Les Train Twins

Chapitre 44 : Life can be electric !

8695 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 21/11/2022 13:15

Chapitre 44


Life can be electric !



Quelques semaines et un badge plus tard, le quatuor était de retour à Nénucrique. Atalante, la directrice de l’établissement de concours pokémon de la ville, accepta de les laisser répéter dans ses locaux, mais la haute saison battait son plein et le défilé des coordinateurs était continu, elle ne pouvait pas se permettre de les héberger sur place. Les quatre adolescents dormaient donc au centre pokémon, situé dans le même quartier. Jessy n’était pas tranquille de savoir ses instruments sans surveillance la nuit, mais comme Mégane avant elle, Atalante leur avait assuré qu’il ne leur arriverait rien. Malgré tout, Jessy arrivait avant l’ouverture et repartait tard le soir.

Nénucrique était une cité portuaire moderne et très touristique. Il y avait une belle vue sur l’océan et le port de plaisance depuis le centre de concours, mais le plus beau point de vue restait sans doute les plages de l’est qui s’étalaient du phare jusqu’à la Crique Wailmer. Fry n’était pas du matin, mais il rêvait d’aller admirer le lever du soleil sur l’horizon, alors le lendemain de leur arrivée, il avait été réveillé violemment par Jessy qui s’était assise sur lui avant l’aube et elle l’avait emmené jusqu’à la plage. Ils étaient revenus au centre avec des croissants pour le petit déjeuner et le plus grand bonheur des raichu.

Les Train Twins devaient d’abord donner un concert à l’Hôtel Crique Crack. Ils frôlèrent l’incident diplomatique entre Jessy et la propriétaire quand cette dernière évoqua le passage des Dark Love le mois précédent, en insistant lourdement sur la qualité de leur prestation. Ensuite, ils participeraient à un petit festival près du parc safari et Atalante avait aussi besoin de leurs services. Mais au milieu de ce calendrier plutôt bien rempli, Fry n’avait pas oublié l’essentiel…

« Je pars me promener, j’ai quelques courses perso à faire, annonça le jeune champion. Scotty, tu m’accompagnes ?

- Ah, euh… Si tu veux. » Répondit le blondinet, très surpris par sa demande.

Les deux garçons abandonnèrent les jumelles dans le grand hall du centre pokémon et Fry prit aussitôt la direction du gigantesque centre commercial de Nénucrique en sifflotant joyeusement. Scott interrogeait son ami tout en marchant.

« Tu comptes aller où exactement ?

- Je ne sais pas encore, c’est pour ça que je voulais que tu sois là.

- Je ne te suis pas.

- Tu ne vas pas me faire croire que tu as oublié l’anniversaire des filles ? Lâcha Fry en levant un sourcil sceptique.

- Non évidemment, mais quel est le rapport avec moi ?

- Bah quitte à leur acheter des cadeaux, autant qu’on y aille ensemble non ? C’est plus sympa, et tu pourras m’aider à trouver des idées.

- J’ai déjà du mal à trouver un cadeau pour Jessy, je peux difficilement en trouver deux, répondit Scott avec un sourire confus.

- Tu te sous-estimes Scotty, même avec Jess tu te débrouilles comme un chef, j’en serais presque jaloux. J’ai mis des mois avant de réussir à dompter la bête ! Et tu restes un expert en Jenny Ketchum. »

Scott rougit, à la fois flatté et contrarié. Il n’aimait pas quand son ami faisait des allusions à ses sentiments pour Jane. Après ce qu’il avait vécu, il trouvait les taquineries de Fry déplacées, mais il n’osait pas lui en parler, de peur de le froisser, alors il souffrait en silence.

« Puisque les garçons ne sont pas là, ça te dirait d’aller faire une balade à l’ouest de la ville ?

- Tu ne veux pas aller à la bibliothèque ou au musée ? S’étonna Jessy.

- J’irai au musée avec Scotty, je lui ai promis. Gali et Loki sont vraiment contrariés à force de ne pas combattre, je me disais que ça leur ferait du bien de se dégourdir les pattes et d’aller affronter quelques grahyena sauvages.

- Si tu veux mon avis, ce qu’il leur faut, c’est une bonne vieille ligue pokémon.

- Peut-être, mais il est trop tard pour la ligue d’Éternara et tant qu’on n’a pas gagné ce fichu concours, pas moyen de mettre les voiles vers Kalos. »

Jessy fit la moue, Jenny regrettait sa réflexion, elle n’avait pas envie de ruiner la bonne humeur de sa sœur, depuis que Scott lui avait offert son adaptateur et l’aidait à écrire des chansons, elle rayonnait littéralement. Jenny se reprit et afficha un grand sourire confiant.

« Maintenant que tu le dis… Je suis sûre que ça te manque de ne pas avoir un adversaire à ta taille. On peut aller se faire un match à trois contre trois ?

- Ah ouais ! Bonne idée ! » Clama Jessy en se frottant les mains.

La route 121 avait l’avantage d’être longue et bien dégagée. Elle était aussi relativement sèche par rapport au reste de la région. L’est d’Hoenn avait la réputation d’être accidentée, humide et boueuse. Avec cette topographie spécifique et la présence du parc safari, elle attirait énormément de dresseurs et de dresseuses venus s’entrainer. Jessy et Jenny connaissaient très bien la réputation des lieux. En outre, avec ce vaste espace, elles pourraient libérer toute la puissance de leur pokémon.

En quelques battements d’ailes d’Etna, les jumelles furent arrivées à destination. De là où elles se trouvaient, elles pouvaient encore apercevoir au loin les toits des immeubles de Nénucrique. Elles libérèrent aussitôt l’intégralité de leurs pokémon. Comme elles étaient près du rivage du chenal 122, Jenny put également faire sortir Lord. Le pokémon cétacé semblait heureux malgré le manque d’espace dans cette calanque.

« Alors, qui a envie de se défouler un peu ? » Lança Jessy.

Braségali et Lockpin furent les premiers à réagir, mais Mysdibule et Tengalice n’étaient pas en reste. Jenny s’approcha de son pokémon feu et prit une voix doucereuse accompagnée d’un air sévère pour s’adresser à lui.

