Rathlands

Chapitre 9 : Chapitre 7 (Tidal POV)

3907 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 14/12/2019 15:37

Replongeant sa large tête d'albâtre dans l'eau tiède, le roi Tidal III lâcha un long soupir de bien-être, tandis que les petites vagues berçaient son corps sinueux de Lagiacrus Ivoire. Se retournant sur son dos bossu garni de cristaux saphir, il cracha une gerbe d'eau, à la manière d'une fontaine.

« Qu'il est doux de ne rien faire ... » songeait-t-il avec satisfaction, se laissant flotter, les yeux fermés de béatitude.

Le soleil, lumineux et chaleureux, était à son zénith. L'astre diurne dardait impitoyablement ses puissants rayons sur tout le Royaume Ecume, terre de mer, de marécages, et de rizières, provoquant un climat humide et pesant. Comme à leur habitude, les Ecumiens exerçaient l'exercice de leur sieste dans un lieu réunissant leurs deux éléments favoris : l'eau et la chaleur. A la manière du riz, ils se portaient bien lorsqu'ils étaient immergés dans de l'eau tempérée, elle-même exposée au soleil. La température de celle-ci devait atteindre 25 à 30°C pour que les léviathans viennent s'y plonger et somnoler. Cette sieste réparatrice semblait être leur unique source d'énergie vitale, et ceux-ci s'en contentait parfaitement. Tout comme les plantes tropicales, ils végétaient donc durant les heures les plus chaudes de la journée. Quelques rares bambins préféraient batifoler dans les rizières, les bassins de sources chaudes, ou encore l'océan, plutôt que de s'y reposer. Cependant, ils ne représentaient qu'une minorité parmi la population, tant ce repos obligatoire était sacré.

C'était une coutume devenue loi : on faisait la sieste de midi à quinze heures ; point. En d'autres termes, on déjeunait relativement tôt et léger, afin de pouvoir pleinement profiter des rayonnements solaires ensuite.

Le roi Ecumien revint à une position ventrale, puis refit émerger de l'eau le bout de son nez écailleux et son dos tel un crocodile.

« Et si je me rendais aux termes, ensuite ? Laerob y sera peut-être, et l'on pourra discuter ... Mmmh ... Mais de quoi pourrions-nous palabrer ? ... Je ne sais pas ... Je déciderai de notre sujet de conversation plus tard ... Dans une heure peut-être ... Ou bien deux ... ? Je ne sais paaas ... » pensait mollement Tidal.

Entrouvrant ses yeux clos, il fut assailli par l'aveuglante et agressive lumière du soleil qui agressa ses rétines.

- Aaaaaoouuch ... gronda-t-il en les refermant aussitôt, dans un réflexe pourtant lent.

Il sentit alors une bulle venir s'échouer et éclater sur son museau.

- Irisée ... ? prononça-t-il de sa voix ensommeillée, relevant légèrement la tête, et bravant une nouvelle fois la vive luminosité pour ouvrir faiblement ses yeux.

- Oui ? répondit la gracieuse Mizutsune en glissant dans le bassin dans lequel il somnolait depuis un moment déjà, répandant de la mousse savonneuse sur le sol.

Les Mizutsunes étaient une race de léviathans empreints d'une grande agilité et d'une grâce remarquable. En effet, ceux-ci étaient capables de sécréter naturellement un fluide savonneux semblable à de la mousse, qui pouvait être transformé en bulles. Mais plus généralement, ce liquide leur servait pour se déplacer plus fluidement, notamment en laissant leur corps serpentin pourvu de fourrure mauve glisser dessus. Ainsi, ils développaient une vitesse et une précision de direction accrue. Ces déplacements étaient si esthétiques et appréciés pour leur élégance que, lors des rares fêtes animées du roi Ecumien, où il recevait Khryselios et Chryselene, quelques Mizutsunes du royaume acceptaient de présenter une danse au clair de lune tout bonnement magique. Tandis que se déplaçaient de manière rythmée les léviathans danseurs qui serpentaient et bondissaient, éclairés par l'ardent éclat ondoyant des braseros, les bulles qu'ils produisaient s'élevaient doucement dans les cieux nocturnes, se mêlant aux Foudrinsectes alors de sortie. Le mariage de ces deux éléments volants offrait un cachet véritablement mystique et fabuleux à la scène. Souvent, ce rituel était accompagné de quelques joueurs de flûte de pan, ou de xylophone de bambou. Hélas, cela ne se produisait pas souvent.

