Une annonce de paternité
Chapitre XVI
Un rectangle de lumière se découpa dans la chambre obscurcie lorsque la porte de la salle de bains s'ouvrit enfin. Sasuke se pencha en avant, retenant son souffle. D'une démarche hésitante, Sakura pénétra dans la pièce, ses cheveux défaits tombant en cascade sur ses épaules, les plis de sa longue chemise de nuit flottant autour de ses pieds nus.
Comme dans un rêve, elle s'immobilisa, les yeux rivés sur Sasuke qui avançait à sa rencontre.
- Tu es belle, Sakura.
Sa voix avait résonné comme une caresse. La jeune femme détourna les yeux lorsque sa main glissa sous sa chevelure, se refermant possessivement sur sa nuque.
- Je suis désolée pour ma chemise de nuit, murmura-t-elle. Elle est un peu trop banale pour une occasion pareille. Mais je n'ai pas pensé à...
Il la maintint à bout de bras, une expression étonnée sur ses traits.
- Je ne vois vraiment pas ce que tu lui reproches ! Mais puisqu'elle te déplaît, je connais un remède à la fois simple et radical.
D'un mouvement leste, il prit à deux mains l'ourlet du fin vêtement et le fit passer par-dessus sa tête.
- Sasuke !
- Tu es plus adorable à présent que dans la chemise de nuit la plus sophistiquée du monde ! lui assura-t-il en lui effleurant la joue. S'il existait un concours des plus belles tenues de nuit de noces, tu serais désignée à l'unanimité comme la mieux habillée.
L'ébauche d'un sourire tremblant joua sur les lèvres de la jeune femme.
- Je me sens très nue...
- Tu n'es pas partie en courant, en tout cas.
- J'avoue ne pas y avoir songé, avoua-t-elle, plus sereine.
Les yeux de Sasuke pétillèrent de malice.
- Parfait ! Je crois que nous sommes sur la bonne voie.
Il la souleva dans ses bras pour la porter jusqu'au lit.
- C'est déjà la deuxième fois, observa-t-elle d'un ton espiègle. Je vais finir par m'y habituer, je te préviens !
- Pas si vite, ma chère ! Nous sommes au vingt-et-unième, ne l'oublie pas. La prochaine fois, nous inverserons les rôles !
Sans quitter des yeux son visage souriant, Sasuke la déposa avec délicatesse sur le drap blanc.
- Je sais, c'est le mauvais côté, tu dors toujours à droite, déclara-t-il. Mais pour cette fois, j'accepte de te céder la moitié de ma moitié. Tu veux bien ?
Comme elle acquiesçait en silence, Sasuke se redressa pour dénouer la ceinture de son peignoir et le laissa glisser à terre. Sans perdre un seul de ses mouvements, Sakura se mordit la lèvre. Dans le halo diffus que projetait la minuscule lampe de chevet, sa silhouettes musclés et nerveuse se détacha comme une statue sur l'ombre alentour. Un spectacle à la fois magnifique et... troublant. La jeune femme détourna les yeux.
- Tu ne veux pas éteindre ? proposa-t-elle d'une toute petite voix.
Décontenancé, Sasuke se laissa choir sur le bord du matelas, cherchant à déchiffrer le message au fond de ses prunelles. Sakura était écarlate. Oh non, pour rien au monde, il ne voulait manquer le jeu mouvant d'expressions que l'amour inscrirait sur ce visage mobile, d'une infinie délicatesse...
Il s'allongea doucement près d'elle, sa hanche pressée contre les courbes de son corps.
- Je ne veux pas être privé de lumière, Sakura. Car je te désire tout entière, avec tous mes sens, pas seulement par le toucher, l'odorat, mais aussi par la vue. Tu es si incroyablement belle...
Sans cesser de parler, Sasuke s'était penché très bas sur ses lèvres. Du bout de la langue, il les explora lentement, patiemment, jusqu'à ce que, tout naturellement, sa bouche alanguie se fonde avec la sienne.
Comme elle n'offrait aucune résistance, Sasuke s'enhardit et ses mains esquissèrent d'aventureux parcours. Il s'émerveillait de ces voluptueuses découvertes, de l'enivrante douceur de sa peau. Ses caresses se firent pressantes, puis impérieuses tandis que le désir grondait en lui, précipitant ses gestes. Avec exaltation, il nota que le souffle de la jeune femme s'accélérait, devenait saccadé. Et soudain la passion l'emporta, oblitérant tout le reste. Ivre de possession, il s'arqua au-dessus d'elle...
