Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 14 : Crépuscule

5264 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 30/07/2019 09:03

Des peluches...

Une véritable armée de doudous colorés qui s'étendait du sol au plafond et qui aurait suffi à dissuader n'importe qui de sensé et tenant un tant soit peu à ses pauvres rétines d'entrer.

Cependant, sensé, ce n'était pas vraiment l'adjectif qui correspondait le mieux à Manon. Il aurait dû le savoir depuis le temps... La jeune fille contemplait la vitrine envahie de petits êtres de fourrure flippants, des étoiles plein les yeux.

- Wouaah ! Elles sont vraiment trop belles ! s'exclama-t-elle au comble de la joie. Pas vrai ? lui demanda-t-elle en attendant son approbation.

Alain jeta un œil à une peluche Mélofée dont l'expression boursouflée rappelait celle d'une vieille tante dont la chirurgie esthétique aurait mal tourné et eut bien du mal à lui donner raison.

- Euh... ouais... lâcha-t-il peu convaincu.

Sa réponse parut convenir à sa compagne de voyage qui, tout en conservant son optimisme, l'attrapa par le bras.

- Allez tu viens ? On entre ?

Comment ça « on » !?

- A-Attends... ! la stoppa-t-il. Tu devrais y aller toute seule.

- Pourquoi ? demanda la rouquine légèrement attristée en refusant de lui lâcher le bras.

Deux femmes, probablement des mères de famille, passèrent derrière eux. Alain surprit leurs sourires attendris et sentit ses joues chauffer un peu.

- Je t'attends dehors, déclara-t-il intraitable, en essayant de masquer son trouble.

- Mais il fait beaucoup moins chaud à l'intérieur, toutes les boutiques sont climatisées, lui assura la jeune dresseuse pour tenter de le convaincre.

- Je n'ai pas chaud, affirma-t-il en repoussant doucement son bras.

Le regard d'Alain tomba sans faire exprès sur les deux femmes, maintenant debout de l'autre côté de la route, devant les escaliers menant à la plage où ils avaient rencontré le Trépassable. Elles étaient trop loin pour qu'il puisse entendre leur conversation, mais au vue des regards peu engageants qu'elles lui jetaient, il n'eut pas de mal à en saisir le sujet. Il comprit qu'à leurs yeux il venait de passer du gentil jeune homme attentionné à quelque chose comme « un égoïste sans cœur » ou encore à « un radin aigri ». Il lui semblait pouvoir entendre leurs reproches à distance.

« C'est qu'à cet âge-là, les jeunes ne pensent qu'à leur pomme. »

« Comment peut-il refuser ça à une jeune fille si adorable ? »

« De mon temps, les hommes savaient se comporter en gentleman ! »

Etc...etc...

Alain soupira et se résigna.

- D'accord, c'est bon je viens.

- C'est vrai !? demanda Manon ravie. Hourra ! s'écria-t-elle avant de pousser la porte de la boutique qui portait le doux nom de (quelle originalité...) « Poké'pluche ».

Le jeune homme disparut à sa suite, pressé d'échapper aux regards accusateurs des deux femmes.

L'intérieur du magasin était plus grand que ce que la façade du bâtiment pouvait laisser présager. L'endroit s'étirait dans la longueur et les deux immenses étagères contre les murs étaient pleines à craquer de peluches Pokémon en tous genres. Et comme si ce n'était pas assez, l'espace entre l'entrée et la caisse était occupé par plusieurs rangées de bacs débordants, dans lesquels se mêlaient des montagnes de fourrures chatoyantes.

Alain était prêt à parier qu'il y avait plus d'espèces de Pokémon réunies dans ces vingt mètres carré que dans l'immense jardin du laboratoire du professeur.

Le dresseur salua vaguement la vendeuse d'un signe de tête et l'écouta distraitement annoncer à sa coéquipière que leur offre de la semaine consistait à donner en cadeau une troisième peluche pour l' achat de deux « Poupées Pokémon » de plus de 2'000 pokédollars.

