Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 10 : Pris au piège

2445 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/11/2018 18:16

Alain courait à en perdre haleine et naviguait à contre-sens dans la foule, tout en essayant de ne pas perdre Margie des yeux, lorsqu’un inconnu le saisit par la manche. 

- Eh mon gars ! Je sais pas ce que t’as l’intention de faire, mais c’est dangereux par là-bas, tu devrais éviter de…

- Je sais, le coupa le dresseur en se dégageant. 

Le jeune homme continua à se frayer un passage à travers les passants affolés, à la recherche de sa nouvelle et improbable alliée. Il lui sembla discerner l’éclat d’une barrette métallique au loin et reconnut son étrange chevelure couleur lilas. Il parvint à remonter jusqu’à elle et elle lui cria : 

- Tu es sûre qu’elle est là-bas ? 

- Non, je veux seulement vérifier, répondit-il sur le même ton pour couvrir le bruit ambiant. 

Alain avait rencontré la jeune fille peu après sa dispute avec Manon (elle devait d’ailleurs être à peine plus âgée que celle-ci), lors de son passage à la bibliothèque de la ville, où il avait espéré trouver des informations supplémentaires à propos des Ultra-Chimères. Bien sûr, il ne s’était pas attendu à tomber sur quelque chose de capital, pour cela il aurait tout aussi bien pu se renseigner auprès de Vicky ou de Beladonis, mais ce soudain regain d’intérêt pour les créatures inter-dimensionnelles n’aurait rien eu de naturel (autant se balader avec l’ écriteau « j’écoute aux portes » placardé au milieu du front). Il avait néanmoins pensé que les vieilles légendes d’Alola lui auraient permis de se faire une vague idée de leur puissance. Il avait fini par mettre la main sur un ouvrage mythologique qui racontait la création de la vie dans l’archipel par deux entités surgies d’une cavité béante dans la voûte céleste. Il allait entamer le second paragraphe, lorsqu’il avait eu la désagréable impression d’être observé. C’est alors qu’il s’était retourné pour se retrouver nez-à-nez avec l’étrange gamine à la robe rapiécée. Sans la moindre gêne, elle avait tiré un tabouret de sous la table et s’était assise à côté de lui en examinant attentivement la page à laquelle il se trouvait. Puis, elle s’était mise à lui conter la suite du mythe plus en détail. Il avait pu lui poser quelques questions, notamment sur la nature de ces créatures légendaires, qui, il s’en doutait, n’étaient pas des Pokémon au sens propre du terme, mais leur conversation avait été bien vite écourtée par des cris provenant de la rue en dessous.    

Margie et Alain furent à nouveau séparés par un homme qui les bouscula brutalement. Le noiraud manqua de perdre l’équilibre et heurta sans le vouloir un petit garçon qui se trouvait derrière lui. Il se dépêcha de relever l’enfant déboussolé, le porta jusqu’à l’échoppe la plus proche et le confia à la gérante. 

- Attends-moi ici, je reviens, lui dit-il avant de repartir précipitamment. 

Le dresseur lutta pour rejoindre la jeune fille et réussit à la rattraper à nouveau. 

- On est encore loin ? lui cria-t-il.

- Non, plus que quelques mètres. Mais ne t’inquiète pas, je suis certaine que Tonton Danh est déjà sur le coup.

Ne pas s’inquiéter ? Plus facile à dire qu’à faire avec une compagne de voyage qui avait le don de disparaître dans les pires moments… 

