Le Fil Conducteur

Chapitre 0 : Prologue

4779 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 11/04/2020 14:29

Avant-propos



C’était une nuit d’hiver. Le lundi 22 février 2010, plus précisément. J’étais dans un bureau sombre, à Paris, place de la Bourse. Le ciel était noir, les nuages et la pollution m’interdisaient la vue de la moindre petite étoile. Devant moi, derrière son bureau, l’éditeur finissait de refermer mon manuscrit en secouant la tête. À voir son expression, je ne me faisais aucune illusion sur ce qu’il pensait des quelques pages que je venais de lui présenter. Il resta concentré sur l’étui cartonné jaune citron, sans relever les yeux. J’entendis ma voix ânonner avec hésitation :

 

-         Alors… C’est pas si bon, hein ?

 

Il souleva enfin péniblement sa grosse tête chauve, et grimaça une moue hésitante à mi-chemin entre le sourire et la compassion.

 

-         J’avoue ne pas vraiment savoir quoi en dire, en toute honnêteté. Bon, je connais tous les personnages dont vous parlez, sinon je ne serais pas à la tête de cette maison d’édition. Mais ce que vous me donnez là…

 

Il rouvrit le dossier, et se remit à feuilleter quelques pages au hasard.

 

-         C’est du vécu ?

-         En partie. Disons qu’il y a un peu de moi, là-dedans.

-         Oui, je suppose. Quel auteur n’a pas mis un peu de lui dans tel ou tel personnage de l’une ou l’autre de ses œuvres ?

-         Pour moi, ça va plus loin. Vous avez raison, mais j’ai toujours un petit malin plaisir à me mettre en personne dans chaque roman, toujours de manière très succincte, un peu comme Alfred Hitchcock, qui faisait une brève apparition dans chaque film. Dans une assemblée, en train de rater le bus…

-         J’ai compris, merci. Et oui, ça y est, je vous vois, là, je suppose, répondit l’éditeur en montrant du doigt un passage.

-         Oui, c’est bien moi.

 

L’homme poussa un profond soupir.

 

-         Bon, c’est sympathique, c’est bien écrit, mais d’un autre côté… l’idée n’est pas très originale, pour commencer.

-         Vous savez combien d’argent a gagné James Cameron avec son dernier film ? J’ai eu l’impression de voir à la fois Danse avec les Loups, Pocahontas, Valérian et Aliens, le retour mélangés pendant deux heures et demie. Il a eu pas mal de sources, pour une idée « originale », vous ne trouvez pas ? Et pourtant…

-         C’est un fait, mais l’industrie du livre n’est pas celle du cinéma, encore moins celle du sport, je suppose. Et les personnages… vous ne les avez même pas inventés.

-         Pas plus qu’Alexandre Dumas n’a inventé Charles de Batz, alias D’Artagnan ! « On a le droit de violer l’Histoire, à condition de lui faire de beaux enfants ! » a-t-il dit.

-         Décidément, vous êtes têtu !

-         Heureusement, que je suis têtu, monsieur l’éditeur ! Vous imaginez combien de présidents, de chefs d’état, d’inventeurs, d’artistes d’avant-garde, de chercheurs, seraient tombés dans l’oubli s’ils avaient pris au sérieux les innombrables personnes qui leur auraient dit « laissez tomber, ça ne sert à rien ! » ? L’Homme ne serait même pas sorti de sa caverne ! Nous serions encore des singes à poil qui se disputeraient les restes d’une carcasse faisandée lacérée par un tigre à dents de sabre !

 

Une telle tirade, dont je n’étais coutumier que par écrit, avait littéralement cloué le bec du type. J’étais certain qu’il allait m’indiquer le chemin de la sortie. Mais il ne semblait pas avoir perdu son sang-froid. Il lut alors à haute voix :

 

-         « En regardant autour de lui, il pouvait voir d’autres personnes issues d’autres mondes, dans des tenues excentriques, futuristes ou médiévales. D’autres élus, en quête de quelque chose ou de quelqu’un, comme lui ? » C’est une phraséologie plutôt clichée, vous ne trouvez pas ? Pour une situation qui ne l’est pas moins. Un héros déphasé, un étrange appel, un monde différent… Vous voyez où je veux en venir, maintenant, je suppose ?

 

Toujours cette espèce de sympathie désolée dans la voix, et ces perpétuels « je suppose ». Pas assez pour me faire changer d’avis, ni sur lui, ni sur le sien, d’avis.

 

-         Et donc, dites-le carrément, c’est de la merde !

-         Je n’ai pas dit ça !

