Abi dans le Pokéworld

Chapitre 27 : Grace et agilité

5071 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 15/07/2020 21:44

Je suis réveillée le lendemain matin, trop tôt à mon gout, par du bruit venant de l’extérieur. J’entends un grognement venant du lit du dessus puis Line bascule les deux jambes par-dessus le rebord. Elle pousse un profond souffrir, je l’imagine s’étirer, les bras levés au-dessus de sa tête. Puis elle bondit au sol.

« Salut Abi. » me lance-t-elle avec un sourire endormi en se frottant un œil du poing. Ses longs cheveux cendrés sont complètement ébouriffés et ses mèches violettes lui donnent ainsi un aspect sauvage.

-      « Salut Line. » je réponds en me redressant. « Qu’est-ce que c’est que ce tintamarre ? »

-      « Ce sont surement mes Passerouges. Ils sont plutôt du matin et ne tolèrent pas que je manque l’entrainement matinal. Tu te joins à moi ? » Elle enfile un gros pull par-dessus son pyjama constitué d’un T-shirt ample et un pantalon de jogging.

-      « Oui, j’arrive. »

Je me tourne vers Echo. Je lui caresse doucement le dos. Il ouvre les yeux, baille à s’en décrocher la mâchoire et s’étire. Yucca semble plus réactive ce matin, elle se lève rapidement et saute au pied du lit. Akui bat des ailes frénétiquement, il ne semble pas vouloir tenir en place, il fait des allers-retours dans la roulotte entre mon lit et la porte d’entrée. J’ai l’impression qu’il a hâte d’aller à la rencontre des Passerouges. Je me lève, enfile rapidement des vêtements et rejoins Line qui m’a précédée dehors.

Le soleil est à peine levé et ses rayons pointent entre les bâtiments de la ville qui nous surplombe. Une légère brume matinale recouvre encore les champs environnants. Lorsque je rejoins Line, elle est entourée par les Passerouges qui volent autour d’elle, formant un tourbillon de plumes, pépillant à tout va.

« Oui, oui, on va commencer l’entrainement. » les apaise Line.

Line se lance alors lentement et avec grâce dans une série de mouvements ressemblant à du yoga. L’enchainement semble être rituel et elle passe d’une position à l’autre avec fluidité. Les Passerouges accompagnent ses mouvements en voletant autour d’elle. Ils n’ont nul besoin de communiquer, chacun semble suivre le rythme d’une danse connue d’eux seuls, comme un seul et même organisme dans une quasi-parfaite synchronisation. Ils sifflent et semblent prendre grand plaisir à ce moment de complicité. L’un des Passerouges quitte le groupe et vient se poser à côté de moi. Il regarde Line et ses compagnons poursuivre leur routine. Il gazouille un peu mais ne montre aucune envie de rejoindre les autres.

Imitant Line, je commence mon rituel d’étirement avec Echo et Yucca. Akui, quant à lui, s’est approché de Line et des Pokémons moineaux, il les observe attentivement, initiant sans s’en rendre compte des mouvements de balancement suivant plus ou moins la danse des Passerouges. Lorsque nous avons tous fini, Line me désigne le Passerouge solitaire d’un air désabusé :

« Celui-ci ne reste jamais avec le groupe. Je ne comprends pas pourquoi… » 

-      « Peut-être qu’il aime être un peu seul. » je suggère.

-      « C’est ce qui est étonnant. Les Passerouges sont des Pokémons qui aiment se déplacer en groupe. Dans la nature, ils créent un groupe de deux ou trois familles. Les plus gros groupes observés comprennent une vingtaine de membres. C’est pour ça que j’en ai autant. Pour qu’ils soient à l’aise, je les laisse en liberté et nous travaillons tous ensemble. » m’explique-t-elle.

-      « Hum… Visiblement, il n’aime pas faire comme tout le monde. » je remarque.

-      « Sûrement… Allons petit-déjeuner. On a du pain sur la planche aujourd’hui ! » s’exclame Line, retrouvant son air enjoué.

