Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 24 : Ascension

6033 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 28/12/2018 20:13

- Plus vite Marisson ! Il faut… les rattraper…! cria Manon à son partenaire Pokémon dans un souffle saccadé.

- Ma… ! Rima…! rétorqua le hérisson pantelant en s’efforçant de gravir une à une les hautes marches de la cage d’escalier.

La jeune fille se hissa péniblement sur le palier en s’accrochant à la barrière et avisa l’ascenseur en contrebas.

Les portes demeurèrent closes une fois de plus et la flèche lumineuse tournée vers le haut, signe que la maudite cabine était encore en marche, persistait.

Manon laissa échapper un bruyant soupir de désappointement et déclara avec fermeté entre deux halètements :

- On…on continue… ! 

Marisson qui venait de la rattraper, courba l’échine d’un air dépité avant de lui emboîter le pas et de poursuivre l’ascension.

Après avoir appris l’horrible vérité concernant la tenue de la séance de crise et leur discussion plus que troublante avec l’agent Beladonis, le Pokémon et sa dresseuse s’étaient précipités à la salle de réunion dans l’espoir d’y intercepter Alain à temps, mais sans succès.  

À leur arrivée, la pièce avait déjà été vidée de la plupart de ses occupants. Il ne restait guère plus que quelques employés à la mine ombrageuse, occupés à rempiler les quelques chaises supplémentaires installées en urgence, et pas la moindre trace de leur compagnon de voyage…

Manon s’était approchée d’une des femmes en blanc dans l’espoir d’obtenir quelques indications sur l’endroit où avait pu aller son ami, mais celle-ci avait coupé court à la conversation en lui annonçant de suite qu’elle n’en savait rien et était partie pour l’autre côté de salle, la laissant plantée là sans plus d’explications.

La jeune fille s’était efforcée de contenir la panique de plus en plus envahissante à l’idée qu’il leur faudrait reprendre leurs recherches à zéro…     

Elle avait été sur le point de s’y résoudre à regrets, lorsqu’un groupe d’hommes et de femmes en pleine conversation au dernier rang des gradins avait attiré son attention.

À en juger par leur absence d’uniforme, ces gens-là ne devaient pas appartenir au personnel de la fondation. Peut-être à la Police Internationale ?

Mais avant qu’elle n’ait eu le loisir de les observer davantage, le petit groupe s’était mis à bouger en direction de la porte donnant accès au haut de la salle et tous ses membres avaient disparu les uns après les autres derrière le battant.

Sans prendre le temps de réfléchir une seconde de plus, Manon avait franchi les marches en courant ( ce, sans tomber, miracle ! ) à la surprise totale de Marisson qui s’était élancé à sa suite pour la rattraper.

Le Pokémon et sa dresseuse avaient déboulé dans le couloir juste comme les deux hommes du groupe s’apprêtaient à disparaître au bout de ce dernier.

Ils devaient les suivre. Ces personnes représentaient peut-être leur dernier espoir de se rendre au cœur de l’action… et de retrouver Alain.

Telles avaient été les pensées de Manon avant d’intimer à son Pokémon de la suivre, tout en se faisant le plus discret possible.

Marisson et sa dresseuse étaient parvenus à rattraper les membres présumés des forces de police et les avaient regardé entrer dans l’un des ascenseurs secondaires, cachés derrière le pan de mur du couloir adjacent.

Ils s’étaient ensuite précipités vers l’escalier le plus proche et s’étaient mis à le gravir en quatrième vitesse par peur de se laisser distancer.

Pourtant, leur crainte se révélait de plus en plus infondée étant donné qu’ils se trouvaient actuellement au quatrième étage et que leurs « cibles » ne semblaient toujours pas décidées à poser un pied en dehors de leur satanée boîte de conserve… Mettant leurs pauvres jambes fourbues et leur capacité pulmonaire à rude épreuve…

Au bout de deux étages supplémentaires, la jeune dresseuse en vint même à penser qu’ils les avaient manqués, avant de chasser rapidement cette idée au loin.

Non, ils n’allaient pas abandonner maintenant, les escaliers pouvaient se prolonger autant qu’ils le voulaient, ils en viendraient à bout ! 

Ironie du sort, le « bout » était précisément leur destination puisque l’ascenseur ne s’arrêta pas avant le dernier étage…

Exténués et surpris d’être parvenus si loin des zones où ils déambulaient habituellement, Manon et Marisson se laissèrent tomber à terre, à bout de souffle, le cœur prêt à exploser.