- Pourquoi ... N'arrives-tu que maintenant ? bâilla le Lagiacrus Ivoire.

- Je réglais les derniers préparatifs pour demain ... Tu sais, le départ de nos soldats pour soutenir notre ami Khryselios ... expliqua doucement Irisée.

- Dééépart ? Soldaaats ? De quoi parles-tu ? articula difficilement Tidal, les mâchoires engourdies.

La reine eut une mimique gênée, et se tritura nerveusement les doigts.

- Hm ... La ... La défense d'Ignis, Demain ... Tu te souviens ?

L'information prit un certain temps à être captée par le roi Ecumien.

- Ooh. J'avais oublié ... dit-il d'un air rêveur. Merci de t'être ... Occupée de cela.

- De rien, dit Irisée en se laissant couler comme son compagnon dans l'eau de la source.

- Tu ne devrais pas travailler si dur ... ajouta Tidal.

- Je m'inquiétais, s'excusa la Mizutsune.

- Il n'y avait pas lieu ...

Il sembla se souvenir de quelque chose.

- Opale ... Elle souhaite toujours y aller ? demanda le Lagiacrus Ivoire en laissant l'eau recouvrir à nouveau son dos.

Irisée hocha la tête avec angoisse, et l'eau de la source fut soudainement envahie de mousse rosâtre.

- Ce n'est pas normal ... Comment peut-elle être si dynamique, si impétueuse ... Si têtue ! Nous l'avons élevé avec tout l'amour que nous avions, et pourtant, elle est ainsi ... Je me demande souvent ce qui a bien pu tourner de travers ...

Le crocodile blanc haussa les épaules en penchant la tête sur le côté.

- Je ne sais guère. Mais il est vrai que cette combativité ne vient pas de nous. Je me demande de qui elle la tient ... Pourquoi souhaiter si ardemment défendre notre ami Khryselios ? Certes, c'est un excellent hôte, mais ce n'est probablement pas pour cela qu'elle souhaite le soutenir, si ? Je ne parviens pas à mettre le doigt sur une autre raison qui pourrait la pousser à agir ainsi ... avoua-t-il, las.

- J'espère que ce n'est que passager ... Et qu'elle fera ensuite une parfaite Ecumienne ... Une fois sa raison retrouvée ... murmura la reine.

- Sinon nous ne pourrons pas la marier, acquiesça le roi en hochant la tête d'un air pensif.

Irisée fut saisie d'épouvante par ces mots, et frissonna.

- Ne parle pas de malheur !

Tidal secoua la tête, soupirant longuement.

- Ne te turlupine pas avec cela, savoures l'instant présent ... Regardes-moi ce soleil ! Il faudrait être sot pour ne pas en profiter, n'est-ce pas ? lui conseilla-t-il en lui jetant un doux regard en coin.

- Oui ... Tu as raison, je me fais certainement trop de souci ... rougit la Mizutsune, qui s'amusa distraitement à éclater quelques-unes de ses bulles avec l'une de ses griffes supérieures et recourbées.

« Elle n'a peut-être pas tort ... Et si Opale ne voulait guère changer ? Mmh, non, elle finira bien par se lasser ... Pourquoi défendre de manière si véhémente sa ... Personnalité ? C'est inutile ... » pensait le roi en la regardant faire.

Il secoua à nouveau la tête. Il décida alors qu'il se torturait aussi bien trop l'esprit à ce moment, et rejoignit à nouveau le royaume des rêves.


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Le roi Tidal III piquait à nouveau du nez, tandis qu'un cent troisième Ecumien venait, comme tous les autres, se plaindre en face de lui des douleurs du labeur quotidien dans les rizières, et réclamer une semaine de travail plus courte. Le Gobul en face de lui déblatérait donc depuis un quart d'heure déjà, et le souverain paraissait déjà en être fortement lassé. Sa griffe accoudée soutenait difficilement son menton de plus en plus lourd, et ses paupières semblaient quant à elle être douées de volonté propre, tant elles refusaient pertinemment de rester ouvertes.

