Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 27 : Un visage familier

4867 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 31/03/2019 14:53

- P…professeur… ? demanda Alain interdit.


L’homme qu’il venait de maîtriser profita de sa confusion pour repousser la main qui entravait sa bouche et s’écria, les yeux emplis de terreur :


- Mais qu’est-ce que vous avez tous à la fin ! D’abord vous m’amenez ici, au final, pour je ne sais quelle raison, et maintenant vous m’agressez violemment dans un couloir sombre ! Qu’est-ce qui tourne pas rond chez vous !? 


Décontenancé, le dresseur recula encore et songea que la voix éraillée du sbire s’apparentait davantage à celle d’un adolescent qu’à celle d’un homme dans la trentaine…


Et pour cause ! Le jeune homme qui se trouvait devant lui aurait pu être la version parfaite d’un professeur Platane âgé de treize ou quatorze ans… 


- Que… ?


- Mais attends… t’es pas un des leurs toi… souffla le jeune sosie de Platane en secouant la tête. 


- Un des leurs… répéta laconiquement Alain. 


- Oui ! Tu es comme moi ! s’exclama le garçon en lui adressant un sourire incrédule. Je veux dire… t’es pas un « Rocket » ! 


Maintenant qu’il y prêtait attention, le dresseur réalisa qu’hormis la casquette (qui reposait désormais sur le sol), l’adolescent ne portait pas d’uniforme. 


Le jeune sosie du professeur le fixait, plein d’espoir, probablement dans l’attente d’une quelconque réponse de sa part. 


- Non, rétorqua Alain perplexe. Mais qu’est-ce qui me prouve que tu n’es pas un de leurs sympathisants ? Copie de Platane ou pas, il ne le relâcherait pas avant d’avoir eu la certitude qu’il ne s’agissait pas d’un piège. Si tu es ici, c’est que tu as ne serait-ce qu’au moins envisagé de les rejoindre…


- Les rejoindre ?! s’étonna le garçon. Non, non ! En vérité, c’est bien plus compliqué que ça… je… ! 


Sans crier gare, un éclair marron fonça sur Alain, qui eut juste le temps protéger son visage de ses bras, avant de tomber à la renverse. 


- Non ! Raphaël ! Arrête ! s’écria le garçon horrifié en se relevant.


Aux prises avec la bête inconnue, le noiraud jura et agrippa cette dernière par le pelage tout en s’efforçant d’esquiver de redoutables coups d’incisives. 


Alerté par les cris, Scalproie quitta sa Poké Ball pour venir en aide à son dresseur et toisa l’adolescent d’un air menaçant. 


- Non ! Raph ! Il…est ! avec nous ! s’exclama le garçon en se précipitant vers le Pokémon et en tentant de l’arracher à sa lutte héroïque. 


La copie de Platane tira de toutes ses forces et parvint enfin à récupérer son intrépide ami, qui continua à se débattre dans ses bras. 


- Eh ! Eh ! C’est bon Raphi…tout va bien… 


Le dos endolori, Alain se redressa en grimaçant et put enfin distinguer nettement son redoutable agresseur… qui n’était autre qu’un vaillant Keunotor…


- Allez mon grand, c’est fini, lui murmura l’adolescent d’une voix apaisante, tout en le caressant.


Le Pokémon rongeur parut se calmer, mais gratifia néanmoins Alain d’un regard mauvais. 


- Désolé, s’excusa le garçon en relâchant le Keunotor. Il voulait seulement m’aider. C’est un ami loyal ! 


- Je vois ça… répliqua le jeune homme en massant son épaule douloureuse. 


L’adolescent vint à sa rencontre et lui tendit la main. 


- Oh, et… je ne me suis pas encore présenté, déclara-t-il avec un sourire navré. Je m’appelle Augustin, Augustin Platane. 


Ok… 


Cette fois, Alain sentit son estomac devenir de plomb. 