- Où… où on est ? hoqueta la rouquine en remarquant le duo de portes closes du maudit ascenseur.

- Ma… ma… haleta le Pokémon plante en haussant les épaules.

Ils avaient atteint le dernier étage, ok, mais où se trouvaient ils exactement ? Sur le toit ? Par Arceus, qu’est-ce que leurs agents potentiels auraient bien pu trouver à faire ici ?!

Ils les avaient perdus… c’était malheureusement la seule explication…

La jeune fille se releva péniblement avec un rire sans joie.

Au moins ils pourraient utiliser l’ascenseur pour redescendre…

Tout à coup, un ronronnement familier résonna dans l’espace clos et la jeune dresseuse se précipita vers la porte de sortie dans un élan d’espoir.

Elle écarta prudemment le battant et jubila devant la vue qui s’offrait à elle :

Trois hélicoptères, dont l’un venait d’atterrir, étaient posés sur un gigantesque héliport. Plusieurs silhouettes, dont celles des membres de leur fameux groupe, s’activaient tout autour des appareils.

Ils ne s’étaient pas trompés ! Hourra !

Les agents se trouvaient actuellement en pleine conversation avec le pilote, appuyé contre la porte de l’engin, et embarqueraient certainement d’une minute à l’autre.

Il ne leur restait plus qu’à trouver un moyen de s’introduire dans l’appareil à leur insu (ce qui était certainement la suite logique après leur petite balade dans les conduits d’aération)… Pas qu’ils ne l’aient jamais fait auparavant, Manon plaidait coupable, mais cette fois-ci, la distance à découvert qui les séparait de l’ hélicoptère leur compliquerait passablement la tâche. Et s’ils étaient pris… au mieux, on les renverrait simplement dans les étages inférieurs, au pire… on les mettrait sous surveillance. Et alors là, plus aucune chance de retrouver Alain…

La jeune dresseuse continua à observer attentivement la zone jusqu’à ce qu’un plan prenne forme dans son esprit.

Leur porte n’était pas le seul accès à la plateforme. De là où elle était, Manon en comptait quatre autres et apparemment les couloirs auxquels elles menaient étaient tous reliés entre eux. Le leur étant la seule exception à la règle, deux murs blancs les séparant du réseau… Il leur faudrait donc sortir sans se faire voir pour rejoindre la deuxième porte située sur le côté droit de la piste et marcher jusqu’à la sortie la plus proche de l’hélicoptère. C’était à partir de là que les choses devenaient dangereusement incertaines… Une fois arrivés à la deuxième porte, il leur resterait encore quelques mètres à parcourir pour espérer atteindre l’appareil, ce qui les laisserait exposés à la vue de tous… Et c’était sans parler de leur méconnaissance de l’intérieur de l’engin qui pouvait très bien se révéler exempt de la moindre cachette…

Cependant, c’était un risque à prendre… Ils ne pouvaient pas se permettre d’attendre plus longtemps ou l’hélicoptère décollerait sans eux.

Au pire, ils improviseraient.

Manon entrouvrit prudemment la porte, laissant un espace juste assez large pour que Marisson et elles puissent s’y faufiler et referma discrètement le battant. Une fois dehors, le Pokémon et la jeune fille avancèrent jusqu’à l’entrée la plus proche en rasant le mur et se précipitèrent à l’intérieur du corridor aussitôt après s’être assurés qu’il était désert, en jetant un œil par l’une des fenêtres. Par simple précaution, Manon se baissa sous le niveau de la rangée de vitres et entreprit de traverser le couloir à quatre pattes. Arrivée au bout de ce dernier, la jeune dresseuse se releva et fit signe à Marisson de venir la rejoindre près de la porte.

Jusqu’à maintenant, ils n’avaient croisé personne.

Manon sourit, sa confiance retrouvée.

Pour l’instant tout se déroulait comme prévu. Encore un peu et leur opération serait un succès !

La main sur la poignée, la jeune fille se dressa sur la pointe des pieds pour regarder à travers la petite fenêtre de la porte de service.

Apparemment, la chance continuait à leur sourire ; les agents avaient dû partir poursuivre leur conversation ailleurs, leur laissant le champ complètement libre !

C’en était presque trop beau pour être vrai !

Manon adressa un sourire triomphal à son ami Pokémon et alors qu’elle s’apprêtait à écarter imprudemment la porte, une forme bougea dans son champ de vision, la faisant se raviser sur le champ.

