Alola ! Les vacances de la Méga-Évolution !

Chapitre 44 : Après la nuit (partie 1)

2683 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/06/2020 17:02

Pelotonnée sous la couverture, Manon émergea lentement pour se retrouver face à un plafond blanc.


Peu à peu, le train de pensées de la jeune fille se remit en marche et elle ne tarda pas à entrevoir des placards de rangement à travers les rideaux tirés.


« L'infirmerie ? »


Manon observait la barre au pied du lit d'hôpital avec perplexité tout en laissant les souvenirs affluer.


Comment avait-elle bien pu atterrir ici ?


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À peine avaient-ils eu le temps de reprendre leurs esprits que Nikolaï et Beladonis avaient surgi au beau milieu du Canyon de Poni, Engloutyran à leurs trousses.


À partir de là, les événements s'étaient enchaînés de façon presque irréelle :


Le monstre les avait rejoints en même temps que leurs camarades, secondé de près par l'autre Nikolaï.


Surchargée d'informations de toutes parts, Manon n'avait retenu que des bribes de ce chaos total : les Pokémon prêts à attaquer, la bête pulvérisant la roche sur son passage, l'agitation anormale de Danh soutenant la silhouette avachie de leur scientifique mal en point...


Et puis soudain, plus rien.


Plus rien, sinon le bruit du vent, les éclats de pierre violacée rendus sombres par le couchant, répandus dans la poussière et Nikolaï tombant à genoux face à l'horizon. 


Elle se souvenait vaguement d'avoir crié lorsque l'homme s'était effondré et de s'être précipitée vers lui pour finalement se retrouver complétement démunie.


- Vous... ! Vous m'entendez ? Qu'est-ce que je dois faire !? lui avait-elle demandé, paniquée.


- Le bouge surtout pas, lui avait répondu une voix dans son dos.


 Les mains tremblantes, la jeune fille avait sursauté et s'était retournée pour trouver les visages fermés de leurs deux prisonniers.


Le Persian de Danh avait poussé un feulement d'avertissement, mais Matthieu n'avait pas semblé s'en formaliser.


- Tu dégages la plaie et tu appuies dessus, lui avait-il indiqué le plus sérieusement du monde.


- Quoi ? Mais...! mais pourquoi... !


- C'est l'seul moyen de stopper l'hémorragie.


Partagée entre l'urgence et la méfiance, Manon avait fini par suivre les instructions du malfrat.


Après tout, cela ne lui avait pas paru complétement insensé et elle n'avait pas vu en quoi la mort de Nikolaï aurait pu servir les intérêts des deux criminels... Au mieux, il devait même être l'une des seules personnes capables de les renvoyer dans leur monde... non ?


Son attention désormais focalisée sur la tache sombre, la jeune fille avait jeté un regard terrifié à son partenaire Pokémon.


- On le fait ?


- Rima ! avait nerveusement acquiescé Marisson.


Le cœur battant à tout rompre, la jeune dresseuse avait écarté le pan de manteau souillé d'une main tremblante. Elle avait ensuite remonté le bas de la chemise pour accéder à la plaie et avait dû contenir un haut-le-cœur.


Manon n'était pas particulièrement sensible à la vue du sang, mais jamais encore elle n'en avait vu en de telles quantités.


Les mains fortement appuyées sur la plaie, la Kalosienne repassait les mêmes pensées en boucle :


« Qu'est-ce que je vais faire s'il perd la vie par ma faute ? »


Cette seule supposition la rendait malade.


Pourtant, malgré tous ses efforts, le flot ne tarissait pas.


- Appuie plus fort ! lui avait crié Matthieu.


- C'est ce que je fais ! Je... ! J'appuie de toutes mes forces !


- Bah c'est pas assez faut croire.


Le marin avait secoué la tête dans un rire condescendant :


- Allez gamine, t'as essayé. Maintenant, si tu veux vraiment sauver l'intello, laisse-moi faire.


Saisie d'effroi, la jeune fille fixait le liquide écarlate filant entre ses petites mains.


- Quoi... ? avait-elle soufflé d'une voix blanche.


- Rah... tu m'as entendu ? J'te dis simplement que moi, je peux sauver ce gaillard et toi non. Alors sois pas stupide et dis à ces Pokémon de te donner la clé des menottes ; j'vais avoir du mal à bosser avec les mains dans le dos.


