Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 17 : Veillée

2880 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/03/2019 18:18

Un tableau de coucher de soleil suspendu au mur contigu au lit, voilà la seule différence que Manon avait trouvée entre cette chambre et celle qu’elle avait occupée les jours précédents depuis que Vicky lui en avait remis les clés, estimant probablement que l’atmosphère de la pièce ravagée deux portes plus loin n’était pas vraiment propice à la détente… Toujours les mêmes murs mauves, la même commode ( elle n’aurait honnêtement pas été surprise de tomber sur ses affaires en ouvrant n’importe lequel des tiroirs), la même table de chevet au plateau en bois soutenu par quatre pieds en métal longs et fin sur lequel était également posé un réveil (exactement de la même marque que le précédent). Ces chambres étaient de véritables copies carbones les unes des autres, comme si la personne qui les avait conçues s’était tout simplement contentée de les copier-coller tout au long du couloir (quoique, vu l’incroyable technologie aux mains de la fondation Æther, elle détenait peut-être là, sans le savoir, la véritable explication). 

Elle fit part de sa pensée à Alain, debout dans l’encadrement de la porte, pour tenter de détendre l’atmosphère, mais le cœur n’y était pas vraiment. Le dresseur se contenta d’acquiescer et de lâcher un vague « C’est vrai » avant de replonger dans ses pensées. Il devait certainement attendre qu’elle s’installe pour vérifier une dernière fois que tout allait bien, pour repartir dans sa propre chambre l’esprit tranquille. 

Sans ajouter un mot de plus, la jeune fille enleva le couvre-lit et défit les draps. Puis, elle s’assit en tailleur sur le lit et poussa un long soupir. N’y tenant plus, elle finit par briser le silence et déclara d’un air coupable, les yeux rivés au sol :

- Je suis désolée, je… je n’arrête pas de causer du souci à tout le monde ces temps-ci… J’ai vraiment l’impression d’être un poids…

- Manon… voulut la couper le jeune homme. 

Mais la rouquine continua, incapable de s’arrêter. 

- Non, c’est vrai, je n’arrête pas de faire payer aux autres mes pots cassés, à Marisson, à toi, à tout le monde… ! 

Les larmes lui montèrent aux yeux. 

- Avant, tu as voulu m’aider et je t’ai repoussé ! Violemment même ! Je comprendrais que tu m’en veuilles ! Et puis, il y a eu tellement d’autres fois avant ça où j’ai été un boulet pour toi… ! J’agis impulsivement, je n’écoute jamais rien de ce qu’on me dit, par fierté, je refuse qu’on m’aide, et au final je fais toujours tout de travers… ! Je sais que tu ne voulais pas que je t’accompagne au début et… !

- Manon ! 

Au ton que son compagnon de voyage avait employé, elle se tut aussitôt et tourna la tête vers lui. 

Il avait l’air choqué et peut-être un peu en colère aussi. 

- Où tu vas chercher des idées pareilles ? 

Manon baissa la tête et murmura :

- Pourtant c’est vrai… 

Soudain, sans qu’elle ait eu le temps de le voir bouger, Alain se retrouva assis à côté d’elle et plaqua ses mains sur ses épaules, la forçant à le regarder droit dans les yeux.

- Que ce soit bien clair. Je ne suis absolument pas en colère contre toi. 

- Vrai…vraiment ? 

- Pas le moins du monde. Et… 

Il détourna le regard. 

- Je suis désolé si je t’ai donné cette impression, je suis juste… pas doué pour ce genre de choses… 

Manon eut l’impression qu’on venait de lui ôter un poids. Elle ne put réprimer un rire nerveux et faillit se remettre à pleurer ( bon sang à ce rythme-là, la déshydratation aurait raison d’elle bien avant n’importe quelle créature monstrueuse !). 

- Et puis tu sais, reprit gentiment le jeune homme, toi aussi tu m’as aidé. Bien plus que tu ne l’imagines.