Voilà pourquoi lui et sa famille dirigeaient le Royaume Ecume depuis trois générations : Aucun autre Ecumien ne s'était manifesté pour prendre la relève. Cent vingt-cinq années auparavant, la République Démocratique Ecume avait été proclamée, afin de clore la longue période d'anarchie pacifiste qui régissait les Terres Ecumiennes. Le « gouvernement » de l'époque avait alors lancé un appel aux candidatures pour les premières élections. Ce fut un fiasco total. Seul Tidal premier du nom, arrière-grand père du roi actuel, proposa, sans grande envergure ni volonté, sa candidature. Or, comment pouvait-on affirmer tenir une république démocratique si les citoyens n'avaient guère le choix entre plusieurs candidats ? On garda tout de même l'appellation de « République », car l'on ne souhaitait plus revenir à l'ancien système, mais ce qui devait arriver arriva : lorsque de nouvelles élections furent lancées cinq ans après l'investiture de Tidal, il n'y eut pas d'autre prétendant au pouvoir que lui-même. Il resta ainsi Président de la République pendant quarante ans. A la fin de son huitième mandat, faute de propositions, il légua son rôle à son fils.

La République ne pouvant plus exister du fait de l'investiture plus ou moins forcée du fils de Tidal Ier, les Terres Ecumiennes devinrent une monarchie. Personne ne contesta la passation de pouvoir à celui qui se fit appeler Tidal II, et celui-ci vécut sans accrocs son règne de soixante ans. Puis il fit également appel à son fils, à l'instar de son père. Tidal III prit le relais. Et voilà maintenant vingt-cinq ans que Tidal troisième du nom régnait sur le Royaume Ecume, toujours sans revendication de pouvoir aucune. Il fallait se rendre à l'évidence : aucun Ecumien n'avait assez de motivation pour gouverner. Ils étaient tous bien trop feignants. Le roi lui-même ne dérogeait pas à la règle. Et c'était bien pour cela que ces longues séances d'audience le harassaient au plus haut point.

Lentement, son menton se déroba de la prise de sa paume, et fut pris d'un sursaut de surprise lorsque que celui-ci l'attira soudainement vers le bas. Son interlocuteur était si lent d'esprit qu'il ne remarqua guère la preuve d'inattention de son souverain.

- ... Et comme je le disais tout à l'heure, il n'y a pas besoin de nourrir les poissons entre 18 et 19h, car ils n'ont généralement plus faim après la ration du midi ... De plus, on ne peut pas combler cela en nettoyant les bassins, les travaux des viviers s'effectuant le matin vers 10h, pour ne pas trop transpirer à cause du soleil ... Ce créneau de 18-19h est inutile, parce qu'on ne peut rien faire ... C'est donc une pause qui se doit d'être officialisée, n'est-ce pas ? conclut le Gobul qui achevait enfin sa tirade.

Tidal se reprit.

- O-oui, tout-à-fait monsieur Lanterne, je consens à étudier ce problème pour une éventuelle réforme ... récita mécaniquement le roi Ecumien en essayant d'avoir l'air persuasif.

- Je vous remercie, roi Tidal, s'inclina le sujet, avant de disparaître.

Le Lagiacrus Ivoire lâcha un énième soupir d'ennui.

- Combien en reste-t-il, Irisée ? demanda-t-il en jetant un œil derrière son trône, ou se tenait Irisée, également assise sur sa royale chaise, en retrait.

- Vingt-neuf. Douze demandes de réduction générale du temps de travail, dix plaintes concernant une invasion de bambous, quatre requêtes de financement, et trois demandes d'informations à propos de la construction des barrages sur la façade Nord des plaines salées, l'informa la reine en lisant son parchemin de papier de riz.

Le léviathan aux écailles de lait leva les yeux au ciel.

