Orbes Opalines

Chapitre 4 : Echappée souterraine

4762 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 06/11/2020 16:15

Échappée souterraine

 

Des rugissements puissants me réveillent en sursaut. Je m’assois dans mon lit, regarde autour de moi. Arcko est à la fenêtre, il regarde intensément vers l’extérieur, sa queue en forme de feuille se balance de droite à gauche, par saccades. Pourtant, tout à l’air calme… Gruikui agite ses longues oreilles au-dessus de sa tête, il me regarde, inquiet. La porte de ma chambre s’ouvre à la volée.

-         « Kaze ! Il se passe quelque chose, dépêche-toi ! » m’apostrophe mon père.

Je me lève en hâte, m’habille. Arcko m’attend devant la porte de ma chambre, il est sur le qui-vive. Gruikui saute sur le lit jusqu’à ce que je le prenne dans mes bras. Je rejoins ensuite ma mère dans la cuisine.

-         « Ton père t’attend dehors, dépêche-toi. Et fais attention ! »

Je passe la porte et tombe nez à nez avec mon père. Il a l’air soucieux, les traits tirés.

-         « Que se passe-t-il ? »

-         « On ne sait pas. Vient voir par toi-même. » dit-il avant de me faire signe de le suivre.


Nous remontons le village à flan de falaise. L’aube se lève à peine. Le ciel se teinte petit à petit de lueurs plus claires, les étoiles s’éteignent une à une. La plupart des lumières se sont allumées aux fenêtres et sous les porches, les portes s’ouvrent sur des visages endormis et interrogateurs. Nous croisons quelques personnes en vêtements de nuit qui se rendent à l’entrée du village ou redescendent dans Flendic pour informer ceux, restés garder les maisons. Lorsque nous arrivons aux portes de la ville, nous découvrons un attroupement d’une quinzaine de personnes.

-         « Où ça en est ? » demande mon père à Jacques, le boulanger, un homme de haut stature et porteur d’une grande barbe brune.

-         « Ils n’ont pas bougé… » répond-il, soucieux.

-         « Qu’est-ce qu’il y a, P’pa ? » je demande à nouveau.

-         « Des Pokémons sauvages se sont rassemblés devant la ville. Des Ursaring, des Rafflésia, des Pifeuils, et des Medhyénas… Ils… ils ne sont pas dans leur état normal. »

-         « Ils ont le regard noir, c’est ça ? » je comprends.

-         « Oui. Ils ont commencé à se rassembler depuis une heure. Ils restent à bonne distance de la ville mais on ne peut plus sortir. On dirait qu’ils errent… » commente mon père.

-         « Mais… Pourquoi ? »

Tandis que je prononce ces mots, je sens la patte d’Arcko contre ma jambe. Je baisse le regard. Le petit Pokémon me montre la paume de sa patte. Le symbole… Les Pokémons… Ils sont là pour moi… Ça ne peut pas être un hasard. L’apparition d’Arcéus n’a pas pu passer inaperçu. Quelque soit le mal qui ronge notre monde, il me fait savoir qu’il ne me laissera pas mener ma mission à bien sans lutter.

-         « Ils sont là pour moi. » je dis à mon père.

-         « Comment ça ? »

Il me demande une explication plus qu’il ne doute de mon propos. Mon discours évasif sur les évènements de la veille ne l’a pas convaincu, il sait que quelque chose se trame.

-         « Je ne peux pas vraiment t’expliquer. Si je quitte la ville, je pense que les Pokémons sauvages s’en iront. Il y a… quelque chose que je dois accomplir. »

Mon père me regarde me surplombant de toute sa hauteur, son regard plongé dans le mien, scrutant la moindre de mes réactions. Au bout d’une minute qu’il m’en parait dix, il me prend la main.

-         « Alors allons-y. »


Il m’entraine à sa suite. Nous redescendons dans la ville et gagnons la maison. Nous entrons et retrouvons ma mère. Ils échangent un regard grave.