Gonflée à bloc, Manon courut s'emparer d'un panier et se mit à fouiller dans les bacs pour y dénicher quelques « trésors ». Tout en cherchant, elle lui expliqua combien ces « Poupées Pokémon » étaient hors de prix à Kalos et combien c'était un chance d'en trouver de si bon marché ici...

Au bout du troisième bac, elle tomba sur un étrange Salamèche au nez aplati et le lui présenta fièrement.

- Tadam regarde ! dit-elle en souriant. Il est pour toi celui-là !

- Ce Voldemort ? fit Alain en arquant un sourcil. Très peu pour moi je préfère l'original.

La jeune fille rit de sa remarque et rangea le Pokémon, affectueusement renommé « Salamort » au fond de la caisse. Elle finit par sélectionner trois peluches et lui demanda s'il pouvait lui en conseiller une de plus. Le dresseur remarqua une peluche Griknot posée sur le quatrième rayon d'une des étagères.

- Celle-là est plutôt pas mal, dit-il en désignant la « Poupée Pokémon » hors de portée de la rouquine.

Il s'avança pour la prendre et la lui donna.

- C'est vrai qu'il est vraiment bien fait, s'extasia Manon en l'admirant sous toutes ses coutures. On dirait presque qu'il est prêt à se battre ! Imagine qu'il t'attaque maintenant, tu ferais quoi ? fit-elle en tendant la peluche vers lui d'un air menaçant.

- Euh... eh bien, réfléchit Alain pris au dépourvu, je riposterais avec une attaque « Blizzard » rétorqua-t-il en attrapant une Poupée Momartik.

- Et s'il l'évite ? lui demanda Manon avec un air de défi en faisant sauter le Griknot sur un tas de peluche.

- Je l'attaque avec « Onde Folie » et je profite de sa confusion pour le mettre K.O, comme ça, déclara-t-il en donnant un coup au Griknot avec sa propre peluche.

Pendant un instant, le dresseur se demanda ce qu'il lui avait pris ; c'est qu'il avait un peu passé l'âge de jouer à la poupée...

Mais il cessa immédiatement d'y réfléchir lorsque le rire cristallin de la jeune fille résonna dans la pièce.

- Oh, nooon, tu m'as battue ! s'exclama-t-elle en portant la main à son cœur dans un geste caricatural.

Soudain, un grand fracas, suivi d'un cri retentirent dans la boutique.

Les deux dresseurs échangèrent un regard alarmé et se précipitèrent vers la source du bruit. Ils trouvèrent la vendeuse assise au milieu d'une multitude de porte-clés en peluche dans la minuscule pièce derrière la caisse, juste à côté d'un grand carton vide. Ils l'aidèrent à ramasser les mini-Pokémon dissidents et elle les remercia chaleureusement en leur expliquant que c'était son premier jour ici, tout en s'excusant encore de sa maladresse. Elle insista pour leur offrir à chacun un porte-clés et les Kalosiens purent choisir celui qu'ils préféraient (enfin il est plus exact de dire que c'est Manon qui s'en chargea, mais elle prit tout de même un mini-Dracaufeu pour son ami).

Après avoir craqué pour une dernière peluche (un Munna plus exactement), Manon passa en caisse. La vendeuse lui remit deux énormes sacs contenant les six « Poupées Pokémon » qu'elle avait choisies et elle quitta la boutique, le cœur presque aussi léger que son porte-monnaie. Mais à peine eut-elle franchi le pas de la porte qu'elle buta contre une grille d'égout légèrement surélevée, masquée par les deux immenses sacs en plastique aux couleurs de la boutique qu'elle trimballait. Elle fut rattrapée de justesse par Alain, qui la tint le temps qu'elle retrouve son équilibre.

- Donne-moi ça, dit-il en attrapant l'un des deux sacs.

- Merci, fit la rouquine reconnaissante tout en remarquant que des deux, il avait choisi celui entièrement rose aux motifs de Lovdisc et de Mélofée.