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Il était trop tard pour fuir, il fallait l’affronter ou essayer tout du moins. Manon eut à peine le temps d’aligner ces pensées, que la créature se précipita sur eux en poussant un cri aigu, semblable à un sifflement rageur. Le Pokémon plante et la dresseuse s’écartèrent in extremis et l’Ultra-chimère termina sa course contre le mur derrière eux, le fracassant au passage. La jeune fille se releva en hâte, attrapa Marisson et se mit à courir vers le rivage. Maintenant qu’ils étaient repérés, autant tenter le tout pour le tout et essayer de traverser à la nage les quelques mètres d’eau qui les séparaient de l’autre côté. Mais elle n’eut pas le temps d’aller bien loin, car la bête, qui n’avait pas tardé à reprendre ses esprits, achevait de s’extraire des décombres. En désespoir de cause, Manon plongea derrière l’un des grands parasols renversés de la terrasse dévastée et pria pour que l’Ultra-Chimère se lasse et retourne saccager le reste du parc. Mais malheureusement, le cri strident qui retentit non loin d’eux lui indiqua que la créature n’était pas de cet avis. La jeune fille se recroquevilla un peu plus contre la toile et tint Marisson serré contre elle. Cette attente avait quelque chose d’insoutenable. Certes, elle s’était déjà retrouvée en présence de Pokémon légendaires et sentie démunie face à leur incommensurable puissance, mais ils se battaient alors pour des enjeux qui la dépassaient totalement. Ils n’avaient été pour eux que de simples gêneurs momentanés qu’ils s’étaient empressés de chasser tels des insectes un peu trop insistants. Or, cette fois-ci, les choses étaient différentes, car c’était véritablement après eux que la bête en avait. De là où elle était, Manon devinait la soif de meurtre qui agitait chaque cellule de la créature. À vrai dire, elle avait même l’impression que ce torrent de violence et de colère s’insinuait en elle, l’assaillait, l’écrasait même. Quelque chose frôla le tissu et la jeune fille retint son souffle. Elle étouffait. L’étau qui lui emprisonnait la poitrine ne cessait de se resserrer, son crâne la lançait atrocement et les images du cauchemar de la nuit précédente lui revinrent par flashs. L’obscurité, le froid, la grotte, la douleur, l’angoisse, la possibilité de mourir à chaque instant… Aussi, lorsque le parasol s’envola, les laissant à découvert, elle ne parvint pas à réagir et resta prostrée à terre. Sa conscience prise au piège entre le rêve et la réalité demeura sourde aux appels de Marisson qui en dernier recours, s’interposa entre elle et l’Ultra-Chimère. Le Pokémon plante tenta de lui opposer une attaque « Fouet liane », mais il fut aussitôt balayé au loin par un puissant coup de tentacule. À terre et à bout de forces, le hérisson mobilisa toute sa volonté pour faire bouger ses membres qui lui paraissaient maintenant aussi lourds que de la pierre, mais en vain. Il resta cloué au sol et fut forcé d’assister impuissant à la scène. La créature flottait devant sa pauvre dresseuse amorphe et s’apprêtait à l’emprisonner dans ses membres gélatineux. Le Pokémon plante essaya de bouger à nouveau avec l’énergie du désespoir et cria de détresse lorsque le visage de la jeune fille disparut dans la masse flasque et immaculée. 

- Persian, utilise « Bluff » ! 

Un éclair gris foncé surgit de derrière les décombres et vint frapper le bulbe translucide à l’extrémité de l’Ultra-Chimère. Sous l’effet du choc, la créature rétracta ses tentacules, libérant du même coup Manon, et se retrouva un instant paralysée. Une silhouette profita de ce moment d’inattention pour se précipiter vers la jeune fille à demi consciente et la charger sur une épaule avant de se mettre à courir le plus loin possible. Une succession de tremblements et un fort bruit de respiration en continu permirent à Manon de déduire pendant ses brefs instants de lucidité que quelqu’un l’emportait loin du danger. Elle ferma les yeux pour éviter de se sentir mal et se détendit à mesure que les visions et son horrible mal de crâne s’estompaient peu à peu. Les secousses cessèrent brusquement et la rouquine glissa de son perchoir pour se retrouver assise par terre dans le gazon. 

- Eh toi ! la secoua quelqu’un. Allez réveille-toi ! 

- Hein… euh… ? fit la jeune fille hébétée en clignant des yeux.

- Allez reprends-toi et tire-toi de là pendant qu’on lui règle son compte !

Manon reconnut l’homme qui lui avait rendu son chapeau et mit quelques secondes avant de réagir. 

- Tu m’as compris !? Va-t’en ! insista-t-il en appuyant ces derniers mots. 

La jeune fille se releva en s’aidant du tronc de l’arbre derrière elle et remarqua une grande bogue verte qui dépassait du tapis d’herbe coupée au millimètre près. Une boule se forma dans son estomac et elle força ses jambes engourdies à la porter jusqu’à là-bas le plus vite possible. Elle se laissa tomber auprès de son Pokémon et s’empressa de le prendre dans ses bras pour s’assurer qu’il allait bien. Couvert d’égratignures et exténué, Marisson parvint néanmoins à émettre un petit cri rassurant. La jeune dresseuse le serra brièvement contre elle avec précaution avant de le faire rentrer dans sa Poké Ball. 