« Avant de commencer, que les choses soient claires Gali : si tu me refais un coup comme avec Marvy, je te renvoie direct au Bourg Palette et tu y restes jusqu’à cet hiver, c’est bien compris ?

- Brasé… » Accepta platement le pokémon.

Il était frustré, mais restait très obéissant. Les évolitions comme les raichu semblaient hyper motivés également, seul Lucario regardait la troupe de ses camarades pokémon avec un air sceptique. Il commençait à plus apprécier la musique que le combat, surtout qu’il restait d’une puissance supérieure à la plupart de ses collègues au niveau pourtant ahurissant. Les affronter sans se donner à fond ne l’intéressait que moyennement.

« Luc luc… Marmonna-t-il.

- Quoi ça y est ? Tu vas me faire un caprice ? Pesta Jessy en posant ses poings sur ses hanches.

- Luc. »

Médie et Chu se mirent à aboyer, tels deux rires pokémonesques pour se moquer de leur camarade lunatique. Dans le dos des jumelles, Lockpin trépignait d’impatience, il avait hâte de combattre. L’ambiance était très gaie, tous les pokémon jactaient dans l’allégresse quand, soudain, Pit dressa les oreilles. Chu l’imita et les deux frères humèrent l’air en binôme.

« Rai ?

- Rai rai !

- Qu’est-ce qui t’arrive Pit ? Demanda Jessy.

- Rai ! »

Emoustillé, Pit fit quelques bonds en direction du nord, aussitôt suivi par Chu dont l’excitation allait bientôt dépasser celle de son frère. Pit avait un meilleur flair, mais sa nature restait plus sereine que celle de Chu.

« Eh ! Ne vous éloignez pas comme ça !

- Relax Jess, ils ont sans doute senti la présence de pokémon électriques, comme le jour où on a rencontré Rem.

- Ouais, mais le coin est dangereux. S’ils vont jusqu’à la route 120…

- Ça ne risque pas, on en est loin encore. »

Jane se tourna vers les raichu foufous et mit ses mains en porte-voix.

« Chu ! Sois prudent ! Pit, surveille-le !

- Rai rai ! » Lui répondit l’ainé des raichu dans un écho déjà lointain.

Jessy regarda les deux pokémon s’éloigner en trottinant sans pouvoir se débarrasser de sa mauvaise intuition. Comme elle semblait toujours très contrariée et que Jane restait prudente, la dresseuse de Chu caressa le plumage bleuté du cou de son altaria et lui dit :

« Sweet, suis-les et veille à ce qu’ils ne fassent pas de bêtise.

- Alaaa !

- Merci mon Sweety. »

Le dragon d’azur décolla immédiatement et prit la même direction que les frères raichus. Pit et Chu cavalèrent dans les hautes herbes, guidés par l’odorat de Pit. Des nuées de goélises picorant le sol s’envolaient en panique sous le passage des bolides jaunes. Pit jappait avec bonne humeur, ils s’approchaient de leurs cibles. Chu aussi les sentaient de mieux en mieux, ses joues chargées en électricité rayonnaient et crépitaient, témoignant de son agitation fébrile.

 

Au cœur des prairies herbeuses, trois jeunes pikachu étaient perchés sur un gros rocher et regardaient en contrebas. Deux d’entre eux affichaient un air rusé, le troisième semblait plus circonspect et fixait le sol en plissant les yeux avec beaucoup de concentration.

« Pika pika... (Je ne le vois pas...)

- Pika ! Pika pika ! (Mais si ! Je te dis qu’il est là !) »

La dernière pikachu, la seule femelle du groupe avec la queue en forme de cœur, s’approcha de l’arête saillante de la pierre et lança un éclair en visant un point précis dans les broussailles. Son attaque toucha un kecleon peureux qui essayait en vain de se camoufler dans la végétation. Ses rayures jaunes et rouges et ses petits yeux noirs de lézard réapparurent brusquement à la vue de tous.

« Keclé ! Cria-t-il, plus de frayeur que de douleur avant de s’enfuir.

- Pika pi ! (On le poursuit !)

- Pika ! (Ouais !) »

Le premier pikachu bondit à terre pour courser Kécléon. Dans sa panique, le pokémon caméléon heurta Pit et couina de terreur avant de changer de direction. Le pikachu, lui, tomba nez à nez avec Chu.

« Pika ! (Dégage toi !) » Grogna le pikachu mal poli.

Chu fronça le museau avec contrariété et donna un bon coup d’boule au pikachu accompagné d’un coup d’jus pour lui montrer sa puissance électrique. Le petit rongeur recula de quelques pas, surpris par la force du nouveau venu. Les deux autres pikachu qui s’apprêtaient à sauter du rocher s’immobilisèrent pour toiser les frères raichus. Pit soutint leur regard en restant calme, mais Chu se laissait envahir par ses émotions. Il était survolté, il avait envie de jouer, de se bagarrer et il sentait les phéromones de la femelle au corps stimulé par la présence de tous ces mâles. Il sauta sur le rocher, il faisait une tête de plus que les deux pikachu et il dégageait énormément d’électricité statique. Il regarda à peine le jeune mâle pour se concentrer directement sur la femelle. Elle avait une belle allure, svelte et athlétique, ainsi que des yeux bleus clairs, comme les deux autres pikachu. À l’odeur, Pit et Chu devinèrent qu’ils étaient de la même lignée tous les trois.

La pikachu se redressa sur ses pattes arrière pour dominer le raichu qui venait au contraire de se remettre à quatre pattes et commençait à tourner autour de la femelle pour l’examiner. Elle le suivait du regard, Chu aimait ce regard, il lui rappelait un peu celui de sa dresseuse. Il pencha le museau pour renifler son postérieur et Pikachu se retourna brutalement en le giflant avec sa queue dans une sorte d’attaque souplesse à puissance réduite. Son compagnon tenta de s’interposer à son tour pour faire comprendre au raichu qu’il était trop familier avec elle, et Chu riposta aussitôt avec un coup d’jus pour l’obliger à reculer, il aimait exhiber sa force devant eux. La pikachu femelle en profita pour filer, le troisième pikachu lui emboita immédiatement le pas et Chu également.