S'il s'en était rendu-compte, Alain ne laissa rien paraître et continua à avancer normalement.

Ils déambulèrent dans les rues d'Ekaeka, bien animées en cette fin de journée et s'arrêtèrent brièvement au centre commercial de la ville pour acheter de quoi manger. Ils prirent le chemin du bord de mer afin de trouver un joli endroit où pique-niquer et s'installèrent sur un banc juste en face d'un petite terrasse décorée dans le style typique de la région où avait lieu un spectacle de danse donné par trois Pokémon oiseaux colorés que Manon reconnut comme des Plumeline. Absorbée par les mouvements gracieux des oiseaux danseurs, la jeune fille en oublia presque son sandwich qui peinait à diminuer. La prestation terminée, la dresseuse applaudit à tout rompre et se promit de se renseigner sur les potentiels Pokémon danseurs de la région de Kalos.

Leur repas engloutis, les assistants du professeur Platane se remirent en route et profitèrent des derniers rayons de soleil pour se balader sur les quais au bord de l'eau, bercés par la douce mélodie des vagues. Ils parlèrent de tout et de rien. Il lui fit part des récits de ses combats de la journée précédente, qu'il avait passée au « Dôme Royal » situé sur l'île d' Akala et elle lui raconta les quelques anecdotes qui avaient rendu son séjour à l'infirmerie à peine moins ennuyeux, dont sa préférée :

Une apprentie infirmière qui ignorait apparemment les raisons de son isolement était entrée dans sa chambre recouverte de la tête aux pieds par une combinaison anticontamination jaune poussin et une paire de bottes en caoutchouc marron. Cependant son visage s'était vite décomposé à la vue de la tablette de paracétamol posée sur le petit chariot à côté de son lit qu'elle prenait contre le mal de tête et elles s'étaient retrouvées à se regarder dans le blanc des yeux tout aussi perplexes l'une que l'autre.

- Pendant un moment, j'ai cru que je rentrais d'une balade dans un champ radioactif ou que j'étais devenue un danger pour l'humanité, s'esclaffa la jeune fille alors qu'ils passaient devant un immense voilier.

- Crois-moi, si c'était le cas, je serais dans les premiers à m'en rendre compte, rétorqua Alain, amusé.

La rouquine lui demanda quelles seraient, selon lui, les signes d'une exposition prolongée à la « Manonactivité », ce à quoi il répondit que les premiers symptômes en seraient probablement le port de chemise flashy à grosses fleurs multicolores.

Ils firent une halte à l'appontement un peu plus loin pour admirer le coucher de soleil d'Alola.

- C'est beau, souffla Manon en contemplant la subtile palette de tons orangés qu'avait pris le ciel et dont les reflets enflammaient l'océan.

- Maa, murmura Marisson perché sur son épaule, absorbé par la magie de l'instant.

La jeune dresseuse jeta un regard furtif à son compagnon de voyage qui regardait à l'horizon, perdu dans ses pensées et songea avec tristesse qu'elle aurait tout donné pour retenir le soleil encore un peu.

Ils restèrent là jusqu'à ce que la mer avale l'astre tout entier, laissant place à l'obscurité que la jeune fille avait fini par redouter.

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Une pierre lisse et brillante à peine plus grande qu'une Gemme Sésame et qui pourtant irradiait la même énergie ancestrale. Alain était de retour dans sa chambre et tentait de percer le mystère du cristal rouge translucide au creux de sa main, assis sur son lit.

Une Pyrozélite...

Il savait par Althéo qu'un bracelet Z était nécessaire à son activation, mais c'était à peu près tout. Peut-être qu'à l'instar d'une Méga-Évolution, il suffisait d'un lien puissant entre dresseur et Pokémon pour enclencher le processus ?