Le Passerouge de Line s’est posé sur le bulbe de Yucca et se dandine joyeusement tandis que ses camarades ont rejoint les frondaisons de l’arbre planté devant la roulotte. Line file dans la roulotte se préparer. Je l’attends dehors et regarde le Passerouge jouer avec Akui. Tous deux virevoltent dans les airs sous les yeux de Yucca qui les suit du regard. Echo s’est assis à mes côtés et profite d’un moment câlin. Line nous retrouve rapidement, les cheveux peignés et ramenés en chignon lâche. Nous prenons la direction de la grande tente. Le soleil commence à répandre sa douce chaleur. Le temps s’est complètement dégagé. Lorsque nous entrons dans la grande tente, la plupart des forains sont déjà attablés. Un grand buffet est dressé où chacun peut aller choisir ce qu’ils souhaitent. Le Moustillon de Phil nous repère de loin et accourt vers nous. Yucca l’accueille avec bienveillance. Je vois qu’Echo prend sur lui pour garder son calme. Je fais mine de ne pas le remarquer et prépare les bols de baies pour mes Pokémons. Je vais ensuite d’un pas décidé les installer avec les Pokémons de autres forains. Moustillon et Akui semblent très enthousiastes à l’idée de manger ensemble. Yucca aussi est calme et détendue. Elle reste aux côtés d’Echo. J’aime la façon dont elle veille sur lui. Echo se crispe, se tourne vers moi avec des yeux implorants alors que je m’apprête à retourner vers le buffet pour me servir. 

« Non, aujourd’hui, tu manges avec les autres. Regarde Simiabraz et Emolga t’attendent pour manger. »

-      « Roc… » dit-il d’un air piteux.

-      « Yucca reste à côté de toi. Je serai tout près, je garde un œil sur toi. » je le rassure en lui caressant la tête.

-      « Roca… » finit-il par acquiescer, le ton boudeur.

Je retourne vers le buffet et me sert un bol de céréales et lait meuhmeuh ainsi qu’un verre de jus de baies. Je vais m’installer à côté de Line et Cédric. Phil est installé en face de nous. A sa gauche, je reconnais l’homme du numéro de Ponyta et Galopa que j’ai entraperçu hier. Vu de près, je me rends compte qu’il semble avoir approximativement mon âge, son visage est constellé de taches de rousseur et il présente une énorme tignasse de cheveux roux en bataille. A sa droite, une femme aux longs cheveux bleus est installée. Alors que je m’assois, l’homme s’adresse à moi :

« Bonjour, nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous rencontrer. Je m’appelle Victor. »

-      « Bonjour, je suis Abi. » je réponds poliment.

-      « Et moi, c’est Aude. Comme ça, la boucle est bouclée ! » s’exclame la femme aux cheveux bleus.

-      « Bonj… » je commence.

-      « Oui, bonjour, on ne va pas y passer la nuit. Mange donc, sinon tu ne seras jamais prête quand le gong sonnera. » m’interrompt-elle.

-      « Le gong… ? » je demande tout en prenant une cuillérée de mon bol.

-      « On ne t’a pas parlé du gong ? Phil ! C’est ta protégée et tu ne lui en parles même pas !? » dit-elle en se tournant vers Phil.

-      « Pas la peine de l’inquiéter pour rien, Aude. » rassure Phil d’une voix tranquille.

-      « C’est vrai ça ! Laisse-la tranquille ! » Ajoute Line, les yeux noirs en direction d’Aude.

-      « Oh ça va. Vous n’allez pas la chouchouter ! Faudra bien qu’elle apprenne. » reprend-elle d’un ton hautain.

La conversation dévie sur le spectacle de la veille, chacun échangeant sur ses impressions et les détails qu’ils souhaitent améliorer pour la prochaine fois. Ils sont tous très impliqués. Je les écoute avec attention tout en mangeant mes céréales. Je jette un coup d’œil à Echo qui a toujours son air renfrogné mais mange doucement. Cédric se tourne vers moi :

« Tu as un numéro de prêt ? » me demande-t-il à brûle-pourpoint.

-      « Pardon ? un numéro ? » je réponds, prise de cours.

-      « Elle n’a même pas de numéro. Tu es dans un cirque, tu sais ! va bien falloir que tu gagnes ta croute. » reprend Aude. Mon poing se serre autour de ma cuillère.

-      « On va monter ça ensemble ce matin si tu veux ? » me propose Line en m’adressant un clin d’œil.

-      « Euh… Oui… Je ne veux pas t’embêter. » je me radoucis et reporte mon attention sur ma voisine.

