Chroniques d'un Cor de chasse

Chapitre 2 : Chasseur ruiné, quartier miné

4903 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 19/03/2021 16:52

Chasseur ruiné, quartier miné

 

Le soleil s’était levé depuis quelques heures sur Seliana, les Palicos se mettaient lentement au travail, les premiers feux sortaient des cuisines et des forges. La vie prenait peu à peu place, les chasseurs défilants devant les commerces, prenant des vivres et outils de dernière minute avant leur grand départ pour la chasse. Cette danse matinale était un rituel silencieux, seules les joies des retrouvailles entre équipes donnaient un tempo jovial à cette agitation. Alors pourquoi les passants entendaient-ils cris et lamentations depuis la grande salle ? Qui donc osait perturber le calme de la colonie enneigée ?

C’étaient les questions que se posait Lotus, assise dans les eaux thermales du Hall, attendant patiemment ses compagnons. Sa baignade matinale était sacrée ! Elle lui offrait détente et réflexion loin de ses deux amis bruyants. Quelqu’un d’honnête dirait que c’était la tête pensante de leur groupe. Derrière la tendresse de son nom, c’était une chasseuse minutieuse. Elle passait ses jours de repos à explorer les forêts et les cavernes, étudiant chaque créature sur son passage. Son carnet était parmi les mieux remplis, on y retrouvait une multitude d’espèces de la faune et de la flore sauvages. Des plantes utiles aux soins en cas de danger, des créatures inoffensives mais amicales et surtout, des pages détaillées sur les faiblesses des plus grands monstres des glaces. Les érudits aimaient raconter les jours qu’elle avait passés à leurs côtés à son arrivée. « Pour en apprendre plus, » avait-elle dit, même si certains de ces monstres n’étaient pas présents dans la région glaciale autour de Seliana. Elle tenait à être prête, en toute situation.

Agacée par les râles et piquée dans sa curiosité, elle se revêtit et prit la direction des forges. C’était, à coup sûr, la source des complaintes d’un chasseur ayant sans doute amoché sa nouvelle arme fraîchement délivrée. Le manque d’expérience, une inattention, un budget serré, c’était beaucoup de problèmes auxquels les nouveaux arrivants faisaient face. Et souvent, c’était leur équipière de métal qui payait leurs erreurs.

Mais pas aujourd’hui. Non, lorsque Lotus franchit le seuil de la forge, lorsque la chaleur des flammes et l’air étouffant l’accueillirent, ce n’était pas une jeune recrue qu’elle aperçut.

Devant elle se hissait un luth en piteux état qu’elle connaissait bien désormais. Hans, le barde, les avait accompagnés trois fois au cours de la dernière semaine. En tant que simple musicien, il se plaçait dans un coin. À l’abri sous une roche ou un buisson, tantôt assis dans la neige plus haut, dans la vallée et parfois même confortablement installé entre quelques branches robustes dans un arbre voisin. Il s’y hissait à l’aide de son Scagrappin avec une aisance à rendre fou. D’autant en sachant qu’il n’aimait pas s’en servir sur les monstres. Une fois, Rush et lui avaient eu un échange à ce sujet : « Ce n’est pas mon travail, avait-il répondu. Elle fait ça mieux que moi, puis je viens briser les cornes ! ».

Lors de ces chasses avec le jeune groupe, il n’avait porté que trois coups. Le premier sur un Vespoid qui venait perturber sa tranquillité, les deux suivants sur un Banbaro, agonisant, qui avait choisi de diriger sa charge dévastatrice dans sa direction. Hans lui avait brisé sa corne restante, d’une frappe courbe dans la mâchoire, il l’avait fait dévier sur quelques mètres. Laissant le Banbaro finir dans le mur voisin avant de reprendre place, assis au milieu des buissons enneigés, son carnet de notes à la main.

