Galaz

Chapitre 5 : Galaz

2369 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 02/08/2019 09:50

Sowaz lança Arir et Orir sur les deux compagnons.

Le Chevalier leva Ijuka et elle s'embrasa. Il l'abattit devant lui, projetant un rayon incandescent sur Galaz. Celui-ci leva sa garde et la langue de feu se coupa nette en deux, passant de part et d'autre de lui et Rimgr. Sowaz tira sur ses rênes et le char bascula sur le côté, évitant de justesse une lame de vent tranchante. Sans lui laisser le temps d'agir, Galaz s'élança avec Rimgr et il se jetèrent sur eux. Galaz sauta sur le char. Quand Arir voulut refermer ses crocs sur le griffon, celui-ci devint fumée. La mâchoire du tigre se referma dans le vide et un instant plus tard, il poussa un rugissement de douleur, alors qu'une serre aussi furtive qu'une ombre vint lui labourer l'épaule, pour disparaître instantanément de nouveau. Galaz para sans difficulté le coup de taille que voulut lui porter Sowaz, dégaina un poignard de sa main libre, et trancha d'un coup les liens qui maintenaient le harnais au char. Sowaz et lui tombèrent dans le vide, laissant les animaux légendaires livrer leur combat.

Ils traversèrent la mer de nuages en échangeant une série de coups dont la force se répercuta dans les cieux. Ils passèrent devant Mertack, le cinquième monde, fief des créatures et de la magie, puis ils s'écrasèrent tous les deux sur Korzeack, le monde figé. C'était un royaume glacé et inhospitalier, secoué de pluies cinglantes et d'incessantes tempêtes.

« Ce lieu conviendra, fit Sowaz quand il se fut relevé. A part les trolls de glace, il n'y a rien à déranger ici. »

Ils étaient entourés de stalagmites et de fleurs de glaces aux arrêtes tranchantes qui dépassaient largement la taille d'un homme.

« Je ne sais pas ce que tu cherches, mais tes actes confirment ce que Feilah a dit à ton propos. » Reprit le Chevalier.

« De quoi suis-je accusé cette fois ? » Demanda Galaz, plutôt amusé.

« Tu ne recules devant rien quand il s’agit de servir tes intérêts. Feilah m'a parlé de ta tentative d'extorsion. Et aussi de tes propositions indécentes. »

Galaz sourit.

« Je confesse ne pas pouvoir tout nier. Nous sommes nombreux à vouloir profiter de la compagnie chaleureuse de Feilah. » Lança-t-il.

Il sentit alors l'air se réchauffer sur le monde gelé. L'atmosphère ondula autour du Chevalier, et la glace commença à fondre à ses pieds.

« Sache que cette femme est sous ma protection et toi, tu n'es qu'un être répugnant, sans foi ni morale. Le monde se portera mieux sans toutes tes vicissitudes. » 

« Je ne crois pas que ce soit Feilah qui ait besoin d'une protection. »

Ijuka vira de l'acier au rouge ardent, tout comme l'armure de Sowaz. Galaz comprit qu'à présent, Sowaz le tuerait s’il le pouvait. Il se demanda fugitivement s’il n'avait pas encore perdu une occasion de la fermer. C'était une habitude récurrente que de provoquer les émotions les plus virulentes à son égard.

Il commença à pleuvoir, mais les gouttes d'eau s'évaporaient dans l'air bien avant de toucher Sowaz. Il envoya soudain sur Galaz une énorme boule de feu. Celui-ci, surprit par la vitesse de l'attaque eut à peine le temps de lever sa garde pour fendre la sphère brûlante. Un éclair blanc éclata quand la boule de feu se déchira, aveuglant Galaz. Sowaz en profita pour l'attaquer de front, et Galaz n'eut la vie sauve que grâce à la force invisible qui freina l'épée de son adversaire. Il sentit sa chair s'embraser cruellement quand la lame de Sowaz déviée, glissa le long de son bras gauche, l'entaillant profondément. Étant donné la force du coup porté par le Chevalier, Galaz fut chanceux de s'en tirer à si bon compte. Ijuka était une arme qui allumait des feux inextinguibles tant que son porteur avait la volonté de les faire brûler. Il sentait que la chair qui venait d'être découpée continuait à se consumer lentement, et cela lui causait une grande douleur, mais il riposta immédiatement. Sowaz, qui ne pouvait voir la lame de l'épée de son adversaire n'esquiva pas assez rapidement et le sang coula pour lui aussi. La lame de Galaz était passée à un cheveu de son œil et avait tranchée son visage du front jusqu'à la mâchoire.