- Quoi... non !


La partie rationnelle de son cerveau avait crié à Manon de refuser en bloc la proposition du géant : après tout, il avait déjà été capable de les prendre par surprise alors qu'ils étaient sur leurs gardes et en surnombre, alors lui faire face seule... !


L'idée lui avait paru totalement suicidaire, mais pourtant, elle avait dû se rendre à l'évidence : à elle seule, jamais elle ne parviendrait à endiguer l'hémorragie.


- Eh bah, tu te décides ? J'veux dire, t'as ces trois Pokémon-là pour t'aider et un flingue électrique dont tu sais apparemment te servir. Si j'me comporte mal, t'as qu'à me refiler une décharge comme tu l'as si bien fait avant, non ?


Non ! C'était trop bizarre ! Cet homme devait avoir quelque chose derrière la tête ! Si elle cédait maintenant, elle risquait d'aggraver la situation ...!


- Enfin, après tout, j'comprendrais que tu tiennes pas plus que ça à sauver ce type, avait ricané Matthieu.


À ces mots, Manon s'était raidie et l'homme avait poursuivi nonchalamment :


- Cette enflure est la copie carbone de l'autre psychopathe qui t'as mise dans l'pétrin ; au fond, ces deux-là sont exactement les mêmes.


Déboussolée, la jeune dresseuse n'avait pu s'empêcher d'examiner plus attentivement le visage pâle de l'homme à terre, sans parvenir à effacer de sa mémoire l'ombre d'un rictus ou d'un regard glacial.


« Non ! Ressaisis-toi ! Ce n'est pas la même personne ! »


Manon avait secoué la tête.


Quoique... que connaissait-elle vraiment de ce Nikolaï-ci ? Bien peu de chose au fond... Il les avait aidés, certes, mais qu'en était-il de ses réelles motivations ? Qu'est-ce qui lui disait que lui aussi n'aurait pas été capable de...


Horrifiée par le chemin qu'empruntaient ses pensées, la jeune fille s'était écriée :


- Non ! Vous... vous vous trompez complétement ! Jamais je... !


- Laisse tomber Matthieu, l'avait interrompu Courtney, ce gars est déjà mort.


Matthieu avait ricané et haussé les épaules.


- C'est pt'être pas tout faux. Quoiqu'avec moi, il aurait au moins eu sa chance...


Secouée d'un sanglot irrépressible, Manon avait fixé ses mains entièrement teintées de rouge à travers un voile de larmes.


- Ma !!! s'était emporté Marisson, le regard braqué sur le géant.


- Hein ? avait fait ce dernier. Elle m'veut quoi la châtaigne ?


- Rima riima...!


- D'accord... !


Sous le poids de l'urgence, les mots avaient finalement quitté la bouche de la jeune dresseuse dépassée :


- Je vais... je vais le faire ! Je vous en prie, sauvez-le !


- Eh bah, pas trop tôt, avait fait Matthieu en haussant les sourcils.


Sans abandonner son poste, Manon avait lancé à Persian un regard implorant.


Cependant, le félin avait reculé pour lui faire savoir qu'il ne céderait pas la clé à son cou.


- Je t'en prie ! l'avait supplié la jeune fille. On ne peut pas abandonner Nikolaï alors que... !


Le souffle coupé d'un hoquet, Manon s'était tournée vers Ténéfix en quête de soutien, mais le diablotin avait secoué la tête à son tour.


Des frissons glacials s'étaient mis à parcourir tout le corps de la dresseuse qui s'était écriée avec rage :


- On PEUT le sauver ! Pourquoi vous ne m'écoutez pas ?!


Hélas, la marge de manœuvre des deux Pokémon de Danh s'était limitée à lui lancer des regards peinés ; ils ne pouvaient se soustraire aux ordre de leur dresseur, surtout lorsque l'ennemi représentait une véritable menace.


Manon n'avait pas pu leur donner tort, aussi sa colère s'était peu à peu muée en abattement total.


- Pourquoi... ? avait-elle gémi en laissant les larmes s'écraser sur ses poings écarlates.


Malgré tous ses efforts, le visage livide du scientifique semblait s'être figé pour de bon.