-      « T’inquiète, je n’ai rien de particulier à faire ce matin. Et j’ai bien envie de te voir à l’œuvre. Phil et Cédric nous ont pas mal parlé de toi depuis ton après-midi visite guidée. » me sourit-elle.

-      « C’est qu’elle est douée ! Avec un peu d’entrainement, elle pourra rivaliser avec Phil ! » s’exclame Cédric avec enthousiasme. Je remarque que Phil baisse légèrement les yeux tandis qu’Aude esquisse une grimace.

-      « N’importe quoi… » je bredouille.

Un bruit soudain résonne dans la salle. Tout le monde se lève d’un seul mouvement et commence à débarrasser sa place. J’ai un temps de retard, la cuillère à mi-chemin de ma bouche, mon bol à moitié plein. Je tourne la tête vers le bruit. Il provient d’un Pokémon bleu avec une bouche immense et la tête surmontée de deux oreilles circulaires.

« C’est le gong, le petit-déjeuner est fini. Au travail maintenant. » m’informe Aude avec agacement.

-      « Line ! Tu peux prendre mon bol, je dois trouver Echo ! » je m’exclame. Avec tout ce remue-ménage, il doit être terrorisé. 

-      « Vas-y ! je t’attends ! » me rassure-t-elle. Elle ne me pose aucune question, ce que j’apprécie.

Je me lève de table et zig-zague entre les gens. Je retrouve Echo recroquevillé contre Yucca, grognant à qui mieux mieux et tenant en respect Simiabraz qui semble vouloir le rassurer. Le vieux Pokémon singe me regarde d’un air triste comme s’excusant de ne pas avoir réussi à apaiser mon compagnon. Je le rassure d’un signe de tête et m’agenouille face à Echo. Je lui ouvre les bras, il se jette sur mes genoux et se blottit contre moi, tremblant comme une feuille.

« Ça va maintenant, je suis là. Je ne savais pas qu’il y aurait autant de mouvements au petit-déjeuner. Je suis désolée Echo. » je le rassure en le berçant doucement de gauche à droite.

Petit à petit, Echo s’apaise. Je remercie Yucca, Akui et Simiabraz d’avoir essayé de le calmer. La grande tente se vide au fur et à mesure. Isham range la salle avec deux jeunes enfants. Line s’approche de moi lentement accompagnée du Pokémon bleu.

« Ça va ? » me demande-t-elle doucement, n’osant pas s’approcher.

-      « Oui, ça faisait beaucoup de bruits pour lui. » je la rassure.

-      « Je te présente Ramboum. Il voulait s’excuser d’avoir fait peur à ton Rocabot. » ajoute-t-elle.

-      « C’est sympa, ça. Tu as vu Echo. Va dire bonjour. » dis-je en le déposant au sol face au Ramboum.

-      « « RAM ? RAM ? » interroge Ramboum. Sa voix est tonitruante ! Echo se jette à nouveau sur mes genoux en grognant.

-      « C’est sa façon de parler, il ne peut pas faire moins fort. » essaye d’expliquer Line.

-      « Allez, ça va bien se passer. » je tente de rassurer Echo.

Ramboum prend un air contrit et regarde alternativement vers Line, Echo puis moi ne sachant comment apaiser la situation. Nous restons immobiles et silencieux, Echo finit par cesser de grogner puis descend de mes genoux et s’approche de Ramboum. Il le renifle et d’un signe de tête accepte sa présence.

-      « RAMRAMRAM ! » s’exclame Ramboum avec joie. Echo se crispe mais prend sur lui et commence à discuter timidement avec lui.

-      « Je vous attends dehors. » me sourit Line.

-      « Je te remercie. On arrive tout de suite. » je lui suis très reconnaissance de sa patience.

 

Je laisse quelques minutes à Ramboum et Echo puis nous prenons congés. Line m’attend comme promis devant la tente « salle à manger ». Elle ne fait pas plus de commentaires sur le comportement d’Echo. Nous retournons jusqu’à l’esplanade devant sa roulotte. Elle m’interroge longuement sur la démonstration que j’ai fait pour Mathilda. Nous décidons de partir sur cette base. Line me demande de lui refaire la démonstration. Je m’exécute avec mes compagnons. Line nous donne de multiples conseils, arrange des transitions entre les mouvements, suggère certaines modifications par ci par là. De peur de blesser le public à coups de cailloux, nous oublions l’attaque Jet de Pierre d’Echo qui se contente de regarder. Akui se montre gracieux et enthousiaste. J’ai l’impression qu’il prend beaucoup de plaisir à se mettre en scène. Yucca est toujours aussi appliquée. Nous laissons de moins en moins de balles de jonglage nous échapper. Au bout d’un moment, Line s’éclipse quelques instants dans sa roulotte et ressort avec un violon.