- En tombant littéralement sur des Méga-Gemmes par exemple ? plaisanta la jeune fille d’une voix encore légèrement tremblante.

- Entre autres, rétorqua Alain en lui rendant son sourire. 

Puis il l’aida à se coucher et la borda. 

- Ne t’en fais pas, rien de tout ce qui est arrivé n’est de ta faute. 

Il posa affectueusement la main sur le haut de son crâne et elle eut à nouveau le sentiment d’être en sécurité. 

- Essaie de dormir encore un peu et si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis juste à côté. 

Le jeune homme retira sa main et se releva.

Il allait partir. 

Manon parcourut encore une fois la chambre impersonnelle des yeux. Elle tomba sur la Poké Ball en haut de la commode, dans laquelle dormait Marisson qui avait succombé à la fatigue en chemin et ses angoisses refirent surface. Elle allait encore se retrouver seule ! Non, tout mais pas ça ! Elle ne pouvait pas… ! 

Sans réfléchir, elle se redressa d’un bond et retint Alain par le poignet.

Le dresseur se retourna et la fixa d’un air interrogateur. 

- Tu… peux rester ? 

Les mots étaient sortis d’eux-mêmes, d’un ton bien plus désespéré qu’elle ne l’avait imaginé. 

Il resta un court instant à la dévisager, puis finit par répondre d’une voix éraillée:

- Oui.

Aux cernes qui lui mangeaient les yeux et à ses traits tirés, Manon remarqua combien il était fatigué lui aussi. 

- Je peux t’aider, lui proposa-t-elle avec un début de culpabilité, en s’apprêtant à soulever son drap. 

- Non, reste-là, lui dit-il avant de quitter la pièce. 

Le jeune homme ne tarda pas à revenir, chargé d’un matelas, qu’il installa par terre, à côté du lit et fit un deuxième aller-retour pour aller chercher le reste de la literie. 

Puis, il éteignit le plafonnier avant de se glisser dans ses draps. 

- Bonne nuit. Réveille-moi si tu as besoin d’aide d’accord ? 

Elle l’entendit bâiller. 

- Oui, c’est compris, fit la rouquine reconnaissante. Bonne nuit. 

Elle s’enroula dans l’étoffe et se tourna du côté du mur. Bientôt, la respiration de son acolyte se fit plus régulière et elle se concentra sur ce bruit à la fois apaisant et familier. Allez, elle était dans une chambre (certes clonée mais confortable), en compagnie du Pokémon le plus génial de l’univers et de son meilleur ami, accessoirement l’un des dresseurs les plus forts qu’elle connaissait. Qu’est-ce qui pouvait lui arriver ? 

La jeune fille changea de position plusieurs fois, maudissant le sommeil qui s’obstinait définitivement à l’éviter. Ses yeux s’arrêtèrent sur la silhouette d’Alain, de dos, qu’elle devinait dans la semi-pénombre de la pièce faiblement éclairée par la lumière de la lune fuitant à travers les rideaux. 

Il était là, près d’elle. À moins qu’elle ne se soit endormie sans s’en apercevoir et qu’elle soit encore en train de rêver… Dans ce cas, les murs de son petit environnement protégé risquaient de s’effondrer, tel un décor de théâtre et de révéler à tout moment les parois de roches acérées de la grotte inhospitalière…

Elle se gifla mentalement.

Non, ce n’était surtout pas le moment de penser à ça ! Il n’allait rien se passer du tout et lorsqu’ elle se réveillerait demain matin, ses théories du complot entre rêve et réalité lui paraîtraient tout bonnement ridicules ! Pourtant, elle ne put s’empêcher de considérer avec inquiétude que rien ne lui aurait permis de distinguer le jeune Beladonis, Hand et Sky de n’importe quel autre humain de la vraie vie et qu’ils ne lui avaient en tout cas pas paru moins réels que son ami endormi à un mètre d’elle. 

Non, non et non, le Alain devant elle était réel ! Elle en était sûre ! Ou du moins, il y avait de grandes chances qu’il le soit…peut-être… ?