-         « C’est maintenant ? » interroge ma mère.

-         « Oui. » dit gravement mon père. 

-         « Maintenant que quoi ? » je ne comprends pas ce qui se passe.

-         « Kaze… Nous avons toujours su que tu partirais. A ta naissance, Créhelf s’est présenté à nous. Il s’est penché au-dessus de ton berceau, puis il nous a monté des images de toi plus grande. Tu quittais la maison, puis tu étais dans divers lieux à travers le pays, des montagnes, des déserts, des forêts… Je ne sais pas ce que les Pokémons ont prévu pour toi. Mais, on ne peut y échapper. Tu ne reviendras pas avant longtemps. » me dit ma mère.

-         « Créhelf, le Pokémon du savoir… » je murmure.

-         « J’ai creusé un passage dans les profondeurs de la Faille puis des souterrains qui te mèneront jusqu’à Zamgoure. » dit mon père. « Créhelf nous a fait comprendre que ta vie serait constamment menacée, nous avons donc toujours préparé une échappatoire. »

-         « Je… »

Je ne sais que dire. Les mots se bloquent dans ma gorge. Ils ont du vivre dans la peur toutes leurs vies que je disparaisse, tout en sachant cela inévitable… Je me remémore toutes les fois où je voyais le regard angoissé de ma mère quand je rentrais en retard et le soulagement sur le visage de mon père. Je ne les comprenais pas.

-         « Kaze, va chercher tes affaires. Il ne faut pas trainer. » me dit ma mère.

-         « Je vais te mener à l’entrée du passage. » complète mon père.

Comme une automate, je vais dans ma chambre, dépose Gruikui sur le lit et enfile les anses de mon sac de voyage sur mes épaules.

-         « Au revoir, Gruikui. Prend soin de toi. » dis-je en caressant le petit Pokémon feu.

-         « Grui, grui… » me répond-t-il d’un ton plaintif.

En repassant par la cuisine, je fais mes au revoir à ma mère. Elle me serre dans ses bras, me recommande une nouvelle fois de faire attention à moi, de lui donner des nouvelles dès que je le pourrai. C’est assez bref. Je pars ensuite avec mon père.


Nous descendons jusqu’aux étages inférieurs de la ville. Puis, il me guide par un sentier peu fréquenté. Le passage est creusé dans la roche, semi-ouvert sur les profondeurs de la Faille. Le jour a presque fini de se lever, loin au-dessus de nos têtes, je distingue le ciel ayant revêtu une teinte bleu clair. A la profondeur où nous sommes, la lumière ne nous atteint pas et le passage reste plongé dans l’ombre. Au-bout d’une demi-heure, nous arrivons à un croisement, une partie du passage poursuit sa trajectoire à flan de falaise tandis que l’autre s’enfonce dans les profondeurs de la terre.

-         « C’est ici. » m’annonce mon père. « J’ai marqué le passage par cette gravure. »

Il me montre une entaille en croix, gravé dans la paroi rocheuse.

-         « Cette marque te mènera jusqu’à Zamgoure. Fait attention à toi. Ses tunnels des étages inférieurs sont un vrai labyrinthe et certains sont laissés à l’abandon ou se sont effondrés. Ne t’écarte pas des marques. » me conseille-t-il.

-         « D’accord. Merci, P‘pa. »

Il me donne une accolade puis me pousse doucement dans le dos vers le passage. Juste avant que je ne m’y engage, j’entends sa voix.

-         « Arcko ? Je compte sur toi pour la protéger. »

-         « Ko. » répond le petit Pokémon, calmement.

Arcko et moi, nous avançons dans le tunnel. Toute lumière commence à disparaitre jusqu’à nous plonger dans le noir profond. Je sors ma lampe de poche. Le faisceau lumière nous permet juste de ne pas trébucher, je garde une main sur la paroi rocheuse pour me guider. Arcko escalade ma jambe et vient se poster sur mon épaule. Ainsi, nous ne nous perdrons pas.

