Chroniques d'un Cor de chasse

Chapitre 1 : Introduction - Hans, barde de guerre

2456 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 03/03/2021 10:53

Hans, barde de guerre



 

Plusieurs mois après l’installation de Seliana, de nouveaux chasseurs affluaient. Des jeunes hommes et jeunes femmes prêts à défendre les terres de glace et la nouvelle colonie face à des menaces toujours plus nombreuses.

Ce sang neuf était porteur de motivation et d’espoir, la plupart d’entre eux étaient membres de la 5ème flotte mais certains étaient arrivés avec la Flotte de givre. Un groupement arrivé récemment au Nouveau monde pour renforcer les équipes en place suite à la découverte du Givre Éternel. Ils étaient l’élite fraîchement récompensé dans l’Ancien monde, ils voulaient aller toujours plus loin et ce voyage était pour eux l’occasion de faire valoir leur réputation.

 

Parmi eux se trouvaient un groupe très soudé dont le chef d’équipe n’arrêtait pas de parler. Guidés par Rush, un jeune chasseur aux cheveux châtaigne, débordant d’énergie et de talent avec des lames doubles, ils étaient rapidement devenus les nouvelles étoiles de la Flotte de givre. À chaque fois que Rush et ses deux équipiers franchissaient le seuil de la grande salle, la chaleur réconfortante du foyer et des cuisines Palico les accueillaient. S’ils étaient connus parmi les chasseurs arrivés en même temps qu’eux, ils ne connaissaient encore que peu de membre de la 5ème Flotte. Ils avaient pour rituel de se joindre à une table peuplée de chasseurs inconnus afin de faire leur connaissance et de partager leurs expériences.

Peu à peu les inconnus devenaient des amis et ces groupes d’amis formaient une grande famille. La Commission fonctionnait ainsi. Loin de leurs Terres d’origines, les chasseurs, chercheurs et assistants avaient besoin du sentiment d’appartenir à un tout. Sans, certains perdaient la raison, ils laissaient leur esprit s’emplir de vieux souvenirs et de tristesse.

Rush et les siens l’avaient vite compris, c’est pourquoi ils ne laissaient jamais un chasseur seul à une table de la grande salle. Ils s’invitaient à leur repas et écoutaient patiemment le récit de leur camarade isolé. Beaucoup de membres des deux dernières flottes avaient perdu des amis proches dans les affrontements contre le Zorah et le Xeno’jiva. Plus récemment, les attaques du Velkana sur Seliana avaient été des plus violentes. Rush et son équipe avaient participé à la défense de ses murs, ils comprenaient tous les trois parfaitement le sentiment qui habitait les équipes endeuillées.

 

Ce soir-là la tempête régnait sur la colonie, la grande salle était bondée. Les fourneaux tournaient sans pause et dégageaient d’épais volutes noires digne du Vaporium. Les chasseurs mangeaient, buvaient et s’envolaient pour les contrées froides, leurs objectifs en main, griffonnés dans d’épais carnet de cuir.

C’était la grande valse des départs en mission, les plus chanceux profitaient simplement de la chaleur des lieux et saluaient leurs camarades sur le départ. D’autres se précipitaient vers la grande forge, prêts à recevoir leur nouvelle équipière d’acier, commandée il y a plusieurs jours.

 

Au milieu de ce ballet, Quiver, maître de la lance canon, compagnon et ami loyal de Rush se déplaçait lentement vers les tables centrales formant une ronde autour des grands tuyaux cuivrés dans lesquels les Palicos cuisiniers voyageaient jusqu’aux cantines. Il portait toujours une imposante armure faites d’écailles de Bazelgeuse. Sa lance faisait au moins deux fois sa taille lorsqu’elle était dépliée, et pesait un Dodogama mort, “Le poids de la puissance !”, ne cessait de justifier Quiver. Il était le mur de défense imprenable de l’équipe, repoussant les assauts des plus grandes menaces avant son grand bouclier, ripostant avec flammes et explosion comme un jeune Rathalos.

Ce jeune chasseur avait une passion non dissimulée pour le feu et les explosifs en tout genre. Si quelqu’un cherchait le meilleur moyen d’exploiter la poudre, nul doute qu’il se tournerait vers Quiver de la Flotte de givre.

 

Mais cet arsenal était bien plus encombrant qu’utile dans la grande salle de Seliana. En évitant les nombreux chasseurs qui courraient dans la pièce, il peinait à atteindre les tables sans renverser la boisson d’un camarade. Il se hâta de déposer son arme et son casque à côté de lui lorsqu’il se laissa tomber sur le petit tabouret de bois usé au centre de la pièce.