C’était officiel, il nageait en plein délire. Après tout, peut-être qu’il avait bel et bien atterri dans un trou noir et que son esprit cherchait à combler ses derniers instants par quelque hallucination… 


Devant son manque de réaction, le jeune Platane bougea sa main en un geste insistant. Le Kalosien la saisit machinalement et se releva. 


L’adolescent continuait à le fixer, comme s’il attendait quelque chose de sa part. 


- Et toi ? finit-il par lâcher en appuyant légèrement ses mots. 


- Oh… euh… Alain, répondit aussitôt le dresseur en affichant une expression indéfinissable. 


- Alain… ? 


- Juste Alain, le coupa le jeune homme. 


- D’accord, « Juste Alain », rétorqua Platane avec un sourire narquois. Soit dit en passant, ton Scalproie a vraiment fière allure, remarqua-t-il, les yeux brillants. C’est la première fois que j’en vois un en vrai, mais j’ai entendu que l’idéal pour aiguiser leurs lames était de les frotter tous les jours avec une pierre en céramique !


- C’est ce qu’on m’a appris…répondit le dresseur en hochant vaguement la tête. 


- Merveilleux ! s’exclama le garçon. Je sens qu’on… ! 


Tout à coup, des échos de voix résonnèrent dans le corridor et Alain eut juste le temps de rappeler son Pokémon avant que Platane ne l’entraîne à l’intérieur de la bibliothèque. 


L’adolescent referma la porte avec précaution et resta appuyé contre cette dernière jusqu’à ce que les voix s’éloignent pour de bon. 


- Pfiou… soupira le garçon. On a eu chaud ! Heureusement que ces types sont aussi discrets qu’une armée de Ramboum… plaisanta Platane en se tournant vers le jeune homme d’un air goguenard. 


Loin de partager son hilarité, Alain fronça les sourcils et déclara : 


- Je te rappelle que tu ne m’as toujours pas expliqué les raisons de ta présence ici. 


Le sourire du garçon disparut, mais il ne se laissa pas déstabiliser pour autant. 


- Ok…ok… comme tu veux. 


Le jeune Platane se dirigea vers l’une des tables, juste à côté de l’escalier en colimaçon, qui conduisait à une mezzanine où étaient entreposés davantage de livres.


Le dresseur jeta un coup d’œil nerveux en direction de la porte ; geste qui n’échappa pas à son interlocuteur, qui déclara : 


- Ne t’en fais pas. Je peux te garantir que personne n’a mis les pieds dans cette bibliothèque depuis cinq heures au moins… Je suis un peu près certain que le casino lui vole largement la vedette… 


Moyennement convaincu, Alain finit tout de même par le rejoindre. Le jeune homme tira une chaise et s’installa en face de lui, prêt à entendre ses explications. 


- Alors… eh bien, commença l’adolescent en s’éclaircissant la voix. Pour commencer, tu dois savoir que je suis actuellement en formation chez le professeur Sorbier, dans la région de Sinnoh. 


S’il savait que le professeur avait autrefois étudié à Sinnoh, cela n’expliquait pas comment il avait atterri là, ni pourquoi il semblait avoir remonté l’horloge du temps…


- Je me baladais aux abords de la ville de Féli-Cité, en compagnie de Raphaël, sur la route 202, lorsqu’un drôle de type en pyjama m’a abordé. Je portais encore ma blouse de travail et… enfin c’est fou comme le simple fait de porter ce genre de blouse peut faire comme effet au gens ! tout de suite, on passe pour un éminent docteur et…bref, je m’égare, se reprit le jeune Platane en secouant la tête. Toujours est-il que ce monsieur m’a proposé un travail. Travail qui consistait à soigner des Pokémon blessés ou quelque chose du genre. J’aurais mieux fait de refuser, mais quelques rentrées d’argent supplémentaires n’auraient pas été de refus et… pas que je sois mal payé, hein ! seulement, en tant qu’apprenti assistant, on ne peut pas dire que je roule sur l’or non plus… Disons que je paye le prix de la connaissance… déclara-t-il avec un sourire éloquent. 