 

°°°

 

Je marche ainsi de longues heures. J’avance lentement et j’ai parfois du mal à repérer les gravures laissées par mon père pour me guider. Arcko s’est assis sur mon épaule, il reste vigilant et silencieux. Je ne dis pas un mot non plus. Tout est calme autour de nous. Pendant longtemps, nous ne croisons pas âme qui vive. A ma montre, je constate que midi est passé. Nous faisons une pause avec Arcko pour nous restaurer. Je déguste un sandwich tandis qu’Arcko se régale de baies que ma mère a sélectionné spécialement pour lui. Par curiosité, j’en goute une et m’étrangle à moitié.

-         « Whoa ! Mais c’est super amer ! Comment tu peux aimer ça ? » je m’exclame.

-         « Ark ! Ark ! Ark ! » répond-il.

Je mets quelques secondes à comprendre qu’Arcko rit de ma réaction. C’est la première fois que je le vois se détendre un peu. Je souris et lui tends le reste du fruit. Arcko s’en saisit et mange avec appétit. Nous reprenons la route. Le chemin se met à grimper de façon régulière. Les couloirs rocheux n’ont aucune source de chaleur ni de luminosité, la température reste basse toute l’année. J’y suis habituée grâce à mon travail à l’atelier et mes expéditions avec Gruikui. Arcko, quant à lui, frissonne sur mon épaule. J’ajuste mon écharpe autour de mes épaules de façon à lui offrir le couvert du tissu. Il s’y blottit et au bout d’un moment cesse de trembler et pousse un soupir de contentement. L’après-midi passe ainsi sans repère pour nous indiquer le chemin parcouru et celui restant à faire. Je consulte régulièrement ma montre, déçue à chaque fois de la lenteur de l’écoulement du temps. Une journée dans le noir total… Je finis par trouver une cache. Les caches sont des chambres creusées dans la roche. On en trouve assez régulièrement dans les tunnels. Elles forment des renfoncements et des bancs permettent aux voyageurs qui le souhaitent de s’y reposer. Ils sont installés au rond autour d’un foyer près à y accueillir un feu. C’est avec hâte que je m’installe et allume un feu. Je fais chauffer quelques tranches de pain et fromage que m’a préparé ma mère et quelques baies. Arcko apprécie aussi qu’elles soient fumées. Ensuite, je me roule en boule dans mon sac de couchage. Le pokémon plante s’installe assez loin de moi, je le vois réprimer un frisson.

-         « Tu peux venir plus près si tu veux. » je propose.

-         « … » Arcko me regarde mais ne bouge pas d’un pouce.

-         « Comme tu voudras, bonne nuit. »

 

°°°

 

La nuit passe lentement… Installée sur les bancs, j’ai le dos raidi et je ne parviens pas à trouver une position confortable. Je finis tout de même par m’assoupir par tranche de une à deux heures. Lorsque je me réveille pour la cinquième fois, je découvre Arcko appuyé contre mon flan. Il devait avoir vraiment trop froid. Je consulte ma montre, en essayant de faire le moins de mouvements possibles pour ne pas déranger le pokémon lézard. Quatre heures du matin… Je me sens parfaitement réveillée, je n’arriverai pas à me rendormir. Je contemple donc le petit Pokémon à la lueur des braises du feu que j’ai entretenu à chacun de mes réveils. Il est roulé en boule et a rabattu sa queue en forme de feuille devant son visage. Seules les deux excroissances osseuses au sommet de son crâne dépassent légèrement. Au bout de quelques minutes, Arcko bouge, relève la tête et me regarde.

-         « Salut. Ça va ? »

-         « Ko. » dit-il en s’asseyant et en révélant ainsi son ventre rouge.

-         « Tu as assez dormi ? »

-         « Ko. » acquiesce-t-il.

