Et grandir...

Chapitre 7 : Liens de sang

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:16

Et grandir…

 

Chapitre 7 : Liens de sang

 

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Tuer. Un mot que l’on utilise bien souvent, sans que l’on ne s’en rende compte. Parfois, même, avec dérision et légèreté. Et pourtant, ce mot si simple est porteur du destin inéluctable de tous les êtres vivants. Un jour ou l’autre, quel que soit le passé et les aspirations de chacun, la mort frappe, sans que l’on ne puisse y échapper.

Tuer, crever, assassiner, abattre, supprimer, descendre, massacrer, anéantir, occire, décapiter, flinguer, achever, trancher, écarteler, pendre, exploser, égorger, étrangler, étouffer, écraser, déchiqueter, transpercer…

Tant de mots, autant que de manière de tuer un homme.

C’est facile de parler la mort. C’est facile de choisir un de ces mots et d’avoir envie de le mettre en oeuvre. C’est si facile.

Argent, vengeance, colère, tristesse, folie, devoir, désespoir, jalousie, peur, amour…

Tant de mots, autant que de raison de tuer un homme.

Avec une seule de ces raisons, c’est facile d’en avoir envie. Avec une seule de ces raisons, c’est facile de passer à l’acte. C’est si facile.

Regret.

Un seul mot.

Le seul qui reste après avoir donné la mort.

 

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Shun se trouvait dans une chambre. Il était assis sur le lit, le regard hagard et la mémoire floue. Il se souvenait vaguement avoir été transporté par l’homme que Takibi était allé cherché. Cet homme qui lui ressemblait tant. Il avait été amené dans cette pièce dont les murs étaient en bois et en papier de riz. Des murs comme il n’en avait vu qu’à Shirakaba, dans les vieilles maisons traditionnelles. Le plafond en bois était incurvé pour épouser la forme du toit. Son lit était le seul meuble de la pièce, à part les tatamis. C’était un futon avec des draps blancs. Enfin, blanc avec des tâches rouges.

… Des tâches rouges ? Merde, ses jambes.

Il retira vivement la couverture pour voir si leur état avait empiré, et constata que malgré les tâches de sang sur les draps, elles étaient recouvertes de bandages. Et qu’elles étaient un peu désenflées. Quelqu’un l’avait donc soigné. Mais comment cela avait-il été possible alors qu’elles avaient été abîmées à ce point ?

Il était en train de les inspecter sous toutes leurs coutures lorsque quelqu’un entra dans la pièce, faisant coulisser la porte dans un chuintement discret. La personne qui se tenait maintenant devant lui était une femme, habillée d’un yukata rouge et blanc. Elle était mince, avec des yeux verts, des cheveux courts et ébouriffés. Et roses. Elle avait les cheveux roses. Vraiment, vraiment rose. Les sourcils aussi. Il détourna le regard lorsqu’il se rendit compte qu’il la fixait avec un peu trop d’insistance. Enfin, qu’il fixait ses cheveux.

La femme s’agenouilla à côté de lui et lui sourit, puis s’exclama d’une voix curieusement joyeuse :

- Tu es enfin réveillé ! Tu as dormi pendant des heures après que ta fièvre soit tombée ! Dis-moi, comment vont tes jambes ?

- Euh… ça va, répondit-il avec circonspection. Enfin, je crois.

Elles ne lui faisaient plus mal, en tous cas. Et il découvrait en même temps qu’il avait eut de la fièvre. Ah bon. Il remit la couverture sur ses jambes, l’air de rien. Il venait juste de remarquer qu’il était complètement nu, mis à part les bandages.

- C’est vous qui m’avez soigné ? demanda-t-il. Comment avez-vous fait ? J’étais pourtant sûr qu’elles étaient fichues.

Le sourire de la femme s’élargit.

- Je suis un bon médecin. Comment t’appelles-tu ?

Il hésita. Il ne tenait absolument pas à révéler son identité à une inconnue, même si elle avait sauvé ses jambes et qu’il lui en était très reconnaissant.  Vraiment très, très, reconnaissant. En voyant qu’elle attendait toujours sa réponse, il se décida :

- Shun, dit-il simplement.

- Shun comment ?

- Pour l’instant c’est juste « Shun ».