« Ton chant est vraiment très joli, que dirais-tu de l’accompagner de musique ? »

A la vue de l’instrument, je me crispe. Les souvenirs affluent dans ma mémoire sans que je puisse les arrêter. Ma gorge se serre, j’ai l’impression qu’une main glaciale se referme inexorablement autant de mon cœur. Des images s’imposent. Je me revois enfant, errant au sein de la grande maison de ma grand-mère, les longues heures d’apprentissage du violon, un instrument que j’en étais venue à haïr tout autant que j’aimais sa mélodie qui reflétait si bien ma peine. Mon dos se souvient des brûlures cuisantes du bâton lorsque je loupais une note…

« Abi ? Abi… Hou, hou ? ça va ? » la voix de Line me parvient comme si elle était lointaine. Elle me ramène à l’heure actuelle. Je tente d’esquisser un sourire.

« Oui, c’est une bonne idée. Mais je ne veux pas en jouer. »

-      « Tu sais jouer ? » me demande-t-elle surprise.

-      « J’ai appris dans une autre vie… Je ne veux pas y toucher. » mon ton est sans appel. Line ne s’en offusque pas.

-      « Pas de soucis. Ça te va si c’est moi qui joue ou tu préfères que je prenne un autre instrument ? »

-      « Tu as tout un orchestre dans ta roulotte ? » je lui demande d’un ton taquin, tentant d’apaiser la situation.

-      « Non, un clavecin, une flute à bec, une flute traversière, une guitare et ce violon. Le strict nécessaire. » me répond-elle, tout sourire.

-      « Vas-y, joue. » je conclue.

Je tente d’ignorer la pointe d’appréhension que je ressens au fond de moi. Lorsque les premières notes s’échappent du violon, je ne peux réprimer un frisson courir le long de ma colonne vertébrale. Je fais tout mon possible pour ignorer les images des grandes pièces de cette vieille demeure vide, si vide… L’écho de mes pas dans les couloirs sans fin… La peur de faire une erreur, de se faire remarquer… J’entends ma voix, fluette, tandis que je commence à chanter. Line adapte sa mélodie, semblant amplifier les intonations inquiètes de ma voix. Akui, Echo et Yucca entament une danse et sont rapidement rejoint par la troupe de Passerouges. Ces derniers encerclent Akui, tourbillonnent autour de lui, dans une tornade inquiétante, reflet de notre chant. Imperceptiblement, Line nous guide. Par quelques notes claires, quelques envolées mélodieuses, elle fait ressurgir aussi quelques bons souvenirs : le majordome qui me donner discrètement du chocolat, le chat tigré des voisins qui traversait l’arrière-cours pour recevoir des caresses, l’apaisement parfois de la tristesse en jouant du violon seule, sans guide, sans partition… Mon chant, petit à petit, influencé par ces pointes de gaieté, se fait plus sûre, plus profond. La voix est plus pleine, le rythme plus entrainant. Au paroxysme, la troupe de Passerouges s’éclate, faisant apparaitre Akui comme une flamme de couleurs et d’espoir au milieu d’une explosion vermeille. Le son du violon s’éteint. La voix de Line me parvient.

« Abi ? ça va ? »

Je prends conscience que des larmes coulent le long de mes joues. Je les essuie vivement. Echo est collé contre ma jambe et gémit doucement. Je m’accroupis et le caresse.

-      « Oui, oui, ça va. »

-      « Ce n’était peut-être pas une bonne idée, je suis désolée. » me dit Line doucement.

-      « Ça va. Ce sont des vieux trucs. Et ce n’était pas si mal finalement. Le chant du violon me manquait d’une certaine façon. »

-      « Ça avait l’air difficile pour toi. Mais c’était très beau à entendre… ça ferait un beau numéro si on le travaillait. » me suggère-t-elle.