- L'après-midi promet d'être long ... Dire que je voulais me rendre aux thermes ! protesta-t-il avec frustration.

La Mizutsune eut un air outré qu'elle réprima aussitôt.

- Tu ... Il n'est que 16h, tu peux toujours y aller sur le coup de 19h ? suggéra-t-elle amicalement.

Tidal III semblait faire un caprice.

- A 19h ? Mais je vais encore me coucher tard, ensuite ! Je n'ai pas envie d'être fatigué ... Je parviens encore plus difficilement à capter des mots lorsque ces gens me parlent, après ... dit-il d'un air fort contrarié.

Irisée agita nerveusement la queue en signe d'ébullition interne, mais aucun son ne sortit de sa bouche.

- Bon, qu'à cela ne tiennes, capitula Tidal, je m'autoriserai une grasse matinée demain. J'en ai bien le droit, non ? J'ai fourni un travail honnête, j'ai donc droit de prendre du repos ... Moi, je dois travailler quasiment toute la journée, alors qu'eux, ils ne travaillent que trois heures et demie par jour ... Ce serait injuste, sinon ! N'est-ce pas Irisée ? raisonna-t-il ensuite, les yeux brillants.

- Tout travail mérite salaire ... répondit timidement la reine, qui constata qu'elle avait répandu beaucoup de mousse sur le sol du fait de sa nervosité.

- J'ai donc raison, alors ! C'est prodigieux, j'effectue des raisonnements corrects, quel érudit je fais ! s'exclama-t-il, joyeux.

Irisée garda le silence, mais pâlit et rougit de nombreuses fois.

- Bon, fais rentrer le suivant, tant que j'ai encore de la motivation, accepta le roi Ecumien.

- Le numéro cent quatre s'il vous plaît ! annonça la Mizutsune qui dût forcer sur sa voix fluette pour se faire entendre, celle-ci ne portant pas vraiment.

- Je viens ... Un instant ... déclara un Ludroth Royal pataud qui tenait entre ses crocs un ticket annoté du numéro indiqué, et qui avança lentement mais sûrement vers le trône. Bonjour, mon roi.

- Salutations, monsieur ... commença le Lagiacrus Ivoire.

« Oh mince, comment s'appelles-t-il, lui, déjà ? Oh non, je crois que j'ai oublié ! » paniqua-t-il mentalement.

- Mr Eponge, lui chuchota le plus discrètement possible Irisée.

- Mr Eponge ! Hum, puis-je savoir l'objet de votre requête ? s'enquit Tidal, dont les mâchoires semblaient se lasser de prononcer systématiquement les mêmes mots.

Il mima ensuite un air attentif pour suggérer au Ludroth Royal de s'expliquer.

- Et bien, je venais vous faire part de mon inquiétude concernant le retard des travaux, vous savez, pour la construction de barrages sur la côte Nord des plaines salées, qui devraient servir à augmenter la surface cultivable ... Cela fait déjà sept mois que le chantier est sensé avoir débuté, or aucun ouvrier ou traces d'activité ne se trouvent sur le site, est-ce normal ? demanda-t-il.

Le léviathan blancs aux pics saphir eut une moue chiffonnée.

- Hum ... Il est vrai que ce projet a pris du retard, mais nous attendons d'avoir l'accord de la compagnie qui gèrera la construction de ces barrages ... De plus, il faudra également déterminer quel matériau saura le mieux résister à l'océan ... Cela risque de prendre encore beaucoup de temps ... J'espère avoir votre compréhension, débita-t-il en réponse.

- Oh, donc c'est toujours d'actualité ... Merci de m'avoir rassuré sur ce sujet, mon roi, le remercia le léviathan à la collerette spongieuse. Je pensais que ç'eut été abandonné ... Merci bien.

- C'est moi-même qui vous remercie, Mr Eponge. Je vous souhaite une agréable fin de journée, et que Ceadeus vous garde, dit Tidal en inclinant légèrement la tête, tandis que l'autre se retirait.

Irisée récupéra le ticket n°104 et le mit dans une petite corbeille d'osier qui contenait d'autres tickets similaires.

- Numéro cent cinq ! proclama-t-elle en direction de la grande porte de bois de palétuvier tressé, où patientaient derrière les autres.