 

Il reprit son inspiration, se leva, et commença à marcher de long en large dans son bureau.

 

-         Ce genre d’écriture peut quand même plaire aux fans, je suppose, et ils sont de plus en plus nombreux. Y a qu’à voir le nombre de conventions de ce style qui augmente d’année en année. En fait, l’idée de départ n’est pas nouvelle, c’est un fait. Mais oui, d’anciennes idées peuvent amener à de gros succès. Je pense que vous pouvez malgré tout tirer quelque chose qui plaira au moins à une personne de ce projet. Seulement, vous ne devez pas faire le travail à moitié. Il faudrait, à mon sens, aller plus loin, quitte à ce que ça fasse autre chose. Et mettez une petite part de vous bien concrète, cette fois ! N’oubliez pas qu’il s’agit de personnages que vous n’avez pas inventés, qui ont donc une personnalité bien définie. Alors ? Pensez-vous pouvoir nous pondre un bel œuf bien appétissant ? Une prolongation de votre premier jet ?

 

Je sentis alors mes lèvres s’étirer un sourire qui s’épanouit.

 

-         Je pourrai peut-être trouver mieux !





Prologue

 

C’était la fin de la journée. Dehors, les voitures se compressaient sur l’avenue, alors que l’heure de la fermeture des bureaux avait sonné. Le concert de Klaxons montait le long des façades des grands immeubles, et se perdaient dans les cieux. La plupart des habitants de ce quartier avaient investi dans des doubles vitrages à l’isolation impeccable. Et le résident de l’appartement 52 ne faisait pas exception.

 

Le doux foyer était grand et confortable. Son propriétaire avait bien réussi. Dans une autre vie, il avait été un héros national, le genre dont le nom est sur toutes les bouches au faîte de sa gloire, la coqueluche des enfants et des adolescents, souvent au grand désespoir de leurs parents. Il avait alors amassé une bonne petite fortune qu’il avait fait fructifier.

 

Mais ça, c’était il y a longtemps… songea-t-il en se regardant dans la glace.

 

L’homme approchait la barre dangereuse de la quarantaine. Il avait tant bien que mal essayé de conserver la forme de ses jeunes années avec plusieurs séances d’entraînement hebdomadaires au gymnase. Hélas, les années et la dépendance de plus en plus forte à l’Asahi avaient finalement sapé ses efforts. Quelques rides au coin de ses yeux, de petites touffes blanches au niveau des tempes se démarquant des cheveux châtain complétaient le tableau.

 

Allez, c’est comme ça ! Tu peux peut-être te refaire ! Tu ne serais pas le premier.

 

Il frissonna encore quand il repensa à ce jour maudit où il avait bien failli perdre la vie pour de bon, face à un adversaire particulièrement puissant. Le combat lui avait coûté un long séjour à l’hôpital, et des mois à rester prostré dans sa chaise roulante.

 

Résolu à ne pas se laisser emporter par le spleen, Seiya se détourna de la glace de la salle de bain, et gagna son salon. Dehors, les premières étoiles étaient sans doute apparues. Du moins, c’est ce que l’homme pensait, car il ne pouvait les voir. Trop de brume de pollution. Il saisit la télécommande, alluma la télévision et se déplaça vers la cuisine pour se faire un thé, tout en écoutant distraitement les nouvelles.

 

« Les concepteurs assurent qu’un tel problème ne devait pas se reproduire une troisième fois. On se souvient en effet que les machines avaient déjà été frappées d’un bug similaire en mars 2010. Maintenant, des nouvelles de la bourse. Le cours du Bulbizarre est monté à sept gils. »

 

La bonne odeur du thé se diffusa quand il sortit la tasse du four à micro-ondes. Seiya l’huma avec délectation, et revint dans le séjour. Il s’installa dans le canapé, et fit la grimace : aux informations, l’on parlait de la dernière excentricité présidentielle.

 

« Un grand pas pour notre pays : le grand ensemble scolaire public désuet et inutile des Pupilles d’Aristote laisse désormais place aux locaux du nouveau Ministère de la Salubrité Morale et Ethnique. Et à l’occasion de cette brillante initiative de notre Chef d’État, à la demande de son épouse Carlita, nous allons pouvoir entendre le vainqueur de la promotion de cette année de la Nouvelle Célébrité Mineure interpréter notre Hymne National. »

 

Le président, déjà ému aux larmes, applaudissait un jeune enfant d’une petite dizaine d’années, en pull de laine et short de velours, issu d’une photographie scolaire des années 1950. Au garde-à-vous, main sur le cœur, celui-ci chanta avec passion. Sa voix d’or émut toute l’assemblée dont les cœurs vibrèrent à l’unisson des paroles.