- Donc, tu l’as suivi, présuma Alain d’un ton désabusé. 


Le professeur Platane et son inébranlable foi en l’humanité… 


- Oui, avoua le jeune homme avec un sourire crispé. Mais pour ma défense, je me disais que si ce qu’on me demandait ne me plaisait pas, je pourrais toujours m’en aller… enfin… ça, c’était avant qu’on me téléporte ici… au milieu de je ne sais quelle dimension… Bref, reprit-il, on m’a emmené ici et le drôle de type qui m’accompagnait a juste eu le temps de me remettre cette casquette avant qu’une étrange alarme ne retentisse. Suite à cela, il m’a conduit dans un gigantesque hall, où des centaines de personnes vêtues du même uniforme se pressaient en masse. Puis soudain, un homme au regard autoritaire est apparu en haut de la rampe d’escalier, sous les prodigieuses acclamations de la foule galvanisée. D’un seul geste, il les a fait taire et a entamé une allocution avec un sourire à glacer le sang. Je veux dire, ce type aux airs de Sharpedo me faisait vraiment froid dans le dos, et ça ne s’est pas arrangé lorsqu’il a nonchalamment évoqué une soit-disante domination de la Team Rainbow Rocket sur toutes les dimensions… 


Rainbow Rocket… Alors il avait bien entendu la première fois… Quant à Platane, les pièces du puzzle commençaient lentement à se mettre en place… Si la Team Rainbow Rocket avait bel et bien trouvé le moyen d’interagir avec des dimensions parallèles, il n’y avait pas de raison pour qu’elles aient toutes une chronologie similaire. Cela voulait aussi dire qu’il était tout à fait possible de croiser parmi les sbires, une autre version de lui-même… ou peut-être même de Manon… ! ce qui au final s’avérait peut-être encore plus perturbant…


Alain secoua la tête pour chasser cette idée au plus vite et demanda :


- Tu te rappelles s’il était question d’Ultra-Chimères ?


- D’Ultra…quoi ? Peut-être… pour tout t’avouer, j’étais surtout plus préoccupé par trouver un moyen d’échapper à ces cinglés qu’autre chose… Alors, à la fin de l’assemblée, j’ai profité du mouvement de la foule pour fausser compagnie à mon recruteur et j’ai attendu que la salle se vide, caché près de la rampe d’escalier. Et depuis, j’arpente ce maudit vaisseau dans l’espoir de trouver un moyen de rentrer… 


- Et donc… tu as une piste ?


Le jeune Platane soupira tout en réajustant le col de son pull polo.


- Non… J’ai bien tenté de suivre un étrange bonhomme capé qui me paraissait louche, juste après l’assemblée, mais le couloir dans lequel il s’était engagé était bien trop gardé et j’ai dû abandonner…


- Gardé ? releva aussitôt Alain.


Voilà qui était intéressant ; la plupart des corridors qu’il avait traversés jusqu’alors étaient pratiquement déserts… 


- Oui… par une dizaine de sbires au moins… acquiesça l’adolescent. Mais pourquoi… ?


- Serais-tu capable de me conduire jusqu’à là-bas ? l’interrogea le dresseur en retrouvant espoir. 


Il tenait enfin une piste ! 


Le jeune apprenti assistant grimaça et secoua la tête d’un air navré.


- Je ne sais pas… ce vaisseau est tellement grand que je n’arriverais pas à situer quoi que ce soit correctement…


- Imaginons que je puisse te ramener jusqu’au hall. 


Platane parut étudier sérieusement la question et finit par hocher la tête. 


- Alors dans ce cas… peut-être. 


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- Wouah… lâcha la jeune professeur Platane. C’est complétement dément… Je veux dire… C’est vraiment possible un truc pareil ? 


Les deux jeunes hommes venaient de dépasser la salle d’arcades et en chemin, Alain avait eu tout le loisir d’expliquer à son ex/futur mentor ( ?) les enjeux qui l’avaient conduit ici.