Il s’attendit vaguement à ce qu’elle se fâche ou se vexe mais, à sa grande surprise, elle se contenta de cligner des yeux et d’éclater de rire.

- J’étais sûre que tu allais répondre ça ! s’exclama-t-elle. Ne t’en fais pas, je ne te forcerais pas à me dire quoi que ce soit !

« C’est pas comme si vous en étiez capable » ne put-il s’empêcher de penser. Après tout, elle lui avait déjà dit qu’elle était médecin, ce qui sous-entendait qu’elle ne savait pas particulièrement se battre. Et puis elle n’avait pas l’air franchement dangereuse, avec son sourire enfantin et ses cheveux roses.

- Moi je m’appelle Sakura, lui dit-elle. Sakura Haruno. Tu peux m’appeler par mon prénom, si tu veux.

« Mouais. On verra bien ». Ce n’était pas comme s’il prévoyait d’emménager chez elle, de toute façon. Alors, qu’il s’adresse à elle avec familiarité ou pas, cela ne faisait pas une grande différence. Dès qu’il aurait récupérer Takibi, il…

… Takibi.

- Où est ma sœur ? demanda-il brusquement. Elle était avec moi.

« Sakura » parût gênée. Elle s’éclaircit la gorge en détournant brièvement le regard.

- Où est ma sœur ? répéta-t-il en fronçant les sourcils. Si vous lui avez fait quelque chose je… je vais…

- Tu feras quoi ? sourit-elle – encore –, visiblement pas du tout impressionnée. Ta sœur va bien, ne t’inquiètes pas. Je trouvais juste étrange qu’elle ait refusé de s’approcher de nous, et encore plus qu’elle ait eu peur d’entrer dans la maison. C’est pour ça que j’hésitais à t’en parler. Je ne savais pas vraiment si son comportement était normal ou pas.

Shun ne put s’empêcher de soupirer de soulagement. Il se souvenait un peu trop bien des habitants de Shirakaba, si hostiles envers Takibi. À cause de son apparence, les gens paniquaient souvent, en la voyant, et essayaient de lui faire du mal physiquement ou moralement. Ce n’était pas comme s’ils pouvaient faire quoi que ce soit contre elle, bien sûr, mais elle devenait plus sombre et plus renfermée à chaque fois que cela arrivait. D’un simple regard, d’un geste mal placé, cette femme aurait pu faire foirer tous les progrès qu’il avait accomplit avec sa sœur, durant la semaine qu’il avait passé avec elle.

- C’est normal, dit-il. C’est complètement normal. Je vais aller la chercher.

Il commença à se lever mais Sakura l’en empêcha prestement en plaçant ses mains sur ses épaules. Il cligna des yeux un peu stupidement, surpris par la vivacité de la réaction.

- Il n’est pas question que tu sortes de ce lit, fit-elle en fronçant les sourcils. Pas avant que tu ne sois complètement rétabli.

Il la regarda fixement. Il aurait voulu l’écarter sans plus se préoccuper d’elle, mais il ne pouvait pas. Ses mains le tenaient fermement et il pouvait bien pousser contre elles de toutes ses forces, elles ne bougeaient pas d’un pouce. Était-ce lui qui était affaibli ou bien cette femme était plus forte qu’elle n’en avait l’air ? Il lui vint à l’esprit que cette femme aurait très bien put lui mentir, et l’empêchait de se lever pour ne pas qu’il s’aperçoive que sa sœur avait disparue. Ou qu’elle était gravement blessée. Ou qu’ils lui avaient fait du mal.

Mais pour le moment, c’était plus facile pour lui de croire ce qu’elle disait. Il était trop fatigué pour se creuser la tête à déjouer une quelconque supercherie. Et puis, à la réflexion, il ne voyait absolument pas pourquoi Takibi serait repartie sans lui, alors qu’elle avait eut du mal à le quitter pour aller chercher cet homme. Et elle n’était pas blessée, au départ. Même pas une égratignure, rien qu’une bosse sur la tête. Et ces gens-là n’avaient pas l’air du genre à se laisser impressionner par une apparence physique, et encore moins d’attaquer à cause de ça.

Il devait vraiment voir sa sœur, cependant. Juste pour vérifier. Comme Sakura n’avait pas spécialement l’air décidée à le laisser se lever, et qu’il n’arrivait pas à la forcer, il préféra changer de tactique.