Que se passait-il ? Brutalement ramené au présent, Sasuke ouvrit les yeux. Sakura reposait, livide, les deux poings serrés de chaque côté de sa tête.
- Sakura...
Lentement, elle souleva les paupières et dans les profondeurs de jade de son regard, il lut la vérité. Elle tremblait de peur ! Ce qu'il avait pris pour des manifestations de son plaisir n'avait été rien d'autre qu'une réaction d'angoisse...
- Parle-moi, Sakura ! Qu'as-tu ?
La jeune femme se détourna, srcutant aveuglément le rectangle obscur de la fenêtre.
- Je ne sais pas comment te le dire... Tu attends trop de moi. Je... je ne pourrai être à la hauteur.
- Regarde-moi.
Sakura obéit à contrecoeur. Elle semblait si fragile, si vulnérable, ses prunelles soudain immenses dans son visage pâli et effrayé.
- Es-ce la première fois, pour toi, Sakura ?
- Certainement pas.
Sasuke plissa le front, cherchant à comprendre.
- Qu'y a-t-il alors ? Que crois-tu donc que j'attende de toi ?
A la torture, la jeune femme se raidit. Mais elle ne pouvait se réfugier dans le silence. Plus maintenant. Sakura devait s'efforcer de lui expliquer ces sensations intimes, imprécises, qu'elle n'avait jamais cherché à traduire en mots auparavant.
- C'est que... lorsque tu... je veux dire, nous atteignons un certain stade... Je ne... enfin, ce n'est plus pareil. Non pas que je me sente mal ou que je refuse, mais je n'éprouve plus... ce que je ressentais avant.
- En bref, il arrive un moment ou je déclenche chez toi un sentiment d'anxiété et non plus de plaisir.
Sakura leva vers lui un regard reconnaissant. Il avait trouvé les mots justes. Malgré la peine infinie qu'elle avait eue à s'exprimer, il comprenait tout de même, à sa façon.
- Mais je ne veux pas que tu t'arrêtes pour autant, précisa-t-elle, très vite. Il ne faut seulement pas... m'attendre.
- En fait, tu n'avais pas du tout l'intention de m'en parler. Tu allais me laisser continuer comme...
- Mais je tiens à ce que tu poursuives ! l'interrompit-elle aussitôt, ennuyée qu'il ait mal saisi la nature de son problème.
Tendrement, Sasuke releva une mèche tombée sur son front.
- Oh, Sakura... Pourquoi toujours cette volonté d'affronter les choses toute seule, sans aide ? Tu es tellement résolue à te suffire à toi-même que tu n'imagines même pas ce que cela peut représenter pour deux êtres de... Quoi qu'il en soit, fais-moi confiance, je t'en prie. Juste pour cette fois, pour cette nuit, accepte de te laisser aller.
- J'essaierai, balbutia-t-elle, indécise. Mais je ne suis pas très compétente et...
- Par pitié, Sakura ! explosa-t-il en se dressant sur son séant. Il ne s'agit pas d'une compétition, justement ! Nous voici dans un domaine ou ton éternel souci d'efficacité et de contrôle ne s'applique pas. Il n'y a ni recettes, ni techniques, ni principes, tu m'entends ?
Il avait parlé avec une telle fougue qu'elle se recroquevilla.
- Es-tu fâché, Sasuke ?
- Non, pas fâché... Je cherche simplement un moyen de te convaincre. Simplement, tu ne donnes pas toute la mesure de la passion qui existe en toi. Et j'estime qu'il est temps que ta véritable nature s'épanouisse enfin.
- Je ferai de mon mieux, c'est promis, Sasuke.
Avec une bonne volonté manifeste, Sakura noua les bras autour de son cou et chercha à l'attirer à elle. Mais Sasuke résista.
- Pas comme cela, Sakura...
Il lui prit la main, et déplia un à un ses doigts crispés. Puis avec une grande douceur, il caressa sa paume. D'abord perplexe, Sakura se détendit progressivement. Et soudain, ce fut là. La sensation déclenchée se propageait en elle comme une onde. Jamais, elle n'avait éprouvé un aussi total bien-être !
- Mmm... C'est agréable, soupira-t-elle.
La jeune femme ne chercha même pas à dissimuler la surprise qui transparaissait dans sa voix.
Qu'avait-elle encore à lui cacher. désormais ?