- C’est pourtant la vérité, répliqua le dresseur en tentant de visser la stupide casquette étriquée ramassée au croisement précédent sur son crâne, une bonne fois pour toute (une grandiose idée de Platane pour se fondre dans la masse…). Après, libre à toi de me croire ou non… 


- Non, non, je te crois, le détrompa l’adolescent. C’était plus une question rhétorique qu’autre chose.


- Parce que tu as pour habitude d’accorder ta confiance immédiate aux gens qui te plaquent au sol ? ne put s’empêcher d’ajouter Alain. 


Surpris et quelque peu dérouté, le garçon se stoppa pour le dévisager avant d’éclater d’un rire gêné.


- Pas spécialement… déclara-t-il en secouant la tête. Mais disons que de toute façon… je n’ai plus grand-chose à perdre et que les fibres de coco compressées qui me servent de repas depuis près de quarante-huit heures commencent à me faire largement regretter ma portion de raviolis journalière… Et puis… tu vas certainement me prendre pour un idiot, s’interrompit-il en riant nerveusement. Mais le fait est que, même si je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi… quelque part au fond de moi, je suis sincèrement convaincu que je peux te faire confiance. 


Ce fut au tour d’Alain de le détailler. Le visage du jeune Platane s’était paré d’un sourire franc et familier. Il ne mentait pas. Il le croyait vraiment. Le jeune homme ne put réprimer un sourire lorsque la perspective de compter parmi ses alliés l’un de ses plus fidèles soutiens lui réchauffa le cœur. 


- Tu peux, acquiesça-t-il avant de se remettre en marche, pour s’arrêter à nouveau brusquement quelques mètres plus loin. 


- Il y a un pro… ? demanda l’adolescent juste avant d’être tiré en arrière sans ménagement.


Platane étouffa un cri et jeta un regard réprobateur à son compagnon d’infortune, déjà prêt à lui demander des comptes, lorsqu’Alain désigna de la tête le bout du couloir. 


Un brouhaha s’éleva bientôt à l’intersection suivante et les deux camarades se plaquèrent davantage contre le mur tout en prenant bien garde à ne pas faire dépasser le moindre orteil de la statue de Persian qui les dissimulait. 


D’après les ombres projetées sur la paroi par la lumière rouge, le nombre d’adversaires potentiels s’élevait à une dizaine d’individus… 


Le cœur battant, Alain s’efforça de dresser l’inventaire de leurs forces pour garder la tête froide. 


Même si grâce aux soins prodigués par le jeune sosie du professeur, il pouvait à nouveau compter sur son équipe au complet, les corridors étaient bien trop étroits pour conférer une marge de manœuvre suffisante à ses Pokémon, tous trop massifs ou ailés… à l’exception peut-être, de Scalproie ou de Dimoret… Il n’était d’ailleurs même pas certain de pouvoir compter sur le soutien de Platane en cas de besoin, ce dernier ne semblant pas posséder à l’heure actuelle d’autre Pokémon que Raphaël, le Keunotor (pas que ce dernier ne soit pas d’une quelconque utilité, il savait même se montrer redoutable… à sa manière… Pourtant, quitte à choisir, il aurait largement préféré pouvoir s’appuyer sur un Méga-Carchacrock… au hasard… ). Et quand bien même, les sbires se révéleraient des dresseurs pitoyables (ce dont il ne doutait pas vraiment en fin de compte…), sur le nombre, l’un d’entre eux aurait forcément le temps de donner l’alerte… 


Non. Il ne fallait surtout pas risquer d’engager un affrontement dans leur situation actuelle.


Le dresseur eut quelques sueurs froides lorsque l’un des sbires sembla s’aventurer dans leur couloir, mais par chance, ce dernier fut rapidement rappelé par ses camarades qui finirent par passer leur chemin. 


Les deux jeunes hommes poussèrent un soupir de soulagement et Platane se laissa aller contre la paroi. 


- Par pitié, dis-moi qu’on y est bientôt… souffla ce dernier d’un air suppliant. 