« Rai rai ! Raichu ! (Arrête ! Reste là !) » Cria Pit à l’adresse de son frère.

Mais Chu n’en faisait qu’à sa tête, il avait envie de se défouler. Il se lança dans une course folle avec les trois pikachu. Les deux mâles étaient plutôt mécontents, mais ils avaient surtout du mal à suivre. Chu les doubla rapidement, et Pit les rattrapa sans problème. La femelle était beaucoup plus rapide, elle arrivait même à devancer Chu qui utilisait sa hâte pour la talonner. Elle jetait occasionnellement quelques coups d’œil filous en arrière pour voir où en était le raichu. Chu se rendit compte au bout d’un moment qu’elle ralentissait de temps à autres pour éviter qu’il ne se laisse distancer, elle était vraiment véloce. Ils ne faisaient plus la course, ce n’était plus qu’une balade frivole.

Les trois pikachu et les deux raichus traversèrent les champs et les vergers d’arbres à baies. Ils sautèrent par-dessus les clôtures jusqu’à atteindre une lisière de forêt et beaucoup d’autres barrières, plus hautes. La jolie pikachu longea la grille et se faufila par un trou percé dans la clôture de métal. Chu arriva à son tour à la hauteur de l’ouverture. Il était plus grand et plus gros, il fut obligé de s’aplatir fortement pour pouvoir passer sous le grillage, cela le ralentit dans sa course. La pikachu regarda par-dessus son épaule pour voir s’il avait réussi à pénétrer dans le parc et elle se mit à piailler d’amusement. Les joues du raichu grésillèrent, il sentait qu’elle se moquait de lui, il n’appréciait pas, et en même temps, cela le stimulait encore plus. Ils reprirent leur jeu de course-poursuite et très vite Pit et les deux autres pikachu franchirent eux aussi la ligne de démarcation abimée.

Toute la bande se trouvait désormais dans le parc safari. Ils traversèrent une petite zone marécageuse, passèrent près de plusieurs mangeoires encore pleines de granulés et de pokéblocs. Chu le gourmand ne s’en préoccupait pas, il suivait la pikachu en ne pensant à rien d’autre qu’à sa course folle avec l’intrépide femelle. Pit derrière lui braillait pour le retenir, il n’aimait pas voir son frère jouer les têtes brûlées de la sorte, même si courir comme un fou dans les bruyères était aussi jouissif pour Pit que pour Chu.

La pikachu pénétra dans un petit bois à l’ombre accueillante en cette saison estivale. Chu s’enfila dans le sentier qu’elle traçait entre les fougères, puis ce fut Pit, puis les deux autres pikachu mâles qui ralentirent le rythme jusqu’à disparaître dans la végétation en partant l’un vers l’Est, l’autre vers l’Ouest. Pit se retourna brièvement, intrigué par leur brusque changement de direction.

Chu débarqua dans une clairière fleurie dotée d’un petit point d’eau. Une large mangeoire se trouvait près d’un abri fabriqué en planches de bois où somnolaient quelques autres rongeurs jaunes. Les deux camarades de la pikachu jaillirent des buissons et revinrent près de leur amie, formant ainsi un double bouclier entre elle et Chu. La frimousse tordue de raichu ressemblait à un rictus provoquant. Il fit grésiller ses joues.

« Pika pika ! »

Ce n’était pas un membre du trio mais un autre pikachu, plus gros, qui venait de crier dans le dos de Chu. Pit se retourna vivement en sentant une présence derrière lui, beaucoup d’autres pikachu sortaient de leurs terriers ou des bosquets alentours. Initialement, il n’y avait qu’une petite douzaine de pokémon dans la clairière, dont des pichu pour plus de la moitié. Désormais, ils étaient presqu’une quarantaine de pikachu.

« Pika pika, pika pikachu pi ? (Alors, on fait moins les malins les caïds ?) Les railla l’un des deux pikachu précédemment en vadrouille avec le belle femelle.

- Rai rai raichu ! (J’vous prends tous quand vous voulez !)

- Pika pi pi. (Il est malade celui-là.)

- Pi pika pikachu, pika. Pika pikaaa… (Les mâles alpha, tous les mêmes. Tu t’y crois le grooos…)

- Rai rai… (J’vais me le faire…)

- Chu rai, raichu ! (Chu calme-toi, ça suffit !) » Gronda Pit.

L’ambiance était électrique. Les trois aventuriers étaient téméraires, chacun à leur façon. Se retrouver chez eux les mettait en confiance, et Chu répondait systématiquement à leurs provocations. Le reste de l’assemblée trépignait de curiosité et d’excitation à l’idée de voir une bagarre. Certains reniflaient plus ou moins discrètement les deux nouveaux venus.

Un pikachu beaucoup plus âgé que les autres, avec le poil plus dru, plus long et plus pâle, s’avança au milieu de la meute. Lorsqu’il se mit à ronchonner, tout le monde se tût et s’écarta pour le laisser s’exprimer.

« Pika ! Pi pika pi pikachu pika pi ? (Ça suffit ! Combien de fois il faudra vous dire de ne pas sortir du parc ?) »

Le vieux pokémon semblait être le chef du clan, pour Pit et Chu cela paraissait évident. Il s’approcha encore pour mieux observer d’un œil critique le duo de raichu.

« Pika pikachu ? (Qui sont ces deux-là ?)

- Pika pika. Pika pika pi pi. (Ils nous ont suivis. Je crois que ce sont des pokémon domestiques.)

- Rai. Raichu Chu chu raichu Prai. (Ouais. Je m’appelle Chu et lui c’est mon frère Prai/Pit.)

- Pika pika pi pi pika... (Il n’y a bien que des humains pour donner des noms aussi bêtes à des pokémon.) » Se moqua le pikachu que Chu avait bousculé dans la nature.

Aussitôt, le raichu fit crépiter ses joues dans l’intention de lui lancer une châtaigne, mais Pit lui donna un coup de patte pour l’en dissuader, tandis que le chef de meute se plaçait devant le jeune pikachu écervelé pour empêcher la dispute.