Immédiatement refroidie, la rouquine remarqua de suite le pilote de l’hélicoptère, toujours adossé contre celui-ci.

Argh ! C’était pas passé loin…

Manon grogna et grommela un « C’est pas vrai… » à voix basse.

Si l’unique projet de ce brave monsieur consistait à rester à bâiller aux Cornèbre en attendant leur départ, leur plan risquait de s’en trouver bien compromis…

Tandis qu’elle ruminait sa frustration et se creusait désespérément les méninges pour palier à ce nouveau problème, Marisson s’était approché d’une petite poubelle en fer, située en bordure de couloir et avait entrepris d’en retirer le couvercle. Satisfait, le hérisson s’était ensuite rendu auprès de sa dresseuse en pleine réflexion, sa trouvaille en main.

- Ma… ma… ! lui chuchota-t-il en lui tapotant la jambe pour attirer son attention.

- Moins fort… lui intima Manon avant de remarquer le rond en fer blanc qu’il portait.

Le regard de la jeune fille s’éclaira et elle dut retenir une exclamation d’exaltation.

Il n’y avait rien de plus bruyant qu’une surface en métal heurtant le sol à grand fracas, ça elle le savait bien. Peut-être même assez bruyant pour attirer l’attention d’un certain pilote d’hélicoptère… ?

- Tu es vraiment le meilleur ! le félicita la dresseuse débutante en lui caressant la tête.

- Ma, ma (je sais, je sais), déclara Marisson en bombant fièrement le torse, geste qui lui valut une dangereuse perte d’équilibre vers l’arrière, entraîné par le poids du couvercle.

Manon pouffa et le hérisson eut un léger rire embarrassé.

Toujours est-il que cette maladresse leur permit de relâcher un peu la tension et la jeune fille reprit plus sereinement :

- Bien, maintenant il ne nous reste plus qu’à trouver notre lieu de lancement…

Le regard de la rouquine tomba sur une fenêtre ouverte en imposte qui se trouvait quelques mètres plus loin.

Marisson semblait l’avoir repérée également.

Les deux amis échangèrent un regard entendu et Manon demanda :

- Tu t’en sens capable ?

Le Pokémon plante acquiesça d’un air déterminé.

Lui aussi avait hâte de retrouver Alain et Dracaufeu, et par-dessus tout, de voir sa dresseuse heureuse à nouveau.

La jeune fille et son Pokémon s’approchèrent en douce de la lucarne entrouverte.

Manon souleva Marisson pour lui permettre d’atteindre la fenêtre et ce dernier enjamba le cadre. Une fois à l’air libre, la dresseuse lui confia le couvercle et le Pokémon plante disparut de son champ de vision en se hissant sur le toit à l’aide de ses lianes. 

Puis, elle retourna près de la porte et attendit, le nez collé à la vitre, les oreilles grandes ouvertes, la main sur la poignée.

Maintenant, Marisson devait avoir atteint son poste et le couvercle ne mettrait pas longtemps avant de faire le grand plongeon… Vu sa taille, le rond de fer ne produirait sûrement pas assez de bruit pour qu’elle l’entende, mais en se fiant aux mouvements du pilote, elle saurait exactement quand sortir.

Si Manon ne s’attendait pas à entendre le couvercle, elle s’attendait encore moins à le VOIR !

Pourtant, un éclair métallique passa devant ses yeux ébahis et vint terminer sa course dans le visage pensif du pilote qui cria de surprise.

AAAAAAH ! NOOON !

Horrifiée, Manon se demanda comment son Pokémon avait pu à ce point rater son coup ! (d’autant que la maladresse, c’était son domaine d’habitude…)

S’ils ne trouvaient pas immédiatement le moyen de s’en aller, ils seraient pris sur le champ. Elle devait rejoindre Marisson tout de suite et… !

Des bruits de pas pressés venaient dans sa direction, elle les entendait de plus en plus nettement, ça, ainsi que des grommèlements étouffés.

« Trop tard », pensa la rouquine en se recroquevillant contre le mur, les yeux fixés sur la poignée, le cœur battant à tout rompre. Elle ferma les paupières et se résigna à subir ce qui suivrait.

Cependant, les bruits menaçants s’éloignèrent et une voix tonna :

- PHILIPPE ! JE SAIS OÙ TU TE CACHES ! VIENS ICI SALE FROUSSARD !