Alain jeta un œil au plan s’affichant sur son appareil et acquiesça.


- On y est presque. 


Après avoir vérifié que plus personne ne se trouvait dans les environs, ils reprirent leur marche dans un silence prudent. 


Ils n’étaient plus qu’à deux intersections du hall, lorsque l’adolescent déclara soudain, à mi-voix :


- Tu crois qu’on s’est déjà rencontré ? 


- Hein… Pardon ? demanda le dresseur, brusquement tiré de ses pensées, en se retournant. 


- Je disais qu’avec tout ça… je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si on ne s’était pas déjà croisé auparavant… enfin pas forcément nous ici présents, mais peut-être d’autres « nous » de nos mondes respectifs… ou je ne sais pas… euh, tu me suis ?


Face à l’inquisiteur regard turquoise, Alain déglutit.


- Peut-être… rétorqua-t-il vaguement, la bouche sèche. 


- En tout cas, de mon côté, je ne me souviens pas de t’avoir déjà vu avant… Et puis, qui sait ? Si ça se trouve, dans mon monde, tu n’es peut-être déjà plus qu’un vieillard, le charria-t-il avec un sourire narquois.


« Ou peut-être même pas né… » 


- Ou peut-être ton futur banquier… répliqua Alain à la place, sans grande conviction.


- Ha ha ! On ne sait jamais, rit Platane avant que son regard ne se pare d’un voile sombre. 


Quelques secondes de silence s’écoulèrent, puis l’adolescent reprit d’un air sérieux :


- Si l’on y réfléchit davantage, ces myriades de mondes parallèles sont autant de fenêtres ouvertes sur l’avenir… 


Le dresseur de Kalos ne voyait pas vraiment où il voulait en venir.


Devant son air confus, Platane clarifia sa pensée :


- Ce que je veux dire, c’est que… toi et moi sommes de la même génération, pas vrai ? 


Le jeune homme acquiesça. 


- Alors je me disais, que de pouvoir entrevoir ne serait-ce qu’une partie de notre futur pourrait nous donner une piste quant à la voie à suivre… ou alors éventuellement confirmer que certains de nos choix étaient les bons… Ce serait rassurant à notre âge, tu ne trouves pas… ? 


Interpelé, Alain fronça les sourcils.


- Certains choix… tu parles de tes études auprès du professeur Sorbier ?


Le garçon détourna les yeux.


- Euh… oui… non ! Peut-être… 


Le jeune Platane soupira. 


- J’imagine que tout le monde traverse des périodes de doutes, d’autant plus lorsque l’on a encore toute sa vie à construire… Bref, pour te la faire courte, j’ai pas mal voyagé ces dernières années… déclara-t-il, le regard lointain. La croyance populaire tend à dire que c’est à ce genre d’occasion que l’on apprend à se connaître vraiment, pourtant, je suis rentré accablé par encore plus de questions qu’à mon départ et avec pour seule et triste conclusion que j’étais trop mauvais pour être dresseur… Pourtant, malgré tout, j’aimais bien trop la compagnie des Pokémon pour y renoncer. Je voulais en apprendre davantage sur eux, les comprendre au mieux ! Alors, faute d’alternatives, j’ai entamé une formation d’ « expert Pokémon » et j’ai postulé chez M.Sorbier, qui a eu la gentillesse d’engager un gamin explorateur du dimanche dans son laboratoire prestigieux. Pas de quiproquo, se dédouana immédiatement le garçon. Je connais ma chance. Seulement, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur où tout cela va me mener… surtout lorsque j’assiste chaque mois au départ de nouveaux dresseurs en herbe qui quittent le labo avec l’enthousiasme de ceux qui ont enfin le monde à leur portée… 


Dans un premier temps, Alain resta muet face à de telles déclarations. Jamais le professeur n’avait évoqué le moindre doute quant à sa carrière. S’il était bien des personnes dont la vocation semblait avoir été tracée depuis toujours, nul doute que le professeur en faisait partie. 