« Pika pika. Pikachu, pika pi pika pika pikachu. (Il faut les excuser. Ils ne veulent pas être capturés, alors ils sortent sans arrêt du parc sans penser aux conséquences.)

- Rai rai (Il n’y a pas de mal), répondit Pit.

- Pika pikachu ? Pikachu ? (Où sont vos dresseurs ? Ils ne vont pas s’inquiéter ?) »

Pit avait compris implicitement qu’ils n’étaient pas les bienvenus, mais le vieux pokémon était trop courtois pour le dire frontalement et l’écart de niveau entre les surpuissants raichu et la petite meute de jeunes captifs excluait toute confrontation directe. L’issue du combat était connue d’avance.

« Rai, rai raichu. (Aller, viens on rentre.) » Fit Pit à son frère.

Le raichu commença à rebrousser chemin et attendit que son frère daigne le suivre. Chu dressa fièrement le buste devant le chef de meute avant de suivre le mouvement initié par son frère. Il regarda longuement la pikachu aux yeux bleus tout en s’éloignant.

Les rongeurs jumeaux trottinaient à travers les bosquets du parc safari d’Hoenn. Ils avaient retrouvé sans peine le chemin qu’ils avaient emprunté. L’un comme l’autre se sentaient épiés. À plusieurs reprises, Chu se retourna mais ne vit rien, Pit non plus, en revanche, ils finirent par reconnaître l’odeur.

Une fois passés le trou dans le grillage, ils se retournèrent une dernière fois vers la clôture du parc Safari et remarquèrent la silhouette de la pikachu femelle dressée derrière le grillage, en train de les regarder s’éloigner. Chu hésitait, il mourait d’envie d’y retourner, mais il savait que Jenny allait finir par s’inquiéter, surtout si Pit rentrait sans lui. Toutefois, la plus inquiète des deux rouquines était sans nul doute Jessy. Elle s’écria dans un soulagement bougon lorsqu’elle vit jaillir les deux raichus des fourrés.

« Ah bah quand même ! Vous étiez passés où vous deux ? »

Pit sauta dans les bras de sa dresseuse, pour la faire taire, autant que pour la rassurer. Chu chercha où était sa dresseuse. Elle était assise dans un talus, en train de dessiner sur son calepin un kécléon dissimulé dans le feuillage. Terrorisé par Loki et Gali qui s’entrainaient encore l’un contre l’autre malgré l’épuisement de leur match contre Jessy, le petit kécléon n’osait pas bouger. Il était encerclé par les autres membres de l’équipe. Tengalice l’avait remarqué en première, elle avait incité ses camarades à le laisser tranquille.

Chu sautilla jusqu’à sa dresseuse. Elle mit son carnet de côté et lui caressa le crâne avec beaucoup d’affection.

« Alors, quelles bêtises as-tu encore fait aujourd’hui mon grand ?

- Raï raï. » (Rien de spécial.)

Altaria vint se poser près d’eux. Pit avait bien remarqué que l’oiseau bleu les survolait depuis leur départ, mais Chu était trop obnubilé par le trio de pikachu, en particulier la jeune femelle, pour prêter attention à son ami aérien.

« Altaria altaaa ! Altaaaa altaaria ! (Altaria au rapport ! Ils sont allés chasser des pikachu au parc safari.)

- Raï raï ! (Gros cafteur !)

- Altaaaa ! (Gros bébé !)

- Eh bien on dirait que vous vous êtes bien amusé… » Chantonna gentiment Jane en caressant Sweet de son autre main.

Elle comprenait moins bien que sa sœur les échanges entre ses pokémon, mais elle saisissait l’essentiel, à chaque fois.

 

Les jours suivants furent bien moins oisifs. Le groupe enchaina les répétitions et les représentations sous la chaleur estivale. Cette saison était décidément celle qui leur convenait le mieux, à tous. Seul Chu semblait frustré d’être coincé avec ses camarades dans la cité de Nénucrique. Il s’échappait régulièrement pour aller vers la limite ouest de la ville, près de la route 121. La saison des amours avait débuté, il le sentait. De nombreuses espèces sauvages folâtraient dans les herbages et il sentait à nouveau la présence de groupes de pikachu dans les parages, mais il n’avait pas le droit d’y aller. Il était de corvée de chorégraphie avec son frère. Comme sa dresseuse et ses partenaires, il fut obligé d’attendre l’anniversaire des jumelles pour avoir une véritable journée de repos et de liberté.

La belle plage de Nénucrique était noire de monde en cette mi-juillet, alors les filles décidèrent plutôt d’organiser un pique-nique d’anniversaire à l’ouest de la ville, dans un coin paisible et bucolique de la route 121. Humains et pokémon partageaient un énorme panier de fruits et de petits gâteaux. Jenny avait planté deux bougies dans deux muffins et les avait prudemment allumées sur la flamme de la queue d’Etna. C’était une opération périlleuse, mais elle semblait heureuse d’épater la galerie en faisant cela. Par sécurité pour la rouquine, Etna avait réduit l’intensité de sa flamme pour un bref instant. Une flamme de dracaufeu ne doit jamais s’éteindre au risque d’affaiblir mortellement son porteur, alors elle devait faire aussi attention à sa propre santé.

Jessy offrit à Jenny une nouvelle ceinture de dresseur waterproof, sa jumelle apprécia énormément ce cadeau, même s’il lui rappela l’espace d’un instant son agression sur le Nymphéa. Elle chassa au mieux cette sombre pensée avant d’offrir son propre cadeau pour Jessy : un coussin pikachu jaune zébré de brun pour leurs soirées de camping. Toutes leurs affaires ayant brûlées dans l’incendie de Verchamps, Fry et les jumelles se baladaient encore avec le vieux matériel de leurs oncle et tante.