- Très bien, Sakura. A toi, maintenant.
Contrairement à ce qu'elle avait redouté, ce jeu n'avait rien de difficile ! En confiance, elle posa la main de Sasuke au creux de son estomac et s'appliqua à reproduire ses gestes, s'étonnant de l'émotion très physique que ce massage pourtant si banal éveillait au tréfonds d'elle-même. La jeune femme fut presque déçue lorsque Sasuke lui retira sa main, reprenant l'initiative.
Cette fois, il employa toute sa science pour éliminer peu à peu les tensions. Et bientôt, elle s'abandonna, entièrement. Sakura s'offrait à présent avec une sensualité si brûlante qu'il dut lutter pour brider son propre désir. Car pour partager vraiment, il fallait d'abord qu'elle donne à son tour.
Lorsque Sasuke s'allongea sur le dos, la jeune femme se souleva d'elle-même sur un coude. Du bout de l'index, elle traça la ligne de sa mâchoire, puis, animée par une hâte fébrile, Sakura appliqua ses deux mains sur son torse avant de desendre vers sa taille. Le frémissement que produisit en lui sa caresse se répercuta en elle sous la forme d'un long frisson.
- Touche-moi aussi, Sasuke, implora-t-elle en attirant sa main sur sa poitrine. Oui, comme cela.
La jeune femme tressaillit de plaisir, lorsqu'il la couvrit de baisers légers, une jambe passée autour de ses hanches. Assoiffée de lui, Sakura ondula, implorante.
- A quoi penses-tu, Sakura ? s'enquit-il d'une voix rauque.
Tout d'abord, elle ne répondit pas, troublée jusqu'au vertige par la pression de ses mains sur ses hanches.
- Je ne pense pas ! Sasuke, je veux plus, plus...
Ses doigts se mouvaient à présent en haut de ses cuisses. Elle s'arqua, éperdue avant de lui rendre ses caresses.
- Sasuke !
Le cri lui avait échappé sans même qu'elle s'enrende compte. Imminente, irrépressible, la spirale explosive montait en elle, effaçait la réalité extérieure, le lit, la chambre. En proie à une passion dont l'intensité dépassait tout ce qu'elle avait imaginé, Sakura enfonça ses ongles dans ses épaules.
- Ne t'arrête pas, ne t'arrête pas, je t'en supplie, murmura-t-elle, éperdue.
- Mon Dieu, non, Sakura, je te veux.
Sasuke trouva sa bouche tandis qu'elle l'attirait à lui, implorante. D'un mouvement impérieux, il la fit sienne et leurs cris jaillirent ensemble, comme un mutuel écho.
Bien après, Sakura retomba sur l'oreiller, encore tremblante, à la fois comblée, abasourdie et rêveuse. La tête de Sasuke reposait sur sa poitrine et elle entendit son souffle s'apaiser peu à peu. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, il la regardait, les paupières alourdies, un demi-sourire errant sur ses lèvres.
- C'était bien, murmura-t-elle.
Il scruta son visage, savourant le calme qui s'était installé en eux et autour d'eux.
- Tu as eu confiance, Sakura. Tu as accepté d'être toi-même, au lieu de te fermer.
- Mais j'ai l'impression que ce n'était pas vraiment un acte de volonté de ma part ! A ton contact, je... je ne sais pas comment le dire.
Sasuke lui caressa tendrement les cheveux, sachant qu'elle ne trouverait pas les mots pour exprimer l'indicible. Mais il savait aussi que leur étreinte avait laissé en eux une marque indélébile. Lorsqu'un homme et une femme partageaient une expérience comme celle qu'ils venaient de vivre, ni l'un ni l'autre ne serait plus comme avant...
Avec une tendresse mêlée de gratitude, il se pencha pour embrasser ses seins. De son corps tiède et alangui montait son parfum fleuri, entêtant qui galvanisait ses sens.
- Est-ce que je peux rester blottie contre toi, Sasuke ? demanda-t-elle d'une voix ensommeillée.
- Mmm... Du mauvais côté du lit ?
L'éclat mélodieux de son rire réjouit Sasuke.
- Sommes-nous à gauche ? Je ne m'en étais même pas rendu compte !
Elle ferma les yeux, se nichant encore plus étroitement contre lui.
- Ce soir, je pourrais même dormir avec la tête au pied du lit, marmonna-t-elle avant de sombrer dans un profond sommeil.