Les Dragons et les Veilleurs

Chapitre 1

2934 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 22/01/2017 13:23

L’Europe centrale fut la région du continent qui installa le plus grand nombre d’Omniums. Par conséquent, elle fut aussi la plus touchée lorsque les omnics lancèrent leur campagne contre l’humanité. La majeure partie des infrastructures locales furent purement et simplement détruites par les longues années de conflits.

 

Lorsque la Crise Omnium prit fin la région resta instable pendant dix ans, soumise aux contrôles de bandes armées ou de seigneurs de guerre. Cet état de fait exposa particulièrement les populations aux catastrophes naturelles ou aux maladies. Le cas le plus frappant fut l’épidémie de la peste dite « de l’hiver » qui ravagea les pays locaux, malgré la découverte rapide d’un vaccin.

 

Cette situation critique poussa Overwatch à lancer une opération visant à endiguer l’épidémie et stabiliser la région. Ce fut un succès éclatant et pendant dix ans, les pays locaux connurent de nouveau la paix et la prospérité.

 

Mais lors de la chute d’Overwatch, le soutien que l’organisation apportait aux autorités locales cessa. Ces dernières étaient encore trop faibles pour s’en sortir seules et la région ne tarda pas à sombrer une nouvelle fois dans le chaos.

 

« Encyclopédie universel d’internet »

 

*Aujourd’hui*

 

Angela se tenait face à son ordinateur. Sur l’écran, se trouvait un bouton d’appel qu'elle hésitait à activer.

 

Puis, venant de la machine, se fit entendre la voix d’un présentateur d’une chaîne d’information :

 

- Le retour d’Overwatch devient de plus en plus critiqué après qu’une opération impliquant les célèbres agents Tracer et Winston ai débouchée sur la mort de plusieurs dizaines d’otages, capturés par des membres de l’organisation terroriste Talon. Accompagnant le fugitif international Soldat 76 et un tireur mystère, les deux agents ont fait obstacle à des soldats d’Helix Security International, qui souhaitaient intervenir pour libérer les otages.

 

Angela retira sa main et s’éloigna de l’ordinateur, faisant glisser les roues du fauteuil sur lequel elle était assise.

Elle se trouvait dans une belle pièce aux murs blanc, avec une large baie vitrée permettant d’apercevoir la campagne suisse, son pays natal. La pièce comportait une poignée de chaises ainsi que des armoires remplies de livres et décorée de quelques souvenirs. Sur la porte d’entrée se trouvait une plaque où était écrit « Docteur Angela Ziegler, chirurgienne, spécialiste en nano-médecine ».

La docteure était une femme approchant de la quarantaine d’année. Elle avait un beau visage, avec des yeux d’un bleu clair. Ses cheveux blonds étaient coiffés en une queue de cheval mi longue, avec une large frange rebelle. Sa musculature révélait un entraînement physique de qualité, sans atteindre celui d’un soldat ou combattant d’élite. Elle portait une blouse de médecin.

 

- Winston, agent d'Overwatch, a souhaité commenter cet événement, reprit le présentateur. Voici ce qu’il a déclaré lors d’une vidéo publique :

 

- Cette opération a été un fiasco. Je le reconnais pleinement et en accepte ma part de responsabilité. J’ai placé ma confiance dans Soldat 76 et cela a été une grave erreur. A la place, moi et Tracer aurions dû collaborer avec Helix pour lutter contre Talon. Toutefois, je tiens à préciser que le comportement des soldats de cette firme n’a pas non plus été exemplaire lors de ces événements. Eux aussi portent leur part de responsabilité dans ce désastre. Et malgré ce revers, ma volonté de reformer Overwatch reste intacte. Le monde en a besoin. Nous allons apprendre de cette erreur et faire de notre mieux pour qu’elle ne se reproduise plus.

 

Le présentateur reprit la parole :

 

- De fait, plusieurs autres anciens agents semblent avoir rejoint Winston. Parmi eux se trouvent Reinhard Wilhelm et Torbjörn Lindholm, deux membres de l’escouade originale d’Overwatch ayant mis fin à la crise Omnium. L’ONU refuse toujours à tout commentaire sur le sujet.