 

Moitié homme, moitié robot

Le plus valeureux des héros

Bioman, Bioman

Défenseur de la Terre

 

Comme un arc-en-ciel courageux

Rouge, Rose, Vert, Jaune et Bleu…

 

La chanson s’arrêta avec le téléviseur LCD. C’avait été la goutte d’eau pour le Chevalier de Bronze.

 

Connard… quand je pense qu’il a aussi foutu en l’air mon générique.

 

Comme il balayait lentement des yeux la salle de séjour, son regard tomba sur une grande armoire aux portes de verre.

 

Enfin, je devrais dire notre générique. Salut les gars !

 

Avec un sourire nostalgique, il contempla attentivement son impressionnante collection de figurines à l’effigie de lui-même, de ses amis, ses maîtres, et ses ennemis. Il se remémora tout ce que ces personnages de plastique et de métal portaient en eux. Les souvenirs affluaient.

 

Des heures et des heures de séances photo sous tous les angles, ce n’était pas de tout repos !

 

Bien sûr, si lui et ses amis Chevaliers de Bronze avaient accepté l’opération de merchandising, ça n’avait pas été aussi facile pour d’autres. Ainsi il avait fallu trouver un sosie et élaborer des croquis complexes d’armures à l’aide de quelques enregistrements flous pour d’autres, comme Rhadamanthe ou Fenrir d’Epsilon. Sa bouche se plissa en un petit sourire nostalgique en voyant la succession de bonshommes en plastique de tailles variables, dont le nom de chacun était précisé en lettres grecques sur un petit papier délicatement posé à ses pieds.

 

Vrai, les premières figurines, c’était pas top. Elles ne tenaient pas debout, les pièces d’armure de plastique cassaient, les broches des métalliques finissaient par trop agrandir les trous et ne tenaient plus en place...

 

Au début, la firme avait pensé que, ces jouets n’étant pas forcément pas adaptés à l’usage que les enfants en feraient, ils allaient en vendre deux fois plus, cause remplacements de jouets démolis. Mauvais calcul, les parents avaient rapidement refusé d’entrer dans le jeu, et seuls les collectionneurs soigneux avaient investi plus d’argent dans ces miniatures, sans avoir à les renouveler, bien évidemment.

 

En plus, Aldébaran n’a jamais pu supporter la tronche qu’on lui a faite. Je préfère la grande collection, ça oui !

 

La dernière déclinaison des héros et méchants de Saint Seiya avait en effet de la gueule. De grands personnages articulés aux membres interchangeables, des pièces d’armure bien plus stables, des visages plus ressemblants, en bref, un nouveau tournant dans l’histoire du merchandising de la série de Masami Kurumada. Seiya ne put s’empêcher d’ouvrir la porte de la vitrine, et de caresser amoureusement du bout des doigts l’un ou l’autre des personnages de plastique. Le clou du spectacle de sa collection était le diorama consacré aux serviteurs d’Athéna, les douze Chevaliers d’Or. Il avait pris soin de tous les mettre en armure en position de combat, l’exception étant le chevalier du signe du mois, dont l’armure était présentée sur un piédestal. C’est alors que son front se crispa.

 

Quoi ? Hé !

 

Il compta trois fois les personnages en armure dorée. Onze. Pas d’erreur, il n’y en avait qu’onze. Il manquait une figurine. C’était la quatrième, celle du Cancer, alias Angelo, alias Masque de Mort, alias Death Mask, alias Desumasuku. Seiya ne se rappelait pourtant pas y avoir récemment touché.

 

Mais… où est-ce qu’elle a bien pu passer ?

 

Un petit rire répondit à son interrogation. Il se retourna. Le grand salon était désert, obscur sous la nuit tombante. Il allait allumer le plafonnier, quand il s’arrêta. Il venait de voir un rai de lumière sous l’une des portes, celle qui menait à sa chambre. En tendant l’oreille, il entendit une petite voix murmurer quelques syllabes qu’il n’arriva pas à saisir complètement. Il franchit en trois pas la distance qui le séparait de la poignée, qu’il tourna. La porte s’ouvrit sur un bien curieux spectacle.

