L'histoire d'amour de Kakashi Hatake [En réécriture]
Chapitre 10 : Les clochettes
Sur la route qui mène chez moi, je suis dans une colère noire. Après Minato, après Shin, mais surtout après moi-même. Hanako cache décidément un sacré caractère derrière ses sourires et ses yeux doux traitres.
Mais le sentiment qui m’envahit le soir lorsque je me couche est la tristesse profonde, je ne comprends pas comment nous avons pu en arriver là, ça me tue. Je me tourne sur le côté et me recroqueville comme un animal blessé.
J’ai sans doute gâché notre amitié… félicitations Kakashi, c’est vrai que tu as une facilité déconcertante pour te faire des amis... Je me flagellerais bien à ce stade mais la douleur à l’idée qu’elle ne veuille plus jamais me parler me déchire déjà bien assez en deux.
*
Le lendemain matin, j’attends au point de rendez-vous lorsqu’elle arrive en sautant. Je reconnais son masque maintenant, je le reconnaitrais sans doute entre mille. Mais elle ne tourne même pas la tête dans ma direction. Minato explique les directives à tout le monde et pendant que mes groupes de trois se constituent, je m’isole avec lui afin d’aborder le sujet de la présence d’Hanako. Malgré mes protestations, il reste calme :
- Kakashi je ne peux pas décider pour elle, personne ne le peut. Elle est venue me voir en exigeant de participer à la mission et c’est un excellent élément, je ne pouvais pas lui refuser, c’est pourquoi je l’ai affiliée à ton groupe, elle ne sera pas en pleine lumière au yeux de l’ennemi... Suggère à ton groupe de garder leurs masques constamment si ça t’inquiète, propose-t-il.
Un peu rassuré par mon senseï, je m’apaise et nous nous mettons en route. L’équipe Minato avance au sol à visage découvert, et nous les suivons à petite distance, dans les branches, avec nos masques. Alors que nous survolons les arbres, je tente d’avoir un aperçu de mon équipe :
- Quelles sont les équipes de trois ? leur demande-je.
- Je suis avec Sun et Jin commandant Hatake, m’annonce Nanba.
- Hinari et Rinko, répond Asa.
- Je suis avec Hanako… et toi, me glisse Shin.
Je serre la mâchoire rien qu’au son de sa voix, mais je m’applique à ne rien laisser paraitre, jusqu’à ce que la petite voix défiante d’Hanako résonne :
- Il a voulu se mettre avec moi, et comme personne ne voulait être dans ton équipe, tu t’es retrouvé avec nous, siffle-t-elle.
Un silence de mort tombe sur notre groupe. Les autres doivent être dans tous leurs états qu’elle ait osé me dire ça, bien que je me fiche royalement qu’ils n’aient pas voulu être avec moi. Dans les missions sans action je suis souvent choisi en dernier car je ne suis pas de très bonne compagnie, cependant, les mêmes sont pourtant les premiers à se greffer avec moi quand c’est pour combattre, ce qui me convient.
La seule chose qui me met en colère c’est qu’elle soit avec Shin, et que ce soit lui qui lui ait proposé de se mettre en équipe en plus. Ce type commence vraiment à me taper sur le système, et j’aurais bien aimé demander à Minato de le prendre avec lui, mais j’aurais dû lui expliquer pourquoi, ce qui est totalement inenvisageable.
*
Le soir, nous installons notre petit campement en hauteur dans une aspérité de la montagne pour ne pas nous faire repérer tandis que l’équipe Minato campe dans les bois.
