Neon Genesis Evangelion
Chapitre 4 : Fantômes de verre
880 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 24/04/2025 20:45
Les jours passaient, mais le monde restait silencieux.
Shinji vivait désormais avec Misato, dans un appartement exigu qui sentait le saké tiède, le désordre, et la solitude mal cachée. Il n’y avait ni père, ni mère, ni chaleur véritable. Juste une routine bancale, ponctuée de repas surgelés, de bains partagés en silence, et du bruit du ventilateur la nuit.
Il n’en parlait à personne. Ni de l’Eva. Ni de l’Ange. Ni de la douleur.
Misato faisait semblant de ne pas remarquer. Elle souriait, blaguait, jouait la colocataire joyeuse, mais ses yeux trahissaient la vérité. Elle buvait trop. Elle veillait tard. Elle parlait seule, parfois, croyant qu’il dormait.
— On fait ce qu’on peut, murmurait-elle. Même si personne ne nous a appris comment.
À l’école, c’était pire.
Les autres élèves le fixaient comme un alien. Le garçon qui avait "piloté". Le héros. L’arme humaine.
Mais Shinji ne voulait pas être un héros.
Il voulait juste disparaître.
— C’est vrai que t’as piloté l’Eva ? demanda un garçon blond, au visage trop sûr de lui.
Shinji haussa les épaules. Il n’avait pas envie de répondre.
— Tu crois que t’es spécial ? T’es qu’un larbin de NERV, cracha un autre. On parie que tu mouillais ton slip dans le cockpit.
La voix qui les interrompit était glaciale.
— Fermez-la.
Tout le monde se retourna.
C’était elle.
Rei Ayanami.
Bandages dissimulés sous son uniforme. Regard vide. Posture droite. Elle se tenait là, comme une ombre oubliée.
— Pourquoi tu le défends, Rei ? demanda l’un des garçons. Il est comme ton remplaçant, non ?
Elle ne répondit pas. Elle fixa Shinji un instant, puis tourna les talons et partit.
Il ne comprenait pas. Rien d’elle. Ni sa froideur, ni son silence, ni son regard qui semblait toujours observer quelque chose au-delà du présent. Comme si elle vivait dans un souvenir.
Ou dans un rêve.
Après les cours, Shinji la suivit.
Elle marchait lentement, sans se retourner. Il la suivit à travers les rues dévastées de Tokyo-3, les bâtiments reconstruits en urgence, les rideaux tirés, les enfants absents.
Elle entra dans un immeuble sans ascenseur, monta jusqu’au dernier étage. Il hésita, puis frappa à la porte.
Silence.
Puis elle ouvrit.
L’intérieur de l’appartement était… vide. Pas de meubles. Pas de décoration. Juste un lit, une armoire métallique, une étagère. Des pilules sur une table. Des serviettes tachées de sang dans la salle de bain.
— Tu vis ici ? murmura-t-il, choqué.
Elle hocha la tête.
— Pourquoi ?
— Je n’ai pas besoin de plus.
Il regarda autour de lui. Elle n’avait pas de souvenirs. Pas de photos. Pas même de vêtements de rechange.
Elle n’avait pas de passé.
— Tu… tu vas bien ? demanda-t-il, maladroit.
Elle le fixa.
— Pourquoi poses-tu cette question ?
— Parce que tu t’es blessée. À cause de moi.
Elle baissa les yeux. Puis, lentement :
— Ce n’est pas important. J’ai été conçue pour cela.
Shinji blêmit.
— Conçue… ?
Mais elle ne répondit pas.
Elle se détourna, s’assit sur le bord du lit, et regarda par la fenêtre. La ville brillait sous un ciel violet, zébré de nuages incandescents.
— L’Eva… elle m’écoute, dit-elle soudain. Elle me connaît. Mais toi… elle t’a choisi. Pourquoi ?
Il n’avait pas de réponse. Il ne savait même pas qui il était.
Le soir venu, il rentra chez lui. Misato l’attendait, assise sur le canapé, bière à la main.
— Tu sais, dit-elle sans le regarder, Rei n’est pas comme nous.
— Je sais.
— Elle ne parle jamais d’elle-même. Et Gendo la protège. D’une façon… étrange.
Shinji se crispa.
— Il la protège mieux qu’il ne m’a jamais protégé, murmura-t-il.
Misato soupira.
— Ton père n’a jamais su comment être un père. Mais il est un stratège. Il voit les gens comme des pièces d’échec. Rei est sa reine.
— Et moi ?
— Toi, tu es le roi. Fragile. Essentiel. Remplaçable, mais trop précieux pour être exposé.
Il baissa la tête.
— Je ne veux pas être une pièce.
— Moi non plus, Shinji. Mais parfois, c’est la seule manière de rester sur l’échiquier.
Cette nuit-là, il fit un rêve.
Il était dans une mer rouge, infinie. L’eau montait jusqu’à sa poitrine, tiède, épaisse comme du sang.
Une voix l’appelait. Sa voix.
— Pourquoi es-tu là, Shinji ? Pourquoi continues-tu ?
Il se retourna. Il n’y avait personne.
Juste lui. Et le silence.
Puis une main se posa sur son épaule.
Celle de Rei.
— Nous sommes les enfants du vide, dit-elle dans un souffle. Et ce monde est fait pour nous.
Le matin, il se réveilla en sursaut.
Le téléphone sonnait.
— Alerte de niveau 1, dit la voix métallique. Un nouvel Ange a été repéré.
Shinji ferma les yeux.
Et su qu’il n’aurait plus jamais de répit.