- Je dois la voir, dit-il en la regardant dans les yeux. Elle ne rentrera jamais dans un endroit qu’elle ne connaît pas si je ne suis pas avec elle.

- Alors elle rentrera plus tard, lui répondit Sakura d’une voix ferme. Parce que si tu te sers de tes jambes maintenant, tu ne marcheras plus jamais.

Cela eut pour effet de lui clouer le bec. Finalement… Takibi attendrait bien encore un peu, non ? Il ne voulait pas perdre ses jambes !

 

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Vide. Ce monde était vide. Vide devant elle, aussi loin que pouvait porter son regard. Vide derrière elle, lorsqu’elle tournait sur elle-même jusqu’à en avoir le tournis.

Vide. Partout.

Rien que de l’herbe, à l’horizon. Rien que de l’herbe, sous ses pieds. Juste le sol, plat et morne. Aucune cachette, aucune irrégularité dans le terrain où elle pourrait se dissimuler. Ce monde la rendait vulnérable. Il l’exposait à tous les dangers, et lui donnait l’impression d’être nue devant le regard d’un étranger. Elle avait constamment des frissons désagréables, dans la nuque. Comme si elle était épiée, observée, sans une seconde de répit.

Elle allait devenir folle !

Dans cette immensité uniforme et verte, il y avait juste cette maison, plantée au beau milieu de la plaine. Cette maison si vieille qu’elle semblait avoir été bâtie il y a des siècles. Une maison qui, pour elle, était à la fois une source d’espoir et un repère de prédateurs. Un repère dans lequel Shun avait disparu, inconscient de ce qu’il lui arrivait, et où elle n’avait pas osé le suivre. Pas tant qu’il ne viendrait pas lui-même la chercher. Pas tant qu’elle ne serait pas certaine que « cet homme » ne constituait aucun réel danger.

Cet homme, tellement semblable à son frère. Avec les même yeux noirs, le même regard sombre et taciturne. Les mêmes cheveux noirs, bien que ceux de Shun soient plus longs et plus lisses. Le même visage, aux si jolis traits, et la même peau pâle. La seule différence était leur âge. Et il était plus morose et plus renfermé que Shun, aussi. Beaucoup plus.

Takibi n’avait que dix ans. Mais elle était plus vive, plus perspicace, et plus observatrice que les enfants de son âge. Et elle était assez mature pour s’en rendre compte. Takibi était jeune, mais elle n’était pas stupide. Si cet homme-là n’avait aucun de lien de sang avec Shun, elle ne s’appelait plus « Uzumaki ».

Elle chassa ses pensées désagréables et grogna sourdement à l’adresse de la bâtisse. Puis elle se détourna dédaigneusement et observa, encore une fois, l’immensité de la plaine. Si seulement elle pouvait utiliser correctement son affinité de Terre. Elle aurait put creuser un trou et s’y cacher. Elle se serait sentie beaucoup mieux !

En désespoir de cause, elle scruta attentivement le sol pour vérifier qu’il ne comportait aucun défaut. Elle l’observa longtemps. Et elle se figea, sous le coup de la surprise. Elle venait d’apercevoir un endroit où le sol n’était pas aussi régulier qu’ailleurs. Juste un petit accroc dans l’herbe plane. Elle s’approcha, le cœur battant. Lorsqu’elle fut arrivée, elle ne put s’empêcher de sourire pour elle-même. Quelque chose qu’elle ne faisait pourtant jamais.

Un trou. Un trou qui, en fait, semblait être une véritable galerie souterraine. Comme sa maison à elle. Il y avait une galerie dans cette prairie ! Elle ne savait pas s’il s’agissait de l’œuvre des habitants de la maison ou d’un phénomène naturel, mais c’était bien le dernier de ses soucis, pour le moment. Ce tunnel était considérablement plus étroit que ceux de sa maison, et elle serait sans doute obligée de se baisser, pour pouvoir s’y déplacer.

Sans plus réfléchir, elle prit son élan et sauta la tête la première.

