Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 23 : Accalmie

2609 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/03/2019 08:25

Après un agréable moment de silence pesant et de proximité non-désirée à l’intérieur d’un espace clos d’un mètre quarante de largeur, les trois dresseurs débouchèrent sur une vaste salle aux murs de bétons, éclairée par une ribambelle de néons. Des dizaines de blessés gémissant de douleur, installés sur des lits de fortune, jonchaient le sol et les infirmières secondées par plusieurs volontaires s’efforçaient de les soulager en courant d’un lit à l’autre, dans un mouvement d’agitation perpétuel. 

- Arceus tout puissant…! souffla le vieux en cachant les yeux innocents d’Isalina pour la soustraire à cette insoutenable vision. 

Plus loin, Alain repéra un visage connu. 

Une jeune fille de petite taille, vêtue d’une combinaison brune et d’une coiffe paysanne violette se tenait au chevet d’un patient caché à leur vue par un chariot médical. 

- Paulie ! cria Gladio au-dessus du brouhaha.

La jeune Doyenne tourna la tête vers eux et vint les rejoindre. 

- Sacrebleu ! Vous v’là enfin ! s’exclama-t-elle d’un ton qui se voulait enthousiaste. 

Cependant, il était difficile d’ignorer ses traits tirés par l’épuisement et l’inquiétude. 

- Oui, désolé… Je crois que nous arrivons malheureusement avec un temps de retard… dit Nikolaï en parcourant la salle du regard.

- Peu importe… Vous êtes là maintenant. On aura b’soin de toute l’aide possible pour mettre un raclée à la prochaine vague… 

Le regard de Paulie s’arrêta soudain sur les deux énergumènes qui les accompagnaient.

- Hé toué ! fit-elle en fronçant les sourcils. 

Elle s’approcha d’Isalina et le vieil homme eut un mouvement de recul. 

- Qu’est-ce que tu fiches ici ? demanda-t-elle au Pikachu d’un ton accusateur. Tu d’vrais… !

- Je vous interdis de vous adresser à Mademoiselle de cette manière ! la coupa « Mister chemise ». Si vous voulez un autographe demandez le poliment et là, alors peut-être que…! 

- Un autographe ? répéta la jeune fille confuse. Il est maboule celui-là ? 

Alain se retint fortement de lui donner raison. 

- Quoi ?! Vous osez manquer de respect à Mademoiselle et maintenant vous vous en prenez à moi ?! s’indigna le vieux. 

Dans son monologue furieux, l’homme à la chemise exigea de voir la police et Paulie finit par lui indiquer l’agent le plus proche. 

Après leur avoir adressé une dernière pique dans un parfait langage soutenu, le vieil homme partit trouver le policier qui l’accueillit avec un sourire engageant, loin de se douter de ce qui l’attendait…

Les quatre dresseurs échangèrent un regard éloquent.

- J’ose même pas imaginer comment vous vous êtes retrouvés avec un excité pareil… soupira Paulie en secouant la tête.

- C’est-à-dire que… commença Nikolaï en coulant un regard moqueur vers Alain.

- On se passera de tout commentaire, le coupa aussitôt ce dernier.

Visiblement trop fatiguée pour insister, la Doyenne de Poni les invita à la suivre jusqu’au centre de commande. 

En chemin, elle leur expliqua que la plupart des Pokémon électriques avaient été mobilisés pour alimenter le générateur principal et que ce Pikachu sorti de nulle part lui était apparu comme une bénédiction. Elle l’avait chargé de veiller à la bonne marche de l’ascenseur, ce qui, au final, ne s’était pas révélé être l’idée du siècle, elle était bien obligée de le reconnaître… 

Elle les conduisit jusqu’à une petite porte sous laquelle passaient toutes sortes de câbles reliés au générateur situé au coin de la pièce principale. Une quinzaine de Chrysapile s’affairaient sur le boîtier métallique, appuyés par plusieurs autres Pokémon électrique d’espèces différentes. 

Paulie frappa, poussa prudemment le battant en prenant bien garde à ne rien débrancher et il pénétrèrent un par un dans l’étroite pièce. 

L’endroit, initialement prévu pour servir de réserve, avait pris des allures de mauvais film de science fiction (et avec la bonne dizaine d’œuvres cinématographiques qu’il avait regardée dans l’avion, Alain était maintenant expert en la matière). Le sol, ainsi que les étagères remplies de diverses conserves, parcourus par une mer de câbles noirs et jonchés de dispositifs clignotants donnaient l’impression d’avoir été envahis par une sorte de virus biotechnologique… 

Tout au fond, un grand type à l’allure dégingandée se tenait penché sur un écran d’ordinateur avec pour toute autre source de lumière, une lampe de chevet dépourvue d’abat-jour. 

Lorsqu’il les entendit entrer, l’homme se retourna, dévoilant un visage étroit surmonté d’une imposante paire de lunettes au cadre gris. 