Il avait reçu le cristal Z de Margie qui le lui avait remis de la part de l'un des Capitaines de l'île d'Akala en guise de remerciement pour avoir aidé le petit garçon de l'autre jour qui s'avérait être son cousin. Il n'avait malheureusement pas pu demander à la jeune fille plus de précisions au sujet du fonctionnement des capacités Z car la réunion était sur le point de commencer.

Une réunion riche en informations...

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Alain avait été convoqué dans la salle de conférence, juste à côté de la pièce où il avait surpris la première réunion de crise à propos des Ultra-Chimères. Il aperçut quelques têtes connues dans l'assemblée en plus de Margie, comme Althéo et l'agent Beladonis, assis au premier rang, en compagnie de quelques hommes en uniforme de police. Le jeune homme ne savait que penser. Pourquoi l'avait-on fait venir ici alors qu'il était censé n'être au courant de rien ? Lorsqu'il posa la question à Margie, à sa gauche, elle lui répondit tout naturellement :

- Je pense que Tonton Danh a dû leur parler de tes exploits lors de sa dernière visite et qu'ils ont jugé bon de te mettre au parfum.

Le silence se fit dans la salle lorsque Gladio monta sur l'estrade suivi de Vicky, de l'ex-directeur Saubohne, et de Cathy des forces de police internationales.

- Bonjour à tous et merci d'avoir pris la peine de vous déplacer jusqu'ici, déclara le président de la fondation. Je ne vais pas me perdre en paroles inutiles et vous présenter immédiatement l'état des faits : grâce à une collaboration étroite avec le C.R.I, nous avons pu établir un carte précise des micro-brèches provoquées par l'explosion du Portail Interdimensionnel.

Il fit signe à Vicky qui alluma l'écran au-dessus de l'estrade. Un plan d'Alola, dont certaines régions étaient marquées d'un point rouge, apparut derrière Gladio. Alain remarqua qu'il y en avait un en plein sur la ville de Malié. Un murmure s'éleva dans la salle et l'adolescent reprit :

- Comme vous pouvez le voir, leurs emplacements coïncident parfaitement avec les rapports d'attaques de ces derniers jours.

De vives protestations retentirent dans l'assemblée.

- Sacrebleu y en a bien trop ! s'écria une fille de petite taille à l'accent campagnard très prononcé.

- Et même au-dessus de l'océan ! renchérit la jeune fille aux couettes vertes juste à côté d'elle.

- Du calme, intervint Cathy en s'avançant au niveau de Gladio. Le Pôle Lié aux Opérations Ultra-Chimères a mobilisé davantage d'effectifs sur cette affaire, dont une unité qui surveille les failles en mer en ce moment même. Cependant, nous n'arriverons pas à couvrir tous les emplacements à nous tout seuls. C'est pourquoi nous sollicitons l'aide des Capitaines, des Doyens et des forces de police de la région une nouvelle fois. Nous vous incitons à rester vigilants et à poursuivre les tours de garde établis lors de la dernière réunion. Je vous prierais donc naturellement de transmettre toutes ces nouvelles informations à vos collègues chargés de la surveillances des micro-brèches en cet instant et qui n'ont pas pu faire le déplacement.

- Merci Cathy, la coupa le président de la fondation Æther, je voudrais tout de même vous rassurer en vous disant que d'après nos observations, les micro-failles ont tendance à se résorber d'elles-mêmes et ce, plutôt rapidement. Enfin, ça ne veut pas non plus dire qu'elles se refermeront du jour au lendemain, mais nous avons déjà pu constater une petite diminution lors des dernières heures.

Cette nouvelle fut accueillie par une vague de soulagement.

- Maintenant venons-en au principal, déclara Gladio, la mine sombre.

La foule se tut aussitôt, comme frappée d'un mauvais sort.

- Ce que je viens de dire est vrai pour presque toutes les micro-brèche. Il marqua une pause, sauf pour une.

L'écran zooma sur un pique rocheux de l'île de Poni, couvert en rouge foncé.

- L'Autel du Soleil, souffla Margie, inquiète.