-         « Je te propose qu’on reprenne la route. Plus vite on sortira de ces tunnels, mieux se sera. »

-         « Ko. »

Je remballe rapidement nos maigres possessions et éteins le feu. Je propose mon bras à Arcko. Il semble hésiter et, finalement, grimpe sur mon bras pour aller se caler sur mon épaule. Comme la veille, j’ajuste mon écharpe pour le tenir au chaud. Une nouvelle journée dans le noir quasi-totale nous attend. Puis les jours s’enchainent et se ressemblent tous. Ayant déjà fait quelques expéditions de plusieurs jours avec mon père dans des tunnels éloignés, je m’astreins à maintenir un rythme de veille et sommeil régulier et à ne pas perdre le compte du temps. Malgré mes efforts, au bout d’une semaine dans le noir, j’ai parfois du mal à me souvenir du jour où nous sommes. L’absence de lumière continuelle commence à avoir des répercussions sur Arcko aussi, il me semble moins vif qu’il y a quelques jours et s’emmitoufle plus fermement dans mon écharpe. Nous croisons quelques Pokémons roche vivant dans les cavernes, principalement des Nodulithes, Crabicoques et Racaillous. Nous sommes trop enfoncés sous terre pour croiser des Nosferaptis qui préfèrent rester assez à proximité des issues pour sortir la nuit.


Au dixième jour de notre périple souterrain, je constate que je ne sens plus les marques indiquant notre route depuis un petit moment. Je poursuis mon chemin, me disant que la prochaine marque est seulement un peu plus éloignée des autres. Le temps passe et je ne perçois toujours aucune marque… J’hésite à faire demi-tour mais Arcko me fait signe de continuer. J’avance encore une bonne dizaine de minutes dans cette direction. Nous arrivons à un croisement entre plusieurs boyaux. Je nous éclaire avec le Pokédex, toujours aucune marque. Définitivement, nous sommes perdus.

-         « Vraiment Arcko, je crois que nous ne sommes pas sur le bon chemin. On devrait faire demi-tour. »

-         « Arr. » répond-il en secouant la tête de droite à gauche.

-         « On ne va pas quand même pas prendre un chemin au pif ?! » pourquoi s’entête-t-il ?

-         « Sniiif, sniff… » Arcko hume l’air puis secoue sa queue à droite puis à gauche. « Ko ! » finit-il par s’exclamer en désignant le tunnel de droite.

-         « Tu veux qu’on aille par-là ? Tu es vraiment sûr de toi ? »

-         « Ko ! Ko ! » s’impatiente-t-il.

-         « Ok. Tu ne viendras pas te plaindre… » je grommèle.

 

°°°

 

A partir de ce moment, je laisse Arcko me guider. Je n’ai aucune idée de comment il s’oriente et je ne suis absolument pas sûre que nous nous approchions de la sortie mais dès que j’envisage de faire demi-tour, Arcko me tire l’oreille avec ses petites pattes. Au bout d’une nouvelle demi-heure de marche, j’aperçois une lueur au bout du tunnel. J’approche et découvre quelques mousses luminescentes sur les parois rocheuses. Je les effleure du bout du doigt, leur contact est doux et humide. Arcko et moi poursuivons le long de ce chemin.