- Ah, c’est toi Paulie, déclara-t-il en se baissant pour trafiquer un périphérique local. Figure-toi que je viens tout juste d’avoir des nouvelles de Chrys !

- Bah c’est pas trop tôt ! s’exclama la jeune fille soulagée.

L’homme aux lunettes se redressa pour s’emparer d’un set de tournevis caché derrière une boîte de lentilles format XXL. 

- Il a fini de remettre l’antenne en état et je pense pouvoir rétablir la connexion d’une minute à l’autre ! -Non pas celui-là- Heureusement qu’il a fini par donner signe de vie, parce que je commençais sérieusement à m’inquiéter…

- En même temps, Molène, je doute que la transmission soit vraiment optimale sous une demie tonne de décombres… fit remarquer Gladio, les bras croisés. 

- Hein ?! P…pardon ?!

Dans sa surprise, l’homme manqua de faire basculer tout un rayon de boîtes de conserves, et il s’en fallut de peu pour qu’une avalanche de « Tomates entières » et de « Haricots rouges façon Chili » n’apporte une touche plus « végétale » à ce pseudo-cauchemar technologique.

Ils lui relatèrent les circonstances de leur rencontre avec Chrys, et Molène acquiesça tout en se grattant la tête.

- Eh bien… On peut dire que mon cousin a le chic pour se fourrer dans les ennuis… rit-il nerveusement. Merci de l’avoir tiré de là… !

Toujours dans le but de rétablir le signal, Molène poursuivit ses ajustements et Nikolaï lui proposa son aide. 

Pour ne pas les incommoder en raison du manque d’espace, Paulie, Alain et Gladio décidèrent de quitter la pièce. 

Une fois dehors, les deux jeunes hommes cherchèrent à se rendre utiles et partirent trouver l’infirmière en chef sur les conseils de Paulie. Il n’eurent aucun mal à la repérer parmi ses consœurs (pas qu’elle se soit tenue à un endroit spécialement notable, mais son attitude et son apparence en particulier tranchaient nettement avec tout ce qu’ils avaient pu voir jusqu’alors…). Lorsqu’ils l’interpelèrent, l’infirmière en chef se retourna et posa sur eux un regard perçant et charbonneux souligné d’un trait d’eye-liner presque aussi épais qu’une ligne de circulation. Puis, sans dire un mot, elle leur remit à chacun un panier de serviettes blanches pliées et leur indiqua l’autre extrémité de la salle d’un geste de son bras couvert de tatouages représentant toutes sortes de Pokémon de type poison… 

Les deux dresseurs étaient sur le point de partir s’acquitter de leur tâche, lorsqu’une voix familière aux accents enthousiastes retentit dans leur dos. 

- Ohé ! Les amis ! 

Alain et Gladio se retournèrent pour faire face à Tili et Archéduc accourant dans leur direction.

- Tiens, toujours vivant… ? ne put s’empêcher de le chambrer le président de la fondation Æther d’un air pince-sans-rire. 

- Ha… ha… très drôle, rétorqua le jeune dresseur. J’imagine que tu voulais plutôt dire « Merci Tili, grâce à toi, l’antenne fonctionne à nouveau ! Heureusement que tu étais là pour sauver la situation. ».

- Je ne vois pas quel mérite il y a à rester planté les bras croisés à côté du type qui fait tout le boulot… répliqua Gladio en haussant les épaules. 

Mais déjà, l’attention de Tili était accaparée plus loin. Le garçon se tourna à nouveau vers eux et se rapprocha d’un air conspirateur. 

- Eh, leur chuchota-t-il avec un sourire en coin, les yeux brillants. Là-bas… Je crois que c’est Isalina Chu… !

Alain ne prit même pas la peine de se retourner et déclara d’un ton neutre :

- C’est bien elle…

- Waouh… lâcha Tili incrédule. J’y crois pas ! LA Isalina Chu ! « Sparkling » de « Amour, déboires en beauté », juste là, en chair et en os, devant mes yeux ! 

- Par pitié, ne me dis pas que tu regardes ce genre de navets intersidérales… soupira Gladio en portant une main à son front. 

L’expression de Vivaldaim blessé que le jeune dresseur arborait parlait pour lui.

- Rah, pourquoi je me fatigue à poser la question…

- Non, non, le détrompa le jeune dresseur en levant les mains. On ne peut pas vraiment dire que je regarde… Mais, c’est le feuilleton préféré de papé et il m’arrive de suivre quelques épisodes avec lui de temps en temps…

- Oh… fit le président de la fondation Æther avec une mimique de dégout éloquente. Pectorius vient de perdre au moins vingt points dans mon estime…

Alain finit par laisser ses deux amis à leur débat cinématographique passionné pour partir effectuer le travail qu’on lui avait attribué. Le jeune homme eut vite terminé de faire le tour de la salle et se retrouva rapidement avec une corbeille vide. On lui confia alors une autre tâche : celle de distribuer différentes sortes de baies aux Pokémon blessés. 