Une voix d’homme éraillée (certainement en raison d’ une consommation abusive de tabac) rétorqua sur le même ton.

- QU’EST-CE QUE TU M’VEUX !? TU VOIS PAS QUE JE BOSSE ?!

Hébétée, Manon se releva et risqua un œil à travers la fenêtre de la porte.

À plusieurs mètres de là, elle pouvait distinguer le pilote de dos en face d’un autre homme à la posture voutée, à la calvitie prononcée, un balais à la main. Tous deux vociféraient.

- ALORS COMME ÇA NON-CONTENT DE ME VOLER MA FEMME ET DE T’ENRICHIR SUR MON DOS, TU CHERCHES À ME TUER MAINTENANT !? cria le pilote.

- QU’EST-CE QUE TU M’CHANTES LÀ !? contre-attaqua aussitôt son interlocuteur.

- NE FAIS PAS L’INNOCENT ! JE N’ARRIVE TOUJOURS PAS À CROIRE QUE MON PROPRE FRÈRE AIT VOULU ME TUER AVEC UN DISQUE EN MÉTAL ! TU VEUX METTRE LA MAIN SUR L’HÉRITAGE DE TANTE GERMAINE EN ENTIER ! AVOUE-LE !

- SI TU VEUX VENIR ME TENIR LA JAMBE AVEC TES HALLUCINATIONS, FAIS-LE EN DEHORS DE MES HEURES DE TRAVAIL ! COMMENT TU VEUX QUE J’AIE PU TE LANCER QUOI QUE CE SOIT EN TENANT UN BALAIS, TRIPLE CRÂNE DE PIAFABEC !?

- TU SAIS OÙ TU PEUX T’LE METTRE TON BALAIS !?

- TU VEUX VENIR ME L’METTRE TOI-MÊME POUR VOIR… !?

Les deux frères s’envoyaient des chapelets d’injures à n’en plus finir.

Émergeant de sa confusion, Manon profita de l’agitation pour sortir en douce.

Leur diversion n’avait peut-être pas tout à fait fonctionné comme prévu, mais du moment que l’attention du pilote était retenue ailleurs… c’était tout ce qui importait non… ?

Un poids familier atterrit sur l’épaule de la jeune fille et glissa le long de son bras. Manon réceptionna Marisson et celui-ci la fixa d’un air penaud.

- Maa…

- Ne t’inquiète pas, lui chuchota-t-elle avec un sourire indulgent. Au moins, la voie est libre maintenant.

Tandis que les deux hommes poursuivaient leur accrochage (il était actuellement question d’homicide de pétunias volontaire et de rayes sur une carrosserie ), Manon se faufila discrètement jusqu’à l’hélicoptère, son Pokémon dans les bras.

Après avoir vérifié une dernière fois qu’il était bien vide, la jeune fille déposa Marisson à l’intérieur de l’appareil et grimpa à son tour.

Si à première vue, l’intérieur de l’engin ne présentait pas de cachette convenable, en explorant davantage, les deux amis finirent par trouver leur bonheur : une pile de quatre grands cartons.

- Parfait ! fit Manon soulagée en ouvrant une première boite pour en inspecter le contenu.

Celle-ci était remplie d’étranges Poké Ball bleues et dorées. La jeune dresseuse reconnut l’exemplaire qu’Alain avait utilisé pour capturer l’Ultra-Chimère de Malié et en conclut qu’il s’agissait d’Ultra Ball. Celles-là mêmes qui intéressaient tant le professeur Platane.

Maintenant qu’elle les voyait de plus près, Manon commençait à comprendre pourquoi le professeur avait leur étude à cœur.

Ces orbes lisses et luminescents, à l’aspect quelque peu irréel, avaient quelque chose de fascinant.

La jeune dresseuse ne put résister à l’envie d’en attraper une et oublia leur situation d’urgence durant un court instant, captivée par la singularité de l’objet.

- Je suis certaine que personne ne verrait d’inconvénient à ce que l’on se serve directement, plaisanta Manon en se tournant vers Marisson. Ce n’est pas une ou deux de ces Machin Ball en moins qui feront la différence… pas vrai ?

Mais à peine eut-elle prononcé ces mots qu’un grésillement de profond mécontentement retentit dans la cabine. Sans crier gare, une tête ronde et rouge émergea d’entre les sphères bleues et le carton bascula, déversant son contenu sur le sol. Une forme sphérique plus grande que toutes les autres s’extirpa de la boîte et commença à avancer vers eux d’un air menaçant.