Le chasseur se tenait mains posées sur l’établi du forgeron, dans son habituelle tenue de la Guilde. La tête baissée, il faisait une moue, suppliant le forgeron, la plume de son couvre-chef courbait également et tombait tristement au lieu de se tenir fièrement sur sa tête. En cet instant, elle semblait partager ses émotions.

« Une toute petite avance ! suppliait l’homme aux cheveux blancs. Il tenait dans ses mains un long fil bleu, couvert de petits cristaux de glace. Mais l’artisan face à lui était hermétique face à ses supplications.

— Hans. Je t’ai déjà fait trois avances le mois dernier. Qu’est-ce qu’il a cette fois ton bout de ficelle ? Il chante en Wyvérien ? »

Nul doute que le forgeron se moquait ouvertement du chasseur et de sa demande, mais ils semblaient tout deux être de bonnes connaissances, peut-être même de bons amis. L’un ricanait grossièrement alors que l’autre se laissait tomber à genoux devant tant d’incompréhension.

« Ce n’est pas une ficelle… soupira l’homme. C’est de la palmure de Legiana Blizzard… Coupée fine, on peut en faire une corde. »

Il se redressa et approcha ladite « corde » de son interlocuteur. Lotus pouvait effectivement reconnaitre la couleur maître des Legiana. Étonnamment, même après le décès du monstre, sa peau continuait à produire de la glace. Les petits cristaux ne cessaient de se reformer, même lorsque l’artisan les frottait de ses gants. Un comportement que les érudits étudiaient encore, cherchant des applications médicales ou utiles à cette particularité.

Hans, lui, y avait trouvé un intérêt pour son art.

« Écoute, dit-il en donnant une petite impulsion sur la corde tendue. C’est un murmure doux, un son presque inaudible. Une note basse et ronde qui t’entoure. Les ailes de Legiana se doivent d’être robustes, leur palmure est souple mais épaisse. Tu le sens ? Ces ailes qui t’entourent et te protègent ? Mais ce n’est pas la seule note. Tu vois, j’ai brisé les cristaux en jouant. Ils ont éclaté et créant un petit chant cristallin, aigu. Des notes piquantes, rafraîchissantes qui détendent tes muscles. Inutile d’aller voir les guérisseurs, ça, c’est mieux que l’acupuncture ! »

Et le barde avait raison, Lotus se sentait bien, même mieux. La tension avait quitté ses épaules, elle était envahie d’énergie. C’était comme prendre un bon repas chaud avant l’aventure, mais ce n’était que des sons. Très vite, cette vague de sensations disparut aussi vite qu’elle était venue.

« Regarde, regarde ! s’exclama Hans, les cristaux se reforment ! »

Excitation ? Curiosité ? Un brin de passion ? Folie ? La jeune femme avait bien du mal à lire les émotions qui défilaient sur le visage de son nouveau compagnon. Finalement, elle se décida à rejoindre les deux hommes et voir de plus près l’objet de leur conversation. Sans dire un mot, elle vint se placer devant l’établi.

Blanches et bleues, les petites pointes de glace poussaient autour de la peau du Legiana. Il fallait tendre l’oreille, mais à chaque fois qu’un cristal émergeait, il chantait. C’était comme caresser un verre. Et tous produisaient un son différent. De véritables harmonies qui créaient une mélodie froide et discrète. Au bout d’une seule minute, la corde se tut, son œuvre terminée. Elle avait retrouvé son état d’origine, couverte de glace.

Au comble de la joie, le barde soupira. C’était ça, son art qui lui était si cher.

« Et ce n’était qu’une corde, avoua-t-il. Imagines en cinq, non… Six !

— Six ? Tu sais que si tous les chasseurs étaient comme toi, je devrais manger du steak Popo cru et le chasser moi-même !

— Mais tu m’avais fait six cordes sur le luth de Legiana l’an passé. Et c’est ce qu’il me faudra si je veux pouvoir exploiter toutes les sonorités possibles de ce matériau.