 

La chambre de Seiya était austère, à l’image de son propriétaire. Il n’y avait pas la moindre décoration, hormis des trophées, des coupes, des médailles encadrés sur des étagères. Juste un petit cadre avec une vieille photo à côté du réveil sur la table de nuit. Et au pied du lit, au milieu de la pièce, il y avait un enfant. Un jeune enfant, qui ne devait pas compter plus de six ou sept printemps. C’était un petit garçon au teint bronzé, avec des cheveux très bruns coiffés vers l’avant. Il portait une sorte de combinaison blanche à manches longues, des chaussons blancs. Il serrait entre les doigts potelés de ses petites mains deux objets. Dans la main gauche, il brandissait la figurine en armure d’Angelo. Et de la main droite, il tenait une créature en peluche pour le moins grotesque. C’était une sorte de gros animal entièrement vert, constitué d’un corps en forme de pomme de terre, avec deux bras et deux jambes grêles. Il avait une grande paire d’ailes de chauve-souris dans le dos, une tête allongée vers l’arrière, et ses deux yeux rouges fendus d’une pupille noire auraient presque pu rendre la créature naïvement sympathique, s’il n’y avait pas eu le paquet de tentacules en lieu et place du nez et de la bouche. L’enfant était très investi dans son jeu, faisait parler l’un et l’autre des deux jouets en changeant de ton, prenant alternativement une voix caverneuse et une voix assurée :

 

-         « Ha ha ! Misérables vermines roses à peau poilue ! J’ai enfin réussi à pénétrer dans votre monde insignifiant ! » « Ah oui ? Et alors, saleté de pieuvre à sushi géante, qu’est-ce que tu comptes faire ? » « Je vais tous vous dévorer ! Vous, ceux qui m’empêcheront d’avoir ce monde, et mes disciples ! » « Quoi ? Tu vas manger tes disciples ? Mais t’es débile, ou quoi ? » « Pas moi, eux ! Ils sont à moi, j’en fais ce que je veux, et ils sont très contents de mourir pour me nourrir ! » « Laisse tomber, sale monstre ! Moi, Masque de Mort, de la Maison du Cancer, quatrième Chevalier Gardien du Sanctuaire d’Athéna, je vais te renvoyer dans les abysses infernaux dont tu n’aurais jamais dû sortir ! » « Idiot ! Personne ne peut me battre ! » « Tu veux parier ? Alors qu’est-ce que tu dis de ça ? Cercles d’Hadès, emportez cette vieille seiche moisie ! » Boum ! Fzzzzzz ! Craaac ! « Nooooooooon !!! » Prrrrrrrouttt ! Chhhhhhh…

 

Il fit mimer à la peluche une agonie douloureuse avant de la laisser tomber sur le plancher. Puis il fit adopter à la figurine du Cancer une posture victorieuse.

 

-         Ouais ! Je le savais ! J’en étais sûr ! Angelo est le meilleur ! Et quand il veut, c’est pas un méchant ! Il peut être héroïque ! Ou alors… il est méchant, mais contre un monstre encore plus méchant que lui, il pourrait passer pour un gentil !

 

L’enfant leva alors le nez vers Seiya.

 

-         T’es pas d’accord, Seiya ?

-         Mais… dis donc, toi ! Je peux savoir ce que tu fais ici ?

 

Le petit garçon se leva, posa délicatement la figurine de Masque de Mort sur le lit, et adressa au chevalier un sourire tellement grand qu’il en était vraiment désarmant. Il croisa les mains dans son dos, et répondit :

 

-         Je suis en train d’inventer une histoire extraordinaire !

-         Dans ma chambre ? demanda Seiya, davantage perplexe qu’indigné. Et à cette heure ?

-         Il n’y a pas d’heure ou de lieu pour l’inspiration !

 

C’est alors que Seiya remarqua le regard du jeune enfant. C’était pour le moins troublant. Il avait les yeux sombres, profondément enfoncés dans leurs orbites, signe d’un profond attachement aux plus petits détails. Mais ce qui lui fit froncer davantage les sourcils du chevalier, c’était l’impression de maturité qui en irradiait. Pendant un instant, Seiya pensa à un personnage dessiné par Jirô Taniguchi.

 

-         Qui es-tu ?

-         Aucune importance.

-         D’accord… Est-ce que je peux savoir ce que tu fiches dans ma chambre, avec ma figurine de Masque de Mort et cette hideuse peluche ?

 

L’enfant ouvrit de grands yeux vexés. Il tendit d’une main ferme le bonhomme en plastique vers Seiya qui le lui reprit, puis il ramassa délicatement sa peluche, la serra contre son cœur en lui caressant la tête.

 

-         Cette « hideuse peluche » est le Grand Maître du Grand Bain ! Celui que personne ne peut arrêter, qui fera ce qu’il veut de notre monde !

-         C’est quand même bizarre d’avoir une poupée aussi moche, je trouve.