Mes ninjas allument un feu tout au fond de la grotte, et j’administre les tours de garde de ceux qui devront veiller cette nuit sur le campement de Minato, visible au loin. Je prends le premier tour et m’installe contre le mur tout au bord de l’entrée, une jambe dans le vide et l’autre redressée pour poser mon livre dessus. Je jette des coups d’œil dans la grotte, d’où Hanako m’ignore royalement, et je constate qu’ils sont tous installés autour du feu où ils font cuire les poissons que deux d’entre eux viennent de prélever dans la rivière. L’ambiance a l’air joyeuse, et une part de moi ne peut s’empêcher de se demander si elle serait vers moi en ce moment si nous n’étions pas bêtement en froid. Elle croise mon regard tandis que je l’observe et je fais mine de me replonger dans mon livre.
Un peu plus tard dans la soirée, un vent frais se lève et je tourne automatiquement le regard vers elle, inquiet qu’elle ait froid. Elle discute avec Shin un peu à l’écart du groupe mais je n’entends pas ce qu’ils se disent malgré tout la bonne volonté que j’y mets. Je retiens une pulsion meurtrière lorsque je vois Shin proposer sa veste à Hanako et j’ai envie de lui hurler que sa veste ne se trouve qu’à quelques mètres derrière elle. Elle refuse poliment mais il insiste, lui posant pratiquement de force sur les épaules.
Je lève les yeux au ciel et me renfonce du mieux que je le puisse contre cette satanée roche. Je préfère encore surveiller le camp de Minato toute la nuit que d’assister à pareilles bêtises et je tente de me replonger dans mon livre, mais c’est impossible, je fixe bêtement la même page sans réussir à la lire… ça devient une habitude chez moi.
Des petits pas approchent quelques minutes plus tard, précédés d’une bonne odeur de poisson grillé. C’est Hinari qui m’emmène de quoi manger, je cache ma déception et la remercie gentiment tandis qu’elle s’installe à côté de moi, rejetant ses longs cheveux noirs sur une épaule :
- Il faut manger senseï, me dit-elle.
- Ne m’appelle pas senseï, tu n’as jamais été mon élève et tu es de mon niveau, réponds-je.
- Pas vraiment, vous êtes commandant, souligne-t-elle en rougissant et détournant le regard.
Je mange mon poisson silencieusement lorsqu’elle reprend :
- Vous savez, ce n’est pas que je ne voulais pas être dans votre équipe, c’est juste que nous avons l’habitude d’être ensemble Rinko, Asa et moi. Nous sommes dans la même équipe depuis que nous sommes devenus genin, m’explique-t-elle.
Je tourne la tête pour lui sourire, sincèrement heureux pour elle :
- Alors c’est une chance incroyable que vous avez de pouvoir continuer à être tous les trois, réponds-je.
- Je voulais être sûre que c’était clair pour vous, j’aurais été honorée d’être avec vous, précise-t-elle.
- C’est gentil Hinari, mais tu peux me tutoyer…
Elle hoche la tête et reste plantée là avec moi tandis que je finis de manger. Je ne sais pas de quoi lui parler, ni pourquoi elle se sent obligée de rester, et je constate qu’elle reste vers moi même après mon repas. Comment me débarrasser d’elle poliment ?
Je ressors mon livre et me plonge dedans, histoire de la congédier en douceur. Elle finit sans doute par se lasser de m’observer lire car elle s’éloigne pour rejoindre les autres, qui se racontent des vieux combats si j’en crois les récits humoristiques du ninja nommé Rinko.
Presque instantanément, Hanako se lève et vient prendre la place d’Hinari. Je n’ose plus bouger une oreille, tellement surpris par sa venue, tellement inquiet à l’idée de redéclencher une scène entre nous mais heureux qu’elle soit là. Elle attrape ses jambes repliées contre elle et pose son menton sur ses genoux, les sourcils froncés et la mine pensive :
- De quoi avez-vous parlé avec Hinari ? demande-t-elle subitement.
- De rien, réponds-je.
- Tu ne veux pas me le dire ? demande-t-elle d’une voix presque boudeuse.
- Ce n’est pas ça, je t’assure nous ne nous sommes presque rien dit, insiste-je.
