Je t'aime moi non plus
- Alors planche à pain ne peut pas se relever ?
Je ferme les yeux en entendant mon surnom attribué ce jour-même.
- Elle ne sait rien faire d’autre que lécher le sol ce laideron, rigole sa copine.
Je me relève doucement, les dents serrées. Mes genoux écorchés à cause de la chute me font un mal de chien. La blondasse qui m’avait bousculée me dévisage avec un sourire et un regard hautain. Je soutiens le regard de ces deux pestes refusant de me laisser déstabiliser. Avec un tic, la blonde perd son sourire.
- Tu en redemande ?
Sans que j’ai le temps de réagir elle m’attrape par les cheveux et tire dessus pour essayer de me faire tomber.
- Tu oses nous défier, quel culot, ajoute sa copine rousse.
Celle-ci m’attrape fermement l’épaule et me rentre ses ongles dans le bras. Je souffre mais refuse de le montrer, elles ne gagneront pas à ce jeu-là avec moi.
- Tu vas vite apprendre à rester à ta place planche à pain. Les raclures comme toi on les corrige, menace la blonde.
Elle tire encore plus fort sur mes cheveux roses, je vois son autre main s’approcher dangereusement. Je fixe résolument ses yeux bleus avec mes yeux verts. La gifle que je reçois est camouflée par la sonnerie annonçant le retour en cours pour les dernières heures de la journée.
Quelques jours auparavant
Le bruit de ma valise sur l’allée pavée m’apporte une certaine anxiété. Encore 20 mètres à parcourir avant d’atteindre l’entrée de ma nouvelle maison. La demeure est imposante et magnifique, sa façade blanche est éclatante malgré la vieillesse du bâtiment. Son style d’architecture ancien datant du XVIIIème siècle se marie parfaitement au jardin sublime que je suis en train de traverser. Le chemin pavé allant du portail jusqu’à la porte d’entrée est entouré de parterre de fleurs.
Sur la gauche, des carpes koïs nagent librement dans un grand bassin. Certaines se cachent sous les nénuphars à cause du bruit des roulettes. A droite, un mini labyrinthe, taillé si minutieusement qu’aucune branche ne dépasse, amène sur une statue de femme quasiment nue. Un voile cache ses parties intimes et elle semble danser. Je me demande si ce n’est pas une représentation de la déesse Aphrodite quand la porte du manoir s’ouvre sur ma tante. Je reporte mon attention sur elle alors qu’elle sourit doucement à mon arrivée. Ses cheveux blonds sont attachés en chignon laissant des mèches de cheveux encadrer son visage et ses yeux marrons. Elle porte un tailleur et des talons, je ne l’ai jamais vue aussi classe. La dernière fois que je l’ai vue, il y a de ça 5 ans, elle portait uniquement des joggings et des t-shirts trop longs. Il faut croire qu’épouser un riche peut changer une personne. Malgré ses 40 ans passés on pourrait croire qu’elle n’a pas la trentaine, ce qui ne doit pas l’aider au quotidien ayant épousé un homme plus âgé.
En effet, ma tante Tsunade est fraichement marié à un grand chef d’entreprise de plus de 60 ans, je ne connais pas son âge exact. Je monte les marches en jetant un œil à la plaque en cuivre sur le mur. “Hatake” était gravé dessus, le nom que porte désormais ma tante.
- Sakura, tu es devenue une si jolie jeune fille.
Elle me serre chaleureusement contre elle. Je lui rendis maladroitement son étreinte, un peu tendue. Nous ne sommes pas si proches, à vrai dire je la connais à peine. Elle me lâche en m’envoyant un sourire chaleureux, le mien n’atteint pas mes oreilles.
- Rentre ma chérie, j’espère que le trajet n’a pas été trop long.
Elle savait très bien qu’il l’avait été, après tout j’ai dû changer de pays et prendre plusieurs correspondances pour venir ici. Je soulève ma valise à une main en montant les marches, ma tante s’écarte pour me laisser rentrer la première. Je m’arrête un instant pour contempler le hall, étonnamment la décoration est très moderne alors que je m’attendais à rentrer dans un manoir avec une décoration d’époque. J’entends la porte se refermer derrière moi et Tsunade me regarde avec un air tout aussi perdu que moi.
- Tu as sûrement faim après un si long voyage ? Ou alors tu préfères aller te reposer et déballer tes affaires ?
Elle semblait réellement confuse, n’arrangeant pas mon malaise. Ma tante n’a jamais eu d’enfant et je suis sa seule nièce. Je comprends qu’elle ne sache pas trop comment gérer cette situation, ayant soudainement pour obligation de s’occuper d’une adolescente de 16 ans.
- Je préfère me reposer un peu.
J’avais surtout envie de mettre fin à ce moment gênant et de me retrouver seule.
- Suis-moi je t’emmène dans ta chambre, on l’a fait préparer ce matin.
Elle paraît déçue. Surement voulait-elle rattraper le temps perdu. Je n’y tiens pas vraiment, préférant ma solitude à sa compagnie. Je la suis dans le salon qui a l’air bien douillet avec ses nombreux canapés en cuir blanc entourant un grand écran plat mural. On monte un escalier demi tournant en bois qui amène sur un long couloir. Ma tante prend la direction de droite et je la suis docilement. On passe devant plusieurs portes avant qu’elle ne s’arrête sur la dernière.
- On t’a donné la plus grande chambre disponible, dit-elle en ouvrant la porte. Tu as même un balcon côté jardin.
Elle semble ravie de ce détail. Je franchis le seuil et ai l’impression d'entrer dans une chambre de princesse. La pièce est si grande que notre cuisine et notre salle à manger aurait pu tenir dedans. Le lit doit faire le double de la dimension du mien. La décoration ainsi que la peinture sont fleuries et chaleureuses. Je m’y sens déjà bien. Tsunade rentre à son tour et se dirige vers une double porte.
- Tu as un dressing ici où tu pourras ranger tous tes vêtements quand on ira chercher le reste, ainsi que tous les nouveaux que tu pourras t’acheter.
Elle me fait un clin d'œil et je jette un regard dans le dressing. Celui-ci est encore vide, il est tellement grand que mes affaires ne prendront pas la moitié de ce qu’il peut contenir.
- Je te ferai visiter plus tard, pour l’instant repose toi et déballe tes affaires. Si tu as besoin, la salle de bain la plus proche est juste en face.
Il y a plusieurs salles de bain, quel luxe. J’essaie un sourire.
- Merci, c’est vraiment super. Je vais dormir un peu je crois, il y avait beaucoup trop d’agitation dans l’avion, c’était impossible de fermer les yeux.
- Tu peux te reposer jusqu’au repas de ce soir si tu le souhaites, acquiesce-t-elle, on mange à 20h00, je crois que le chef nous a préparé des encornets farcis.
Je hoche la tête en souriant face à son enthousiasme, à vrai dire je n’ai aucune idée de ce que c’est.
- A plus tard, dit-elle doucement en passant la porte.
Je lui réponds sur le même ton et après une hésitation elle me dit :
- Tu verras, tu te plairas ici.
Elle referme la porte après ces mots. Je n’en suis pas si sûr, ma maison me manque déjà.