« Quelles magies étranges utilises-tu ? Demanda-t-il à Galaz. Je n'ai jamais vu pareille arme, et je ne comprends pas comment tu as survécu à mon attaque. »

« Je te présente Elga, répondit Galaz. Sa lame est invisible, tout comme Senruk, mon armure. Ce sont des artefacts qui ne répondent qu'à ma volonté et ils prennent la forme que je leur commande. »

« Elga, « le vent », fit Sowaz. Les Maîtres Forgerons n'ont jamais parlé d'une telle arme. D'où vient-elle ? »

« Je te répondrais si tu arrives à me vaincre, contourna Galaz avec malice. En tout cas, Ijuka est fidèle à sa réputation. » Commenta-t-il tout en jetant un regard à la chair calcinée de son bras.

Ils reprirent leur combat, s'attaquant férocement, donnant le meilleur d'eux même, car ils se savaient face à un adversaire mortel. Autour d'eux, les fleurs se fendaient ou bien fondaient sous leurs assauts, l'air vibrait de leur sauvagerie, et même le sol semblait gémir sous leurs pieds. La pluie s'intensifiait, devenant tempête, mais les deux combattants ne voyaient rien, tant ils étaient emportés dans leur duel. Étonnamment, Galaz éprouva une joie intense à mener ce combat. Au bout d'un moment, il réalisa qu'il ne se souvenait presque plus pourquoi il se battait, et cela lui importa peu. Seule importait la danse mortelle dans laquelle ils s'étaient engagés. Malgré toute l'habilité dont chacun faisait preuve, ils ne parvenaient pas à se départager.

« Je ne m'attendais pas à ce que tu sois aussi bon. » Confessa Sowaz dans un moment d'humilité inattendue.

« Hé bien merci. » Fit Galaz, pour une fois sans une ombre d'ironie.

Il profita de ce bref répit pour reprendre son souffle. Ils se battaient déjà depuis longtemps. Le combat devait se terminer rapidement sans quoi il risquait de s'épuiser et de laisser l'avantage à Sowaz. Car celui-ci était habitué aux longues joutes, alors que Galaz œuvrait plus efficacement dans la rapidité. Il se savait moins endurant que le Chevalier.

« Avec de tels pouvoirs, tu pourrais aisément rejoindre les Chevaliers Runholts et mettre ta force au service des Dieux, reprit Sowaz. Rares sont les enfants de l'Héritage à posséder tant d'affinités avec les Vents. Ton père, Tagdar « Les yeux du ciel » serait fier que son fils représente la nouvelle génération. »

« Et devoir rendre des comptes ? Très peu pour moi, répondit Galaz avec une grimace. Je laisse le prestige à ceux qui brillent comme toi. Il faut des qualités de noblesse que je ne possède pas pour prétendre à la Chevalerie des Runholts. Pour ma part, je préfère continuer à voyager entre les mondes. »

La tempête faisait rage, déversant ses trombes d'eau sur eux.

« C'est une sacrée pluie que nous avons là. » Remarqua Galaz sur le ton de la conversation.

« Ce n'est jamais que de l'eau. » Répliqua Sowaz.

« Tout juste. »

Cela dura moins d'une seconde. Galaz s'élança sur Sowaz si vite qu'il ne leva Ijuka que par réflexe. Elle traversa le flanc gauche de Galaz de part en part, mais ne freina pas son élan. Il souleva Sowaz et l'écrasa contre une immense stalagmite avec une force inouïe. Le Chevalier ressentit un froid glacial s'insinuer entre ses os. Il ne pouvait plus bouger.

« Comment ? » Balbutia-t-il, les yeux écarquillés de stupeur.

« Tout le monde pense que mes affinités viennent des Vents, et c'est en partie vrai. Ce pouvoir-là, je n’aime pas l'utiliser. »

Sowaz regarda son abdomen, d'où dépassait seulement la garde de l'épée de Galaz. Aucun sang ne s'écoulait de la plaie, mais le givre commençait à recouvrir son armure, et s'étendait à tout son corps.

« Tu as laissé Elgaverda te transpercer sur le monde des glaces. »

« Elgaverda. » Répéta Sowaz, qui comprit alors.

« J'avoue ne t'avoir donné que son surnom tout à l'heure. Elgaverda « Le vent du cyclone », c’est son vrai nom. Et je ne te dirais pas d’où elle vient, c’est un secret. Je te prends quelques cheveux, dit-il en joignant le geste à la parole. Repose en paix sur le monde givré. »

Le gel acheva d'étendre sa prison sur Sowaz. L'expression de surprise incrédule de son visage était à présent figée dans la glace. Galaz eut un petit rire et se dégagea d'Ijuka, toujours planté dans son corps. Cela lui causa une souffrance terrible, et il perdit un flot de sang impressionnant. Hors d'haleine, il s'effondra. Il lui restait à peine assez de force pour faire geler sa plaie et éviter ainsi l'hémorragie. Le feu de sa blessure au bras s'était éteint, mais la douleur était toujours lancinante. Il n'arrivait plus à bouger les doigts. Une ombre se dressa soudain au-dessus de lui.