« Oh non ! Misère de chez misère ! » s’alarma Manon déboussolée en reculant aussitôt par réflexe.

Elle n’avait pas pour habitude de craindre les Pokémon, mais celui devant elle était réputé pour son tempérament plutôt « explosif »… Surtout que sa dernière remarque n’avait pas vraiment dû lui plaire…

- Grrzzzz !!! grinça le Voltorbe, déjà nimbé d’un halo lumineux.

- Rima rima ! le mit en garde Marisson en s’interposant entre la boule explosive et sa dresseuse tout en prenant soin de garder ses distances.

- Dé….désolée… ! s’excusa Manon pour tenter de calmer le jeu. Je ne disais pas ça sérieusement… ! Vraiment !

Mais alors qu’elle continuait à reculer, la jeune fille se rendit compte qu’elle tenait toujours l’Ultra Ball dans la main. Dans le but de prouver sa bonne foi, elle se baissa prudemment pour la déposer à terre.

- Regarde, dit-elle en montrant au Pokémon électrique ses deux paumes ouvertes. Je ne vole rien du tout et… Aaaaaah !!!

La dresseuse débutante sentit le sol se dérober sous ses pieds et bascula dans le vide avec un cri d’effroi.

- Rima ri !!!

Mais au lieu de heurter une surface dure comme elle s’y était préparée, elle fut rattrapée par une large paire de bras.

- Oh là ! s’exclama une voix masculine dans son dos. Attention !

On la déposa à terre et Manon, déboussolée, se retourna pour faire face à son sauveur.

- Me…merci !

L’homme qui l’avait réceptionnée avait la carrure d’un militaire et arborait une large paire de lunettes de soleil.

- De rien, lui sourit l’homme en retour.

En reculant sans cesse, elle avait probablement dû atteindre la sortie de l’hélicoptère sans s’en rendre compte…

Puis Manon réalisa avec horreur.

L’hélicoptère ! Quelqu’un les avait VUS ! C’était fini ! Elle avait tout fichu par terre !

Sa mine blême dut mettre le Statitik à l’oreille de l’inconnu qui s’empressa de lui demander d’un air circonspect :

- Mais…dis-donc… Qu’est-ce qu’une jeune fille comme toi faisait seule dans cet hélicoptère ?

- M...moi… ? bégaya la rouquine. Eh…bien… en fait je…

Elle allait invoquer l’excuse (plutôt moyenne) du transport de caisse d’Ultra Ball, lorsque Marisson surgit de l’appareil, suivi de près par le Voltorbe furibond, réduisant à néant tout espoir de crédibilité.

- Rima rima !!! cria le Pokémon plante en déployant ses lianes pour tenir le Pokémon Balle à distance.

- GRZZZZZZZZ !!! crissa le Voltorbe, plus incandescent que jamais.

- Voldo ! le réprimanda aussitôt l’homme aux lunettes noires.

Le Pokémon électrique se refroidit immédiatement et se tourna vers lui, les yeux ronds.

- Allez, tu ne vas pas exploser pour si peu… soupira-t-il en sortant une Poké Ball de la poche de son blouson.

L’homme le rappela et le Voltorbe se laissa faire sans protester (une Poké Ball dans une Poké Ball… en voilà un drôle de phénomène de poupée russe…).

- Bien, fini de rire, les avertit-il après avoir remis la Poké Ball à sa place. Je vais aller droit au but, Voldo était chargé de protéger les colis d’Ultra Ball. Il n’y a que deux choses qui aient pu le mettre en rogne : soit, que l’un des cartons ait été renversé par inadvertance, soit que l’un d’eux ait été délibérément ouvert…

L’inconnu marqua une pause et les toisa d’un air sévère.

- Maintenant, dites-moi… Que s’est-il passé exactement ? Est-ce que vous avez tenté de voler des Ultra Ball ? Si c’est le cas…

- Non…! démentit immédiatement Manon en se rapprochant de Marisson. Ce n’est pas ça du tout ! Promis…!

- Et donc ? attendit l’homme en inclinant la tête sur le côté, un sourcil arqué.

- On… Je…

Au point où ils en étaient, cacher la vérité ne pouvait que leur apporter des ennuis supplémentaires…

La jeune dresseuse déglutit et se força à avouer :

- On cherche notre ami…

Elle baissa les yeux.