Elle plisse les yeux :
- Tu lui as quand même souri, ce qui est plutôt rare chez toi, vous deviez bien vous marrer, siffle-t-elle.
Je fronce les sourcils, je ne me souviens même pas avoir souri à Hinari, et je suis stupéfait de me dire qu’Hanako l’a remarqué malgré mon masque, ce qui me pousse à croire qu’elle m’observait avec attention alors je ne comprends pas pourquoi elle a un ton aussi acide.
Je mets visiblement trop de temps à répondre selon elle :
- Bon écoute, si tu veux garder vos petits secrets pour toi, très bien, lâche-t-elle sèchement en se relevant.
Je ne comprends pas qu’elle soit venue uniquement pour se prendre la tête avec moi et ça réveille ma colère :
- Jolie veste ! feule-je.
Elle me lance un regard noir malgré ses joues rougissantes, puis retourne au fond de la grotte d’un pas furieux, passant à côté de sa veste sans la ramasser en serrant celle de Shin autour d’elle. Je rouvre rageusement mon livre pour passer mes nerfs, bien décidé à lire pour de bon.
*
La nuit ne fût pas très agréable et je me réveille de mauvaise humeur. Je ne peux plus supporter d’être dans ces conditions avec Hanako. J’ai mis le temps, mais je crois que j’ai trouvé la solution, j’irai tout simplement m’excuser ce soir auprès d’elle pour mon comportement envahissant et déplacé d’avant-hier soir, en espérant que ça suffise pour rattraper notre amitié.
La seule bonne nouvelle – et la plus importante – c’est que nous n’avons pour l’instant aucun signe des ninjas des ronces. Nous camperons ce soir aux abords du village de Kumo pour ne pas avoir à les déranger plus que nécessaire.
Nous arrivons finalement dès la fin d’après-midi au lieu de campement, et je décide d’organiser un petit entraînement pour occuper l’équipe sous mes ordres. L’entraînement, sous forme de petits combats que je supervise, se passe bien et dans la bonne humeur. Je suis ravi de constater qu’Hanako est en binôme avec Sun, et pas avec ce crétin de Shin, ce qui me redonne le moral.
Je déambule tranquillement entre les binômes pour observer lorsqu’un ninja m’interpelle :
- Ça doit vous rappeler vos entraînements avec vos genin commandant Hatake ! lance Rinko, le blagueur de la bande.
- Pas tout à fait, mes genin avaient un niveau bien plus avancé que le vôtre, réplique-je d’une voix pince sans rire.
Ma blague entraine immédiatement un grand éclat de rire chez Rinko :
- J’ai toujours rêvé de tenter de vous dérober vos foutues clochettes ! s’exclame-t-il.
- Il n’est jamais trop tard ! lance Asa pour jeter de l’huile sur le feu.
- Navré de vous décevoir, mais je ne me promène pas constamment avec mes clochettes, réponds-je.
- Allez commandant ! Notre équipe de genin est au complet avec Hinari et Asa, laissez-nous tenter notre chance ! On ne vous ridiculisera pas trop ! lance Rinko avec un sourire en coin.
Asa sort alors une amulette de sa poche :
- Ça devrait faire l’affaire non ?! s’excite-t-il.
Je soupire bruyamment en levant les yeux au ciel, plus par principe qu’autre chose puisque l’idée m’amuse :
- Si vous insistez… Ça ne me fera pas de mal de m’échauffer un peu je suppose, accepte-je.
Je saisis l’amulette dans la main d’Asa, sous les yeux brillants d’excitation des trois « genin » du jour.
Ils passent l’heure suivante à tenter de me dérober l’amulette sans succès sous les applaudissements et les encouragements des autres, qui rient et s’amusent autant que nous. Hinari et Asa sont vraiment gérables, mais je dois bien avouer que Rinko me donne du fil à retordre, attirant mon attention. Je suis sincèrement impressionné par son niveau, en décalage total avec l’image qu’il renvoie de blagueur « je m’en foutiste ».