« Je me demandais qui pouvait bien causer tout ce raffut. J'aurais dû me douter que ça ne pouvait être que toi. »

« Bonsoir Aza. »

Au-dessus de lui se dressait une femme au visage plus pâle que la mort. Elle portait de longs cheveux blancs, et ses yeux d'un bleu glacial, étaient surmontés de longs cils givrés. De tout son corps, se dégageait l'impression de dureté du marbre. Aza « Celle qui fige », était un Runholt de la première génération, et elle était également la sœur de la mère de Galaz.

« Tu es dans un sale état. » Fit-elle remarquer.

« Ça ne m'avait pas échappé, répondit Galaz. J'ai bien failli échanger ma place avec lui. Si nous nous étions battus sur un autre monde, je ne sais pas si j'aurais gagné. Tu nous observes depuis longtemps ?»

« Depuis le début. Ainsi, tu es aussi béni par les Eaux. Cependant, tu maîtrises bien mal tes pouvoirs. Et tu aurais pu aussi tirer meilleur partit des Vents. Si tu ne peux même pas garder ton armure en te servant de la vitesse du vent, ton pouvoir est presque inutile en combat. » Lui asséna-t-elle.

« Merci pour ces précieux commentaires. Ironisa le jeune homme. Je ne me suis peut-être pas assez entraîné. » Reconnut-il tout de même.

Il se redressa et ne put retenir un râle de souffrance.

« Tu devrais demander à ta mère de t'entraîner. Elle sera heureuse de savoir que tu possèdes aussi une partie de ses pouvoirs. »

« Ma mère m'a suffisamment entraîné comme ça. Je suppose que c'est même grâce à elle que j'ai acquis l'instinct de survie d'un cafard. »

« Il est vrai que « Celle qui renverse les flux » ne fait pas toujours preuve d'une grande délicatesse. »

« Aza, elle a essayé de me noyer jusqu'à ce que mon père se décide à m'enlever et à me cacher loin d'elle. »

« C'était pour t'éprouver. Maintenaient que tu possèdes des pouvoirs liés aux Grands Flux, elle n'essayerait probablement plus de te nuire. »

« Je préfère ne pas m'en assurer de trop près pour le moment. Je ne tiens pas non plus à ce qu'elle sache que je possède aussi des pouvoirs d'eau. »

« En as-tu terminé ici ? Demanda Aza. J'aimerais retrouver le calme et la tranquillité de ce monde. »

« Je pense que oui. » Répondit Galaz en regardant Sowaz.

« C'est une belle statue. » Apprécia Aza d'un air expert.

« Tu veux bien veiller dessus quelques temps ? » Demanda Galaz.

« A quelque condition. »

« Allons bon, marmonna Galaz. Je ne savais pas qu'on marchandait en famille. »

« Je veux que tu reviennes ici quand tu auras terminé ce que tu as à faire. Tu devras rester sur ce monde aussi longtemps que je le jugerais utile. »

« Et pourquoi ça ? » S'offusqua Galaz.

« Parce que c'est mon souhait. Tu n'as pas à en savoir plus pour le moment. »

Elle posa un index sur la poitrine de Galaz et un flocon gros comme une pièce de monnaie se dessina sur son cœur.

« Rappel toi simplement que je peux mettre fin à l'état de ce Chevalier quand je le souhaite. Et à présent, je peux aussi geler ton cœur si je le décide. Tu peux essayer traverser les mondes jusqu'à leurs confins les plus lointains, je te retrouverais. »

« C'est complètement injuste ! » Protesta Galaz.

« Il paraît que c'est un fléau qui sévit partout. Fais avec. »

« Cette famille est une vraie plaie ! »

« Il semble que ton griffon ait également triomphé. » Annonça Aza pour qui la discussion était close.

Quelques instants plus tard, une ombre fendit les nuages gris. Quand il le vit, Rimgr poussa un long cri victorieux et plongea en piqué vers lui. Lorsqu'il se posa, Galaz vit que son plumage blanc et bleu-gris était maculé de sang. Cependant, cela ne semblait pas gêner le griffon, qui battit fièrement des ailes tout en poussant de petits cris.

« Il est recouvert du sang de ses ennemis. Il s'en est mieux sortit que toi. » Nota sa tante.

Galaz posa sa main valide sur la tête de Rimgr.

« Vaillant ! Rimgr, Prince des Vents, je suis fier de toi ! Est-ce qu’il te reste-t-il assez de force pour me porter jusqu'à la Source des Os ? »

L'animal se baissa et Galaz se hissa dessus, non sans difficulté.

« Voilà deux victoires qui font dates pour ton compagnon et toi, fit Aza. Malgré tes mauvaises capacités, tu t'en es bien sortit. »

« Tes compliments sont toujours sources de chaleur pour moi. » La remercia Galaz avec sarcasme.

« De rien, répondit Aza qui n'avait pas plus de notion de tact que de sens de l'humour. J'attends ton retour, fils de l'Eau. »

Rimgr s'éleva dans le ciel, et sous le regard glacial de Aza, disparut dans les nuages.

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