Ce qu'on appelle Tempête

Chapitre 8 : Attendre encore, puis soudain...

Catégorie: K+

Dernière mise à jour 06/08/2012 08:53

Samejima avait presque porté Riki à l'extérieur et l'avait posé dans la neige poudreuse en grommelant. Maintenant il agitait un quartier de viande devant le chien, accroupi en face de lui avec les sourcils froncés.

- Hola, Riki… fais un effort. Te laisse pas aller. Qu'est-ce que le patron va dire, si tu deviens tout maigrichon, eh ? Allez, Riki…

Les yeux bruns de l'animal se détournèrent tristement.

- Riki ! Fais pas ça… allez, mange, ça va te faire du bien… faut que tu sois fort pour conduire le traineau quand le patron sera sur pied, hein ! Oy, Riki…

Riki couina doucement et ferma les yeux, le museau posé sur ses pattes.

Samejima passa son épaisse moufle orange devant ses yeux.

Patron… qu'est-ce que vous foutez ? Réveillez-vous…

Il se releva, détendit ses jambes engourdies, le gigot gelé toujours à la main. Le ciel était très grand, très haut, très clair. Des jours comme celui-ci l'aidaient à comprendre pourquoi Kuramochi aimait tant ce continent. Tout était si pur et si neuf, que tout paraissait possible.

Quelle ironie pour un coin du monde qui s'appelle "inaccessible"…

Quelqu'un lui tapa sur l'épaule.

- Il ne veut toujours pas manger, je vois.

Samejima se balança d'un pied sur l'autre.

- Je pensais qu'un peu d'air frais lui ferait du bien, mais il voulait rester dans le couloir…

- Kuramochi-san lui manque comme à nous, n'est-ce pas ? dit pensivement Funaki.

Le chien dressa soudain les oreilles et s'assit avec un gémissement.

- Il a reconnu son nom, dit Funaki. Hé, Riki ? Tu voudrais que Kuramochi-san vous conduise avec le traineau, hein ?

Riki se mit à agiter la queue et lâcha un aboiement.

- Ne le fais pas espérer pour rien, marmotta Samejima.

Funaki se mordilla les lèvres.

- Est-ce que l'espoir n'est pas ce qui nous a tous fait tenir, jusque là ?

Riki fit soudain un bond et les fit trébucher de surprise. Il s'élança vers le bâtiment en tirant sur sa chaine et culbuta en arrivant au bout des anneaux, aboyant frénétiquement.

Samejima et Funaki échangèrent un regard, pétrifiés.

Kuramochi !

 

oOoOo

 

Les cils d'Inuzuka balayèrent légèrement sa pommette quand il battit des paupières. Il soupira, les sensations revenant dans son corps alors qu'il se réveillait. Il s'était encore endormi au bord du lit de Kuramochi, les bras croisés sur la couverture, le dos mal arrondi.

Il se déplia lentement, le sommeil encore lourd sur ses tempes, bâilla et s'étira en tournant sur son tabouret.

- Désolé, Tani-sensei, je me suis en…

La phrase mourut sur ses lèvres.

Le vieil homme était bien à son bureau, comme d'habitude, avec à la main le chiffon qui lui servait à nettoyer ses instruments, sa blouse blanche un peu de travers sur son gilet en laine.

Mais il était figé, ses yeux écarquillés au-dessus de ses lunettes tombées au bout de son nez, ses cheveux clairsemés électrifiés sur son crâne.

La colonne vertébrale d'Inuzuka se glaça. Il se retourna vers le lit avec l'impression que tous ses os grinçaient.

- Kuramochi-kun ! souffla le docteur en réussissant à se lever.

Il atteignit le lit avant que le garçon aie terminé de faire volte-face.

- Mon Dieu… Kuramochi…

Quelque chose explosa dans la gorge d'Inuzuka. Il joignit les mains, pétrissant brutalement ses doigts où la peau pelait encore maintenant qu'on lui avait enlevé ses bandages, et les larmes déferlèrent sur ses joues comme un tsunami.

Laisser un commentaire ?