Le jeune homme s’apprêtait à le conforter en ce sens avant de se raviser. 


Pour faire quoi au juste ? Pour lui parler d’un futur hypothétique qui ne serait peut-être même pas le sien ? 


- Je… reprit-il maladroitement en secouant la tête. Je ne pense pas avoir de réponse concrète à apporter mais… si j’ai bien appris une chose dernièrement, c’est que rien ne sert de vouloir trop prévoir, que les choix pris avec les meilleures intentions qui soient au départ peuvent se révéler par la suite être les pires et que ceux destinés à éviter les situations redoutées peuvent parfois amener à les provoquer… Crois-moi, la vie se charge de mettre sur ton chemin une foule de possibilités et de rencontres inattendues, pour le meilleur comme pour le pire. Je pense que c’est à nous, par la suite, de composer avec elles en fonction de nos rêves et de nos objectifs, termina-t-il en se tournant pour découvrir un Platane médusé.


- Woh… lâcha ce dernier. À croire que je n’avais jamais regardé les choses sous cet angle-là… mais tu as probablement raison, déclara-t-il avec un sourire de soulagement. Cela ne vaut certainement pas la peine de chercher à tout contrôler… Tu n’es peut-être pas si peu bavard au final, ne put-il s’empêcher de le taquiner amicalement. 


- Pff… de nous deux, je ne crois pas être l’instigateur de ce genre de discussions philosophiques d’habitude… plaisanta Alain sans réfléchir.


- D’habitude ? l’interrogea l’adolescent perdu. 


Frappé par la réalisation de ce qui venait de lui échapper, le dresseur se figea.


Quel. Crétin. 


Il s’était laissé avoir par le ton familier qu’avait pris leur conversation et voilà le résultat…


- Euh… non… ! rectifia-t-il en toussant. Je me suis… mal exprimé. Par « habitude », je voulais seulement dire que… ce n’était pas mon genre de parler comme ça… avec qui que ce soit, d’ailleurs… 


- D’a…ccord… rétorqua Platane, quelque peu dubitatif.


- Et puis, avant de parler d’avenir, il faudrait déjà que l’on parvienne à se sortir de là, déclara à nouveau froidement le dresseur en désignant l’extrémité du couloir dans l’espoir de changer de sujet le plus rapidement possible. 


- Tu as raison ma foi… répondit le garçon en haussant les épaules. On ne devrait plus être loin, non ? demanda-t-il en jetant un œil à l’Holokit. Pratique d’ailleurs ton… Pokédex… ?


- Ouais, mon… Pokédex… acquiesça vaguement Alain. 


Les deux jeunes hommes ne tardèrent pas à atteindre leur destination et profitèrent de l’agitation qui régnait dans le hall pour se glisser discrètement dans le corridor voisin de la rampe d’escalier. 


Contrairement à ce qu’ils redoutaient, les couloirs semblaient disposer d’un effectif de surveillance réduit comparé à celui de la veille, et il fallut attendre jusqu’au dernier croisement de l’aile pour qu’un duo de garde ne leur barre la route. 


- Hé, vous ! Halte-là ! leur commanda l’un des deux sbires. 


Les deux camarades obtempérèrent et attendirent de voir comment les deux sentinelles allaient réagir.


Cependant, Alain passa une main prudente derrière son dos, prêt à saisir une de ses Poké Ball le plus rapidement possible, au cas où la situation se compliquerait. 


- Une casquette, mais pas de « Combi-Rocket »… les détailla l’homme, perplexe. Ce n’est pas ce que l’on a l’habitude de voir au rayon des uniformes incomplets ces temps-ci… Pas vrai, Freddy ? 


- Je confirme… déclara son collègue d’un air tout aussi incertain. Quelles sont les chances pour qu’une combinaison quitte son propriétaire au moment d’une téléportation ? 