 

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Hagane n’était plus dans sa cellule. L’homme qui était venu la voir l’avait traîné par le bras sans ménagement – « Ça fait mal, bordel ! » – et emmené dans une pièce sans fenêtre, uniquement éclairée par une lampe jaunâtre et grésillante. Elle avait été tentée de lui fausser compagnie à plusieurs reprises, mais elle avait finit par changer d’avis et avait feint de se laisser faire. Si elle faisait semblant d’être sage et docile, elle recevrait sûrement une explication à cette situation, dont elle avait perdu le fil depuis un certain temps. Elle s’enfuirait dès qu’elle l’aurait décidé. Il pouvait compter là-dessus.

Dans la pièce toute faite de béton triste et gris, il n’y avait qu’une table et deux chaises en métal – « Putain, c’est glauque ». L’homme la fit s’asseoir sur l’une d’elle, mais lui resta debout. Devant elle, de l’autre côté de la table, il la dominait de toute sa hauteur en la regardant de ses yeux aussi blancs que les siens. Ça ne lui plaisait pas. Mais alors vraiment pas. Personne n’était sensé pouvoir la dominer de cette manière, et certainement pas ce vieil homme aux cheveux grisonnants qui débarquait soudainement dans sa vie comme un poux dans ses cheveux.

- Arrête de me fixer, espèce de vieux cochon, lança-t-elle en croisant les bras – tant bien que mal – et en lui rendant son regard d’un air provocateur.

Son expression lui fit alors vaguement penser à celle de Shun, lorsqu’elle s’amusait à le traiter de tapette ou de toutes sortes de noms qui le mettaient dans tous ses états. Le moins que l’on pouvait dire c’est qu’il avait l’air d’avoir avalé quelque de travers. Il respira profondément, pour essayer de garder le contrôle de ses nerfs, semblait-il.

Hagane jouait aux dures, mais si cet homme était à moitié moins fort que la femme qui les avait attaqué dans la Vallée, elle pouvait dire adieu à la vie s’il décidait qu’il n’avait finalement pas besoin d’elle. Elle préférait mourir plutôt que de renoncer à sa liberté. Oui, bien sûr. Mais si elle pouvait arranger la situation grâce à une autre alternative, elle ne dirait pas non. Sans qu’elle puisse s’en empêcher, un noeud commença à se former dans sa poitrine. Un noeud d’angoisse.

- Je m’appelle Hiashi Hyuuga, dit l’homme d’une voix sévère. Et tu es priée de t’adresser à moi avec respect.

Hyuuga. Il s’appelait Hyuuga. Comme sa mère.

- Oh, pardon. Toutes mes excuses.

Elle lui sourit, malgré la peur qui lui serrait le ventre.

- Ne fais pas la fière, répondit-il en plissant les yeux. Il n’y a aucun danger, ici, contre lequel tu puisses te protéger par de la provocation.

Hagane serra encore plus ses bras contre sa poitrine. Elle ne voulait pas que cet homme puisse deviner ce qui se trouvait derrière ses réactions. Elle ne voulait pas que l’on puisse voir sa faiblesse. Elle était forte. Elle voulait tellement être forte.

- Comment t’appelles-tu ? demanda-t-il en s’asseyant sur la chaise restante.

- Ça changerait quoi si je le disais ?

- Pas grand-chose. Je sais déjà qui sont tes parents, je veux juste connaître ton prénom.

- … Hagane, répondit-elle après un instant d’hésitation.

- Bien. Pour commencer, sache que je t’ai emmené ici pour que je puisse te parler à l’abri des oreilles indiscrètes.

Elle regarda autour d’elle d’un air sceptique. Les murs de la pièce étaient fissurés et auraient très facilement pu cacher des micros et des caméras.

- Cette pièce est totalement insonorisée, si c’est cela qui te tracasse. Si elle est détériorée à ce point, c’est parce que personne n’y a mit les pieds depuis des années.

Ah d’accord... Et qu’est-ce que c’était sensé vouloir signifier ? Qu’il l’avait emmené ici en secret ? Qu’il avait quelque chose à cacher à ses supérieurs ?

- Et alors ? Vous avez quelque chose à me dire, peut-être ?

- Tu n’as pas besoin de faire comme si tu ne t’y attendais pas.

Connard.

L’homme la regardait dans les yeux, et son visage sévère ne frémissait même pas.