— Écoute, cette corde-là n’est pas trop mal. Quoiqu’un peu grossière, mais ça ajoutera du relief à tes mélodies. Ça t’en fait une de moins à payer. Je te fais ta liste de matières premières, tu me ramènes tout et je te fais un pris à trente milles Zenny. »

« BOUM », c’est la seule réponse que le forgeron obtint. Le son fracassant d’un barde désespérant laissant tomber sa lourde tête sur le métal de l’établi. Lotus n’était pas une experte quand il s’agissait de lire sur les lèvres, mais elle jurait avoir vu « Assassin » accompagner la moue de Hans.

Elle ne saurait dire si ça venait de son côté féminin, un instinct maternel en sommeil, ou simplement de sa gentillesse, mais en voyant le barde dans cet état, Lotus avait décidé de l’aider.

« Hé ! Hans ! On part pour une grosse chasse d’ici deux heures. Un Rajang qui cause quelques problèmes à des chasseurs et érudits en mission dans le Fief glorieux. Si tu te sens, tu peux te joindre à nous. »

L’homme se releva, des étoiles dans les yeux. L’espoir renaissait, oui ! C’était une solution. Une chasse, une vraie chasse. Depuis quand n’avait-il pas affronté un de ces gorilles électriques ?

« Attention hein, l’arrêta Lotus. Si tu viens et que tu veux une part de la récompense, va falloir combattre cette fois ! Interdiction de rester en retrait et de prendre des notes. Tu composeras un autre jour ! »

Elle reçut une réponse brève mais confiante : un simple hochement de tête accompagné d’un grand sourire.

« C’est entendu ! Laissez-moi le temps de prendre une arme plus appropriée et je viens ! »

Le barde s’empressa de ranger sa corde en Legiana givré dans une petite sacoche de cuir usée, et quitta la forge d’un pas décidé. Un Rajang ! De la mobilité, de la force, des éclairs… mais peu d’endurance. C’était une créature coriace, très agressive mais qui ne savait utiliser que la force brute. Ni piège, ni poison ou cri déstabilisant. Il s’arrêta dans son élan, et demanda simplement :

« Attaques brutes ou élémentaires ? »

La question surprit Lotus, la plupart des chasseurs se joignant à un groupe ne posait jamais la question. Ils venaient sans chercher à s’adapter à la stratégie d’équipe. Ce détail rassura la jeune femme, qui adorait planifier ses combats, alors elle répondit avec plaisir.

« On y va avec des armes de glace. Alors si tu en as, ce sera parfait ! »

Sans dire un mot, le barde retourna à ses réflexions, en souriant. Oui, il avait l’arme idéale ! Oh, il l’aimait tant. Elle était si belle, ses courbes, son énergie… Une forme élancée atypique. C’était une vraie beauté, elle était parmi ses favorites. Le simple souvenir de ses chants suffisait à faire naitre l’excitation chez l’homme.

De son côté, Lotus en profita pour prendre des nouvelles de ses commandes auprès du forgeron.

« Vous ne savez pas dans quoi vous vous embarquez, vraiment, vous ne savez pas, rit ce dernier.

— Des inquiétudes à avoir ? questionna Lotus, soudainement anxieuse.

— Pour la réussite de la chasse ? Non aucune, soyez sans crainte ! Le gars sait se battre. Pour votre santé mentale ? »

Et il partit dans un fou rire, bercé par les souvenirs d’un jeune groupe haut en couleurs. « Tous aussi timbrés que lui » pensa-t-il. Il lui avait laissé des séquelles et le bleu lui sortait par les yeux. C’était une autre époque, une joyeuse bande d’amis toujours prêts pour une chasse, peu importe s’il fallait abattre un Jagras ou bien pire. Ce qui comptait à leurs yeux, c’était la chasse, pas la cible.

Lotus partie, l’artisan laissa ses pensées s’égarer et ses souvenirs le ramener dans l’année précédente. Il sourit, rit un peu seul devant son feu et finit sur une triste grimace. « Dommage », se murmura-t-il.