Il n'y eut pas de réaction.

- Numéro cent cinq ? redemanda la Mizutsune en haussant un sourcil.

Toujours pas de réponse. Tidal parut soudainement intéressé par ce silence.

« Un de moins, c'est toujours cela de gagné » songea-t-il avec satisfaction.

- Bon, un désistement ... Numéro cent six ?

Un Lagiacrus de couleur ordinaire entra timidement.

- C'est moi ? dit-il d'une voix faible.

- Veuillez avancer jusqu'au trône et faire part de votre demande, l'informa gentiment la reine.

Le Lagiacrus s'exécuta, et salua le roi.

- B-bonjour mon roi, débuta le léviathan recroquevillé sur lui-même, hésitant, Ce ... Ce serait pour vous demander ... Quand est-ce que vous comptez lancer une opération d'abattage ? Pour ... Les bambous ? En cette saison ils se multiplient à une de ces vitesses ... C'est très embêtant vous savez, et les champs sont pratiquement tous touchés par ce fléau ... Voilà, c'est ma question ...

Cette fois, le roi eut une expression plus affable.

- C'est notre priorité pour le moment ! annonça-t-il, tout fier. A dire vrai, nous avons déjà commencé à en retirer près des rives du fleuve Mouyé. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que les volontaires pour ce travail ne parviennent jusqu'ici, à Furosu, lui expliqua-t-il.

Son sujet sembla ravi de cette réponse.

- D'accord, seigneur Tidal, merci de cet éclaircissement, j'en avais grand besoin. Que Ceadeus vous garde ! lui souhaita le jeune lévithan avant de quitter la salle à son tour, après avoir remis son ticket à Irisée.

- C'est moi-même qui vous remercie. Je vous souhaite une bonne fin de journée, et que Ceadeus vous garde aussi, répéta Tidal.

« J'aurais bien besoin de Ceadeus, afin qu'il me garde du sommeil pour le moment, je vais m'évanouir sinon ... » pensa-t-il tandis qu'il bâillait à s'en décrocher la mâchoire.

- Numéro cent sept ! appela Irisée.

Sans un mot, la porte s'ouvrit, et un Najarala Diluvien fit son entrée.

- Laerob, mon ami ! s'exclama Tidal, ravi.

- Bien le bonsoir, mon roi, déclara la wyverne reptile bleue en s'avançant. Bonsoir ma reine, dit-il ensuite en abaissant légèrement son crâne balafré.

- Comment te portes-tu ? s'intéressa le Lagiacrus Ivoire.

- Plutôt bien, je te remercie. Je venais pour vous faire part du fait que ... commença-t-il, avant de décider de se rapprocher davantage du couple royal. Nous avons à nouveau trouvé de l'or dans une de nos rivières, messire ...

- C'est fantastique, ma foi, hocha la tête Tidal. Où est-ce, cette fois ?

Laerob se mit à chuchoter.

- Dans la Larme du Roi, l'informa-t-il.

- Oh, donc cet or appartiendrait à Khryselios ? l'interrogea le léviathan couleur de sel, déçu.

- Techniquement oui, messire, mais il s'avère que les Rathiens ne sont guère au courant de l'existence de cet or ... Si vous voyez où je veux en venir.

Le roi réfléchit longuement, la griffe sur le menton.

« Ce n'est pas mon or, je ne dois donc pas le prendre ... Voler, c'est mal. Et je ne veux pas voler Khryselios, si ? Mais je pourrais payer les ouvriers pour les barrages, avec cet or, en même temps ... Heureusement que j'ai fait appel à la charité pour couper les bambous, autrement, je serais endetté ... Pourquoi ne veulent-ils pas pousser ailleurs, ces bambous ? Ou se couper eux-mêmes, tiens ? Oh, quel choix compliqué ! » se plaignit-il intérieurement.

- Non, cet argent doit revenir à Khryselios. Pas à nous.

Irisée intervint.

- Si je puis me permettre, Tidal, nous pouvons légalement prélever trente pourcents de cette trouvaille afin de rembourser notre recherche, Khryselios n'aura pas son mot à dire là-dessus ... proposa-t-elle.