- Nous n'avons vu aucune amélioration concernant la faille de l'Autel du Soleil, qui se trouve être la brèche la plus importante.

- C'est n'importe quoi ! s'indigna un policier rondouillard au premier rang. Ça va encore durer combien de temps toute cette histoire ?! Y en a marre de payer les pots cassés de vos expériences ratées de savants fous !

Les yeux d'Alain tombèrent sur les traits crispés de Saubohne qui devait bouillir de colère. Mais avant que le scientifique ne puisse faire taire l'importun à l'aide d'une des ces remarques acides dont il avait le secret, une voix calme et posée s'éleva au coin de la pièce et répondit tout naturellement :

- Un peu moins d'une semaine.

Beaucoup de têtes se tournèrent pour apercevoir celui qui avait parlé.

L'homme ne leur prêta aucune attention et avança jusqu'à l'estrade, les yeux rivés sur une tablette numérique.

- Les micro-brèches devraient disparaître d'ici une semaine tout au plus, affirma-t-il tout en rehaussant ses lunettes. Quant à la faille de l'Autel, je ne peux pas encore me prononcer, car comme vient de le dire Monsieur le Président, dit-il en regardant Gladio, elle ne présente aucun changement pour le moment.

- Que... quoi ? fit le policier d'un air hébété. Vous êtes qui vous ?

- Pardonnez mon impolitesse, s'excusa l'homme à l'allure de scientifique, je me nomme Nikolaï et je collabore avec la fondation Æther afin de régler cette crise au plus vite.

- Excusez-moi, se manifesta un homme d'une trentaine d'année, vêtu d'une veste bleue et qui arborait une paire de lunettes à la monture épaisse, mais pouvez-vous nous dire pourquoi cette brèche-ci se comporte différemment des autres ? Est-ce que cela aurait quelque chose à voir avec son emplacement ?

- C'est l'hypothèse la plus probable, confirma Nikolaï. L'Autel du Soleil est en quelque sorte un « lieu frontière » duquel il est plus facile d'accéder à l'Ultra-Dimension au vue de son lien étroit avec les créatures mythiques de la région.

- Vous voulez dire que c'est à cet endroit que la limite entre notre monde et l'Ultra-Dimension est la plus fine ?

- C'est ça, acquiesça le scientifique, et la présence élevée d'Ultra-particules doit d'une manière ou d'une autre contribuer à alimenter la faille et l'empêcher de se refermer normalement.

Nikolaï répondit encore à quelques questions avant que Gladio et Cathy ne reprennent le contrôle de la situation et ne discutent des questions d'ordre pratique, notamment d'une surveillance accrue de l'Autel du Soleil.

La réunion toucha à sa fin et la salle se vida progressivement. Alain se levait pour rejoindre la porte lorsque quelqu'un l'attrapa par l'épaule. Le jeune homme reconnut la sous-directrice de la fondation.

- Est-ce que je peux vous parler un instant ? lui demanda-t-elle d'un air sérieux.

Il accepta et elle l'emmena au coin de la pièce.

- Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous ai fait venir ici... commença Vicky qui semblait guetter sa réaction.

- Un peu, se contenta-t-il de répondre, impassible.

- Eh bien dans un premier temps, après ce qui s'est passé à Malié, j'ai pensé que vous aviez le droit de savoir...

Alain n'ajouta rien et hocha la tête pour l'inviter à poursuivre.

- Mais ce n'était pas ma seule intention... poursuivit la jeune femme en secouant la tête. Je sais qu'après l' « incident », je n'ai aucun droit de vous demander ça mais... j'aimerais solliciter votre aide.

- Mon aide... répéta le jeune homme.

- Oui, la situation est critique en ce moment... Plus que ce nous avons laissé entendre... lâcha-t-elle la mine sombre. En vérité la brèche de l'Autel ne se contente pas de rester figée, elle continue à s'étendre davantage. Nous ne savons pas encore à quoi tout cela va mener, mais si quelque chose de grave se produisait, nul doute que nous aurions besoin de dresseurs puissants. Je ne vous demande pas de prendre part aux patrouilles, seulement d'être là au cas où... l' on devrait faire face à une menace plus grande.