De son côté la jeune femme s’empressa de trouver ses deux compagnons pour les informer des évènements du matin. Elle avait pris seule la décision pour le groupe, mais elle n’avait aucun doute quant à l’approbation de ses deux amis.

 

Une heure plus tard, la fine équipe ne voyait toujours pas le barde se joindre à eux. Combien de temps mettait-il à choisir son arme adéquate ? Si Rush préférait attendre dans le grand hall et s’occuper de ranger ses réserves personnelles, Quiver était quant à lui animé d’une grande curiosité. Ses quartiers personnels étaient un véritable musée pour ses armures d’acier et ses lances toutes plus imposantes les unes que les autres. Sa collection était une de ses fiertés, mais qu’en était-il des quartiers de Hans ? L’homme était-il un pêcheur aguerri, comme Lotus ? Ou exposait-il des trophées de chasse et des minerais rares en souvenir de ses aventures, se rapprochant ainsi de leur capitaine ?

L’habitat d’un monstre en disait beaucoup sur ses habitudes, son mode de vie, ce n’était pas différent pour les chasseurs. La découverte des quartiers de ses équipiers était donc d’une absolue nécessité pour Quiver.

Sans effort, il entraîna avec lui ses camarades, laissant à son fidèle Palico « Korak », la garde de son canon, il avait déjà bien assez de poids sur les épaules avec ses plaques de Bazel’. Les appartements des chasseurs étaient situés à l’entrée de Seliana, ou aux abords de la grande salle, selon l’implication de son occupant. N’ayant aucune idée des hauts faits de Hans, Rush prit la décision la plus logique et se renseigna auprès de l’intendance.

« Hans ? Oh, c’est très simple. En sortant de la grande salle ce sera l’allée montante sur la gauche. Je ne sais plus vraiment dans quel bloc. Souhaitez-vous que je vérifie dans les registres ?

— Non, nous trouverons avec les plaques. Merci bien. »

Les appartements prestigieux donc, Rush et ses compagnons avaient aussi été logés dans cette section, pour « services rendus à Seliana », avait affirmé l’amiral. L’affrontement contre le Velkana en était la raison. Pour Lotus, c’était rassurant, officiellement, Hans était un chasseur méritant et non une épine dans le pied !

Ensemble, les trois compères remontèrent l’allée enneigée. Beaucoup de maisons et dortoirs bordaient le chemin, tous bâtis de bois et renforcés par des poutres métalliques. Parfois, les cylindres d’acier, conduis d’air chaud qui reliaient les habitations aux machineries et assuraient le chauffage, étaient visibles entre deux buissons blancs, sous un monticule poudreux.

Chaque entrée était ornée d’une petite plaque de bois où résidait le nom d’un chasseur. Parfois, les plaques étaient par petit groupe, les membres d’une équipe bénéficiaient ainsi de logements rapprochés. Les chasseurs les plus soudés appréciaient la compagnie de leurs équipiers hors de la chasse, vivre à quelques pas permettait de se retrouver pour des soirées bercées dans la boisson ou des sessions de pêche matinale.

Au bout de l’allée se trouvaient les habitations les plus anciennes, construites lorsque la Commission s’était installée au Givre Éternel. De nombreuses plaques y étaient effacées, pas par l’usure et le temps, mais volontairement, car l’occupant avait quitté la colonie ou perdu la vie. Les logements demeuraient vides, dans l’attente d’un nouveau chasseur à abriter.

Après quelques minutes dans la section la plus éloignée, Rush aperçut une entrée qu’il jugea comme appartenant à Hans : à l’extérieur se trouvait un petit tabouret de bois sur lequel reposait une vieille flûte. Évidemment, comment un barde pouvait-il se détendre, si ce n’est en jouant plus de musique ? Il étouffa un rire et se dirigea vers la porte sans même vérifier le groupe de plaques au bord du chemin.