Pendant que Jessy testait le moelleux de l’oreiller sous le regard envieux de Pit qui rêvait déjà de faire la sieste dessus, Fry donna un coup d’épaule dans le dos de Scott pour le remuer afin qu’il offre ses cadeaux aux filles. C’était une petite vacherie de sa part, il savait bien que Scott était nerveux et qu’il aurait préféré que Fry passe en premier. Comme un accord tacite entre Fry, Jessy et Jenny, ils étaient tous décidés à pousser Scott à dépasser sa réserve maladive dès que l’occasion se présentait.

« Ah-hem, euh, Jess ? Joyeux anniversaire, marmonna-t-il en tendant un petit paquet rouge à Jessy.

- Tu n’étais pas obligé de me faire un cadeau, tu m’as déjà offert l’adaptateur pour Pit.

- Oui mais c’était à cause du concours, ça ne compte pas vraiment... » Répondit Scott en rougissant.

Jessy déballa rapidement son cadeau et cligna des yeux perplexes en le découvrant.

« Le même livre que la dernière fois ?

- Ah, euh, oui… Hem, Fry m’a dit qu’il avait brûlé, mais que tu avais réussi à lui préparer le meilleur curry de sa vie, alors j’ai pensé que…

- Le meilleur curry de ta vie ? »

Scott se tut, Jessy ne le regardait plus, elle fixait Fry avec une expression complètement dubitative. Pour donner le change, Fry se força à sortir un sourire à la Reese Morgan tout en se grattant le front. Intérieurement, il maugréait, quel besoin Scott avait eu de lui répéter ça ?

« Je n’en mange pas souvent à vrai dire. Tu pourrais provoquer Seb dans un duel culinaire avec ce truc. »

Il pointa du doigt le livre de Scott. Un peu décontenancée, Jessy finit malgré tout par reposer son attention sur Scott.

« Merci Scotty. Je te promets qu’il ne brûlera pas celui-là. »

Scott eut un petit rire posé et pudique, à force de composer avec elle, il commençait enfin à se détendre en compagnie de Jessy.

« Et ça c’est le mien ! » Déclara Fry en tendant un paquet mou à Jessy.

Il donna le même à Jenny. Dans l’esprit des rouquines, cet effet miroir des deux paquets dorés faisait écho à leur cadeau de Noël pour Fry. Elles avaient deviné juste : elles déballèrent deux t-shirt verts vifs identiques ornés d’un bulbizarre, encerclé dans une silhouette de pokéball dessinée au trait blanc. Le grand sourire de Jane trahissait son amusement.

« C’est en prévision du festival des forêts ?

- On ne peut rien te cacher ! Répliqua Fry avec le même genre de sourire. J’ai hésité entre ça et de la lingerie, mais je me suis dit que le t-shirt serait plus utile.

- Ih ih ih ! »

Seule Jane avait compris la plaisanterie et l’appréciait. Scott grimaçait avec un air profondément gêné, il luttait contre son imagination et se demandait comment Fry réussissait à balancer des vannes olé-olé comme ça, sans se mettre à rougir un seul instant. Jessy, elle, avait les yeux exorbités et la peau de ses pommettes ressemblait désormais à celle de sa dracaufeu. Jenny se sentit obligée d’intervenir.

« C’est une blague Jess ! Enfin je crois… Ajouta-t-elle sans pouvoir retenir son clin d’œil à l’adresse de Fry.

- Eh eh, oui évidemment. »

Face à la mine confuse de Jessy, il était satisfait de sa plaisanterie grivoise. De plus, elle cachait assez bien le fond de sa pensée. Il n’avait pas envie de revoir les jumelles avec les vêtements de Rem et Bill sur le dos, ça lui déplaisait. L’année passée, il avait juste ressenti une légère déception, il aurait apprécié de voir les jumelles avec ses propres t-shirts sur le dos, le spectacle promettait d’être attrayant. Mais à l’approche de cette nouvelle édition du "Son des forêts", il pensait que les jumelles étaient ses jumelles à lui, il n’avait pas envie de les partager avec d’autres garçons, en dehors de Scott. Perdu dans ses pensées, il trouvait qu’il commençait à ressembler à Jenny, ce n’était pas très flatteur pour lui, mais Scott avait raison : il n’était pas indifférent.

« Et sinon, j’crois qu’il reste un cadeau non ? » Lança Fry en se tournant vers Scott.

Le blondinet retrouva sa nervosité naturelle. Il tapota des doigts l’inhalateur au fond de sa poche pour vérifier qu’il était bien là avant d’offrir son cadeau à Jenny. Elle sourit tendrement à son ami. Le cadeau de Jessy lui avait rappelé son agression sur le Nymphéa, et maintenant qu’elle prenait des mains le paquet de Scott, les abominables paroles de sa chanson "Pauvre petit ami" lui revenaient aussi en mémoire. Sa force intérieure l’aida à surmonter cette nouvelle épreuve morale, et aucun de ses trois amis ne perçut le trouble qui agitait son cœur.

Fry savait très bien ce que Scott avait acheté pour Jane, il avait eu le temps de se marrer tout seul dans son coin en amont, mais la tête sidérée de Jessy contemplant le cadeau de sa sœur restait un spectacle cocasse.

« Oh, des pinces, pour aller avec les tournevis… » S’écria Jenny en feignant la surprise.

En réalité, elle s’imaginait bien un cadeau du genre de la part de Scotty.

« Ah et j’ai ça aussi. »

Dans une tentative de petit effet théâtral, Scott sortit de sa poche arrière de jean un tournevis flambant neuf entouré d’un ruban rose. Jenny se figea une seconde avant de brandir le tournevis manquant que Scott avait racheté et d’éclater de rire.

« Ih ih ih ! Merci Scotty ! »

Elle aurait pu se commémorer encore l’attaque du Bourg Palette et faire un trio gagnant des idées noires, mais à la place, ce cadeau facétieux la remplit de joie. Devant sa mine réjouie, Scott sentit son cœur s’emballer de bonheur. Hélas, chassez le naturel, il revient au galop…

« Oh de rien. Je suis désolé : en fait, ton vrai cadeau n’est pas terminé. J’ai pris du retard avec la confection de l’adaptateur pour raichu et les répétitions, je n’avais pas du tout prévu de jouer de la musique avec vous, alors c’est…

- Pourquoi tu t’excuses de tout cela ? Il est génial ton cadeau ! Dit Jenny avec un beau sourire en désignant son nouveau tournevis et son jeu de pinces.