Ce n’était pas à proprement parler un travail passionnant, mais Alain l’accepta de bon cœur. 

Les Pokémon. Voilà un domaine avec lequel il était plus qu’à l’aise. 

Alors que le dresseur se dirigeait vers le réfrigérateur installé près du générateur pour récupérer les fruits frais, un visage familier retint son attention.

Danh ! 

Le Doyen de l’île d’Ula-Ula était assis à même le sol et semblait presque indemne si l’on omettait sa main et son poignet gauche immobilisés par une attelle. Ce qui, en revanche, sautait au yeux, était son expression fermée empreinte d’une tristesse accablante. L’homme se tenait courbé, comme écrasé par le poids du monde sur ses épaules. 

Puis Alain comprit. 

Étendue sur la natte devant lui, reposait Margie inconsciente, une serviette humide en travers du front. 

Le Kalosien poussa un chariot médical pour s’approcher du Doyen et celui-ci, à sa grande surprise, l’interpela le premier :

- Ah, c’est toi, déclara Danh d’une voix plus monocorde qu’étonnée. 

- Que vous est-… ? commença le noiraud d’un air concerné. 

- La gamine n’est pas avec toi ? le coupa-t-il aussitôt en levant vers lui un regard voilé. 

- Non, répondit le jeune homme en fronçant les sourcils. 

- Tant mieux, répliqua Danh en reportant son attention sur sa nièce d’adoption. 

Un long silence s’installa. 

Le Doyen finit par y mettre un terme en se relevant et en déclarant avoir « des choses à régler ». L’homme disparut à travers la foule de dresseurs et de personnel sans un regard en arrière. 

- Ne lui en veux pas trop, il est encore secoué, lui dit une voix inconnue.

Alain baissa les yeux vers son interlocuteur, un jeune homme à la peau foncée, torse nu, au collier tribal apparent et vêtu d’un short rouge carmin, assis en tailleurs au chevet de la Capitaine de type spectre. 

- Qu’est-ce qui s’est passé ? lui demanda le Kalosien en prenant place à côté de lui. 

- Je ne connais pas les détails… répondit le jeune homme en rouge en secouant la tête. Disons que Danh était plutôt peu enclin à parler… mais je crois avoir compris qu’alors que l’évacuation du Village Flottant touchait à sa fin, un groupe d’Ultra-Chimères a débarqué à l’improviste… Quelqu’un s’est interposé pour les retenir… 

- Margie… présuma Alain.

Son interlocuteur hocha la tête.

- Oui… Danh a été le premier à arriver sur place. Mais il était déjà trop tard… Je pense qu’il s’en veut terriblement. Sachant cela, l’origine de sa blessure me semble facilement explicable… 

Alain posa les yeux sur la jeune fille étendue devant lui, respirant à grande peine, puis sur le reste de la rangée comptant une vingtaine de patients dans le même état, voire pire et serra les dents. 

- On aurait dû être là, souffla-t-il avec amertume. 

- Vous auriez pu… ou peut-être que cela n’aurait rien changé. L’important pour le moment, c’est de garder le cap et de se préparer à la bataille à venir, le conforta le jeune homme en lui tendant la main. Je m’appelle Kiawe, déclara-t-il en souriant. 

- Alain, répondit le dresseur. 

Les deux jeunes hommes échangèrent une poignée de main.

- Oh mais… ! s’exclama Kiawe, qui semblait avoir réalisé quelque chose. Tu dois être… ! 

Des sirènes retentirent à nouveau, coupant court à leur conversation. 

Autour d’eux, l’agitation se fit plus vive encore : des dresseurs rappelant leurs Pokémon, cherchant à joindre un partenaire ou un ami, des infirmières tentant de faire entendre raison à des blessés pressés de repartir au combat… 

Alain et Kiawe échangèrent un regard entendu. 

- Eh voilà, c’est reparti, déclara le jeune homme en rouge, la mine sérieuse. Bonne chance, lui souhaita-t-il avant de se relever. 

- À toi aussi. 

Kiawe acquiesça et disparut à son tour. 

Alain était sur le point de se relever lui aussi, lorsqu’on l’attrapa par la manche. 

C’était Margie. 

La jeune Capitaine braquait sur lui un regard fiévreux et suppliant. 

- Danh… articula-t-elle d’une voix rauque. Il est blessé… et borné… Je t’en prie, fais qu’il revienne… sain et sauf… 

- J’y veillerai, lui promit le dresseur en remettant délicatement son bras en place. 

Il l’entendit émettre un « merci » presque inaudible. 

Puis, Alain partit pour de bon.

Ils reviendraient, tous sans exception, et il s’en assurerait personnellement. 


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