 

Angela fit lentement tourner son fauteuil tout en regardant le plafond. Elle réfléchissait. Et hésitait. Pendant ce temps, le journaliste continuait de parler :

 

- Focus sur l’Europe centrale maintenant. L’offensive du général Pranciškus se poursuit. Ce puissant seigneur de guerre a juré de ramener l’ordre dans la région, quel qu’en soit le prix. Son armée a écrasé de nombreux groupes de brigand. Mais elle s’en est aussi pris à des anciennes unités militaires ou à des milices d’auto-défense qui refusaient de la rejoindre. On reproche aussi à Pranciškus son mépris des dommages collatéraux ainsi que les spoliations des biens et privations de liberté qu’il impose aux populations vivant sur son territoire. Le général a tenu à défendre lui-même ses méthodes.

 

Nouveau changement de voix. Cette fois c’était un vieil homme qui parlait, avec un ton autoritaire et puissant, dans lequel on pouvait ressentir une détermination inébranlable. Son anglais trahissait un accent des pays baltes :

 

- La faiblesse de nos anciens dirigeants a exposé nos pays au chaos. Je ne laisserais pas cela se reproduire de nouveau. Voilà pourquoi j’applique une tolérance zéro : ou vous êtes avec moi ou vous êtes un obstacle à la paix. Quant aux sacrifices que je demande, ils sont en effet élevés. Mais c’est le prix à payer pour surmonter la crise que nous traversons. Lorsque des bandits régentent les campagnes il n’y a pas de place pour des luxes comme la liberté de critiquer ou la propriété privée.

 

Angela cessa de faire tourner son fauteuil tout en portant ses yeux droits vers l’écran où le journal était diffusé. Le présentateur avait repris la parole :

 

- De ce fait les troupes de Pranciškus ont cerné la ville d’Olomouc, en république Tchèque, actuellement soumise à un intense bombardement. Ils en interdisent toute sortie, bloquant plusieurs dizaines de milliers d’habitants sur place. Toute aide humanitaire est aussi refoulée sous la menace des armes. La maire d’Olomouc a pu donner son point de vue sur la situation.

 

Cette fois, ce fut la voix d’une femme qui s’exprima. On sentait dans ses intonations le poids de la fatigue, de la faim et de la souffrance. Malgré tout, elle faisait beaucoup d’effort pour rester digne.

 

- Toute cette histoire a commencé lorsque le général Pranciškus nous a proposé de lui jurer allégeance en échange de sa protection. Mais notre force d’auto-défense avait déjà réussi à vaincre les bandits qui harcelaient la ville. Aussi avons-nous refusé. L’offre s’est alors transformée en menace et notre nouveau refus a mené à la situation actuelle.

 

Sa voix chevrota un peu :

 

- Nos…nos réserves de vivres sont épuisées. La plupart de notre réseau de distribution d’eau est hors service. Les hôpitaux encore debout sont submergés et nous manquons de médicaments. Notre peuple meurt sous les bombardements. Le seul choix qui nous reste est une reddition totale. Cela reviendrait à nous livrer à un seigneur de guerre autoritaire et brutal. Je supplie le reste du monde de nous venir en aide pour nous permettre d’éviter cela.

 

Le présentateur reprit la parole :

 

- L’ONU a appelé les pays européens à prendre leur responsabilité, à mettre fin à cette crise et à stabiliser la région une bonne fois pour toute. Le gouvernement du Royaume-Uni a répondu être trop affaibli par les conflits sociaux pour intervenir. La Russie a de son côté indiqué que la deuxième Crise Omnium mobilisait toutes ses forces armées. Quant au gouvernement français, il a déclaré que cette affaire était hors de sa zone d’influence et ne le concernait pas. Au vu des difficultés traversées par les autres états, ou de leur manque de moyen, il semble que les habitants d’Olomouc soient contraints de se débrouiller seuls.

 

La docteure ferma les yeux et soupira.

 

- J’espère que je ne vais pas le regretter.

 

Elle rouvrit les yeux, ferma la diffusion de la chaîne d’information et pressa le bouton d’appel.

 

Une minute passa. Puis la personne qu’elle essayait de contacter répondit. Le visage heureux de Winston s’afficha sur l’écran.