- Je dois d’abord savoir ce que tu connais, et ce que tu ignores, au sujet de tes parents et de leurs origines, lui dit-il.

- Pourquoi faire ?

- Pour éviter de te répéter ce que tu sais déjà.

- Ah ouais ? Et à quoi ça pourrait bien vous servir de me raconter la vie de mes parents ?

Il haussa un sourcil et esquissa un sourire en coin. Un sourire ironique qui lui rappela douloureusement celui de Takibi.

- Tu es en train de me dire, fit-il sans perdre son sourire. Que tu ne veux pas savoir pourquoi tu t’es faite capturée, ni pourquoi tes parents vous ont tenus, toi et tes frère et soeur, dans l’isolement le plus total pendant toutes ces années ?

Hagane se crispa.

- Comment vous savez ça, vous ?

- C’est une stratégie courante chez les déserteurs qui ont des enfants, répondit-il en reprenant une expression neutre. Moins ils en savent sur leur propre histoire, plus ils ont de chances de rester en vie.

- Pourquoi ?

- Parce que grâce à cela, dit l’homme en la regardant intensément. Konoha n’a aucune raison valable de te tuer. Si tu ne sais rien de lui, rien de ses dirigeants, rien du monde dans lequel tu es née, il n’a pas le droit de te supprimer. Il n’a pas le droit de te tuer si tu n’en connais pas la raison.

Hagane sentit, insidieusement, que ses entrailles se glaçaient.

- Vous voulez dire que si je savais le moindre truc sur ce village, je serais déjà morte ?

- Cela dépend de l’importance de tes connaissances.

- Tout ce que je sais c’est que mes parents viennent d’un village ninja appelé Konoha, et qu’ils ont conservé leur bandeau métallique sur lequel est gravé le symbole d’une feuille. Ils n’aiment pas parler de leurs souvenirs, alors c’est tout ce que j’ai pu leur tirer.

- Dans ce cas, tu n’as pas à t’inquiéter. Le nom et la fonction de ce village ne sont pas suffisants pour cela. Parce que c’est quelque chose que personne n’ignore. Même pas toi, apparemment.

- Qu’est-ce que vous allez faire de moi, alors ? Me garder prisonnière jusqu’à ce que je meure de vieillesse ?

- Pas exactement. Mais tu as peut-être une petite idée sur la question.

C’est alors qu’Hagane se souvint de cette femme, dans la Vallée du Démon. Cette femme qui avait penché la tête d’un air songeur et qui leur avait dit : « Vous ferez sans aucun doute de bonnes recrues ». Elle l’avait complètement oublié. Elle s’entendit parler d’une voix blanche, effarée :

- Vous voulez faire de moi une kunoichi de Konoha...

- Oui, lui répondit l’homme. Et c’est ta seule et unique chance de rester en vie.

- Je croyais que vous n’aviez pas le droit de faire ça.

- Ce n’est pas comme si les dirigeants de ce village disposaient d’une patience démesurée, à vrai dire.

- Et vous vous attendez sérieusement à ce que j’accepte ça ? Pourquoi est-ce je voudrais servir un village qui a tué ma mère ? C’est complètement débile ! Si vous vouliez vraiment que je fasse allégeance à ce village, il ne fallait pas... !

- Ta mère n’est pas morte, la coupa-t-il.

... Quoi ?

- Elle a été capturée et a été faite prisonnière, comme toi. Elle est vivante et elle a même été soignée de ses blessures.

Hagane accusa le coup. Et puis elle fit semblant de s’en moquer. Elle s’en moquait. Après tout, en vie ou en prison, ça ne changeait pas grand-chose, n’est-ce pas ? Elle s’en moquait, même alors que des larmes de soulagement menaçaient de couler sur ses joues.

- Ah oui ? siffla-t-elle lorsqu’elle fut certaine que sa voix ne tremblerait pas. Et puis-je en connaître la raison ? Elle ne vous est d’aucune utilité que je sache ? Et « cette femme » n’avait pas spécialement l’air de vouloir la garder en vie, si vous voyez ce que je veux dire.

L’homme soupira, tâchant en vain de ne pas laisser transparaître sa lassitude.

- Et de toute façon, qu’est-ce qui me prouve qu’elle est bien en vie, hein ? Pourquoi est-ce que ça ne serait pas un mensonge pour me faire du chantage ? Pour m’obliger à servir ce village ?

