Le secret du triangle Florian

Chapitre 6 : Promenons-nous dans les bois

2394 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 03/07/2014 21:58

 

 

Chapitre VI : Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n'y est pas

 

 

           Je les aime. Je vous aime, je vous aime plus que tout, et je suis désolé.

 

La première page se terminait sur ces mots. Usopp était resté abasourdi. Les notes d’un naufragé…Il trouvait cela fascinant. Effrayant, certes, mais cela l’intriguait. Il n’avait jamais été branché bouquin, même si, contrairement à son ancien capitaine, il lui arrivait parfois d’être intéressé par autre chose qu’un morceau de viande et de se plonger dans un journal, ou bien dans un livre sur les pirates ou les géants d’Erbaf. Il lui arrivait même de discuter archéologie avec Nico Robin, lorsque cela touchait à l’histoire de ces immenses guerriers qu’il admirait tant. Certes, ces moments étaient rares mais il les appréciait. Et les récits de voyage de certains grands marins et pirates faisaient partie des écrits qu’il affectionnait tout particulièrement. Il observa le carnet avec un sourire, heureux de sa découverte.

 

            Il resta assis sur cette plage le temps de lire quelques pages supplémentaires. L’homme qui disait s’appeler Florian s’exprimait dans un langage étonnamment soutenu, détonnant avec sa situation. Sa peur pouvait se lire dans son écriture irrégulière, malgré sa volonté apparente de retranscrire les évènements de la manière la plus neutre et calme possible. La deuxième page était un simple récit du naufrage.

 

            Nous étions en chemin pour les îles Sabaody. Nous devions livrer une quantité incroyable de sucre, qui allait certainement servir à la préparation de confiseries pour le parc d’attraction. J’ai toujours rêvé d’emmener mon fils y faire la grande roue. A cinq ans, ce petit morceau d’être humain est déjà avide d’aventure…

           

Usopp n’avait jamais entendu parler de ces îles. Il se demanda si Luffy allait y faire escale et il se dit que, si le capitaine des pirates au chapeau de paille s’y arrêtait, il allait à coup sûr monter sur cette grande roue.

 

            Le voyage se déroulait sans encombre, jusqu’à ce que l’on arrive dans cette zone étrange. Le ciel s’était couvert et l’océan assombri était parcouru de reflets violets et oranges. C’était magnifique.

 

Usopp observa le ciel et l’océan. Ils correspondaient bien à la description qu’en faisait le marin. Il eut un frisson à l’idée que le jour ne se lèverait peut-être jamais.

 

             Nous ne les avons pas vus arriver. Une horde de pirate a attaqué le navire. Ils nous frappaient, nous attachaient. L’un d’eux, un homme à l’apparence étonnamment banale, dans la quarantaine, me tenait par le col. Il était si près de moi que je pouvais sentir son odeur. Son visage imberbe est la dernière chose dont je me souvienne, avant que la tempête ne fasse chavirer le bateau.

 

Homme dans la quarantaine, visage imberbe. Usopp se demanda si le mystérieux inconnu qui l’avait sauvé, qui semblait si bienveillant bien qu’un peu étrange, n’était pas en réalité plus dangereux qu’il n’y paraissait. N’avait-il pas tiré une balle dans la tête de cette gamine, sans montrer la moindre émotion ? Usopp chassa ses pensées de son esprit. Après tout, il existait bien plus d’un homme qui correspondait à cette description, et le pirate en question était certainement au fond de l’océan désormais.

 

Jordi, mon ami de toujours, m’a amené ici. J’ai perdu connaissance alors qu’il me sauvait de la noyade, et je me suis réveillé, couché sur la plage, à côté des trois autres hommes. Je pense que tous les autres sont morts.

 

Usopp tourna la page. Les deux premières pages ne devaient être que des « introductions ».

 

Jour 1

Quatre hommes. Moi, et trois autres, inconscients depuis trop longtemps déjà. Deux de mes camarades et le pirate qui me tenait en joue avant que l’on ne fasse naufrage. Je les ai soignés, le pirate aussi. Je l’ai attaché à un arbre, j’ai peur qu’il se réveille. Je ne sais pas quoi faire.

            J’ai stocké les vivres ayant échoué avec nous, et j’ai fait un feu à l’entrée d’une grotte, non loin de la plage. En allant chercher du bois, j’ai repéré une source d’eau potable. On ne mourra pas de soif.

            Jordi a disparu. Tout ce que nous avons pour nous nourrir est de l’eau et deux tonneaux de sucre. J’ai rassemblé les objets que nous avons, et cela se résume à un couteau, une espèce de grand tissu vert enroulé autour de la taille du pirate pouvant servir de couverture, une gourde, un log pose cassé, et une besace contenant un scalpel, du sparadrap, quatre seringues d’anesthésiant, un crayon et ce carnet. Je ne sais pas combien de temps nous allons survivre.

 

Ces mots étaient les derniers de cette page. Usopp referma le carnet, non sans regret, et décida de retourner au camp, craignant que l’inconnu ne s’inquiète de son absence.  En levant, il rangea précieusement le livre dans sa sacoche, puis tourna le dos à l’océan.