-      « Laisse-moi un peu de temps pour y réfléchir si tu veux bien. »

-      « Ça marche, je reste à ta disposition. »

-      « … » je laisse planer le silence quelques instants puis reprend. « Akui a vraiment l’air de bien s’entendre avec les Passerouges. »

-      « Oui ! Il s’est tout de suite fondu dans le groupe. Ce n’est pas si fréquent qu’ils acceptent un Pokémon d’une autre espèce comme ça. »

-      « Ils avaient même l’air de le mettre en avant… » je remarque songeuse.

-      « C’est vrai. C’est une piste à explorer ! » me dit-elle en m’adressant un clin d’œil.

-      « On s’y met maintenant ? » je demande, presser de me distraire de mes souvenirs.

-      « C’est parti ! » Line est pleine d’enthousiasme.

Elle va ranger son violon, nous avons eu assez d’émotions pour aujourd’hui. La prochaine heure s’applique à travailler en vol conjoint avec les Passerouges et Akui. Nous imaginons des figures, des chassé-croisé et des poursuites. Une fois la partie technique à peu près d’équerre, nous nous appliquons à broder un scénario pour appuyer notre numéro. Line est pleine d’imagination et les idées fusent de toutes parts. En fin de matinée, notre numéro semble quasiment au point.

 

A l’heure du repas, nous rejoignons la tente « salle à manger ». Une nouvelle fois, j’installe Echo avec les autres Pokémons. Il n’est guère rassuré mais je suis persuadée qu’il est important qu’il établisse des liens avec les autres Pokémons. Je ne sais pas pour combien de temps nous allons rester avec le cirque, ça pourrait durer un petit moment. Les jeunes, Phil, Cédric, Victor, Aude et Line, semblent avoir l’habitude de manger ensemble. Cédric est comme d’habitude enthousiaste et plein d’énergie. Il nous raconte avec animation comment il a failli renverser la marmite du repas de ce midi en voulant aider Isham et comment Simiabraz l’a chassé de la cuisine en le menaçant de ses flammes. Fort de ces mimes et mimiques, il déclenche de nombreux éclats de rire. Aude se montre toujours aussi froide envers moi. Phil est discret et sourit aux pitreries de Cédric. Victor est un bon vivant. Pendant le repas, je discute encore de quelques détails de mon numéro avec Line. Nous convenons d’aller le présenter cet après-midi à Mathilda pour validation. Aujourd’hui encore, le repas est délicieux. Isham est vraiment un magicien de l’alimentation ! Mathilda passe me voir au moment du dessert pour me demander de m’occuper de la vaisselle avec Victor et me demander d’aider Cédric dans les animations pour les enfants l’après-midi.

« Mathilda, j’ai préparé un numéro. Est-ce que je peux passer te le présenter cet après-midi ? » je lui demande. Mathilda marque un temps d’arrêt, elle semble me jauger du regard. Line, à côté de moi, secoue vivement la tête.

-      « Passe après la vaisselle. » conclue-t-elle.

-      « Merci. » dis-je alors qu’elle s’éloigne déjà.

 

Je file rapidement à ma corvée de plonge avec Victor. Il libère un Stari qui nous aide à rincer les assiettes et couverts. Je discute un peu avec Victor pendant que nous travaillons. Il me parle de sa passion pour ses Ponyta et sa fierté quand l’une d’elle à évoluer en Galopa. Il m’explique être arrivé dans le cirque pour voyager et entrainer ses Pokémons sans passer par les combats. Son rêve serait de faire des concours. Il se montre être quelqu’un de doux et de bonne compagnie. C’est un blagueur sans être un pitre comme Cédric. Un genre de force tranquille. Tout en discutant, nous avançons vite. La vaisselle est rapidement propre et rangée dans les armoires. Avant que je ne parte, Victor me propose de me présenter ses Ponyta et Galopa dans l’après-midi si j’en ai le temps. Je promets de faire mon possible pour passer le voir. Il m’indique le chemin pour retrouver le paddock.

Je prends congés et rejoins Line. Je la trouve entourée d’un groupe d’enfants. Elle joue de la flute sur son stand. Une Candine et un Tournicoton dansent autour d’elle en libérant des spores apaisant.