- Ah, euh, oui, mais ce n’est pas ton vrai cadeau, je voulais terminer mon pokéradar pour toi. Il est opérationnel, mais pas fiable à cent-pourcents. Il faudra aussi le synchroniser avec ton pokédex et…

- Scotty ! » L’interrompit Jane.

Elle le regardait avec gentillesse, elle se demandait quel geste tendre elle pouvait choisir pour le remercier sans trop le chambouler. C’était un problème sans solution : un simple sourire de sa part mettait Scott dans tous ses états.

« Merci beaucoup. Ne t’en fais pas pour le pokéradar. Tu me le donneras quand tu l’auras terminé, ce n’est pas urgent, prends ton temps et si tu as besoin d’aide pour bricoler, n’hésite pas à me demander, d’accord ? J’adore quand tu m’apprends des choses. »

Cette phrase eut l’effet d’une bombe sur l’esprit de Scott. Il se sentait flotter, transporté par une nuée de tylton jusqu’au paradis. Un violent pincement au cœur lui rappela que Jenny l’avait déjà rembarré une fois. Cette tendresse indolente, il ne pouvait s’y fier, mais chaque regard qu’il posait sur la rouquine réveillait en lui ses sentiments. La beauté de son sourire radieux, la finesse de ses traits et le miel de sa voix l’ensorcelaient. Il n’arrivait pas à maintenir sa tête droite, il baissait systématiquement le menton pour échapper au trouble, puis, rattrapé par l’amertume, tel un drogué, il relevait à nouveau la tête pour la voir et ressentir encore une fois cette ardente affection, cette félicité hypnotique lui faisant croire perfidement qu’il était heureux...

Il fut brutalement extirpé de sa parenthèse chimérique par une claque virile entre les omoplates, assénée par Jessica.

« Eh ! Scott et moi on a aussi une surprise pour vous ! » S’exclama-t-elle toute guillerette.

La musicienne attrapa sa guitare acoustique et s’installa aussitôt en enfilant la lanière pour jouer debout. Elle se mit ensuite à fixer Scott qui émergeait tout juste. Il installa lentement son clavier qu’il avait ramené en prévision. Contrairement à lui, Jessy trépignait d’impatience.

« Elle est finie depuis un moment, mais je voulais attendre notre anniversaire pour vous la jouer. T’es prêt Scotty ?

- Ah, euh, oui ! »

Scott posa ses mains sur son clavier et Jessy commença à jouer la première, tout en chantant.

« Je n'sais pas comment raconter notre histoire,

Il était une fois ?

Une illumination, un éclair ?

Dès que je t'ai vu, dès le premier soir,

Un coup de foudre,

Le plus beau cadeau à me faire !

On se connaît depuis l'enfance, parfaitement assortis,

Jamais un, toujours deux, ensemble on a grandi, mûri...

Ça peut paraître bizarre pour certains,

Mais peut-être était-ce notre destin ?

Wouhouh-ouhouh.

Je n’ai pas peur de te dire je t’aime.

Wouhouh-ouhouh.

A toi qui a toujours su rester le même !

Oh jamais !

Jamais jamais !

Jamais je ne t'abandonnerai !

Non ! Jamais jamais jamais !

Je n'aimerai quelqu'un plus que toi !

Au grand jamais je ne te quitterai,

Mon ami, mon frère, mon ptit'chou.

Oh jamais !

Jamais jamais !

Jamais je ne te laisserai !

Je t’adore un peu plus chaque jour,

Si tu étais humain, je t'aurais déjà épousé !

Mon ami, mon frère, mon poké-amour.

Mon compagnon de tous les dangers...

Wouhouh-ouhouh.

Oh ! Parle-moi, s'il te plaît parle-moi !

Wouhouh-ouhouh.

J'oubliais, tu n'peux pas,

Tant pis si c'est moi qui chanterai pour toi !

Oh jamais !

Jamais jamais !

Jamais je ne t'abandonnerai !

Non ! Jamais jamais jamais !

Je n'aimerai quelqu'un plus que toi !

Au grand jamais je ne te quitterai,

Mon ami, mon frère, mon pika trop chou...

Oh jamais !

Jamais jamais jamais !

Jamais je ne te laisserai !

Wouhouh-ouhouh…

Jamais rien ne pourrait le changer...

Entre nous, ce sera toujours l'amour fou,

Mon ami, mon frère, ma moitié,

Mon trésor, mon ange, mon raichu…

Le seul homme qui ne me quittera pas,

Et pas même la mort ne nous séparera !

Oh jamais !

Jamais jamais !

Jamais je ne te laisserai !

Non ! Jamais jamais jamais !

Je n'aimerai quelqu'un plus que toi !

Jamais jamais jamais !

Oh non jamais je ne te quitterai,

Mon ami, mon frère, mon Pit, mon chou ! 

Wouhouhouhou !

Oh jamais jamais jamais !

Jamais je ne t'abandonnerai !

Non jamais jamais jamais !

Je n'aimerai quelqu'un plus que toi !

Jamais jamais jamais !

Au grand jamais je ne te quitterai,

Mon ami, mon frère, mon beau raichu ! 

Jamais ! »

Jessy reposa sa guitare et sourit à ses amis. Aussitôt, Pit se rua vers elle et sauta dans ses bras. Elle ne put s’empêcher de rire, alors qu’il frottait son museau contre sa joue. Fry trouvait la scène terriblement mignonne, Scott aussi. Ils peinaient à reconnaître l’horrible léviator rouge du Bourg Palette, Jess avait plutôt l’allure d’une petite fille à cet instant précis.

« Rai rai ! Piaillait le raichu.

- Elle est géniale ! S’enthousiasma Fry.

- Je me souviens de cette chanson… Susurra Jenny en fronçant légèrement les sourcils, plongée dans ses souvenirs. C’est la première chanson que tu as essayé d’écrire. Elle remonte à l’époque où on a fait évoluer nos pichu. Tu l’as modifiée ?

