits sont plus détendus que quelques heures auparavant. Pendant les premières minutes, aucun d'entre nous ne prends la parole. Nous scrutons l'horizon, nos respirations synchronisées, le froid s'infiltrant insidieusement dans nos cheveux.

- « Je suis désolé pour hier. » Finit-il par lâcher. « J'ai failli gâcher le Noël de tout le monde. »

Par la suite, Chat Noir m'explique qu'il n'était pas chez lui quand il a croisé Mayura et les Miraculous. De toute évidence, ils savaient que j'avais confié un bon nombre d'entre eux à mon partenaire. Et c'est en essayant de se battre seul contre deux qu'il a perdu son Miraculous et a demandé de l'aide à Vipérion.

- « Luka connait ton identité. »

Chat Noir déglutit et hoche la tête. Son regard désolé me fixe intensément dans l'attente d'une quelconque absolution.

- « J'ai été stupide, mais je ne voyais pas d'autres moyens de t'aider. Je savais que tu serais seule contre eux et j'avais peur qu'il t'arrive quoi que ce soit. »

Quant à Alya et Nino, ils m'ont rejointe après mon message d'alerte intimant à tous les parisiens de se barricader chez eux. Ce qui explique pourquoi les autres ne soient intervenus que tardivement. Accrochée à la rambarde, je soupire profondément.

- « Tu m'en veux ? » Me demande-t-il, les oreilles baissées.

- « Non. C'était mon idée, si je dois en vouloir à quelqu'un, c'est moi.

- Mais ça ne veut pas dire qu'elle était mauvaise ! Grâce à ça, on sait qu'on peut avoir confiance en les autres porteurs ! »

Je songe au moment où Queen Bee m'a sauvé de Mayura et ses sentimonstres. Sans elle, j'aurais probablement perdu mon Miraculous, moi aussi.

- « Ladybug. » Continue-t-il d'un ton doux. « Tu es une gardienne géniale, Maître Fû serait content de voir que tu te débrouilles aussi bien avec les Miraculous. Il faut du temps, c'est tout. »

Nous échangeons un regard complice, qui m'arrache un sourire gêné. Quel idiot, celui-là. Mais je ne l'abandonnerais pour rien au monde.

- « Au fait, je peux te poser une question ?

- Cela en fait déjà une.

- Je prends ça pour un oui. Est-ce qu'il y a quoi que ce soit entre Vipérion et toi ? »

Sa question est bien plus franche et directe que toutes les autres qu'il m'a posées. Prise au dépourvu, je lève brusquement le visage vers le sien. Il me fixe, déterminé. Il me faut une bonne minute pour mettre de l'ordre dans mon esprit.

- « C'est impossible, Chat Noir. »

Je me pince les lèvres, sentant une vive émotion me bloquer la gorge.

- « Ce serait beaucoup trop dangereux pour lui d'être avec moi alors que nous connaissons son identité. Il serait la cible parfaite du Papillon pour m'atteindre personnellement.

- Tu veux dire que...

- Il ne se passera jamais rien entre Luka et moi. Je ne peux juste pas lui faire encourir ce risque. »

Je repense à Adrien et son baiser sur le toit. Lui aussi je l'ai mis en danger en me montrant en public à ses côtés.

- « Donc, si je comprends bien, tu ne sortiras pas avec moi non plus. »

Il a prononcé ces mots sur un ton boudeur, j'éclate de rire et le pousse de mon épaule.

- « J'ai dit : pas avec Ladybug. Mais je n'ai pas parlé de la véritable moi. »

Ses yeux s'écarquillent et sa bouche s'ouvrent en grand. Je viens sûrement de renforcer ses espoirs et son envie de découvrir mon identité secrète, mais c'est ça aussi, la magie de Noël.

- « Tiens, c'est pour toi. »

Alors qu'il est toujours muré dans son mutisme, je lui tends le paquet cadeau. Il descend son regard sur celui-ci et déchire l'emballage de ses griffes. Chat Noir découvre le bonnet en laine que j'ai spécialement tricoté avec des trous pour ses oreilles de félin.

- « Il est parfait ! » S'écrie-t-il en l'enfilant sur sa tête.

- « Je l'ai demandé à une de mes amies. Elle a fait du bon boulot, on dirait.

- « Je reconnais la patte d'une future grande créatrice. » Minaude-t-il en m'envoyant un clin d'œil.

En retour, Chat Noir m'offre sa traditionnelle rose que j'accepte avec joie. La soirée s'achève ainsi, discutant tous les deux devant l'immensité de la capitale, comme je le lui avais promis quelques jours plus tôt.

- « Joyeux Noël, Buguinette.

- Joyeux Noël, mon chaton. »

✲ Cher journal,

Décembre n'est pas encore terminé, mais je pense avoir eu mon lot d'émotions pour l'année. Rien que de relire mes dernières pages me replongent dans tous ces états par lesquelles je suis passée. Ce que je retiens de cette histoire, c'est que peu importe l'énergie que le Papillon mettra pour obtenir nos Miraculous, jamais nous ne nous laisserons abattre, grâce à notre cohésion, nous pouvons le vaincre lui et Mayura.

Peut-être que personne ne tombera sur ce journal, ou que je le jetterai d'ici quelques années, mais si quelqu'un passe par là et lit mes pages : Joyeux Noël ! ✲

Je pose le point final de ma page et referme mon cahier. Mes muscles souffrent des dernières vingt-quatre heures, il est temps d'aller me coucher une bonne fois pour toute !

- « Joyeux Noël, Marinette. » Me souhaite Tikki, décornée d'un minuscule bonnet de Noël de l'année précédente.

- « Joyeux Noël, Tikki. »

Je l'embrasse sur sa petite tête et soulève les draps avant de m'enfoncer dedans. La sensation de douceur et de chaleur me provoque un gémissement de bien-être. Dans un ultime effort, je tends mon bras pour éteindre ma lampe de chevet, plongeant ma chambre dans le noir.

Soudain, une vive lumière trouble l'obscurité. Elle provient de ma table de nuit, et plus particulièrement de mon téléphone.

Mer. 25 décembre. 23:20. Expéditeur: Adrien <3

Message : Bonsoir Marinette, désolé de ne pas t'avoir écrit plus tôt, j'espère qu'il n'est pas trop tard. Merci pour l'écharpe, elle est magnifique ! Je vais convaincre mon photographe de me laisser la porter pour mon prochain shooting. Ça te dit qu'on sorte ensemble demain ? J'aimerais t'offrir ton cadeau.

Joyeux Noël.

Fin.