Lorsqu’elle a fini, elle salue bien bas et rappelle les deux pokémons plante. Les enfants se lèvent et retournent vers leurs parents. La petite foule se disperse vers d’autres activités. Line et moi prenons le chemin de la roulotte de Mathilda. Arrivée devant, je laisse Line toquer à la porte. Mathilda ouvre et nous questionne du regard. Elle est impressionnante, elle ne dit pas un mot et attend simplement.

« On voudrait te parler du numéro d’Abi. » Line ne se laisse pas impressionner. Le regard de Mathilda se tourne vers moi, elle ne prononce toujours aucun son.

« Préfères-tu qu’on te l’explique ou qu’on te montre le numéro ? » je lui demande.

-      « Montre-moi. » répond-elle.

 

Comme au premier jour, je m’avance au centre de l’espace de terre devant la roulotte. Le monticule qu’Echo avait construit pour le salut final est toujours présent. Je m’y installe. Je prends une profonde inspiration en fermant les yeux quelques instants. Line sort sa flute et entonne une courte mélodie puissante. Nous attendons quelques instants. La troupe de Passerouge arrive d’entre les arbres et vient encercler Charmillon, le dissimulant au regard. La musique de Line reprend de plus belle. La danse des passerouges et de charmillon suit son rythme. Charmillon est attentif à mes indications et je n’ai besoin d’esquisser que quelques gestes pour diriger son vol, déclencher une pirouette. Je lui demande d’utiliser sa tornade pour jouer sur le vol des Passerouges. A la fin du numéro, nous rejouons l’explosion du groupe de Passerouges et l’envol majestueux d’Akui. Ce dernier vient se poser sur mon épaule, tandis que les Passerouges se posent tous au sol en cercle autour de nous. Nous saluons à l’instant où la musique de Line cesse. Après quelques instants de silence, Mathilda prend la parole :

« Il faut encore un peu de travail pour que le vol des Passerouges et de Charmillon soit plus fluide. C’est un début prometteur. Travaillez quelques jours dessus et présentez-le-moi à nouveau. Ce numéro pourrait avoir sa place dans la représentation nocturne. » conclue-t-elle. Je sens une certaine chaleur dans sa voix, j’ai l’impression qu’elle est plutôt satisfaite.

-      « Merci Mathilda. » je souris. Ces remarques sont justes. En une seule matinée d’entrainement, on voit bien que Charmillon cherche encore sa place dans la troupe et que l’ensemble manque d’harmonie. Je suis tout de même rassurée de savoir que nous ne faisons pas fausse route.

-      « Abi a travaillé un autre numéro à partir de celui qu’elle t’avait présentée le premier jour. Tu as le temps de le voir ? » demande Line.

-      « Vas-y. » Répond la couturière retrouvant immédiatement son air sévère.

 

J’appelle Yucca. Après un rapide salut, nous entamons notre numéro de jonglage agrémenté du vol d’Akui. Les corrections de Line ont donné une toute autre perspective au numéro. Comme d’habitude, Yucca se cale sans effort sur mon chant. Line, que je sais maintenant être une véritable virtuose, improvise un air de flute pour nous accompagner. A la fin, Mathilda bat brièvement des mains. Je surprends le sourire aux anges de Line face à cette réaction. Je pense que nous avons marqué des points.

 

« Très bien. J’avoue être impressionné par les progrès que tu as fait en si peu de temps sur ce numéro. » dit Mathilda, avec un sourire sincère.

-      « Merci. » je réponds humblement.

-      « Je te propose de le présenter sur un stand les après-midis à partir de demain. Ça te permettra de le tester sur un vrai public. »

-      « D’accord ! Merci Mathilda ! » Je n’en reviens pas. Nous allons nous produire dès demain devant les visiteurs !

-      « Tu es libre pour la suite de la journée Abi. Ton équipe a bien travaillé ce matin. Pour vous récompenser, ce soir vous pourrez assister au spectacle. »

-      « Merci beaucoup ! »

-      « Line, Flora te cherchait. Elle aurait besoin de ton air pour un arrangement musical pour son numéro de voltige. »

-      « Pas de soucis ! Merci chef ! » répond Line qui se met en route sans attendre après m’avoir adressée un clin d’œil.

-      « Je te remercie encore Mathilda. »

-      « Oui, oui… Allez, file maintenant avant que je ne révise mon jugement. » reprend-elle en grommelant. Mathilda est une femme au fort caractère mais je découvre chez elle une douceur d’âme.


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