Quiver le suivit, mais Lotus désirait lire les plaques, elles étaient au nombre de quatre, une équipe complète. Malheureusement en s’approchant, elle constata que trois d’entre elles avaient été gratté, puis deux recouvertes de nouveaux noms. La troisième était vierge et l’ancien nom n’était plus lisible. « Sans doute partis depuis longtemps, lassés par le froid… ou morts. » pensa la jeune femme. La quatrième et dernière confirmait l’intuition de Rush, « Hans » était inscrit dessus. Satisfaite, elle regagna les autres et ensemble, ils frappèrent à la lourde porte de bois. Une obligation si l’on voulait se protéger du froid.

« Hans ? » appela Quiver de sa grosse voix.

Le silence resta, puis quelques pas hésitants ou maladroits. Un petit claquement métallique et des piaillements. Finalement, le barde répondit en criant :

« Entez ! Entrez ! Faites comme chez vous ! »

Rush haussa les épaules et poussa la porte, elle n’avait pas été verrouillé. En fait, il ne se doutait pas que cette porte n’était jamais fermée. Pas que Hans en ait perdu la clé, mais il préférait simplement permettre à tous ses visiteurs, prévus ou non, de rentrer selon leur bon vouloir.

Les quartiers du barde proposaient une décoration très rudimentaire en comparaison des autres de la section prestigieuse. Des murs couverts de plaques de bois bruns sur lesquelles étaient cloués quelques drapeaux verts de la commission. De temps en temps, un croquis du Val Putride ou du Plateau de Corail venait s’incruster et apporter un peu plus de personnalité à la décoration. Au plafond, des lampions de verre éclairaient la pièce avec des bougies. La porte donnait sur un petit balcon et un escalier, le cœur du logement, comme pour beaucoup d’autres, était en contre-bas. Un sol de pierre grise, couverts de peaux à la fourrure beige, sans doute de Popo. Lotus descendit les marches en première et découvrit un véritable désordre animalier.

« Attention ! » hurla Hans en courant à ses pieds. Il se recroquevilla au sol devant elle à la fin des marches. La jeune femme, trop occupée à contempler le plafond, ne comprit pas l’origine du danger. Du moins, jusqu’à ce que le barde se retire lentement. Il tenait dans ses mains une petite créature orangée semblable à une grenouille géante.

Rush sentit une goutte de sueur se former lentement sur sa tempe. Inquiet, il demanda :

« C’est un Paralycrapaud ? »

Ces animaux herbivores et non agressifs, avaient la particularité, comme beaucoup de leurs cousins, de libérer de l’énergie lorsqu’ils étaient soumis à un choc… comme un coup de pied. En l’occurrence, les Paralycrapauds, étaient connus pour libérer un nuage d’éclairs aux propriétés paralysantes, mais non-mortelles… Heureusement !

« Ils sont merveilleux, n’est-ce pas ? » répondit simplement le barde en s’éloignant, le crapaud dans les bras. Il le caressa lentement, puis le posa sur son lit avant de se retourner vers ses camarades totalement décomposés.

« Bienvenue chez moi ! » s’exclama-t-il les bras levés, laissant ses invités découvrir l’ampleur des dégâts.

Des Paralycrapauds se baladant librement sur le sol, un groupe de trois manchots faisant une sieste sur le tapis de fourrure qui entourait le lit, les aquariums habituels avaient été remplacés par des présentoirs à armes et une simple table ronde en tronc de bois, sur laquelle reposait un nombre incalculable de potions, mécanismes de pièges et autres outils, ornait le centre de la pièce. Et pourtant le pire était encore à venir, profitant du doux feu de la cheminée, situé au centre du mur principal, une petite colonie de Scarabombes se prélassait. Des Scarabombes, une sous-espèce de scarabées pouvant exploser au moindre contact avec une étincelle. Et Hans les laissait là, devant la cheminée, à profiter paisiblement.

« Fou », c’était le mot qui résonnait dans l’esprit de Quiver. Il voulait connaître son nouveau compagnon, eh bien ce dernier était détraqué, tout simplement !