- Je t’emmènerai la voir dès que j’en obtiendrais la permission, lui répondit-il. Maintenant, passons à autre chose et dis-moi s’il y a quelque chose que tu veux savoir en particulier.

- Quoi ? Attendez, vous ne vous en tirerez pas comme ça ! C’est trop facile !

- Je ne peux pas t’en dire plus, pour le moment. Accepte de patienter quelques jours pour la voir, et tu décidera de ce que tu fera une fois que tu lui auras parlé.

Elle ne répondit pas, mais l’homme sembla considérer cela comme une approbation.

- Je sais que tu as beaucoup de questions à me poser. Je peux y répondre, dans une certaine mesure.

Hagane réfléchit pendant un moment, puis demanda :

- Quel lien y a-t-il entre « cette femme » et moi ? Pourquoi est-ce qu’elle ressemble tellement à ma mère ?

Il sembla hésiter, un instant. Ses sourcils se froncèrent légèrement, son front se plissa, et ses lèvres se pincèrent. Cette expression était exactement la même que celle de sa mère, lorsqu’elle ne lui révélait quelque chose qu’à contrecœur. Puis il finit par se décider et prononcer de but en blanc :

- Hanabi Hyuuga est ta tante. Et elle est la soeur de ta mère, de cinq ans plus jeune.

Ça devait être quelque chose comme ça. Obligé.

- Et vous ? fit-elle d’une voix acide pour dissimuler le choc qu’elle avait éprouvé. Vous êtes qui ? Un ancêtre éloigné, sans doute ? Ou peut-être leur oncle ou leur cousin ?

- Je suis le père d’Hanabi et d’Hinata. Je suis ton grand-père.

Elle s’y attendait. Elle s’y était préparée. Après tout, il y avait trop de ressemblance entre elle et cet homme pour qu’il puisse en être autrement. Mais, alors que le monde qui l’entourait, quelques jours auparavant n’était constitué que de ses parents, de son frère et de sa soeur, il devenait soudainement un peu difficile de le regarder dans les yeux. Surtout lorsque, voulant détourner le regard, la pièce lui rappelait impitoyablement la condition du geôlier et celle du prisonnier.

 

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Trois jours. Cela faisait déjà trois jours que Shun moisissait dans cette pièce trop calme et trop spacieuse. Trois jours pendant lesquelles Takibi aurait cent fois eu le temps d’épuiser sa patience et de repartir pour la Vallée. Pendant tout ce temps, il ne savait pas ce qu’elle devenait, ni ce qu’elle faisait, ni même si elle avait convenablement à manger. Elle était toute seule à l’extérieur, et lui ne pouvait rien faire, cloué au lit à cause de ses jambes. Celles-ci se remettaient progressivement, au fil des jours. Et si Sakura ne l’avait pas menacé sérieusement à plusieurs reprises, il serait déjà sur ses pieds. Il était plus résistant qu’elle ne le croyait, et ses jambes étaient parfaitement capables de supporter son poids. Il en était presque sûr. Presque, sinon il n’aurait même pas tenu compte des avertissements (ou plutôt, du chantage sous lequel on le forçait à rester couché !)

La porte s’ouvrit avec son chuintement habituel et Shun, qui s’attendait à voir entrer Sakura, faillit sursauter en constatant qu’il s’agissait d’une tout autre personne. C’était une jeune fille d’environ treize ans, aussi brune que lui, avec les même yeux noirs et la même peau pâle. Elle portait un kimono bleu et noir, assez sophistiqué, qui semblait coûter très cher. Et elle était coiffée assez curieusement. Les deux mèches de devant étaient lisses et coupées sous le menton, mais le reste de sa chevelure était long et ébouriffé. Elle le regardait de toute la hauteur de sa petite taille, comme si elle avait sur lui un pouvoir absolu. Cela aurait peut-être pu le faire rire, si son visage ne lui faisait pas penser à masque de glace.

Elle sourit, d’un sourire mince qui étira insensiblement ses lèvres pâles, mais son expression resta résolument froide. Ce qui lui donnait l’air un peu étrange. Il ne put s’empêcher de frissonner lorsqu’elle s’avança vers lui d’un pas de fantôme, et s’accroupit à côté de son lit. Sans se départir de son étrange sourire.