- Il est sûrement parti combattre près de la faille géante et…

Sa voix se brisa. L’amertume lui serrait la gorge et elle s’efforça de contenir ses larmes de frustration. Ils étaient si près du but ! Pourquoi fallait-il qu’elle gâche tout une fois de plus ?

- Mais… ! s’exclama tout à coup l’homme aux allures de militaire.

La jeune fille releva la tête, juste a temps pour le voir retirer ses lunettes et se lancer dans une observation détaillée de sa personne. Il plaça même une main devant ses yeux pour masquer le haut de son crâne avant de s’exclamer :

- Nom d’un Ponchien ! Ton ami là, il ne s’appellerait pas Al… bert ? Al… fred ? Ou quelque chose comme ça ?

- Alain ! s’écria aussitôt Manon. Vous… ! Vous savez où il est !? l’interrogea-t-elle pleine d’espoir.

- Mouais… Plus ou moins… rétorqua l’homme en se grattant la tête.

- C’est vrai !? Où… !

- Il m’a surtout donné ça pour toi, la coupa-t-il en lui remettant un bout de papier plié en quatre.

La jeune dresseuse le déplia si vite qu’elle manqua de le déchirer. À la vue des trois lignes au tracé familier griffonnées en hâte à son intention, son cœur se serra d’autant plus.


Tout va bien.

Ne t’inquiète pas.

Je reviens bientôt.

A.


Manon replia délicatement le message et le rangea dans sa poche. Puis, elle fit un pas dans la direction de l’inconnu et planta son regard dans le sien.

- Je vous en prie, dites-moi où il est et s’il y a un moyen de le rejoindre, l’implora-t-elle. Je dois absolument le retrouver, avant que… !

- Je ne sais pas gamine… répliqua son sauveur en secouant la tête. Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais ton ami ne semble pas vraiment souhaiter que tu le rejoignes…

- Je sais bien qu’il ne le veut peut-être pas… ! protesta Manon. Enfin… je veux dire, ce serait même plutôt normal de la part d’Alain… mais je ne peux pas rester ici sans rien faire alors qu’il est probablement en danger !

- Tu ne crois pas que tu ferais mieux de l’attendre ici en sécurité, comme il te l’a demandé ? tenta-t-il de la convaincre. Ta présence risquerait de le distraire. Ce n’est pas en ayant à veiller sur une autre personne qu’il arrivera à donner le meilleur de lui-même… Tu n’es pas d’accord avec moi ?

La jeune fille se crispa et sentit un frisson désagréable lui parcourir l’échine.

Comment cet homme aurait-il pu savoir que ces derniers mots, certainement prononcés avec les meilleures intentions du monde, faisaient remonter en elle le souvenir d’une blessure bien plus ancienne…

Il ne pouvait pas devenir plus fort tant qu’elle se trouvait à ses côtés.

Tels avaient été les termes exactes employés par Alain quelques mois plus tôt.

Bien sûr, depuis, le jeune homme s’était excusé. Il lui avait avoué qu’il n’en pensait pas un mot et elle lui avait aussitôt pardonné. Comment ne pas le faire après tous les risques qu’il avait pris pour les sauver, elle et son précieux Pokémon ?

Pourtant, aujourd’hui, les mêmes paroles s’imposaient à elle, d’autant plus douloureuses qu’elles étaient d’une évidence criante. Elle en tenait pour preuve que la situation avait sauté aux yeux du premier inconnu…

La jeune dresseuse rit jaune.

Évidemment, elle était faible, maladroite et même pas capable de tenir convenablement sur ses pieds…

Mais cela voulait-il pour autant dire qu’elle était prête à abandonner l’idée d’aller prêter main-forte à son cher coéquipier ?

À cette question, Manon était sûre de pouvoir répondre :

Pas le moins du monde.

Certaine de son choix, la rouquine rétorqua, les mains sur les hanches :

- Non, je suis convaincue de pouvoir me rendre utile. D’une manière ou d’une autre ! Je vous en prie. Emmenez-moi là-bas et je vous garantis que personne n’aura à veiller sur moi !

Surpris par tant d’assurance, l’homme eut un léger mouvement de recul avant de répondre avec un rire navré :

- Crois-moi gamine, je comprends ta situation, mais je pense que tu sous-estimes quelque peu les risques d’une telle entreprise… Enfin… de toute façon, je ne crois pas être en droit de prendre ce genre de décisions arbitraires alors…

- Steve ! résonna une voix de femme au loin.