- Je vous aiderai, déclara Alain, mais à une condition.

- Laquelle ? l'interrogea Vicky visiblement soulagée.

- Je ne veux plus que Manon soit mêlée à tout ça. En aucune manière.

- C'est compris, je ferai tout pour la tenir à l'écart, acquiesça la sous-directrice.

- Merci, fit le dresseur reconnaissant.

- Quitte à lui mentir, cela vous convient ? lui demanda-t-elle préoccupée.

- S'il le faut oui, accepta-t-il déterminé.

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Alain attrapa son sac et rangea le précieux cristal dans la poche extérieur. Il referma la fermeture-éclair et s'apprêtait à le reposer lorsqu'un éclat orange attira son attention. Il posa la sacoche sur ses genoux et se retrouva nez-à-nez avec un Dracaufeu miniature accroché à la bandoulière. Il soupira en secouant la tête et sourit. Manon devait avoir une toute autre définition que lui du mot « non »... Elle l'avait probablement accroché là quand il avait le dos tourné, et ce malgré toutes les fois où il avait insisté pour qu'elle le garde... Il attrapa le porte-clés et commença malgré lui à se sentir coupable. Et s'il avait tort ? Elle avait bien vu ce qui s'était produit à Malié. Peut-être qu'après tout, elle méritait de savoir elle aussi... ? Puis, il revit la fois ou la jeune fille s'était précipitée à son secours sans hésiter au beau milieu d'un combat féroce entre deux Pokémon légendaires, puis celle où il l'avait trouvée en larmes, désespérément accrochée à Lysandre. Enfin il la revit à terre, inconsciente à gémir de douleur devant ce qu'il restait du Portail et serra la dents.

Non, il ne laisserait plus jamais cela se produire ! Il se débrouillerait pour la tenir hors du danger par n'importe quel moyen.

Sans vraiment y penser, Alain se mit à fouiller dans son sac à la recherche de son Holokit. Il composa machinalement le numéro du labo et attendit. Une sonnerie... puis deux...

- Allô ?

Au son de cette voix familière le dresseur se détendit quelque peu.

- Bonsoir professeur, dit-il en reculant pour se caler contre le mur.

- Ah Alain ! s'exclama joyeusement le professeur Platane. Alors comme ça les vacances sont tellement prenantes que tu oublies de me donner des nouvelles ?

- Euh... désolé, fit le jeune homme un peu embarrassé.

- Ha ha ! Ne t'en fais pas, je t'embête, le rassura Platane. Alors ? Mes Ultra Ball sont prêtes ? demanda-t-il plein d'espoir.

- Pas encore, répondit Alain en secouant la tête. Ils ont pris du retard dans leurs commandes, mais elles devraient être prêtes en fin de semaine.

Le jeune homme ne put s'empêcher de penser qu'en ce moment la fondation préférerait certainement se concentrer sur la production d'Ultra Ball destinées à la police internationale et autres patrouilleurs et que le lot d'Ultra Ball à décortiquer du professeur devait être le cadet de leurs soucis.

- Oh dommage, j'aurais bien aimé les voir, regretta son mentor, déçu.

- Ce sera pour bientôt, le conforta-t-il en bâillant. Pardon, s'excusa le dresseur en se massant les tempes.

- Est-ce que ça va ? s'enquit Platane. Tu as des cernes de Pandespiègle... Manon ne te mène pas trop la vie dure au moins ?

- Ah ça, sourit-il en soufflant du nez. Si l'on exclut les réveilles en fanfare et les balades à travers la ville avec un sac rose bonbon rempli de peluches, je suppose que ça va...

- Quoi rose bonbon ? s'exclama le professeur qui ne put se retenir de rire. Eh ben... lâcha-t-il en tentant de reprendre son sérieux. Et ta chemise dans tout ça ?