Alors que les deux autres abandonnent, il s’entête et continue ses attaques avec endurance et détermination. Il manque de m’arracher l’amulette deux ou trois fois et je dois déployer toute ma technique pour lui échapper, rendant l’exercice aussi palpitant pour lui que pour moi et je dois admettre que je m’amuse comme un dingue.
J’entends régulièrement Hanako qui m’encourage bruyamment en tapant dans ses mains, comme si la rancune entre nous avait été effacée par cette fin d’après-midi joyeuse.
Rinko finit par poser les mains sur ses genoux pour reprendre son souffle et je dois bien avouer que je ne suis pas fâché de me reposer moi aussi. Il relève la tête avec un grand sourire aux lèvres pour me regarder :
- Bon d’accord, je déclare officiellement forfait commandant ! Pas si facile cette épreuve ! s’exclame-t-il en riant.
- Je dois bien avouer que je n’ai jamais vu un genin aussi redoutable ! plaisante-je en reprenant mon souffle. Vraiment, quel niveau, c’est à se demander pourquoi tu n’es pas dans les services privés de l’Hokage.
- Sans doute parce que je suis bien trop flemmard commandant, répond-il avec humour.
Nous rions tous les deux et nous redressons lorsqu’Asa est Hinari reviennent vers nous avec des mines déçues.
- Allez donc installer le campement pour assumer votre défaite ! les nargue-je.
Ils rient et s’exécutent, accompagnés par le reste de notre équipe, sauf Hanako, qui traine pour rester vers moi. Dès que nous sommes seuls, elle s’approche de sa démarche féline :
- Il faut simplement s’emparer de l’amulette, et ce par n’importe quel moyen ? C’est ça ton épreuve ? demande-t-elle.
- Oui, enfin c’est un peu plus profond que ça quand je le fais avec mes genin, c’est pour encourager l’esprit d’équipe, précise-je.
- Ça ne me parait pas si difficile pourtant, claironne-t-elle.
- Tu devrais plutôt aller dire ça à Rinko, Asa et Hinari, réplique-je en croisant les bras avec un sourire aux lèvres.
- Je parie que je te la dérobe en moins d’une minute, lance-t-elle d’une voix mutine.
Je suis prêt. Je plie les jambes et me tapis par terre, prêt à tenter la riposte. Je vide mon esprit, me concentre de toutes mes forces sur le présent, je m’ancre du mieux que je le puisse dans la réalité. Je peux le faire.
Dès que j’aperçois son kigan, je saute sur le côté, comme si cela pouvait me sauver mais je vois son sourire en coin, sa tête malicieuse, et elle secoue la tête pour me confirmer qu’esquiver ne sert à rien. Une seconde plus tard, je me retrouve dans ses limbes opaques et je ne peux m’empêcher de sourire, admiratif de la puissance de sa capacité maintenant que je la connais et qu’elle ne m’inquiète plus.
En revanche, je réalise que j’y suis mieux préparé. Je suis plus conscient de ce qui m’entoure, je sens le souffle du vent, j’entends quelques sons et je suis stable sur mes jambes. Je sens alors un poids s’abattre doucement sur mon dos et mes épaules, je devine sa fragrance et je sens ses cheveux qui chatouillent ma joue droite tandis qu’elle glisse ses lèvres au creux de mon oreille :
- Trop facile, murmure-t-elle malicieusement.
Je la sens distinctement cette fois embrasser ma joue puis s’évaporer. Lorsque je récupère mes sens, mes joues sont brûlantes, mon cœur bat la chamade et l’amulette n’est plus dans ma main.
*
Je suis incapable de rejoindre les autres dans notre nouvelle crevasse car je ne me remets toujours pas de mes émotions. J’ai clairement senti un baiser sur ma joue, je ne suis pas en train de l’inventer, mais plus le temps passe, plus je doute de moi. Je tourne en rond dans les bois, me creusant la tête.