Pour s’en convaincre, Manon avança jusqu’au bord du lit et tendit un bras le plus loin possible, histoire de… disons… vérifier qu’il avait encore un corps tangible. Elle s’étira au maximum sans pourtant parvenir à l’atteindre. 

Zut ! Il était trop loin ! 

Elle abandonna et roula sur le dos. Toujours incapable de trouver le sommeil malgré un épuisement des plus évidents, la jeune fille fixait le plafond tout en ressassant ses idées noires. Tout à coup, frappée par une nouvelle vague de paranoïa, elle eut peur de tourner la tête et de constater qu’Alain et le reste de la pièce avaient disparu. Hantée par cette nouvelle idée fixe, elle finit par prendre son courage à deux mains et se retourna. 

Tout était parfaitement normal. La chambre, la Poké Ball sur la commode, la silhouette du jeune homme sur le matelas. Rien n’avait changé. Elle s’attarda encore une fois sur la forme sombre aux allures fantomatiques d’Alain étendu au bas de son lit et sut qu’elle n’arriverait pas à dormir tant qu’elle n’aurait pas eu sa réponse. C’était certes complétement idiot, mais tant pis, elle n’y pouvait rien. La jeune dresseuse se redressa, s’assit tout au bord du lit en prenant garde à le faire grincer le moins possible et se releva. Elle avança à pas de Lougaroc jusqu’au matelas et s’agenouilla auprès de son compagnon de voyage qui semblait dormir à poings fermés. Lentement, elle tendit la main en direction de son épaule avant de suspendre son geste pendant quelques secondes. Qu’est-ce qui se passerait si au lieu de le toucher elle le traversait ? Ou même pire, si à son contact il s’évaporait tout simplement ? 

Elle refusa d’y penser et décida que même si c’était le cas, elle ferait tout son possible pour se réveiller. 

Manon appuya précautionneusement sa paume contre le haut de son omoplate et soupira de soulagement en sentant sous ses doigts le tissu chaud de son t-shirt recouvrant son épaule large et solide. Bien plus grande et plus robuste que la sienne. 

Elle ressentit soudain le besoin irrépressible de se blottir contre lui, comme on pourrait se réfugier auprès d’un roc inébranlable, de percevoir sa chaleur réconfortante, sécurisante… 

Malgré tout, elle s’en abstint et se contenta de s’allonger à ses côtés, sur le matelas juste assez grand pour eux deux. Tout à coup trop exténuée pour bouger, elle laissa l’épuisement la gagner et s’abandonna peu à peu à la douce torpeur qui envahissait ses membres. 

La dresseuse s’enroula dans un bout de drap dépassant de son lit à elle et se tourna une dernière fois sur le côté avant de sombrer à son tour. 

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Fichus Goélise… L’aube était là, ok, mais n’y avait-il aucun moyen qu’ils gardent cette information pour eux au lieu de le crier au monde entier !? 

Manon grommela et enfonça la tête dans son coussin… qui était devenu étrangement dur…

Y avait-il un complot d’ordre mondial contre ses pauvres heures de sommeil !? Il ne manquait plus qu’Alain, en bon monsieur-lève-tôt, ne vienne la tirer du lit d’un ton autoritaire pour que…

Une seconde. Depuis quand les coussins respiraient-ils ?? 

Elle émergea lentement et souleva une paupière. 

Du tissu. Noir. Noir comme… 

Elle referma les yeux illico et ne bougea plus, tout en priant pour que la rougeur naissante sur ses joues ne l’ait pas déjà trahie. Pas de panique, ce n’était peut-être pas ça… Quoique… vu l’endroit où elle s’était endormie… Il y avait tout de même de fortes chances… Non, si elle continuait à faire semblant tout irait bien… Il se lèverait avant elle, repoussant du même coup le moment des explications ! Continuer à faire semblant… Dormir… 

La surface dure sous son oreille vibra.

- Manon. 

Oh non ! 

Elle ne bougea pas. Pas du tout.