- Ou alors, qu’un sbire oublie de l’enfiler le matin ? tout en sachant que nous ne possédons pas d’autres vêtements à bord…


Les deux hommes interrompirent leurs délibérations par une mimique d’incrédulité, suivie d’un regard entendu, avant de se tourner vers eux d’un air menaçant.

Certain d’avoir été percé à jour, Alain s’apprêtait à envoyer un de ses Pokémon au combat, mais il fut stoppé par Platane qui paraissait avoir opté pour une autre stratégie. 


- Oh, par Arceus ! s’exclama ce dernier en éclatant d’un rire moqueur un rien excessif. Serions-nous tombés sur les derniers sbires has been de tout le vaisseau ? 


- Hein… ? Que… ? balbutia Freddy perdu. V…vous êtes qui d’abord ? Et qu’est-ce que c’est que cette histoire de has been, hein ?! les interrogea-t-il en haussant la voix. 


- Sbire Gaston, déclara calmement l’adolescent en désignant Alain. et… 


- Clothaire, rétorqua l’intéressé, ravi d’observer une moue de désapprobation passagère chez son camarade. 


- Oui… c’est ça… Clothaire… En tout cas, reprit Platane hilare, je n’arrive toujours pas à croire que vous ne soyez pas au courant ! Le changement d’uniforme entre en vigueur aujourd’hui. Au-jour-d’hui, insista-t-il en appuyant chaque syllabe. 


- Quoi… ? Quel changement d’uniforme ? Ce n’était pas déjà assez de rajouter un « R » à nos casquettes également il y a quelques mois ? se plaignit l’autre sbire. 


- Eh bien, apparemment, quelqu’un a fini par se dire qu’on ne pouvait pas décemment conquérir le monde en pyjama… renchérit Alain d’un ton sarcastique. 


- Et c’est bien pour cela que seule la casquette a été gardée comme signe distinctif, approuva l’apprenti « expert Pokémon », du ton que le jeune homme lui connaissait lorsqu’il présentait l’une de ses découvertes à un apprenti ou au grand publique. 


- Ok, admettons… acquiesça le sbire Freddy. Mais dans tous les cas, qu’est-ce qui vous amène ici ? Vous n’êtes pas sans savoir que l’accès à cette pièce est formellement interdit. 


- Oh, mais nous avons l’autorisation d’y entrer, dit Platane avec aplomb. Une autorisation donnée par… euh…


- Maître Ghétis, termina Alain, en personne.


Les deux sbires se concertèrent du regard et secouèrent la tête d’un air craintif. 


- D’accord… et pour quoi faire exactement… ? demanda prudemment l’un des deux hommes.


- Eh bien, pas grand-chose, quelques bricoles, affirma l’adolescent en replaçant une mèche derrière son oreille. Comme par exemple : réparer la structure interne du perturbateur d’ondes polaires alpha, redémarrer le système oscillateur de synthétisation à plasma et… ah oui, j’oubliais, quel idiot ! rit-il en portant une main à son front. Il faudra évidemment penser à vérifier le condensateur de particules « infrasinusothermiques » !


- Euh…


Freddy et son collègue acquiescèrent lentement, la bouche grande ouverte, avant de renoncer à comprendre. 


- Eh bien, allez-y, déclara le deuxième sbire en les invitant à passer. Faites ce que vous avez à faire. De toute façon, moi je me tire. Je ne vois pas pourquoi on devrait être les seuls à rester ici alors que tous les autres prennent leur pause de midi ! 


- C’est vrai, renchérit Freddy, c’est injuste. D’autant plus qu’aujourd’hui on a le menu « Rocket-Burger » à la cafèt’. 


- Oh, vraiment ? Alors ne traînons pas ! 


Alain et Platane regardèrent les deux gardes disparaître au bout du couloir. 


La main sur la poignée de la porte, le jeune homme se retourna vers le sosie de son mentor et demanda en haussant les sourcils :


- Des particules « quoi » ? 


- Aucune idée, rétorqua ce dernier avec un sourire narquois, en haussant les épaules. Appelons ça « la magie de la science » !

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