- Salut, dit-elle d’une voix hautaine, trop grave pour son âge.

Elle s’agenouilla et le fixa dans les yeux. Il sentait, mal à l’aise, qu’elle le dévisageait autant qu’il l’avait dévisagé. Et il savait que, comme lui un peu plus tôt, elle avait l’impression de se regarder dans un miroir.

- Salut, répondit-il. Comment tu t’appelles ?

Elle fronça les sourcils et perdit finalement son étrange sourire. Elle avait froncé les sourcils avant de cesser de sourire, et Shun n’avait encore jamais rien vu d’aussi effrayant. Sauf, peut-être, Hagane lorsqu’elle était en colère. Ou Takibi lorsqu’elle mangeait son gibier cru. Ou... Mais c’étaient des cas à part. Toute sa famille était un cas à part. Sa famille était une famille de fous.

- Kaede, dit-elle finalement. Je m’appelle Kaede Uchiha. Mais maintenant, tu dois me dire ton nom, toi aussi.

... Est-ce qu’elle essayait de lui faire dire son nom de famille à la place de sa mère ? Si c’était le cas, elle aurait mieux fait d’être un peu plus subtile.

- Je m’appelle Shun. Dis-moi, quel âge as-tu ? Treize ans ?

Changer de conversation. Ça évitera les malentendus.

- Douze ans. Et toi ?

Seulement ? Cela devait être son air froid qui donnait l’impression qu’elle était plus vieille que ce qu’elle n’était en réalité.

- J’ai quatorze ans.

À peu près. En vérité, il n’avait aucune idée de sa date d’anniversaire exacte. Il avait toujours considéré qu’il était né en même temps qu’Hagane. C’était plus simple pour tout le monde, après tout. Surtout pour lui.

Kaede haussa les sourcils et répondit d’une voix moqueuse :

- Vraiment ? J’aurai pourtant juré que tu étais plus jeune que ça. C’est que j’étais prête à te traiter comme un cadet, moi.

... Elle le cherchait ou quoi ?

- Enfin bref, continua-t-elle sans lui laisser le temps de répliquer. Je suis ici pour te faire passer un message, de la part de ta soeur.

- Quoi !? s’exclama-t-il sans pouvoir s’empêcher d’écarquiller les yeux sous le coup de la surprise. Ma soeur t’a parlé ? Elle t’a vraiment parlé ?

- Ouais. Enfin de loin. Pendant un moment j’ai cru qu’elle allait me bouffer. Avec ses griffes et ses grandes dents, elle ressemblait vraiment à un démon.

- Eh, grogna-t-il en fronçant les sourcils. Un peu plus de respect pour ma soeur, je te prie. Tu ne la connais pas et tu n’as pas le droit de la juger sur son apparence.

- Mais je m’en moque, de son apparence, moi ! Enfin, je m’en serais moqué si elle avait eu un comportement civilisé. Elle m’a grogné dessus et elle a failli m’attaquer ! C’est un démon, ta petite soeur, je te dis.

- C’est quoi, le message ? siffla-t-il avant de perdre le contrôle de ses nerfs (il lui aurait suffit de penser à son image pour se reprendre immédiatement, cependant).

La fille parut hésiter, pendant un instant. Elle se tapotait la lèvre avec son index d’un air songeur, et semblait se demander si elle pouvait se permettre de le faire mariner encore un peu.

Non, elle ne pouvait pas.

- Bon, alors voilà le message, finit-elle par dire. Elle te demande si tu comptes la faire attendre encore longtemps sans lui donner de nouvelles. Elle précise qu’elle ne mettra pas le moindre orteil à l’intérieur de cette maison si tu ne viens pas la chercher toi-même. Et que tu as tout intérêt à donner un signe de vie très prochainement si tu ne veux pas qu’elle reparte pour la Vallée en te laissant ici.

- ... Elle l’a dit dans ces termes-là ? demanda Shun, étonné que Takibi ait prit la peine d’être aussi polie avec une étrangère.

- Non. Mais j’ai préféré traduire.

Elle pencha la tête sur le côté, puis demanda :

- C’est quoi, au juste, la « Vallée » ?