 

- Mercy ? C’est bien toi ? demanda le scientifique d’un ton enthousiaste.

 

Angela eut un léger soupir. Six ans avaient passé depuis la chute d’Overwatch mais beaucoup l’appelaient encore par son ancien nom d’agent.

 

- Bonjour Winston. Oui, c’est bien moi.

 

- Quel est la raison de ton appel ? Est-ce que tu as réfléchi à mon précédent message ? Oh…et bonjour aussi.

 

- Overwatch a été dissout pour de bonnes raisons, Winston. Je pense que c’était mieux ainsi.

 

- Mais, allons, Mercy, le monde a besoin de nous. Il y a trop de crises que nous pourrions prévenir pour que nous puissions nous permettre de rester inactifs.

 

- C’est vrai, admit la docteure.

 

Cela fit arborer un grand sourire au scientifique.

 

- Mais je n’approuve pas ce que toi et Tracer avez fait en Chine, poursuivit Angela, sévère.

 

L’expression de Winston devint beaucoup plus grave.

 

- Je ne l’approuve pas non plus, Mercy. Nous avons…j’ai fait une grosse erreur là-bas. Et des innocents en ont payé le prix. Crois-moi quand je te dis que j’en suis profondément désolé.

 

Les regrets du scientifique semblaient sincères. Cela fit adopter à Angela une pose plus aimable.

 

- Je te crois, dit-elle.

 

- Merci. Ton opinion a toujours beaucoup compté pour moi.

 

Angela eut un sourire triste :

 

- Tu étais bien le seul dans ce cas.

 

- Ce n’est pas vrai. La capitaine Amari t’écoutait aussi. Tout comme Gérard.

 

- Mais ni Morrison, ni Reyes.

 

- Oui, il est vrai que tes relations avec ces deux-là étaient plutôt…

 

Il hésita un instant, cherchant ses mots :

 

- Disons que vous n’étiez pas toujours d’accord, déclara-t-il finalement.

 

- C’est peu de le dire.

 

Le scientifique semblait peiné par la tristesse de son interlocutrice. Il ajouta d’un ton plus joyeux :

 

- De toi à moi, Torbjörn m’a récemment avoué qu’il aurait dû davantage t’écouter dans le passé.

 

Angela afficha un sourire amusé :

 

- Il a vraiment dit ça ?

 

- Oui. Ensuite il a ajouté qu’il ne fallait surtout pas te le répéter. Mais … euh…comme il ne m’a pas fait jurer, j’ai le droit, non ?

 

Il parut tout d'un coup sincèrement inquiet.

 

- Bien sûr, Winston, dit la docteure d’un ton très doux.

 

Le scientifique fut tout de suite rassuré.

 

- Revenons aux choses sérieuses. Est-ce que tu as prévu d’agir en Europe centrale ?

 

- C’est dans ma liste de choses à faire, dit Winston en saisissant une tablette de données. Avec s’occuper de Talon, agir contre la deuxième Crise Omnium, enquêter sur les abus commis par Vishkar Corporation, tenter d’arrêter ces deux criminels australiens…

 

- Winston, tout ce que tu énonces est très important. Mais il y a une urgence humanitaire immédiate là-bas.

 

- C’est vrai, Mercy. Mais nous manquons de matériel médical. Et de personne sachant l’utiliser.

 

- Je peux m’occuper de ça.

 

- Alors ça veut dire que tu es prête à revenir avec nous ? A réintégrer Overwatch ?

 

La joie de Winston était presque palpable. Angela se sentit peinée de devoir la contrarier :

 

- J’ai besoin de ton aide et de celle des autres pour agir. En fonction de comment cela se passe, nous pourrons envisager d’autres futures coopérations. Mais réintégrer Overwatch…l’idée m’est déplaisante.

 

- D’accord, Mercy. Cela sera déjà un immense plaisir de travailler de nouveau avec toi.

 

- Je vais avoir besoin de quelques jours pour rassembler du matériel et des volontaires.

 

- Nous serons prêts. Le moment venu, dis-nous juste où vous rejoindre.

 

- Merci, Winston.

 

- Comme je le disais, c’est un plaisir.