- Au fond de la commode et malheureusement oubliée ici d'avance, répliqua-t-il catégorique.

- Oh non, tu ne peux pas faire ça ! s'écria Platane horrifié. Je te le répète, je veux te voir au moins une fois avec au labo !

- On verra... lâcha-t-il, peu convaincu.

Le professeur referma un gros classeur vert tout en marmonnant quelque chose au sujet de « cette maudite paperasse » et le posa au coin de la table.

- Vous êtes au salon ? s'étonna Alain en reconnaissant le dossier de la banquette rouge matelassée derrière lui.

- Eh oui, soupira son mentor. À peine rentrée, Sophie a insisté pour que je « change d'air » et que je quitte mon bureau... Cependant, ça ne fait quand même pas disparaître ma pile de dossiers qui va bientôt faire de l'ombre à la tour Prismatique... Pour mon plus grand malheur....

- Au moins vous avez mis les feuilles dans des dossiers, c'est déjà ça... l'encouragea Alain.

- Oui, mais il faut encore que je les classe dans l'ordre et.... Enfin assez parlé de choses ennuyeuses ! s'exclama Platane. Et passons plutôt à la raison de ton appel.

- La raison ? fit le jeune homme, pris au dépourvu.

- Oui, tu dois bien avoir quelque chose à me dire, non ?

Pour être honnête, il n'y avait absolument pas réfléchi. Il avait peut-être seulement eu besoin de parler à quelqu'un ? Mais comme il pouvait difficilement le lui avouer sans paraître étrange, Alain formula la seule question qui lui vint à l'esprit :

- En fait, commença-t-il, je voulais vous demander ce que vous saviez exactement au sujet des Ultra-Chimères.

- Moi ? fit le professeur étonné. Eh bien pas grand-chose justement, avoua-t-il en passant un bras derrière la nuque, mais je pense que tu es mieux placé que moi pour répondre à tes questions.

- Vraiment ? Vous ne savez rien de plus ? Sur leur comportement par exemple ! Est-ce qu'elles ont pour habitude de s'en prendre aux humains ?

- Je n'ai jamais eu la chance d'en étudier, mais j'imagine que cela dépend des espèces... Je crois avoir entendu qu'il en existait plusieurs et...

- Augustin !

Le professeur Platane sursauta et tourna rapidement la tête en direction de la voix féminine. Il reporta bien vite son attention sur son propre Holokit, tout en affichant une expression inconfortable dont Alain ne comprit pas la raison.

- Je suis là Sophie, cria-t-il précipitamment, et justement je suis en ligne...

- Ah te voilà ! s'exclama l'assistante du professeur en pénétrant dans son champ de vision. Oh mon pauvre chéri, tu es encore là-dessus ? Tu sais qu'il est vingt-trois heures passées ? Je t'ai déjà dit que ce n'était vraiment pas bon pour ton dos de rester assis aussi longtemps ! Mais bon tu as de la chance, car il s'avère que je fais d'excellents massages...

À la vue de l'Holokit, Sophie se tut aussitôt, mortifiée.

- ...en ligne avec Alain... termina le professeur avec lassitude.

S'en suivit un joli moment de flottement au terme duquel Sophie déclara, les joues en feu :

- Je crois que je vais... vous laisser...

Elle disparut de l'écran et Alain entendit des bruits de pas dans l'escalier, suivis d'un claquement de porte.

- Je... reprit Platane plus que mal à l'aise, je sais, c'est bizarre mais ce n'est pas ce que tu cr... !

- Je n'ai rien entendu, le micro était coupé, l'interrompit aussitôt le dresseur.

- Ah... Vraiment...? l'interrogea son mentor qui faisait en ce moment-même un effort surhumain pour masquer son soulagement.

Alain hocha la tête.

- Enfin, bon, ça n'a pas vraiment d'importance, affirma le professeur avec un rire forcé.