Les mousses se font plus nombreuses et se diversifient. Elles arborent des teintes variées allant du vert au rose en passant par l’orangé et le bleu. Bientôt, des fougères s’épanouissent de part et d’autre de la voie. Nous débouchons sur une immense cavité. J’ai l’impression de me retrouver dans la jungle. Des fougères et des arbres aux feuilles luminescentes s’élèvent face à moi en une forêt épaisse. Je ne peux même pas distinguer l’autre côté de la cavité. En levant mon regard, je vois la voute rocheuse nous surplomber loin au-dessus de ma tête. Elle est percée à son sommet d’une large ouverture. Mon regard se perd dans un ciel bleu dont je ne distingue aucun nuage. Quel bonheur d’apercevoir une lumière naturelle depuis tout ce temps ! J’ai l’impression qu’il fait plus chaud aussi. Arcko descend le long de mon bras et grimpe dans un des arbres. Il s’avance ensuite d’arbre en arbre. Je le suis, timidement. Je découvre après une première rangée d’arbres, un vaste lac intérieur aux eaux cristallines. La faune ici, est bien plus diversifiée que celle que nous avons rencontré depuis que nous avons quitté Flendic. Je vois un Onix, deux Embrylex, des Sabelettes, plusieurs Opermines regroupés autour du lac. Et surtout, je découvre des espèces de Pokémons d’un autre temps… Certaines espèces sont réputés disparues. Je n’en crois pas mes yeux quand mon Pokédex me confirme l’existence d’une famille de Lilia autour d’un Vacilys, et d’un Carapagos qui barbote dans l’eau. Je continue d’errer dans l’espace naturel, je suis éblouie, ravie, transportée ! C’est incroyable et magnifique. J’ai l’impression d’être la première personne au monde à découvrir cet espace protégé, secret. Des Amonitas et des Kabutos s’ébattent dans les eaux peu profondes du bord du lac. Je m’approche doucement. Ils ont d’abord peur et s’éloignent à mon approche. Je retire délicatement mes chaussures et plonge mes pieds dans l’eau. Elle est glaciale ! Je prends sur moi et essaye de me détendre. Je dois reconnaitre que cette eau froide me permet aussi de délasser mes pieds douloureux de leurs longues marches des derniers jours. Je vais m’asseoir au bord du lac et contemple ce qui m’entoure. Arcko s’est installé dans un arbre au-dessus de moi et j’ai l’impression qu’il s’est assoupi. S’il peut s’endormir si facilement, c’est que nous ne risquons rien. Je le laisse se reposer. Au bout d’un moment, un Kabuto s’approche de moi, il tourne autour de moi puis il est rejoint par d’autres. Bientôt, les Kabutos et quelques Amonitas jouent autour de moi. Je les regarde batifoler ainsi pendant longtemps. L’un d’entre eux vient se lover contre moi et ne bouge plus. Délicatement, je caresse sa carapace, toute lisse et humide.


Soudain, tous les Kabutos et Amonitas retournent dans l’eau à toute vitesse. Arcko se réveille en sursaut, il descend de son arbre et ni une ni deux, me rejoint et grimpe sur mon épaule. Il tire sur mon oreille vers la forêt. Je me lève et vais m’abriter sous les arbres. Un puissant rugissement retentit au-dessus de nous. Je m’avance très discrètement et me tord le cou vers le haut. Une ombre imposante aux ailes d’une envergure de plusieurs mètres nous survole quelques minutes. En prenant garde de mettre mon Pokédex en silencieux, je le pointe dans sa direction. Un Ptera ! L’impressionnant Pokémon carnivore est censé être éteint depuis des années. Il reste à planer quelques minutes encore au-dessus de nous puis s’éloigne et disparait. Je sens Arcko se détendre sur mon épaule. Je remets mes chaussures et repars en exploration avec Arcko. Je m’enfonce dans la jungle souterraine et m’émerveille encore de la faune et de la flore locale. La conformation géologique sous-jacente attire évidemment aussi mon attention. Le sol alterne les zones fertiles et celles de roche pure. Je n’ai jamais vu ça.


Alors que je m’avance distraitement, je sens les pattes d’Arcko se resserrer sur mon oreille.

-         « Aïe ! » je m’exclame.