- C’est le diminutif de la « Vallée du Démon ». C’est comme ça que s’appelle l’endroit où habite ma famille.

- C’est elle qui lui a donné le nom ? Ta petite soeur, je veux dire. Ça ne m’étonnerait pas que ce soit à cause d’elle que cette vallée s’appelle comme ça.

Cette fille était vraiment une petite garce. Sous ses airs d’enfant sage et son masque de glace, elle avait une véritable langue de vipère.

- Au fait, dit-elle en retrouvant brusquement une expression neutre (enfin froide, quoi). J’ai aussi un message de la part de ma mère. Elle dit que tu pourras bientôt te remettre à marcher, mais que pour l’instant tu n’avais absolument pas le droit de quitter ton lit. Quoi que te dise ta soeur.

Merde. Il avait eu l’intention de s’enfuir en douce pour rassurer Takibi. Il aurait été de retour avant que quelqu’un s’en aperçoive. Mais maintenant, il était surveillé, apparemment. Comment Sakura avait-elle deviné ? Pff...

 

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Trois jours. Cela faisait déjà trois jours qu’elle se caillait dans cette putain de cellule même pas chauffée. Au moins avait-on daigné la soigné lorsque Hiashi l’avait ordonné (elle avait remarqué qu’il était plus facile de penser à lui lorsqu’elle l’appelait par son nom ; c’était fichtrement moins fatigant). Celui-ci, d’ailleurs, n’avait plus donné signe de vie depuis qu’il l’avait ramenée dans son cachot. Elle n’avait donc aucun moyen de savoir s’il allait ou non tenir sa promesse de l’emmener voir sa mère. Elle était coincée ici, à attendre pour du vent en faisant les cent pas, et c’était incroyablement frustrant !

Soudain, elle entendit le cliquetis des clés dans la serrure. Elle se serait volontiers jetée sur la personne qui entrerai dans la pièce pour lui apprendre la vie. Mais elle avait donné sa parole à Hiashi qu’elle laisserait les geôliers faire leur travail, sans tenter de les décapiter. Une parole étant une parole, elle se contint tant bien que mal lorsque la lourde porte de fer s’ouvrit, dans un grincement qui lui hérissa les poils. Ce qui fut, cependant, beaucoup plus difficile que prévu lorsqu’elle reconnu l’homme qui se tenait en face d’elle.

Il ne s’agissait pas d’Hiashi, ni des gardiens habituels qui venaient lui porter à manger. Il ne s’agissait même pas de quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. Cet homme-là avait de courts cheveux sombres et les traits perçants. Grand et maigre, il se tenait d’un air conquérant et supérieur dans l’embrasure de la porte. Cet homme-là, Hagane en avait rêvé chaque nuit depuis qu’elle avait été capturée. Elle avait rêvé de sa mort et de la douleur qu’elle lui infligerait, si elle avait un jour la chance recroiser son chemin. Cet homme, celui qui avait enlevé sa petite soeur pour en faire un otage, celui qui avait été le responsable direct de sa propre capture. Cet homme qui venait la narguer dans sa défaite, sans le moindre respect pour le perdant.

Il lui parlait, un sourire narquois figé sur ses lèvres pâles. Elle n’avait même pas envie d’écouter ce qu’il lui disait. Il n’en valait pas la peine. Il n’avait aucune arme apparente sur lui. Il était sûr de sa supériorité. Ou alors il pensait qu’elle ne pouvait plus se servir de son chakra. Bien sûr, cela avait été le cas, pendant un moment. Mais Hiashi avait eut la bonne idée de lui ôter ce sceau qui l’empêchait de le malaxer correctement et d’exécuter des techniques. Sans doute pour l’inciter à lui faire confiance.

Le byakugan instinctivement activé, Hagane sentit un sourire se dessiner sur son visage. Un sourire cruel. Un sourire féroce.

D’un certain côté, Hiashi avait eut tort de lui enlever ce sceau.

Elle allait TUER CET HOMME !!!

 

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... à suivre...

 

Bon, bon, bon... Comme d'habitude, merci de venir lire ma fanfic (même si je constate qu'il a de moins en moins de lecteurs ; sniff...) et à la semaine prochaine !

*a encore failli oublié de poster cette semaine, plongée dans ses révisions*

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