 

La communication s’arrêta là.

 

En dépit de ses doutes, Angela était plutôt optimiste.

 

- C’est bien plus facile que dans le passé, commenta la docteure pour elle-même.

 

Tandis qu’elle se calait contre le fauteuil, la docteure se rappela le temps de ses débuts à Overwatch. Des débuts pour le moins difficiles…

 

*Il y a seize ans*

 

- Pourquoi Overwatch ne fait rien pour enrayer l'épidémie en Europe centrale ?

 

La question avait été lancée avec violence et indignation. Angela était en colère et cela se voyait.

 

En face d'elle, se trouvait un Jack Morrison agacé par le comportement de la jeune femme. Les deux se trouvaient dans le bureau du commandant d'Overwatch, dans le quartier général suisse.

 

- Le vaccin que vous avez mis au point a été produit en masse et distribué aux autorités locales. Le reste ne dépend pas de nous.

 

- Ne me faite pas ce coup-là, Morrison ! Vous savez très bien qu'il n'y a plus d'autorité locale là-bas !

 

Cette phrase fit froncer les sourcils de l'américain.

 

- C'est « commandant » pour vous, dit-il d'un ton cassant.

 

Mais cela n’impressionna pas la docteure.

 

- D'accord, répondit-elle froidement. Ne me faites pas ce coup-là, commandant. Vous savez très bien qu'il n'y a plus d'autorité locale là-bas.

 

- Je sais. Donc je suppose que vous voudriez qu'Overwatch se charge de distribuer le vaccin ?

 

- Bien sûr ! Cela est pourtant évident : si personne d'autre ne peut le faire, c'est à nous de nous en occuper.

 

- Le problème, docteur, est que nous n'avons tout simplement pas les effectifs nécessaires pour nous en charger.

 

- Quoi ?! réagit Angela, indignée. Overwatch a les moyens de mettre fin à la crise des Omniums, de détruire l'armée d'un seigneur de guerre ou d'intervenir en cas de catastrophe mais pas de distribuer des vaccins ?

 

- Exactement. Nos agents sont constitués de petits groupes de soldats d'élite qui agissent via des frappes éclair. C'était parfait contre les Omniums. Cela l'est pour détruire une armée régulière. Et tout autant pour envoyer rapidement des secours lorsqu’il y a un tremblement de terre ou une inondation. Mais pas pour occuper et sécuriser sur le long terme une région en proie au chaos. Et c'est ce qu'il faudra faire si nous voulons distribuer vos vaccins.

 

- Voilà ce que je déteste avec vous : je présente une mission médicale et vous la transformez en objectif militaire. Je veux juste enrayer une épidémie, rien d'autre.

 

- Ne soyez pas naïve, docteur. Les bandes armées qui régissent la région pratiquent la prise d'otage. Si nous envoyons là-bas des médecins et des volontaires, ils deviendront juste des cibles. Il nous faut donc les protéger. Et là encore nous n'avons pas assez d'agents formés à ça.

 

Angela pointa un doigt accusateur vers lui :

 

- Lorsque j'ai été recrutée à Overwatch, j'ai énoncé des exigences claires : que mon travail puisse bénéficier à tout le monde et pas seulement aux militaires. Vous, vous vouliez des moyens pour protéger vos agents. J'ai développé tous les projets que vous m'avez confié en deux fois moins de temps que demandé. Maintenant je vous demande de remplir votre part du marché.

 

- Donc, vous voulez quand même mener une mission là-bas même si je vous dis que nous n'avons pas les ressources pour réussir ? demanda Morrison, excédé.

 

- Oui, répondit Angela avec la fougue que donnait la jeunesse et la croyance en des idéaux.

 

- Très bien. Vous aurez un dixième de nos agents pour assurer la sécurité et un fonds spécial pour recruter du personnel, en plus des ressources du service médical. Mais le chef de la sécurité, que je nommerai, aura droit de veto sur toutes vos décisions. Ces conditions ne sont pas négociables.

 

- Très bien, dit la suisse, en se calmant un peu. Merci commandant. Je suppose.

 

- Bonne chance, docteur. Vous allez en avoir sacrément besoin.


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