C’était en soufflant qu’il commanda au chef sa meilleure viande. Il fut rejoint par Rush alors que le dernier membre de leur équipe allait consulter les missions ouvertes.

 

Au moment de s’asseoir, Rush s’arrêta pour contempler la table voisine. Un homme, âgé d’après ses longs cheveux d’argent qui couvraient la moitié de son dos, était assis seul à l’une des places du cercle central. Les personnes seules préféraient habituellement les places plus isolées ou près des ouvertures afin de voir les étoiles. Mais ce “papi”, savourait simplement sa bière seul à la vue de tous. Sur le tabouret à côté de lui était assis, oui, c’était là le mot qui définissait le mieux la position de l’objet, une forme d’ancienne contrebasse, usée et entaillées dont la peinture craquelée se décollait, laissant apparaître les os et bois qui avaient permis sa construction.

 

Fidèle à ses principes, Rush se dirigea vers le vieil homme, aucun membre esseulé de la Commission ne serait laissé de côté, surtout pas les plus âgés d’entre eux ! Son futur interlocuteur portait un habit sombre qui descendait en pointe derrière le tabouret, le tissu était brodé aux extrémités avec un fil d’or fin. Quelques plaques d’acier ornaient les coudes, frappées du blason de la Commission. Seuls les cuisses et les genoux semblaient être couverts d’un alliage résistant. Sur la table devant lui était posé un chapeau aux bords larges, surmonté d’une longue plume aux couleurs de la nuit, rappelant les légendaires Malfestio. Cette parure rappela à Rush les érudits et les hauts membres honorifiques de la Commission. Influencé par l’âge de l’Homme, Rush l’interpella.

« Tu es membre des chercheurs érudits ? On vous voit rarement dans la grande salle. Je suis Rush ! De la Flotte de givre. »

À ses mots, le vieillard face à lui recracha toute la mousse de sa boisson et s’étouffa de rire. Sa voix était grave mais très énergique, bien loin de la lenteur et du son cassé de la vieillesse. Tapant du poing sur la table, il se retourna vers Rush et Quiver, qui avait été attiré par le vif rire voisin.

« Je suis un chasseur, camarade ! »

L’homme gloussait de bon cœur, jamais encore quelqu’un ne l’avait pris pour un érudit. Malgré ses cheveux blanchis, il n’avait pas une ride. Son visage était marqué par un menton et des arcades très droit, dessinant un air sévère. Une barbe bien entretenue contournait ses lèvres avant de tomber en cascade de son menton. Ce qui frappait le plus chez cet homme était sans nul doute ses yeux verrons, l’un bleu azur, l’autre vert émeraude. Une particularité génétique mise en avant par une grande balafre sur son profil. Une bête imposante avait laissé les vestiges de leur affrontement respectif autour de l’œil droit du chasseur : trois grandes griffures qui semblaient datées de plusieurs années.


Malgré tout ce qu’avait cru Rush, cet homme n’avait rien d’un vieillard à part des cheveux d’argent. Ils se dressaient en pointe sur sa tête jusque sur son dos, devant, deux mèches tressées retombaient sur ses épaules. Une coupe dont jusque-là seul l’amiral des Flottes avait le secret.

Rush ne savait comment s’excuser, il resta de marbre à s’imprégner de ce nouveau visage pour le moins atypique. Quiver n’en fut que plus intrigué, il contempla l’instrument posé aux côtés du chasseur. Il existait en effet des chasseurs qui préféraient combattre avec des armes mélodieuses.

On disait qu’elles étaient robustes et fracassaient comme une masse, certaines couvertes de pointes pouvaient percer les peaux écailleuses, alors que d’autres, au bord d’acier plat, permettaient de lacérer leur cible. Mais malgré la présence de telles armes au centre d’entraînement, jamais personne ne les employait. Les deux modèles proposés à l’essai étaient à la fois rouillés et couvert de poussière. Le forgeron appelait cela des « Cor de chasse ». Non pas qu’ils soient de véritable cors, même si certains en étaient, mais ils remplissaient tous cette même fonction. Appelant au rassemblement et au courage lors des chasses en groupe. Dans le nouveau monde, il ne devait pas y avoir plus de trois utilisateurs de ces armes, toutes Flottes comprises. L’arme était à telle point délaissée, que certains chasseurs en avaient oublié la présence.

« Tu te bats avec… ça ? demanda-t-il.

Ça ? répéta l’homme en tournant la tête vers son instrument d’un autre siècle. C’est l’une de mes fidèles équipières. »

Il se laisse bercer par les souvenirs qui remontaient en lui. Ce simple instrument avait vécu maintes batailles, sauvé beaucoup de vies et vu s’éteindre ses meilleurs camarades.