L’homme aux airs de militaire tourna la tête, avant de déclarer en remettant ses lunettes en place :

- Eh bien, je crois qu’on a besoin de mes services. Ravi de t’avoir connu gamine.

Il lui tendit la main et serra brièvement, mais non moins brusquement, la sienne.

Déconcertée, Manon balbutia :

- Mais… a… attendez… !

- Si j’étais toi, j’oublierais vite cette idée dangereuse et je retournerais en bas avant de m’attirer plus de problèmes. La prochaine personne que tu croiseras ne sera sûrement pas aussi conciliante que moi… Allez, dit-il en tournant les talons, à une prochaine !

L’homme, qui s’appelait apparemment Steve, se remit en marche et Manon, en retrouvant ses esprits, courut pour le rattraper.

- Attendez ! Vous ne m’avez toujours pas dit où était mon ami ! s’écria-t-elle en arrivant à sa hauteur.

- Non, répondit l’homme sans s’arrêter. Et si tu veux redescendre, je te signale que la sortie est par là.

Piquée au vif, la jeune dresseuse rétorqua :

- Je suis assez grande pour décider par moi-même où je me rends ou non !

Ils dépassaient maintenant l’hélicoptère et Steve eut un soupir agacé.

- Qu’est-ce que ça CHANGE ? puisque de toute façon tu ne pourras PAS le rejoindre !

- Qu’est-ce que vous en sav… !

Manon se stoppa.

Ils arrivaient en vue d’un certain groupe d’ « agents potentiels ». Comme il valait mieux éviter des témoins supplémentaires, la jeune fille préféra renoncer et exécuta une performance théâtrale des plus convaincantes pour faire croire à cet abruti de Steve qu’elle avait fini par « écouter la voix de la sagesse ».

L’homme s’arrêta enfin et lui adressa son plus beau sourire condescendant avant de la féliciter pour être redevenue raisonnable.

Manon sentit son regard peser dans son dos alors qu’elle faisait demi-tour, et même une fois de retour dans le couloir, elle continua à marcher jusqu’à l’ascenseur le plus proche par simple précaution.

Elle appuya même sur le bouton, histoire de pousser la démarche jusqu’au bout.

Marisson pouffa et les deux amis échangèrent un clin d’œil complice.

Finalement, leur situation n’était peut-être pas si terrible. Il leur restait encore une chance d’infiltrer l’appareil puisque personne ne semblait vouloir les surveiller plus que ça…

Il leur suffisait seulement d’attendre un peu et…

Ding !

Les portes en métal s’écartèrent. La jeune dresseuse s’apprêtait à entrer dans la cabine, lorsqu’elle remarqua que celle-ci était occupée…et pas par n’importe qui…

Le cœur de la jeune fille rata un battement à la vue d’un visage désormais familier.

- Manon ? s’étonna Vicky, presque aussi surprise qu’elle. Mais… ! Qu’est-ce que tu fais ici ?

- Je… eh bien…! bredouilla la rouquine paniquée.

- Tu n’étais pas censée être en bas ? l’interrogea-t-elle en fronçant les sourcils.

- Oui, mais… bafouilla la jeune fille en s’écartant pour la laisser sortir. En fait, tenta-t-elle, on s’est per…du…

Voyant que la sous-directrice n’en croyait pas un mot, elle se résolut à dire la vérité.

- On cherche Alain, déclara-t-elle en détournant le regard.

- Oh…

Vicky parut afficher, l’espace d’une seconde, une mine profondément navrée avant de reprendre un air jovial et rassurant le plus rapidement possible.

- Ah, Alain, déclara-t-elle en souriant. Je crois qu’il est seulement parti défier Althéo à la Grotte Verdoyante ! Il devrait être de retour très…

- Je sais très bien ce qu’il s’apprête à faire en ce moment-même ! la coupa Manon désemparée. Il… il est en danger et… !

- Voyons mon chou, de quoi tu parles… ?

- Je sais tout, Vicky ! Pour les Ultra-Chimères, pour cette espèce de faille énorme à Poni ! Je suis certaine qu’Alain est parti là-bas lui aussi ! J’ai raison n’est-ce pas ?

La sous-directrice blêmit et murmura :

- Par Arceus tout puissant…

- J’ai raison… en conclut la rouquine.