- J’ai cru qu’elle était perdue pour toujours, mais Scotty m’a aidé à m’en souvenir et on l’a amélioré ! » Déclara Jessy.

Vraisemblablement, la rouquine était très satisfaite du résultat, elle rayonnait. Scott se frotta la nuque avec humilité en sentant le regard reconnaissant de Jessy posé sur lui et l’admiration dans les yeux de Jenny.

« J’voudrais la jouer à la place de problème de statut, pour la Voix des forêts. Enfin si j’arrive à mettre au point une bonne chorégraphie avec Pit et Chu d’ici là.

- On a presque deux mois devant nous, on est large, l’encouragea Fry.

- Et on peut encore l’améliorer ! Pas vrai Scotty ?

- Oh oui… Oui sans doute.

- Tiens tiens… Je crois qu’on a de la visite. Regardez. » Les interrompit Jenny.

La rouquine avait repéré deux fines oreilles pointues noires et jaunes qui dépassaient des hautes herbes. Le pokémon électrique devait les épier depuis un petit moment, mais elle s’était enfin décidée à sortir prudemment sa truffe des broussailles. Dressée sur ses pattes arrière, une pikachu femelle aux yeux bleus observait la troupe avec curiosité en remuant les oreilles.

Les mots de Jenny attirèrent l’attention des trois autres humains, mais également de la plupart des pokémon. Gavés de sucreries, les deux raichus avaient le flair anesthésié par le glucose, ils n’avaient donc pas senti la femelle approcher. En l’apercevant, Chu s’agita vivement.

« Rai rai !

- Rai ! » L’interpella son frère, toujours perché sur sa dresseuse.

Chu traversa leur petite aire de pique-nique pour rejoindre la femelle sans écouter les mises en garde de son frère qui lui disait de se tenir tranquille. D’autres pokémon du groupe semblaient enthousiastes à l’idée de rencontrer cette nouvelle congénère, Friday tout d’abord, mais aussi John, Loki et Jako. En les voyant s’approcher d’elle, la pikachu prit peur et s’enfuit vers le bois au sud du parc safari.

« Rai ! Rai ! » Aboya Chu avant de se lancer à sa poursuite.

Jenny haussa un sourcil et croisa les bras, elle sentait la jalousie monter en elle. Elle se sentait un peu ridicule, mais surtout terriblement blessée.

« Je n’y crois pas. C’est mon anniversaire et lui il préfère aller vadrouiller avec une pikachu ? Quel goujat. »

Fry peinait à se retenir de rigoler.

« Sacré Chu… »

 

Le raichu aux yeux vairons gambadait dans la campagne en suivant la jolie femelle toujours aussi véloce. Elle était décidément très rapide, mais elle faisait en sorte qu’il puisse la suivre. Ils coururent longtemps, elle lui fit longer la clôture, plutôt que de la traverser, et l’emmena jusqu’à une petite colline rocailleuse qui surplombait le parc safari. Ils étaient à l’extérieur du parc, mais depuis ce point d’observation, ils avaient une vue imprenable sur la réserve naturelle vers l’est et sur les cimes de la jungle de la route 120 vers l’ouest.

Raichu n’était pas essoufflé, mais il sentait que son endurance avait été mise à l’épreuve.

« Rai rai raichu. (T’es une sacrée coureuse toi.)

- Pika ? Pika pika pi ! » (T’as vu ? Je n’en reviens pas que tu arrives à me suivre.)

Raichu s’approcha du bord pour apprécier la vue splendide sur le parc. Il s’assit sur son derrière et contempla ce paysage, il le trouvait magnifique et verdoyant, avec plein de jolis points d’eau : des étangs, un petit lac, une rivière s’écoulant à l’est… Un vrai jardin d’Eden pour Pokémon. Comme la dresseuse de son frère, Chu était du genre aventureux et il adorait voyagé. Mais il adorait aussi son Bourg Palette natal, et ce petit coin de paradis à Hoenn lui rappelait un peu son précieux chez lui.

Pikachu passa près de lui, sa queue dressée frôla le museau de raichu par inadvertance ou peut-être délibérément, il n’aurait su le dire. La jeune femelle jeta au parc un regard hautain avec ses beaux yeux bleus ressemblant presque à ceux des jumelles Ketchum.

« Pika pika pikachu. (Je veux partir du parc définitivement.)

- Rai ? (Pourquoi ?)

- Pika pika pi. Pika pikachu pika pi. (Je refuse de vivre en captivité. Je veux vivre ma vie comme je l’entends.)

- Rai rai, raichu rai, raichu raichu. (Tu dis ça, mais la vie est dure dehors, et tu seras peut-être capturée aussi.)

- Pika ! Pipi pika pi. (Jamais ! Je suis plus rapide que tous les autres.) »

Raichu voulut la provoquer et tenta d’attraper sa queue, elle avait de bons réflexes et elle lui échappa facilement. Chu se roula dans la poussière avant de se redresser pour la regarder. Elle le toisait avec la satisfaction d’avoir exhibé, une fois de plus, sa vitesse.

« Pikachu pika pi pika pikachu, pika pika ! (Avec mes cousins on voulait former une nouvelle meute dehors, mais ils ont la trouille !)

- Rai rai ? Raichu rai raichu ? (Et alors quoi ? Tu vas fonder une meute toute seule ?)

- Pika pi ? Pika-pika pikachu, pika pika pi pikachu chu. (Pourquoi pas ? Je trouverai d’autres pikachu, et avec un mâle je pourrai fonder une colonie.) »

La pikachu passait et repassait devant lui à quatre pattes en remuant la queue de haut en bas alors qu’elle parlait de ses projets. Elle n’en était pas consciente, mais son attitude était celle d’une jeune femelle en début de parade amoureuse.

Le museau de Chu frétillait, il captait ses phéromones, cela lui hérissait le poil. Il sentait tout son corps se bander et ses organes génitaux le chatouillaient de l’intérieur. Elle s’approcha de lui dans une attitude provocante, il trépignait sur place, ses joues électrifiées aussi le démangeaient.