- Si...si seulement... !


- Hé ! Là-bas !


La voix n'avait rien de familier, Manon n'avait même pas été sûre de l'avoir réellement entendue : elle aurait tout aussi bien pu avoir perdu la raison, mais la vue qui s'était offerte à elle en tournant la tête lui avait arraché un rire nerveux et des larmes de joie.


- Ohé !


Une jeune fille en combinaison brune et un garçon aux cheveux roux montés sur un Bourrinos venaient de pénétrer dans la grande vallée !


- Je t'avais bien dit que c'était eux Paulie ! C'était bien un signal ! s'était écrié le rouquin en brandissant fièrement un étrange appareil.


Sans attendre, Paulie avait guidé leur monture jusqu'à eux. Toutefois, la mine de la jeune cavalière s'était considérablement assombrie à la vue de leur attroupement misérable.


- Pardieu ! Qu'est-ce qu'y lui est arrivé à lui ! Et c'est qui ces gars-là ?


- Et Alain, Danh et les autres ? Ils sont pas avec vous ? avait renchéri le garçon confus.


Trop ébranlée pour répondre à leurs questions, Manon n'avait relevé qu'une seule information.


- Vous... connaissez Alain ? leur avait-elle demandé incrédule.


Après l'avoir détaillée plus longuement, les deux jeunes gens avaient échangé un regard concerné.


- Carrément ouais.


- Vraiment ? s'était-elle soudainement écriée. Est-ce qu'ils ont réussi ? Est-ce qu'ils vont tous bien ?


Animée d'un nouveau regain d'énergie, la dresseuse débutante avait enchaîné dans la foulée :


- Nikolaï ! Vous devez l'aider ! Appelez les secours ou il va ... !


- Eh doucement ! Manon, c'est ben ça ? l'avait gentiment interrompue Paulie en se laissant tomber à ses côtés.


La jeune fille avait jeté un regard entendu à son camarade tout en plaçant une main rassurante sur son épaule.


- Eh, tiens toué tranquille, on s'occupe de tout d'accord ?


Peu après l'appel radio du garçon nommé Chrys, deux hélicoptères avaient atterri au cœur du Canyon de Poni, l'un s'occupant d'emmener les deux criminels, l'autre de la prise en charge de Nikolaï. Manon avait embarqué à bord du second appareil et avait observé les infirmières et les Guérilande travailler à stabiliser la condition du chercheur avec une profonde gratitude.


Elle avait appris dans le même temps qu'elle avait fait tout ce qu'il y avait à faire pour lui porter secours et qu'une pression plus grande n'aurait pas suffi à stopper le saignement.


Sa conscience apaisée, Manon avait retrouvé suffisamment de forces pour raconter ce qui lui était arrivé, depuis son enlèvement au Paradis Æther en fin de matinée, jusqu'à la tentative de manipulation de Matthieu.


La mention de ce dernier événement avait provoqué l'indignation générale et Paulie avait même suggérer de « r'filer un deuxième coup d'jus à c'malandrin » pour lui remettre les idées en place.


Pourtant, une fois son récit terminé, la Kalosienne n'avait pas pu obtenir la moindre information quant à Alain et aux autres ; les patrouilleurs avaient quitté le Centre Pokémon du Village Flottant en fin d'après-midi et n'étaient donc pas au fait des dernières nouvelles.


Ainsi, lorsque l'hélicoptère se fut posé en marge du village en ruines, Manon s'était précipitée à l'intérieur du QG de fortune, dans l'espoir d'en apprendre plus au sujet des trois hommes.


Peut-être même qu'elle avait pensé les retrouver à l'intérieur ?


Hélas, cela n'avait pas été le cas. Une fois à l'intérieur du bâtiment endommagé, la jeune fille s'était retrouvée prise au cœur d'un fourmillement d'infirmiers et de bénévoles et avait été rapidement tirée hors de la cohue par Paulie.


La Doyenne de Poni avait alors insisté pour envoyer Manon se faire ausculter, chose que la Kalosienne avait fermement refusé.


Toute fatigue oubliée, noyée sous une soif inextinguible de réponses, la rouquine avait maintenu qu'elle allait très bien, que le sang sur ses vêtements n'était pas le sien et que d'autres avaient davantage besoin de soins qu'elle !