Le combat se poursuivait au niveau du restaurant. L’homme au blouson noir avait rejoint son Pokémon et tous deux faisaient face à l’Ultra-Chimère plus furieuse que jamais. Celle-ci multipliait les assauts et ne leur laissait aucun répit. Le duo esquivait et ripostait à coup de « Vibrobscur» et de « Rayon Gemme » tout en guettant une ouverture. 

Manon frissonna à l’idée qu’il lui faudrait certainement passer devant eux si elle voulait rejoindre l’autre pont. Elle devrait se montrer à la fois rapide et discrète et cette fois-ci, elle ne pouvait plus compter sur l’aide de Marisson. Elle regretta plus que jamais l’absence de Bébé, qui devait être en train de se prélasser au milieu d’un champ de fleur en ce moment même. C’est que Sophie devait rejoindre des membres de sa famille à Floraville, dans la région de Sinnoh à l’occasion de la fête de la gratitude qui avait lieu un jour par an et durant laquelle il était coutume d’offrir à ses proches des fleurs de Gracidées pour exprimer sa reconnaissance. L’oncle de Sophie, qui était un célèbre horticulteur, faisait pousser les plus belles fleurs de Gracidées de toute la région et également les plus prisées. C’est pourquoi à cette période de l’année, son petit commerce croulait sous la demande et toute la famille sans exception venait mettre la main à la pâte. Bébé était tombé sur des photos de l’évènement que la scientifique avait oubliées dans le salon et avait été littéralement fasciné par le décor enchanteur. Sophie avait proposé de l’emmener avec elle et devant l’enthousiasme du Pokémon fée, Manon n’avait pu qu’accepter. 

Prenant son courage à deux mains, la jeune fille inspira un grand coup, expira et se mit à ramper à travers les taillis. Elle manqua de s’éborgner plus d’une fois à cause des branches basses qui surgissaient devant son visage sans prévenir et dut à quelques reprises s’arrêter pour se libérer de celles qui s’accrochaient à ses vêtements, mais elle progressait à une allure régulière. Arrivée au bout de la première zone forestière, elle ne put s’empêcher de jeter un bref coup d’œil par-dessus la végétation pour voir comment l’homme et le chat se débrouillaient. 

Le Pokémon dont le pelage gris était maculé de terre ne semblait pas être en grande forme, mais il tenait bon. Il esquiva une nouvelle salve de pierres incandescentes et atterrit à côté de son dresseur. 

- Bon on n’a pas toute la journée non plus, remarqua celui-ci en ôtant le pendentif en cristal de son cou. 

Il imbriqua la pierre noire comme la nuit dans le bracelet qu’il portait au poignet gauche et effectua un mouvement fluide en partant depuis le sol. Le cristal s’illumina et le Pokémon chat fut enveloppé par une lumière intense. Il ouvrit la gueule et cracha une boule d’énergie obscure qui se déploya en un gigantesque trou noir au contact de l’Ultra-Chimère et qui l’avala avant d’exploser. Manon s’aplatit contre le sol afin de se protéger de l’onde de choc et lorsqu’elle releva la tête, la créature était au tapis et reposait sur un tas de gravats. 

- Voilà qui est fait, fit l’homme en caressant brièvement la tête de son Pokémon, reste plus qu’à… 

Il interrompit son geste. 

- C’est pas vrai, fichu sac… pesta-t-il, y va falloir que je retourne le chercher… Pas moyen de capturer ce stupide Zéroïde sinon…

Maintenant que la situation était sous contrôle, Manon s’extirpa des taillis et s’apprêtait à rejoindre son sauveur pour le remercier, lorsque l’Ultra-Chimère se volatilisa à nouveau. 

- Qu’est-ce qui s’est passé ? cria-t-elle en avançant dans la zone découverte.

- Qu’est-ce que tu fais encore là toi ? s’écria l’homme alarmé. Va-t’en tout de suite reste surtout pas là, elle peut nous attaquer n’importe quand !

- N’importe…. Quand… ? demanda la jeune fille, la gorge nouée. Mais je croyais qu’elle avait été… 

Elle fut coupée par un horrible sifflement et l’Ultra-chimère réapparut juste devant elle. 

La jeune dresseuse terrifiée tomba à la renverse, à nouveau pétrifiée. 

La bête ne perdit pas de temps et se mit à sécréter une substance acide dont les quelques gouttes tombées au sol brulèrent instantanément la végétation. 

La voix de l’homme lui parvenait comme à travers une barrière de coton et son horrible migraine commençait à reprendre le dessus. Sa vision se brouilla et Manon se dit que cette fois-ci, elle n’en réchapperait pas. 


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