« Je rangeais quelques affaires, annonça Hans en passant la main dans ses cheveux blanchis, laissez-moi prendre mon arme et mon armure et je suis à vous.

— Tu as trouvé ton arme de glace ? demanda Lotus, essayant d’oublier la ménagerie improbable qui l’entourait.

— Ooh ! Mais j’ai trouvé mieux encore ! L’arme idéale, je l’avais depuis longtemps et ce fut une évidence ! »

Il fit signe à ses invités de le suivre vers l’extérieur. Le bassin d’eau initialement construit dans ce type de quartiers avait été réduit de moitié. D’un côté, un chemin de pierres pavées, bordés de fleurs de givre partait au-delà du terrain. Vers une résidence voisine peut-être ? Qui sait, ces logements dataient. De l’autre côté, une annexe couverte et fermée avait été ajoutée. À l’intérieur il n’y avait aucune décoration, simplement des présentoirs s’alignant les uns à côté des autres : tambours, cors, luths, harpes et guitares se suivaient le long des murs. Tous les instruments étaient en parfait état, sans aucun doute entretenus chaque jour.

Hans souriait de plus belle dans cette pièce, une collection qui comptait beaucoup pour lui et bientôt, grâce à cette jeune équipe, il pourrait y ajouter une nouvelle amie. Sa place était déjà réservée, aux côtés d’un luth de Legiana. Sans hésitation, il prit un instrument et ouvrit une armoire dans le fond.

Une nouvelle arme mais aussi une nouvelle armure, bien différente de celle que portait Hans le jour où il avait rencontré Rush et ses amis.

Un plastron épais dont les épaulettes étaient couvertes de pointes, le tout sans aucun doute réalisé à partir d’un Nergigante, un ceinturon en roche et plaque de Zorah, le dragon volcan, accompagnés d’une épée simple dans son fourreau. Une arme tranchante pour des situations d’urgence. Mais le combat au cor de chasse était un art dansant, Hans avait choisi un pantalon renforcé en peau d’Odogaron, à la fois robuste et souple, permettant des mouvements rapides et beaucoup de légèreté. C’était un matériau très prisé chez les chasseurs maniant l’insecto-glaive, comme Lotus car ils combattaient principalement dans les airs. Et pour finaliser tout ça, une épaisse et longue écharpe qui flottait au vent derrière son porteur. Une touche de style qui venait remplacer la légendaire plume du barde.

Cette tenue avait des nuances de rouge et de noir ; contrairement à la tenue de la guilde, elle donnait l’allure d’un vrai chasseur de terrain.

L’instrument quant à lui était une guitare, électrique, littéralement ! Elle avait été créée à partir d’un Zinogre, un loup géant dont la fourrure libérait des éclairs en permanence. Les cordes même de cet instrument étaient électrifiées, on pouvait percevoir l’énergie se mouvoir le long du crin. Hans portait d’épais gants pour pouvoir la manier. L’extrémité formait la partie contendante de l’arme et était recouverte d’os de cornes de la bête. C’était un véritable marteau en termes de résistance et de potentiel destructeur.

Mais Lotus soupira, se serrant le front de sa main.

« Tu sais que les armes en Zinogre gardent les propriétés foudroyantes de sa peau ?

— Bien évidemment !

— Tu comptes donc tuer un Rajang, gorille habité par la foudre, avec des éclairs ? » cassa Rush, blasé.

Hans perdit son sourire, il regarda au ciel en soufflant.

« Pourquoi sont-ils tous aussi fermés. Hein ? Vous compreniez très bien pourtant… alors pourquoi doutent-ils ? »

Il murmura quelques râles dans sa barbe et se montra plus que sérieux face à ses camarades.

« Ce n’est pas l’élément qui compte. Il est extrêmement dissipé par la forme de l’embout. Présent, mais peu puissant. L’important c’est le son, les mélodies que je peux produire avec ces cordes vont vous faire oublier que je frappe la foudre avec la foudre. Vous serez plus efficaces, on sera plus efficace en tant qu’équipe. »

Quiver et Lotus laissèrent Rush répondre à ça. C’était lui le capitaine, dans ces cas-là, il devait trancher et prendre la décision de refuser ou non la participation de Hans avec un tel équipement.