Le Lagiacrus blanc secoua à nouveau la tête.

- Notre ami Khryselios est dans le pétrin, nous nous devons de l'aider, lui qui nous reçoit si bien ! se défendit-il, contrarié. Nous ne prélèverons que quinze pourcents de ce que nous trouverons.

Laerob et Irisée semblèrent soupirer à l'unisson.

- Comme tu le souhaiteras, mon roi, sache cependant que tu peux toujours revenir sur ta décision, abandonna le Najarala Diluvien. Sur ce, je t'attendrais aux thermes une fois tes audiences terminées. Mes salutations.

Et il sortit.


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- Quel bonheur que de se détendre aux thermes ! Qu'en dis-tu Irisée ? demanda Tidal qui s'était étendu de tout son long sur la mosaïque jouxtant le bain chaud, respirant la vapeur comme ç'eut été de l'encens aux vertus thérapeutiques.

- C'est ... Très relaxant, en effet, sourit-elle, également allongée sur le rebord du bassin.

- Tout simplement divin, acquiesça Laerob, qui lui avait opté pour un bain tiède, mais s'appuyait sur le bord séparant le bain tiède et froid pour discuter.

- Au fait Laerob, as-tu bien reçu les informations que je t'ai fait transmettre pour le départ des renforts vers Ignis ? se renseigna la Mizutsune.

Le Najarala du déluge ouvrit les yeux.

- Oui, les troupes sont parties dans l'après-midi, et je leur ai donné toutes les recommandations qu'il fallait. J'espère qu'il ne leur arrivera pas malheur ... Surtout pour Opale, je veux dire, dit-il en tournant la tête vers la reine.

- Moi aussi, avoua celle-ci, anxieuse.

- Ne te tracasse pas, voyons ... la rassura le léviathan aux écailles blanches.

- Et pourquoi ça ? J'ai bien le droit de m'inquiéter tout de même ? s'indigna la reine.

- Parce que tu vas faire mousser le bain entier, si tu continues à stresser autant, répondit-il en pointant la marée de fluide savonneux qui s'écoulait dans le bain chaud du doigt.

La Mizutsune pâlit de gêne.

- Oh flûte ! Bon, j'aiderai les employés à nettoyer ce désordre ... soupira-t-elle.

Laerob prit la parole.

- A ce qu'on dit à la frontière, les Rathiens sont dans une bien piètre posture ... J'espère qu'avec notre soutien, on pourra changer la donne. Si les Rathlands tombent aux mains de Rakuraï II, nous serons certainement en danger ... Pour le moment, à part Khryselios, personne n'est informé de nos ... Ressources secrètes, mais si jamais cela parvient jusqu'aux oreilles Rakuriennes ... Il se pourrait qu'ils revoient leur idée de notre pays, bon qu'à cultiver du riz et élever des Sushipoissons ... Je doute sincèrement qu'on soit alors capable de lutter.

- Ce n'est pas grave, répondit Tidal, nous nous réfugierons dans l'océan. Tout le monde peut vivre dans l'océan, non ? Dans le pire des cas, il nous restera l'île de Kolcal, les Rakuriens ne viendront pas nous causer des ennuis là-bas ...

Irisée contint sa surprise révoltée en se souvenant qu'elle avait déjà causé assez de dégâts comme cela avec sa mousse.

- Cela reste une option, messire, il nous sera très difficile de survivre ainsi, dépourvus de nos richesses territoriales ... La reconstruction sera très certainement ardue et ... répliquait la wyverne reptile bleue rayée de violet et de vert.

- Nous verrons bien cela le moment venu, général. Pour l'instant, contentons-nous de l'instant présent. Et l'instant présent, moi, je le savoure, conclut le roi en glissant dans le bassin d'eau chaude. Vous venez ? La température est parfaite ! les intima-t-il.

Le général et la reine se regardèrent avec hésitation.

- On ne le changera pas, déclara Irisée qui plongea à son tour dans l'eau.

- Oui, pas de sitôt, hocha tristement la tête Laerob, qui la suivit.




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