 

            Le feu crépitait à nouveau au centre de l’île, Usopp voyait la fumée dépasser les rochers qui séparaient la plage de leur campement. L’inconnu était donc bien allé chercher du bois. Le pirate repensa au carnet de Florian, et se demanda lequel des quatre naufragés était l’homme qui l’avait sauvé. Parce que c’était forcément l’un d’eux, n’est-ce pas ? Il exclut l’auteur. Vingt-trois ans, c’était beaucoup trop jeune, cela ne correspondait pas, l’inconnu avait au minimum quarante ans. Les deux autres marins, il ne pouvait pas en écarter l’hypothèse. Quant au pirate, il préférait ne pas y penser. La description physique correspondait, mais pourquoi diable un pirate l’aurait-il sauvé ? Cela n’était pas cohérent. De surcroît, l’idée de dormir à côté d’un homme vraisemblablement dangereux ne le rassurait pas. Sa main se posa sur sa sacoche. Il aurait certainement la réponse à sa question.

 

            L’inconnu était assis près du feu, le regard dans le vide. Usopp s’approcha doucement, essayant de ne pas le déranger. Depuis qu’il avait commencé à lire ce journal, il ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine méfiance envers l’homme qui l’avait soigné. Il ne s’installa donc pas à côté de lui, mais de l’autre côté du bûcher, comme si les misérables flammes qui s’élevaient entre eux pouvait le protéger. Lorsqu’il vit le jeune homme s’asseoir, le visage de l’inconnu se fendit d’un grand sourire. Il semblait réellement heureux.

     - Comment se porte ta jambe ? La blessure n’a pas l’air de s’être ouverte. C’est bon signe ! Tu devrais être rétabli d’ici quelques jours, s’exclama-t-il, visiblement enthousiaste. En attendant, je te conseille de te désaltérer. Ton corps ne supportera pas la déshydratation.

Avec cette découverte, Usopp avait oublié qu’il arborait un immense bandage fait d’un bout de chemise déchirée. Il décida de faire attention, ne souhaitant pas être à nouveau paralysé, ou pire, opéré sans anesthésie. Il s’empara de la gourde que lui tendait le naufragé et en but de longues gorgées.

     - Merci, souffla-t-il. Vous êtes allé chercher du bois ?

Usopp redouta la réponse de l’inconnu. La dernière fois qu’il avait tenté un dialogue, il n’avait eu droit qu’à un froid « cela n’a pas d’importance ».

     - En effet. Le bois sur la plage est humide, cela ne convient pas pour un bûcher. J’ai dû me rendre dans la forêt pour récupérer les branches arrachées par le vent.

Usopp acquiesça, rassuré. L’inconnu était peut-être tout simplement timide, après tout. Usopp lui rendit la gourde et après l’avoir secouée, le naufragé en avala le peu qui restait.

     - Mes mains étaient trop encombrées par les branches, je n’ai pas pu aller nous réapprovisionner en eau, déclara-t-il. J’avais l’intention d’y retourner avant que tu ne reviennes, mais maintenant que tu es là, souhaiterais-tu m’accompagner ?

Usopp était surpris par cette proposition, mais accepta, non sans une pointe de déception. Il aurait aimé pouvoir continuer sa lecture, mais il fallait reconnaître que cette balade en forêt pourrait permettre aux deux Robinson de sociabiliser et pourquoi pas, développer un semblant d’amitié. Ils se levèrent donc et s’éloignèrent du camp dans un silence qui n’était brisé que par le léger crépitement du feu.

 

            S’il n’y avait déjà pas beaucoup de lumière sur la plage, la forêt était plongée dans une pénombre inquiétante. Les quelques rayons de soleil qui traversaient les branches permettaient aux deux hommes de se repérer entre les arbres, et donnaient l’étrange impression que les feuilles sur le sol formaient une mosaïque macabre, tantôt d’un bleu froid et menaçant, presque noir, tantôt d’un pourpre sanglant. Usopp n’était guère rassuré par les ombres des arbres se projetant sur un lit déjà sombre et se rapprochait inconsciemment de son compagnon. Ce dernier était incroyablement calme, habitué à cette ambiance lugubre. Il guidait le pirate, se voulant apaisant.

     - C’est encore loin ? demanda Usopp. J’aime pas trop cet endroit…

     - Nous sommes presque arrivés, lui indiqua son interlocuteur. Nous devrions déjà apercevoir les reflets de l’eau.

Il disait vrai. Il ne fallut pas marcher longtemps avant que les pieds des deux hommes ne trempent dans un lac d’eau pure. Usopp se souvint :

     - Au fait, pourquoi on est pas allés chercher de l’eau à la rivière ? C’est plus près.

     - L’eau est moins pure là-bas. Ici, elle n’est pas polluée par la terre et les rochers.

Usopp estima cette réponse satisfaisante. Ils remplirent la gourde et la moitié du tonneau qu’ils avaient emporté, puis firent demi-tour. Le trajet se fit à nouveau dans le silence le plus total.

Cela permit cependant à Usopp de confirmer ce qu’il avait déjà remarqué à l’aller.

Il n’avait vu, ou entendu, aucun animal. 

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