Puis-je vraiment croire les souvenirs que j’ai pendant ces laps de temps où elle m’étourdit ? Mon inconscient l’a peut-être inventé… Pourtant je sentais que j’étais plus ancré, j’entendais le bruit des oiseaux qui gazouillaient et je sentais le vent sur mon visage. Or ils étaient bien réels, et puis, pourquoi aurais-je inventé un truc pareil de toute façon ?
« Parce que tu mourrais d’envie qu’elle t’embrasse ! » me crie ma conscience, moqueuse.
Après tout je ne l’ai pas senti enlever l’amulette de ma main, pourtant je sais qu’elle me l’a prise puisque je ne l’avais plus. J’aurais donc vraiment inventé tout le reste ? Je finis par rentrer au camp à la nuit tombée, un peu blasé par cette possibilité.
Ils n’ont pas chômé en mon absence, les duvets sont installés, le feu brûle dans le fond de la grotte et ils sont même déjà en train de manger du riz en bavardant.
Soucieux de les laisser profiter de leur soirée dans la bonne ambiance, je prends une fois de plus le premier tour de garde en m’installant comme la veille, au bord du précipice de l’entrée.
Comme hier soir, Hinari m’apporte à manger et je suis agréablement étonné lorsque Rinko se joint à nous pour clamer mes exploits de tout à l’heure. Il se remémore les moments les plus pointus de notre combat en les réinventant avec humour, parvenant à me faire rire plusieurs fois. Hanako nous rejoint finalement, et elle reste près de moi lorsque les autres partent se coucher, pour mon plus grand bonheur.
Elle se recroqueville comme la veille, la tête posée sur ses genoux en regardant au loin, mais ce soir, son visage est serein et cordial. Je saisis ma chance :
- Hanako, je suis sincèrement désolé pour l’autre soir. J’étais juste inquiet pour toi, en colère parce que Shin…
Je m’interromps à temps, réalisant qu’il est inenvisageable que je lui dise que j’étais en colère qu’un homme passe la voir, particulièrement si tard.
- Shin… ? demande-t-elle en me lançant un regard en coin malicieux.
Elle a l’air ravie mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur ce détail :
- Rien, tranche-je. J’étais inquiet et je me suis emporté, je n’ai pas à te dire ce que tu dois faire ou non. Et puis il parait que tu es une ninja remarquable.
- Il parait ?! dit-elle en faisant mine de se vexer malgré son sourire.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire, c’est juste que tu étais épuisée sur la dernière mission alors je n’ai pas vu tout ton potentiel, me rattrape-je.
Elle sourit un peu plus en se penchant vers moi :
- Je t’ai quand même piqué ton amulette, souligne-t-elle avec son regard mutin.
J’hoche la tête mécaniquement, subjugué par sa beauté, timide de sa soudaine proximité et mon cœur accélère légèrement. Comment peut-elle avoir cet effet sur moi ? C’est stupéfiant, on dirait qu’elle me contrôle, je n’arrive même plus à réfléchir avec cohérence lorsqu’elle est aussi proche.
- Je…, commence-je
Je tente de continuer mes pathétiques excuses, mais elle me prend la main et la serre :
- C’est bon Kakashi, je déteste quand nous sommes en froid. Je ne vais pas t’infliger d’en dire plus alors que je sais que ce n’est pas facile pour toi tout ça, dit-elle gentiment.
Elle lâche ma main, bien trop vite à mon goût, et se remet en place sur ses genoux pour regarder la forêt face à elle. Je fronce les sourcils, intrigué :
- Tout ça ? demande-je.
- Les relations humaines, répond-elle avec légèreté en riant doucement.
J’en reste muet. Ça me touche, ça me touche même énormément.