Je crois que je dois te laisser, dit-il en jetant un coup d'œil involontaire vers l'escalier. J'espère que tu trouveras les réponses à tes questions et n'hésite pas à m'appeler si tu as besoin de mon aide, ou tout simplement pour me donner des nouvelles.

- C'est noté, acquiesça le jeune homme.

- Salue bien Manon de ma part. Ah et dis lui aussi que Bébé est rentré enchanté de son excursion à Sinnoh !

- Je le ferai, dit-il en hochant à nouveau la tête.

- Parfait, sourit le professeur Platane, je te souhaite une bonne soirée et une bonne nuit !

- Bonne nuit, répondit Alain avant de raccrocher.

Sophie et le professeur... Il était à la fois surpris sans trop l'être.

Platane avait beau être pour lui un exemple à suivre, du peu de ce qu'il avait pu en voir, sa vie sentimentale semblait être un véritable fiasco... Alors tant mieux si son assistante pouvait inverser la tendance et lui permettre d'être enfin heureux en amour. C'était tout ce qu'il lui souhaitait.

Tout en rangeant l'appareil dans son sac, Alain revit l'expression paniquée du professeur et rit intérieurement en imaginant la tête que ferait le « pauvre chéri » lorsqu'il se rappellerait que chez les Holokit de première génération il était impossible de faire fonctionner le micro indépendamment de la caméra.

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Manon termina d'installer la peluche Munna à côté de son oreiller. À genoux sur son lit, la jeune fille ne pouvait se résoudre à éteindre la lumière. Marisson, lui, dormait déjà, roulé en boule à côté d'elle, au milieu du matelas. La journée à la plage l'avait vidé de toute son énergie et il avait dû sombrer dans le sommeil alors qu'elle était sous la douche.

Prise d'un profond sentiment de solitude, la dresseuse débutante se recroquevilla contre le mur. Elle ne voulait pas dormir. Elle savait qu'au moment où elle fermerait les yeux, elle se ferait à nouveau happer par son affreux cauchemar. Elle tressaillit et souffla pour évacuer l'anxiété qui la gagnait. Puis elle songea à Alain de l'autre côté de la paroi, probablement assoupi lui aussi et regretta les nuits passées tous ensemble dans la tente ou à la belle étoile... Elle aurait tant aimé pouvoir lui parler...

Le réveille sur la table de nuit indiquait vingt-trois heures trente et Manon se laissa hypnotiser un instant par la course de l'aiguille des secondes. Son regard finit par se porter plus bas, sur les deux sacs de peluches colorées, au pied de la table de chevet. Prise d'un élan irrépressible, la jeune fille enfila sa paire de pantoufles et se leva. Elle s'accroupit auprès des sacs et en sortit les « Poupées Pokémon » l'une après l'autre avec précaution. Elle souleva une grande brassée de peluche et dut s'y prendre à deux fois pour toutes les amener sur le bas du lit. Là, elle les installa le long du mur et sourit en contemplant son armée multicolore. Elle avait une véritable équipe prête à la défendre maintenant !

Manon resta un moment à les admirer jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus garder les yeux ouverts, tant ses paupières lui semblaient lourdes. La rouquine finit par éteindre le plafonnier et vint se blottir tout contre Marisson avant de remonter le drap sur eux deux. Dans la pénombre, la jeune fille devinait le motif fleuri de la « Poupée Pokémon » qui veillait sur son sommeil depuis le coin du lit.

Munna, le Pokémon Mangerêve...

Parmi ses gardiens de fourrure, elle avait le sentiment d'être en sécurité.

Manon ferma les yeux et sentit à nouveau la mer tanguer sous ses pieds au rythme des vagues. Elle se concentra sur cette incroyable sensation et passa en revue tous les agréables moments de cette extraordinaire après-midi.

Peut-être qu'elle continuerait à parcourir l'océan avec Démanta cette nuit-là ?

La jeune fille s'endormit, sereine, sans savoir que ses espoirs étaient loin, très loin d'avoir été entendus...

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