Arcko ne me répond pas, il fait de grands gestes et m’incite à m’accroupir. Surprise par son état d’alerte, je m’exécute. Au bout de quelques secondes, un immense Pokémon bipède se dresse à quelques mètres de moi. Je reste bouche bée. Je pointe mon Pokédex dans sa direction. Un Rexillius ! Un Pokémon de type roche et dragon, lui aussi est censé être éteint ! Mais ce qui capte le plus mon attention, c’est son regard. Je reconnais immédiatement les pupilles noires et vides signant un état anormal du Pokémon. Je comprends l’agitation d’Arcko, nous courons un immense danger. Un Pokémon de cette puissance dans un état second, les conséquences peuvent être dévastatrices. Je commence à reculer lentement, en essayant de ne faire aucun bruit, quand je remarque, aux pieds de Rexillius, un nid abritant quelques œufs. Le Pokémon marche autour d’un air amorphe, sans conscience. Distraite, je fais craquer une branche. Le Rexillius s’immobilise, regarde autour de lui et finit par me localiser. La rage s’empare de la créature qui pousse un rugissement terrifiant. Il se campe sur ses pattes arrière, tambourinant le sol. Se faisant, il écrase deux des œufs. Non ! Sans réfléchir, je m’élance vers le monstre. Profitant de l’effet de surprise, je glisse sous les pattes de Rexillius et attrape le dernier des œufs entre mes bras. Je me relève et sans plus attendre, je fuis à travers les arbres. Le Rexillius se retourne et se lance à notre poursuite. J’entends les arbres se ployer et se briser sur le passage de la créature. Ses grondements me poursuivent et semblent se rapprocher. Je me mets à zigzaguer, tentant de prendre avantage de ma petite taille. Mes jambes me font mal, mes bras sont griffés à travers ma veste par les branchages. A ma gauche, j’aperçois une vieille souche renversée, sans plus réfléchir, je me jette dessous. Cachée par les fougères environnantes, je m’immobilise. Pourvu que l’odorat de Rexillius ne soit pas de grande qualité… Se sent mon cœur cogner douloureusement dans ma poitrine, j’ai presque l’impression qu’on pourrait l’entendre alentour. Le puissant Pokémon nous dépasse et continue sa course. Plus loin, je l’entends s’immobiliser, rugir puis le silence s’installe. Je tente de reprendre ma respiration, serrant contre moi l’œuf. Arcko reste sur mon épaule. Nous restons ainsi de longues minutes. Finalement, ne percevant plus aucun indice de la présence de Rexillius, je sors de ma cachette et m’éloigne prudemment de la zone. Je traverse la jungle, le plus en ligne droite possible. Finalement, j’atteins une des parois de la grotte. J’aperçois le puit dans la voute rocheuse, le nuit est tombée.

-         « Arcko, il faut qu’on trouve un endroit où nous mettre à l’abri pour la nuit. »

-         « Ko. » acquiesce-t-il.

Il descend de mon épaule et me précède. A nouveau, il agite sa queue à droite et à gauche. Peut-être s’oriente-t-il en fonction du vent qu’il capte sur sa peau ? Nous longeons la paroi rocheuse jusqu’à trouver une petite cavité naturelle un peu en hauteur. J’escalade la paroi et me retrouve dans un petit espace où je peux m’allonger.

-         « Ça conviendra pour ce soir. Nous allons manger froid, je ne veux pas risquer d’attirer le Rexillius. »

Nous mangeons donc quelques baies. Je contemple l’œuf que j’ai sauvé des pas du Pokémon dinosaure. Il est d’une belle couleur orangée avec un fond plus foncé. Sa surface est lisse et légèrement tiède. Je me demande bien de quelle espèce de Pokémon il s’agit. Rien n’indique que ce soit un petit du Rexillius. Peut-être son parent a-t-il fuit face au Pokémon ténébreux.

-         « Tu crois qu’il faut qu’on cherche ces parents ? » je demande à Arcko.

Arcko s’approche de l’œuf, pose sa patte dessus et reste silencieux quelques instants. Il finit par secouer la tête et prend un air désolé.

-         « Kooo… » fait-il doucement.

-         « Ça ne servirait à rien, c’est ça ? » je crois comprendre.

-         « Ko. » acquiesce le Pokémon plante.

-         « Il est orphelin… Alors il va le garder. Je vais l’élever ! » je réponds d’un ton décidé.

Arcko hoche la tête. Cette décision semble lui convenir. Je serre l’œuf dans mes bras et m’endors. Arcko se blottit contre moi pour la première fois.

 

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