Depuis que je la connais, j’ai l’impression qu’elle s’adapte à moi et à mon drôle de caractère, qu’elle passe l’éponge sur mes bizarrerie et mes indélicatesses, elle est toujours douce et compréhensive alors que je me demande sans cesse pourquoi elle m’adresse encore la parole. C’est comme si elle voyait au-delà de ce que je renvoie, qu’elle voyait le vrai Kakashi, qui n’aspire qu’à être vers elle et lui parler mais qui ne sait pas comment s’y prendre. Un énorme bouffée d’émotions s’empare de moi tandis que je la couve du regard, incapable de détourner les yeux d’elle. Je ne sais pas ce que je ressens, mais c’est d’une puissance stupéfiante, d’une douceur folle, c’est tellement beau que j’aimerais que ça ne parte jamais du creux de mon cœur.
Elle tourne la tête vers moi pour me sourire mais lorsqu’elle croise l’intensité de mon regard, elle détourne les yeux en rougissant :
- Ne me regarde pas comme ça ! couine-t-elle avec un air gêné.
- Pourquoi ? m’inquiété-je.
- Parce que Kakashi, si tu me couves encore avec ce regard, je vais vraiment m’autoriser à ouvrir une porte que je ne pourrai plus jamais refermer, murmure-t-elle.
Je ne comprends pas.
Je la regarde avec un air interrogateur mais elle ne réagit pas, elle continue de regarder au loin en se mordant la lèvre. J’observe ses joues écarlates, le sourire discret qu’elle retient en mordant sa lèvre charnue, ses yeux dans lesquels la lune se reflète… Ce tableau onirique ne manque pas d’intensifier l’émotion au fond de moi.
- Je ne comprends pas, chuchote-je.
Elle me regarde à son tour, plus belle que jamais, ses yeux brillants d’une émotion que je ne connais pas et pourtant, je sais déjà que ce regard est mon préféré parmi tous ceux qu’elle m’a déjà lancé. Je me noie dedans immédiatement, je pourrais y passer le reste de mes jours.
Elle sourit en détaillant mon visage :
- Je me doutais que tu ne comprendrais pas, dit-elle simplement.
Elle se lève ensuite et me tend la main :
- Allez, viens te coucher, c’est le tour de Jin de monter la garde, dit-elle d’une voix douce.
J’aurais préféré continuer notre conversation, j’aurais même préféré rester ici avec elle sans parler plutôt que de rejoindre les autres, mais je ne ferai plus jamais l’erreur de ne pas saisir une main qu’elle me tend. Alors je l’attrape et elle m’entraine en direction de nos couchages sans me lâcher, serpentant entre nos camarades endormis.
Je savoure chaque pas effectué avec sa main dans la mienne, elles s’emboitent parfaitement, comme si elles étaient faites l’une pour l’autre… bien que ce soit peut-être le cas de toutes les mains, je n’en sais rien. On ne m’a jamais tenu la main de cette façon.
Elle m’installe à côté d’elle, et nous nous couchons face à face, nous regardant silencieusement jusqu’à ce que le sommeil nous emporte.
*
Le lendemain matin, nous arrivons sans encombre au village de Kumo. Minato s’entretiendra toute la journée avec le Raikage et ses hommes et j’en profite donc pour passer voir mes vieilles connaissances du village tandis que le reste de nos ninjas se promène dans Kumo.
Je les rejoins dans l’après-midi et nous flânons d’échoppe en échoppe. J’observe Hanako, les yeux pétillants, acheter de la nourriture et des babioles dans les boutiques et ça refait mon après-midi. Je trouve dingue le temps que je peux passer à simplement la regarder, c’est devenu mon activité favorite.
En fin de journée, elle n’hésite pas à soigner en pleine rue un parfait inconnu qui vient de s’ouvrir la main en coupant du bois. J’admire le contact facile qu’elle a avec les gens, les sourires qu’elle distribue, les mots gentils qu’elle glisse à chacun… Je la suis les mains dans les poches, totalement désintéressé par ce qui m’entoure sauf elle. Quel contraste.