- Manon, insista Alain en lui tapotant l’épaule, je sais que tu es réveillée...

Oh non ! Misère ! Misère ! Misère ! 

- Tu peux te lever ? Je ne sens presque plus mon côté droit… 

À l’idée qu’il était peut-être déjà réveillé depuis un moment et qu’il n’avait pas bougé par égard pour elle, la jeune fille se redressa finalement tout en faisant mine de bâiller (pour la forme). 

Pour gagner du temps, elle se frotta les yeux et se retrouva à genoux sur le matelas, face à lui.

Son compagnon de voyage aux cheveux hérissés en épis épars et indisciplinés semblait attendre des explications. 

- Euh… Je… Désolée. 

Elle baissa la tête et rougit. Tiens, c’est fou comme ce drap sur ses genoux était blanc (voilà qui ferait potentiellement un formidable déguisement d’Halloween). 

La rouquine ne savait qu’ajouter de plus. Elle se voyait mal lui avouer quelque chose comme : « Désolée, j’avais peur que tu te volatilises sous mes yeux ou que tu ne te sois changé en fantôme !». En termes de crédibilité elle aurait tout aussi bien pu lui dire qu’elle avait eu peur du monstre caché sous son lit… Après ça, elle pourrait difficilement lui reprocher de la traiter comme une enfant…

- Tu es fâché… ? lui demanda-t-elle d’une petite voix. 

- Disons que si j’avais su, je me serais passé de déménager inutilement un deuxième matelas à trois heures du matin...

Il souriait. Il ne lui en voulait pas ! 

- Et toi ? l’interrogea Alain en redevenant tout à coup très sérieux. 

- Oh…

Elle mit quelques secondes à saisir de quoi il voulait parler et un intense soulagement s’empara d’elle lorsqu’elle réalisa en même temps qu’elle prononçait ces mots : 

- Aucun cauchemar à l’horizon, déclara-t-elle, ravie. 

- Tant mieux, fit sincèrement le jeune homme en passant la main dans ses cheveux pour tenter de les discipliner. Et tu n’as plus mal ? 

À son air réellement préoccupé elle eut presque l’impression de subir un examen pour établir si oui ou non elle était bien atteinte d’une grave maladie en phase terminale. 

- Non, du tout, répondit Manon en posant la main sur son ventre.

Et elle ajouta pour détendre l’atmosphère (et aussi parce que Alain-le-docteur commençait sérieusement à la faire flipper) : 

- Mais si on ne va pas rapidement manger quelque chose, il risque d’avoir un autre problème…

- Eh bien il va devoir attendre la fin du déménagement, rétorqua le dresseur en retrouvant son attitude habituelle et en commençant à rassembler draps et coussins. 

Il les déposa en attente sur le lit et se baissa pour soulever le matelas sur la tranche. 

- Tu m’aides ?

- Vraiment ? fit la jeune fille surprise. Pourtant, hier tu ne voulais pas…

- Hier - ou aujourd’hui techniquement - peu importe, tu étais tellement crevée que tu aurais encore été capable de trébucher et j’aurais perdu plus de temps à te tirer de sous le matelas… Et aux dernières nouvelles toi aussi tu as dormi là. 

Elle connaissait par cœur les quelques règles qu’ils avaient établies, plus ou moins tacitement, au fil de leurs voyages, et se tourner les pouces pendant que l’autre rangeait l’intégralité du campement n’en faisait certainement pas partie. 

- Pour qui tu me prends ? s’exclama-t-elle, faussement offusquée. Je suis pourtant aussi solide qu’un Machopeur déménageur ! 

Elle appuya ses propos en contractant ses biceps (qui auraient fait pâlir d’envie n’importe quel Caratroc) à la manière du Pokémon susnommé.

L’air moyennement convaincu, Alain tira le matelas jusqu’à la porte et lui donna une pichenette sur le front au passage.

- C’est ça le Mackogneur bodybuildé… Surtout préviens-moi quand tu auras fini de prendre la pose. 


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