Les souvenirs perdus

Chapitre 7 : "Je t'aurais un jour Peter Pan, même si je dois y laisser ma peau"

1254 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 30/04/2023 23:58

Le ciel était sombre sur la mer du Pays Imaginaire, il n’y avait aucune brise, aucune vague. Les nuages recouvraient le Jolly Roger d’une ombre pesante, presque palpable. Toute l’île semblait retenir son souffle. Le temps qui normalement était suspendu était maintenant complètement figée. 

Lorsqu’on évoque le pays imaginaire, la première chose que l’on retient, c'est le fait de ne pas grandir et par conséquent l’on conclut que rien ne peut changer. Cela est un peu plus complexe, l’île se protège du changement le mieux possible, mais ne peut pas totalement l’effacer. L'arrivée de James ou de Peter Pan, par exemple, était une grande évolution parmi d'autres. Le Pays Imaginaire peut ressentir l’arrivée des événements de ce genre et à développer un moyen pour s’en défendre. Pour cela, il module le court temps, quitte à arriver au plus proche du point où tout s'arrête instantanément, car plus le temps passe lentement, plus les mouvements sont imperceptibles. Les habitants pouvaient donc évoluer et même grandir pour certains, mais sans que jamais personne ne s'en rende compte. Ce lieu peut être en conséquence très dangereux, on ne peut pas le quitter comme lors d’un voyage de vacances, lorsqu’on décide de partir, on ne peut jamais savoir combien de temps se sera écoulé dans l’autre monde. Il faut être prêt à tout laisser derrière soi, une seconde au Pays Imaginaire peut être une seconde de trop.

C’est dans ce contexte que James retourna sur l’île. Il survolait la mer sans penser à autre chose que sa colère, il se rattachait à cette émotion comme à une corde qui le sauverait de la noyade. C’était tout ce qui lui restait, il avait besoin de cette colère, car il sentait qu’il perdait déjà le fil de ses pensées. Il se souvenait de Lizzie, mais pas complètement : quel était le son de sa voix, son plat préféré ? Tout disparaissait. Les détails de sa vie qu’il avait eu tant de mal à retrouver commençaient déjà à s'effriter dans son esprit. Il avait donc besoin de se rattacher à cette partie de lui-même, aussi négative soit elle. Il voulait se rappeler sa haine pour Peter Pan, il ne se pardonna jamais s’il renonçait à sa vengeance. En se posant sur le pont, Mr. Mouche alla à sa rencontre en le submergeant de questions sur son départ si précipité. James le repoussa sans même un regard. Il marchait droit devant lui, sans s'arrêter, jusqu'à arriver à l'échelle de corde. De là, il monta jusqu’à la voile et resta en équilibre sur la poutre, bien droit. Sa fureur et sa folie le rendaient méconnaissable. Il regarda le rivage et se mit à hurler :

  • Tu voulais t’amuser ? Alors vient ! Je t’attends ! Viens te battre si tu l'oses. ! Amène-toi, petit farfadet volant !  

Il ne vit pas tout de suite Peter Pan. Non, la première chose qui lui fit remarquer sa présence fut le son d’un rire. Le rire le plus joyeux que l’on puisse entendre, celui de l'innocence. Puis, une forme se détacha dans le ciel et lui répondit :

  • Enfin ! Ha haha ! On va bien s’amuser. 

Il s’approcha de James tout sourire :

  • Coucou pirate. Tu veux jouer avec moi ?

James dégaina son épée et se prépara à l’affrontement :

  • Où est ton arme, Petit ? 
  • Je n'ai pas besoin d’arme, je peux te battre à mains nues. Je suis le plus fort.

Pas question que ce duel se finisse aussi rapidement. Il voulait voir la peur de son ennemi monter lentement lorsqu’il comprendra que sa fin arrive et que rien ne pourra l’en empêcher. 

  • Si tu veux me combattre, il te faut une arme. Mr. Starkey!

Un marin aux allures imposantes se retourna. 

  • Donnez-lui votre dague !

Le pirate lança son arme que Peter Pan rattrapa en plein vol. Le duel commença. Il fut d’une violence rare, chaque coup porté, chaque entrechoc des lames résonnait à travers tout le Pays imaginaire. Les créatures de l’île commencèrent à s’approcher de l’affrontement. Il y avait des fées, des sirènes, et d'autres créatures aquatiques. Tous voulaient voir le combat entre le pirate et l’enfant, la colère et l'insoucience, la vengeance et le jeu. 

James prit l'avantage, ses coups étaient rapides et précis. Trop rapide pour le jeune garçon. Il réussit même à le blesser à plusieurs reprises. Mais jamais, il ne voyait le moindre signe de peur. Au contraire, les coups ne le rendaient que plus joyeux. James ne supportait plus la vision de ce morveux, il fallait en finir. Mais Peter qui voyait la colère déformer le visage de son adversaire se mit à rire. Il se moquait ouvertement. James explosa, lui qui était d’habitude stoïque lors de duel, se mit à frapper au hasard. Peter Pan en profita pour contre-attaquer. Il se mit à rire et à frapper en fermant les yeux :

  • Regardez-moi ! Sans les yeux ! Ha haha ! Je suis le plus fort, le plus joyeux ! 

Il porta un dernier coup et un silence s'installa. James ne se rendit pas compte directement de ce qui s’était passé. La douleur n’arriva que plus tard. Première chose qui lui vient à l’esprit, c'était la sensation du sang qui coulait sur son bras, puis il sentit son odeur de fer et enfin, il fit face à la vision de sa main embrochée sur la dague de son adversaire.

  • J’ai gagné ! C’était amusant ! On recommence demain !

Puis, il s’envola. Mais, avant de disparaître dans les nuages, il lança la main de James dans l’eau. Il eut le bruit rythmé d’un Tic-Tac et une énorme gueule de crocodile sorti de la surface pour l’engloutir d’un coup.

Il fallut plusieurs jours pour permettre à la blessure de James de cicatriser et encore plus pour trouver la meilleure solution pour remplacer son membre. Il n’y avait pas de médecin sur l’île, il fallait donc faire avec les moyens du bord. La solution fut de lui confectionner un crochet. Il ne fut pas performant dès le premier essai, mais James fut bien forcé de constater que les modèles que lui confectionnait son équipage devenaient de plus en plus accommodants au fil du temps.

Après cette aventure, le pays imaginaire continua à faire son œuvre sur ses habitants et bientôt personne ne pouvait se rappeler la raison de la haine de James envers Peter et les deux éternels ennemis non plus. Leurs affrontements étaient devenus un rituel, une constante que le Pays imaginaire avait adoptée. L’île avait une telle emprise sur James qu’il finit par oublier toute sa vie, il ne lui restait rien de lui, même pas un nom. Face à L’amnésie de son capitaine, Mr. Mouche commença à l’appeler Capitaine Crochet et finalement, il n’eut plus aucune créature ou habitant se rappelant que cela n’était pas son vrai nom. Le pays imaginaire avait englouti James Griffiths pour laisser place au Capitaine Crochet, le plus redoutable pirate jamais connu de ses eaux.



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