*
Lorsque les kage finissent leurs discussions, il est déjà tard, et le Raikage insiste pour que nous dormions au village où il juge que nous serons plus en sécurité. Il dévisage constamment Hanako avec intérêt et je devine que Minato lui a parlé de ses capacités, ce qui ne m’enchante vraiment pas. J’aurais aimé qu’on garde cette information pour nous, comme c’était le cas avant cette altercation avec le pays des ronces, mais ce n’est pas moi le chef et je n’ai pas mon mot à dire malheureusement.
Nous sommes conduits dans l’hôtel où le Raikage nous offre la nuit et Minato nous ordonne de nous répartir dans les chambres selon nos petits groupes de trois. Un bonheur d’être avec Hanako, un supplice que Shin se retrouve dans le tableau.
Après une discussion rapide avec Minato, je les rejoins dans notre chambre. Le plancher est en bois clair et les futons blanc ont l’air confortables comme des nuages. Ce sont des jolies chambres, magnifiées par la beauté d’Hanako mais le charme se rompt dès que Shin ouvre la bouche :
- Qu’est-ce qu’on va être bien ici ! Ça nous changera des campements dans des grottes ! s’exclame-t-il avec bonne humeur en la regardant.
Hanako rit, ce qui allume directement ma haine la plus intense pour Shin et je passe sans commentaire à côté de lui en levant les yeux au ciel. Tu parles d’un mec endurant.
Je m’assois avec mon livre dans un coin et les observe d’un œil mauvais dérouler les futons en discutant. Je remarque qu’Hanako en a déplié deux, qu’elle a disposé côte à côte, à l’écart de celui de Shin. Mais ce dernier se rapproche petit à petit, l’air de rien, en discutant avec elle, ce qui me tape un peu plus sur le système.
- Alors ? Tu t’isoles Kakashi ? me demande-t-il en souriant.
Je lève un œil dédaigneux sur lui sans répondre et Hanako sauve – évidemment – la situation en plaisantant avec lui. Après un coup d’œil sombre dans ma direction, il finit par marmonner bravement :
- Tu aurais mieux fait de te prendre une chambre tout seul à ce compte-là.
Je me redresse vivement sous l’affront. Comment ose-t-il me chercher alors que c’est lui qui gâche ma journée ?! Evidemment qu’il préférerait que je ne sois pas là, il se retrouverait avec sa chère Hanako à qui il rend visite tard le soir, rien que pour lui toute la nuit. Je vois rouge, oscillant entre lui sauter dessus directement et chercher un prétexte valable en tant que commandant pour le dégager de cette chambre avec perte et fracas. Mais Hanako me caresse alors l’épaule en passant à côté de moi, me lançant un petit regard appuyé dans lequel je me plonge. Elle me demande très clairement de ne pas faire d’esclandre, et j’enterre donc ma colère pour lui faire plaisir, me renfrognant avec mauvaise humeur tandis qu’elle m’offre un petit sourire fier.
Shin, qui n’a pas raté une miette de notre échange, se rend enfin compte qu’il a dépassé les bornes et qu’il est temps pour lui de me laisser un peu d’espace afin que je me calme :
- Je vais aller voir si je nous trouve des serviettes de bain… Il n’y en a pas, annonce-t-il d’une voix peu assurée.
- Oui, fais donc ça, réponds-je le plus froidement possible.
Dès qu’il sort de la pièce je me sens mieux, et Hanako glousse dans sa main :
- Mais quel commandant terrifiant ! Le pauvre... Il ne t’a rien fait, me réprimande-t-elle gentiment.
- Pas directement non, avoue-je de mauvaise grâce.
- Allez… ne réagis pas comme ça, soit un peu plus cool avec lui. Moi je sais que tu peux être très gentil, dit-elle en souriant.