-         Et toi ? T’as vu toute la collection que t’as dans ton armoire ? Et pourtant, t’as plus l’âge d’y jouer depuis longtemps !

 

Le Chevalier de Bronze retourna au salon. Il rangea avec précaution la figurine à sa place. Quand il se retrouva de nouveau dans sa chambre, il avait espéré le temps d’une minute que tout ceci n’était qu’un rêve idiot. Peine perdue, le petit garçon s’était carrément allongé sur le lit, et s’amusait à faire battre les ailes de sa peluche de ses petits doigts.

 

-         Comment es-tu arrivé ici ?

-         En entrant par le placard ! Il n’y a pas que des monstres, dans les placards ! Il y a aussi des passages vers d’autres mondes ! T’es pas au courant ?

 

Le Chevalier ne savait pas s’il devait rire ou s’inquiéter pour sa santé mentale. Il se mit à marcher de long en large.

 

-         Attends une minute, petit. Tu arrives chez moi, soi-disant en passant par le placard, tu sors de son armoire une de mes figurines pour faire joujou avec, tu t’installes dans mon lit avec cette horreur en peluche, et je devrais trouver ça normal ?

-         J’ai jamais dit ça ! J’ai dit que c’était normal ?

 

Seiya n’eut pas à réfléchir longtemps. Ce gamin avait raison.

 

-         Cela ne m’explique pas ce que tu es venu faire ici !

-         Je te l’ai dit : je suis là pour créer une histoire ! Pas forcément l’histoire du siècle, très originale ou recherchée, mais quelque chose qui permettrait de faire vivre une sacrée histoire à de vrais héros. Des héros comme Masque de Mort.

 

La curiosité l’emporta finalement sur l’irritation. Seiya ne put s’empêcher de se demander où cet enfant voulait en venir. Il s’assit près de lui, et regarda la peluche.

 

-         Celui-ci, c’est le monstre horrible qui menace le monde. Dans cette histoire, il faut forcément qu’il y ait une menace très importante, et pour arrêter cette menace, un seul moyen !

-         Un gentil ?

-         Non ! Pas un gentil, mais des gentils. Un petit groupe de champions suffisamment fortiches pour pouvoir renvoyer le monstre dans l’enfer d’où il vient.

 

Seiya fit un petit geste de la tête en direction du salon.

 

-         Des gens comme les Chevaliers du Zodiaque ?

-         Non, non, non ! Il ne faut pas qu’il y ait une seule sorte de gentil ! Ce ne serait pas drôle. Un seul Chevalier, ce sera très bien. Après, il faut d’autres gentils, mais plus variés ! Tu comprends ?

-         Je pige.

 

L’enfant fit la grimace.

 

-         Ah non ! Ne dis pas ça !

-         Quoi donc ?

-         Ce mot, là.

-         Lequel ?

-         Celui que tu as dit pour « comprendre ».

-         Tu veux dire « piger » ?

-         Ah ! Tu l’as encore dit ! J’ai horreur de ce mot ! C’est un mot vulgaire !

-         Tu trouves ?

-         Et puis, il sonne mal. Quand je l’entends, il me fait penser au son que fait une pièce de monnaie qui tombe par terre, je ne sais pas pourquoi. Enfin bon, tu as compris ?

-         J’ai compris.

 

Le Chevalier de Bronze hésita.

 

-         Mais… pourquoi ?

-         Pourquoi quoi ?

-         Pourquoi faire ça ? Cette histoire, ce monstre ?

-         Parce que c’est rigolo, pardi !

-         Tant que ça ?

-         Tiens, la preuve !

 

Et le petit garçon mit la peluche monstrueuse dans les bras de Seiya.

 

-         Vas-y ! Fais-le parler !

-          ???

-         Fais-le parler !

 

Avec hésitation, Seiya agrippa la peluche par le corps, bougea la main pour lui faire remuer ses membres, et gronda :

 

-         Ha ha ha ! Je suis une abomination et je vais plonger votre monde dans les pires ténèbres !

 

Il se surprit à éclater de rire, et son petit interlocuteur l’accompagna

 

-         Alors ?

-         Ouais ! T’as raison, en fait, c’est marrant !

-         N’est-ce pas ?

-         On continue ?

-         Non ! Maintenant, comme tu as compris le principe, il faut faire les choses en plus grand !

-         En plus grand ? répéta le Chevalier de Bronze.

-         Je vais t’expliquer. Imagine un moment que Masque de Mort tout seul ne soit pas assez puissant pour affronter un tel monstre. Il lui faudra des alliés. Ou plutôt… imagine qu’un peu partout dans l’univers…


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