- Manon, fit la jeune femme d’une voix douce, la main délicatement posée sur son épaule. Tu dois comprendre que la situation est extrêmement compliquée pour tout le monde. Si tu te rendais là-bas, tu te retrouverais immédiatement en danger, peut-être encore plus que quiconque… Ni Alain, ni moi ne souhaitons voir les évènements de Malié se reproduire…

- Je… je ne veux pas revivre ça non plus… murmura la jeune dresseuse. Mais je ne peux pas non plus supporter d’être coincée ici sans savoir… Pour moi, Alain est… !

Comme un frère ? un modèle ? l’ami le plus proche qu’elle n’ait jamais eu ? l’une des premières personnes à avoir cru en elle, à l’avoir toujours protégée, soutenue ? Alain était tout cela et peut-être bien plus encore. 

- Je…je ne supporterais pas… de le perdre… souffla-t-elle d’une voix tremblante.

- Je sais mon chou… je sais…

En disant ces mots, Vicky glissa gentiment la main dans son dos et entreprit de l’attirer doucement contre elle.

Autant que la perspective de se laisser réconforter pouvait paraître agréable, Manon se força à reculer et agrippa le bras de la jeune femme pour le repousser.

- Je vous en prie, la conjura-t-elle.

La mine indéchiffrable, Vicky sortit un minuscule appareil de communication de sa poche et composa un numéro.

Tout à coup, la jeune dresseuse prit peur. Oh non ! Et si elle avait appelé la sécurité ? Puis, lorsque les premiers mots échangés concernèrent la préparation d’un nouvel hélicoptère, la flamme de l’espoir se ralluma, plus vive que jamais, inondant sa poitrine d’une douce chaleur.

La sous-directrice raccrocha et se tourna vers elle en souriant.

- Bien, on y va ?

- On ? demanda prudemment la rouquine afin d’éviter tout enthousiasme prématuré.

Elle n’osait y croire.

- Je viens avec toi, lui annonça la jeune femme. Après tout, tu risques d’avoir besoin d’un guide, non ?

- Pour… de vrai ? l’interrogea Manon les yeux brillants.

Vicky acquiesça et la dresseuse débutante put enfin laisser éclater sa joie après une longue heure passée dans l’incertitude et la crainte. 

- Hourra ! s’écria-t-elle en attrapant Marisson pour le faire virevolter dans les airs. Merci ! lui sourit la jeune dresseuse en serrant son précieux partenaire contre elle. Infiniment.

Leur hélicoptère les attendant sur le parvis de la demeure de l’ancienne présidente de la fondation, Vicky, Manon et Marisson empruntèrent à nouveau l’ascenseur pour redescendre.

La rouquine se laissa aveuglément guider à travers le dédale de couloirs, tous parfaitement identiques. Elle était de toute façon bien trop excitée et occupée à converser avec son ami Pokémon pour se concentrer sur la voie à suivre.

Aussi, elle ne fut pas étonnée plus que ça lorsqu’elle remarqua distraitement le chiffre « -2 » peint en argent sur le mur, ni même lorsque Vicky l’invita à entrer dans l’une des pièces. Pensant qu’il s’agissait probablement d’un raccourci, la dresseuse débutante s’engagea dans l’entrée sans hésiter. Elle entendit le battant claquer derrière elle et presque aussitôt, une voix connue s’écria d’un air alarmé :

- Non ! Surtout n’approchez-pas ! Fuyez immédiatement !

- Hein ?! Mais.. ! balbutia Manon en clignant des yeux face au spectacle déroutant qui s’offrait à elle.

Par terre devant elle, se trouvait un membre bien connu de la Police Internationale, pieds et poings liés, accroché au bas d’une large table en fer.

- Allons, allons mon cher Beladonis, calmez-vous je vous prie. Vous risquez d’effrayer nos invités d’honneur, déclara une nouvelle voix neutre, dénuée d’émotion. Quant à vous Vicky, sachez que votre ponctualité est tout particulièrement appréciée.

- Quoi… ? Que… qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Manon inquiète en reculant pour atteindre la poignée. Vicky ! s’exclama la rouquine en tirant la jeune femme par la manche pour la faire réagir.

Pourtant, la sous-directrice ne bougea pas. Elle demeurait figée telle une statue de marbre.

- Vicky… ? l’appela-t-elle à nouveau d’un ton incertain.

La jeune fille se décala en face d’elle et leva les yeux pour essayer de capter son attention.

Immédiatement, Manon frissonna.

Vide.

Le mot s’était imposé de lui-même, pour décrire au mieux le regard absent et éteint qu’elle venait de rencontrer.

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