Elle retourne près des futons et éloigne définitivement celui de Shin des deux nôtres :
- Regarde, je vais même le décaler. Et si tu veux je dormirai entre vous, comme ça je pourrai faire rempart si ça te soulage, continue-t-elle en riant, toute fière d’elle.
Je lui souris, incapable de rester en colère face à ce petit ange qui essaie de me remonter le moral, et elle se glisse jusqu’ici pour s’assoir sur ses talons face à moi, pratiquement entre mes jambes. Je pose mon livre et la regarde avec curiosité. J’aime quand elle s’approche comme ça, c’est en général annonciateur d’un bon moment.
Elle tend les bras vers mon visage et retire mon bandeau délicatement, pour me regarder dans les yeux quelques longues secondes, de tout son saoul, avec un sourire aux lèvres.
Elle pose alors mon bandeau sur ses cuisses et le lisse en rougissant. Or je sais désormais que ce geste est signe de malaise chez elle :
- Qu’y a-t-il ? demande-je donc.
- Si je te le dis tu vas peut-être mal le prendre…, répond-elle du bout des lèvres en gardant les yeux sur ses cuisses.
- Dis-moi, insiste-je.
- C’est un nouveau bandeau… Je le sais parce que c’est moi qui ai gardé ton ancien. Je te l’avais déjà enlevé au pays des ronces et je l’ai gardé depuis.
- Tu l’as gardé ? m’étonne-je.
- Oui, en fait… je le porte…
J’ouvre des yeux ronds, abasourdi par l’information qui ne manque pas d’affoler mon pouls tandis qu’elle défait rapidement mon bandeau de sa tête pour me le tendre. Mais je ne veux absolument pas le récupérer, je suis tellement heureux d’imaginer qu’elle le portait, qu’elle ait eu l’envie de le porter, c’est invraisemblable.
- Garde-le.
Mais ma réponse ne sonne pas comme je l’aimerais. On dirait que j’en m’en fiche, voir même que je ne veux pas le récupérer parce qu’elle l’a porté, ce qui est à l’opposé même de ce que j’essaie de lui dire.
Je prends sur moi pour m’ouvrir un peu, j’en ai marre de toujours mal m’exprimer, de toujours tomber à côté de la plaque et qu’elle doive lire entre les lignes de ce que j’essaie de lui communiquer. J’aimerais qu’elle comprenne ce qu’il se passe dans ma tête, bien que je n’y comprenne moi-même pas grand-chose et que ce soit légèrement honteux :
- Garde-le s’il-te-plait, j’aime que tu le portes, précise-je d’une voix mal assurée.
Je me sens incroyablement stupide de dire une chose pareille, mais je suis tellement fier de mon honnêteté que je fais abstraction. Sa réaction ne se fait pas attendre et alors qu’un immense sourire fend son visage en deux, elle me surprend carrément en me sautant dans les bras :
- Merci, moi aussi je suis heureuse de le porter ! répond-elle en serrant ma nuque dans ses bras, frottant son petit nez contre ma gorge.
Je suis toujours figé par la surprise mais je ne laisse pas une seconde de plus mon hésitation me contrôler et je referme mes bras autour de son dos pour la serrer contre moi à mon tour, calant ma joue contre sa tête en savourant la sensation de la tenir à nouveau dans mes bras.
Bon sang, je ne m’y attendais pas, j’ai l’impression d’obtenir la plus belle récompense possible pour mon honnêteté. Je n’arrive même pas à intégrer que je sois en train de la câliner tant c’était inattendu mais j’en profite à cent pour cent, complétement renversé par ce qu’il se passe.
Malheureusement, tous les contes de fées ont une fin et nous entendons la démarche de Shin qui revient dans le couloir. Lorsque la porte s’ouvre, nous sommes déjà loin l’un de l’autre, semblant vaquer à nos occupations.
- Ce soir on fait la fête au village de Kumo ! Ordre de l’Hokage ! s’exclame-t-il en entrant.