De plus, une fois coincée dans un processus médical, elle n'aurait plus eu aucune chance d'obtenir la moindre information à propos de leurs camarades !


Mais alors que Chrys s'apprêtait à venir appuyer sa collègue pour lui faire entendre raison, Manon avait cru apercevoir une silhouette connue au cœur de la foule.


Animée d'un espoir soudain, la jeune fille s'était faufilée entre les infirmiers sans attendre les deux adolescents. Mais alors qu'elle touchait au but, des brancardiers portant une civière vide lui avait barré la route, juste comme la personne qu'elle cherchait s'apprêtait à prendre l'ascenseur.


- Vicky ! avait-elle crié de toutes ses forces en priant pour que sa voix porte suffisamment loin.


Interpelée, la sous-directrice de la fondation Æther avait interrompu son geste pour examiner la foule dans son dos.


- Ici !


Lorsque Vicky l'avait finalement remarquée, ses yeux s'étaient écarquillés de surprise.


- Manon !


La jeune femme avait immédiatement rebroussé chemin et l'avait aussitôt prise dans ses bras.


- Tu vas bien ?! Oh par Arceus, je suis tellement désolée... ! Je... !


À court de mots, Vicky avait paru sur le point de pleurer.


Émue par la détresse de la jeune femme, Manon lui avait rendu son étreinte et l'avait rassurée d'une voix tremblante d'émotion.


Même si elle ne la connaissait que depuis peu, Vicky était l'une des personnes qu'elle avait souhaité le plus revoir. Au-delà des actes ou des mots, les deux femmes avaient créé un lien fort et semblaient communiquer de cœur à cœur.


Aussi heureuse que Manon pouvait être en cet instant, la voix pressante au coin de sa tête ne s'était pas tue pour autant. Elle avait alors fini par poser à Vicky la question qui la taraudait tant. La jeune femme n'avait malheureusement pas pu l'aider, mais loin de se laisser abattre, elle l'avait conduite jusqu'à la personne la plus susceptible de détenir l'information qu'elle cherchait : Molène.


Retranché dans son poste de fortune, l'opérateur de la base continuait à guetter l'émergence d'une nouvelle faille ou le moindre signal de détresse. Lorsqu'elles l'avaient interrogé, Molène avait informé les deux femmes qu'il n'avait reçu aucun message pour l'instant mais il leur avait néanmoins promis de les avertir au premier signe venu.


Dès lors, la suite n'avait plus qu'été signe d'attente et de déception.


Recroquevillée dans un recoin de l'infirmerie en compagnie de Marisson et des deux Pokémon de Danh, Manon avait gardé les yeux rivés sur l'horloge tout du long, tout en tournant parfois la tête vers Vicky et ses différents interlocuteurs, dans l'espoir de capter quelques bribes de nouveauté.


À mesure que la nuit avançait, l'agitation ambiante s'était calmée peu à peu, le nombre de patients diminuant au fil des rapatriements vers les différents hôpitaux de la région. On avait même insisté pour ramener Manon à la Fondation Æther, offre qu'elle avait déclinée, Vicky n'ayant pas eu le cœur de la contredire.


Malgré tout, les nouvelles n'étaient pas venues, bien que l'on avait entamé le jour suivant depuis près de deux heures.


Avaient-ils échoué ? Fallait-il se lancer à leur recherche ?


Quoi qu'il en soit, ils devaient désormais s'en remettre aux patrouilles d'Ula-Ula.


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Les souvenirs de Manon s'arrêtaient là, au cœur de la nuit et de l'incertitude.


Elle en déduisit que malgré toute sa bonne volonté, elle avait fini par s'endormir et qu'on l'avait reconduite au Paradis Æther dans son sommeil.


Un rayon de soleil perçant à travers la fente du rideau lui apprit que le jour s'était bel et bien levé depuis, ce qui voulait dire que...


D'un rapide coup de pied, Manon écarta draps et rideaux pour bondir en dehors du lit, le cœur battant.


« Étaient-ils rentrés !? »


Elle allait se précipiter vers la porte, lorsqu'un élément inattendu en face d'elle la laissa pétrifiée sur place.


« Quoi ? Non... ! »



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