« Tu me promets que ce sera efficace ? » demanda-t-il, choisissant de garder l’esprit ouvert.

En réponse, Hans avança un peu plus loin dans la pièce et présenta un instrument qui ressemblait à un groupement de tambours allongés. Ces derniers étaient couverts de poils marrons et jaunes, typiques de la fourrure des Rajangs.

« Nous en avons tué quatre, avant que je ne puisse créer ça. C’est efficace. »

Une déclaration qui suffit amplement au capitaine de l’équipe et qui rassura également les deux autres équipiers. Il n’y avait pas meilleure preuve de l’efficacité d’une arme que son test en chasse réelle.

« Dans ce cas, nous partons en chasse. »

Emportés par l’engouement de Rush, le jeune groupe se mit en marche vers la grande salle, enjambant soigneusement les différentes créatures apocalyptiques qui jonchaient le sol. Hans suivit le pas, non sans jeter un dernier regard à son modeste habitat. Il était fauché, complétement. Encore quelques semaines et il serait contraint à céder la parcelle supplémentaire qu’il avait acquise. Ce n’était qu’un petit espace, quelques pierres sous un arbre à l’abri des regards. Mais ce jardin avait plus d’importance que sa propre maison, il avait déjà vendu certains de ses trophées de chasse pour financer ses nouvelles armes. Avait-il pensé à se joindre à un groupe, partager les récompenses du tableau d’affichage ? Non, pas jusque-là. Si Lotus ne lui avait pas proposé, jamais il n’aurait fait le premier pas.

Il regarda un instant dans le vide : il y avait ce rideau bleu, en poils d’Arzuros, il oscillait sous une légère brise.

« Bonjour, » murmura le barde, le regard perdu dans le passé.

Il n’y avait aucun rideau devant lui, ni mur, ni fenêtre. Simplement une silhouette bleue aux courbes féminines, nourrissant des signes d’argent dans la neige.

« Tu ne m’en veux pas ? »

Sa voix était douce, toute l’énergie habituelle avait disparu. La femme bleue ne bougea pas. Elle n’avait ni visage, ni expression. Portant Hans croyait fermement que leurs regards se croisaient. Il sourit, simplement, sans aucune raison. Il se sentait simplement bien face à la dame de bleue. Le vent souffla et la femme tapota les pétales que formaient sa tassette pour en épousseter la neige. « Machalite et Rathian, des reflets dignes du ciel, » pensa le barde.

Il fit un petit geste de la main, accueillir une amie était la moindre des choses.

« La prochaine fois, nous chasserons ensemble. Dis-le aux autres. »

Une nouvelle bourrasque emporta son interlocutrice, elle disparut en lui rendant son salut. Le rideau s’agita devant lui et les signes d’argent n’étaient plus que pots inanimés.

« Hans ? Tu viens ? » appela Quiver.

De fines larmes coulèrent lentement sur les joues de Hans alors qu’il souriait. En avait-il conscience ? sans doute pas. Il ne prit pas le temps de les essuyer avant de reprendre sa route.

« J’arrive ! Est-ce que c’est votre premier Rajang ? rit-il.

— Tu nous prends pour qui ? se vexa Rush. Bien sûr que non !

— C’est notre second, clarifia Lotus sous le regard foudroyant et désapprobateur de Rush.

— Ça va être marrant, vous verrez ! »

En une seconde, Hans se retrouva devant, aux côtés de Rush, marchant dans la neige en riant à s’en déboiter la mâchoire. Il agitait ses bras dans tous les sens, racontant de ridicules anecdotes, imaginant le combat avant son déroulement face à ses camarades, mi-dépités, mi-emportés par la légèreté avec laquelle il prenait la chasse.

 


Merci à BakApple pour la correction


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