Le manche était long, sculpté dans les os d’un Shara-Ishvalda, de fins détails en finition peints avec un peu d’or et un rose pâle délicat. L’instrument prenait la forme d’un pétale en s’allongeant, à l’intérieur, une grande fleur était gravée et une minuscule pierre précieuse de la couleur d’un lac en était le pistil. C’était là un ouvrage de maître, avec des matériaux de qualité et raffinés. La délicatesse et la subtilité de l’objet s’accordaient parfaitement avec la tenue de son propriétaire mais s’opposaient à sa fonction de chasseur.

« Si c’est une arme, pourquoi ne pas la faire réparer ? »

La question de Rush paraissait logique pour tous bons chasseurs. Une lame émoussée, une masse fendue, toutes les blessures d’une arme pouvait conduire à la mort de son possesseur. Le forgeron était un maître, il avait dû concevoir cette merveille, aujourd’hui fanée, il saurait sans aucun doute forger sa petite sœur.

Mais la question n’était pas là, chaque fissure était le résultat d’une chasse, le vernis brûlé racontait bien plus que des mots. La marque de croc sur l’extrémité de la surface de résonance rappelait à son maître pourquoi il accompagnait autres chasseurs et quel était son rôle. Réparer l’arme ou en construire une nouvelle reviendrait à effacer son histoire. Non, cet instrument devrait aller au bout de sa vie. Un jour oui, sans doute, il céderait face à un puissant adversaire. Mais ce jour-là, son chasseur composerait un requiem et brandirait une nouvelle arme pour jouer des mélodies inspirées de la fin d’une époque.

« Je sais qu’elle tiendra tant que j’en aurai besoin. Ses cicatrices font partie de son histoire, elles produisent des sons uniques… De toute façon, je n’ai plus un Zenny en poche ! »

Le chasseur partit à nouveau dans un rire des plus gais, ils y avait encore de bons souvenirs derrière ce simple constat.


C’était à cet instant que la camarade des deux jeunes chasseurs fit son entrée. De longs cheveux d’or reposaient sur ses épaules, ils étaient tenus à l’arrière de sa tête par un petit bâton de bois, soigneusement sculpté. C’était une grande femme, très élancée, dans son dos, la lame de son insecto-glaive dépassait à peine. Sa taille et sa souplesse était sans aucun doute les deux atouts qui l’avaient poussée à choisir cette arme. À son poignet, un insecte bleu, brillait comme une étoile, ses longues ailes blanches recouvraient l’avant-bras de la jeune femme. Elle s’imposa dans la conversation avec ses camarades, répondant au gracieux nom de « Lotus ». Après quelques minutes auprès du tableau d’affichage, elle avait finalement trouvé une mission pour son équipe. Ils étaient prêts à partir.

« Un Banbaro, empêche des chercheurs de poursuivre leur expédition à travers le Givre éternel. Apparemment, ils demandent des renforts, expliqua-t-elle.

— Très bien, nous ne pouvons pas laisser des camarades dans le besoin, allons-y, annonça Rush. Quiver, dépêche-toi on y va ! 

— Puis-je me joindre à vous ? »

Le chasseur qui avait écouté leur échange se leva face à eux. Il souriait simplement. Sûrement enjoué à l’idée de partir à l’aventure avec le jeune groupe.

« C’est une petite chasse, dit Quiver en remettant son casque par-dessus ses longs cheveux noirs. On devrait s’en sortir sans aide.

— Permettez-moi de vous accompagner en tant que simple barde alors ? »

Rush se posa pour réfléchir à la proposition, contrairement à beaucoup, ils n’avaient jamais eu de quatrième compagnon dans leur équipe. Et même si les cicatrices que l’homme et son arme portaient semblaient dire l’inverse, il n’était toujours pas convaincu par l’utilisation d’un instrument au combat. Ce n’était pas un vieil homme comme il l’avait pensé, mais il n’était pas aussi jeune qu’eux. Il avait connu quelques chasses et savait sans doute se défendre. Après tout, un Banbaro, n’était pas une grande menace, surtout avec la couverture du bouclier de Quiver.

Laisser un chasseur dans la solitude était contraire à leurs principes.

« Très bien. Bienvenue parmi nous… »

Il ne termina pas sa phrase, réalisant que l’homme aux cheveux d’argent ne s’était pas encore présenté. Ce dernier ramassa sa contrebasse féérique et plaça avec un geste des plus dansant le chapeau qui reposait sur la table sur sa tête.

Avec grâce, il s’inclina devant eux, les pieds croisés, une main sur le torse, l’autre élancée vers l’arrière.

« Hans, dit-il fièrement. Barde de guerre, pour vous servir. »


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Merci à BakApple pour la correction

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