« Rai rai… Rai raichu rai… (C’est un rêve de gamine… Les pikachu sont faibles…)

- Pika pi ? Pika pika, pika pikachu pi-pika pika pika. (Un rêve de gamine ? Tu m’as suivi jusqu’ici, tu dois y croire un peu ou ça te manque la liberté.) »

Chu monta sur le dos de la pikachu sans crier gare. Elle sursauta à moitié et se dégagea rapidement, il revint aussitôt à la charge et cette fois il l’immobilisa en la mordant dans le cou.

« Piikaa !!! (Lâche-moi !!!)

- Raich raich ! (Laisse-toi faire !) » Marmonna raichu entre ses dents resserrées sur sa peau.

Il tentait de la saillir, mais la pikachu gardait sa queue baissée pour protéger son bas ventre.

« Pikaa !!! (Lâche- moi !!!) » Ordonna la femelle en grognant à moitié cette fois.

Comme Chu ne la libérait toujours pas, elle finit par redressée ses caudales dans une queue de fer et lacéra le buste de raichu pour le forcer à reculer. Cette fois, Chu lâcha son emprise et s’éloigna de plusieurs mètres. Il regarda la coupure très superficielle mais douloureuse au-dessus de son nombril.

« Rai raichu rai ! (Je veux te prendre !) S’emporta Chu.

- Pika pika pikachu ! Pika ! (Et moi je n’en ai pas envie ! Pas maintenant !) »

Chu se sentait frustré, il s’agitait en faisant du surplace. Ils étaient en pleine saison des amours, Pikachu aurait dû être consentante, mais ce n’était pas encore le bon jour. Intérieurement il pestait : c’était toujours pareil avec les pokémon sauvages, ils étaient esclaves de la nature. Chu, lui, comme tous les autres pokémon domestiques, perdait le rythme. Il pouvait avoir envie n’importe quand et n’importe où, pourvu qu’une femelle soit à son goût. C’était pareil pour toutes les espèces ou presque dans les équipes des jumelles, c’était pareil pour Pit.

Raichu fit quelques bonds de côté avant de se remettre à grogner.

« Rai rai ! Raichu rai rai. » (Je me casse ! Tu m’énerves trop.)

Chu commença à s’éloigner, bien décidé à retourner au campement de sa dresseuse pour retrouver son frère et ses amis. Il était énervé et avait besoin de se défouler pour oublier son envie furieuse inassouvie. La pikachu trépigna sur place en le regardant partir, sa propre colère faisait grésiller ses joues.

« Pika pika ! Pikachu pika pi ! Pi-ka ! » (C’est ça ! Rentre donc voir tes sales humains ! Esclave !)

Chu ne savait pas résister à une provocation, c’était dans son tempérament. Il s’arrêta, se retourna et lui lança un regard noir.

« Rai rai ! Raichu, rai raichu rai rai ? (Je ne suis pas un esclave ! Tu te crois maline, toi qui ne sais pas te débrouiller toute seule dans la nature ?)

- Pika pika pi, pi-ka ! » (Je me débrouille déjà mieux que toi, esclave !)

Cette fois, le poil de Chu se hérissa, tout son pelage était chargé d’électricité. Il fit volte-face et revint auprès de pikachu à une vitesse prodigieuse, elle l’avait à peine vu se mouvoir, il avait utilisé sa hâte. Il vint coller son museau au sien en dégageant un maximum d’électricité menaçante. Elle devait capter sa puissance, c’était comme ça que les pokémon électriques se jaugeaient et s’impressionnaient pour établir une relation de domination.

« Rai raichu ! Rai raichu rai-rai raichu ! » (Les humains m’ont rendu fort ! Et ce n’est pas une petite peste dans ton genre qui va m’apprendre la vie !)

Pour la première fois, il lui jeta une décharge électrique. Jusqu’à présent, il n’avait provoqué que les mâles qui l’accompagnaient, mais elle l’avait trop cherché. Elle sentait sa puissance, elle était intimidée, mais son audace était sans limite, et sa crainte fut engloutie par sa colère. Elle voulait lui tenir tête, elle ne pouvait pas faire autrement, elle aurait trop honte d’elle si elle rentrait au parc safari, la queue entre les jambes, vaincue par un pokémon domestique...

Pikachu lança une attaque tonnerre et une vive-attaque dans la foulée. Elle était extrêmement rapide, autant si ce n’est plus que Chu, mais en termes de force et d’attaque spéciale, il n’y avait pas de comparaison possible. Le raichu riposta avec un coup d’jus qui manqua de la paralyser, il était hautement improbable de parvenir à paralyser un pokémon électrique avec une attaque électrique, mais raichu en était capable. S’il l’avait vraiment voulu, il aurait pu. Il enchaina avec une queue de fer, Pikachu l’évita de justesse. Avec une agilité sans pareil, Chu prit appui sur ses pattes avant et donna un violent coup de pied dans le museau de pikachu dans une attaque souplesse. Elle fut propulsée en arrière, la frappe était calculée pour ne pas l’assommer, mais elle mit quelques secondes à réaliser ce qui venait de se passer. Elle n’eut pas le temps de se relever, Chu bondit sur elle et l’immobilisa fermement au sol. À quatre pattes sur elle, il lui montrait sans aucun doute possible qui était le dominant. Il planta son regard vairon encore luisant de colère dans le sien.

« Raichu rai raichu ! » (Je suis plus fort que tu ne le seras jamais !)

Elle ne pouvait plus se dégager, si elle essayait de se débattre il aurait fatalement le dessus, mais elle ne pouvait de toutes façons plus rien faire. Épuisée, elle haletait en soutenant son regard. Elle n’avait jamais rencontré de pokémon aussi fort, c’était quasiment impossible dans la nature d’atteindre un tel niveau, le lucario de Jessy était une exception parmi des dizaines de milliers. En plus, par son tempérament, Chu était un mâle alpha, un vrai, domestique ou pas.

La femelle ne produisait plus de son, Raichu sentit sous ses coussinets que ses muscles se relâchaient. Dans ses iris bleus, il vit aussi la différence : enfin elle avait renoncé à l’hostilité et à l’affrontement, elle était soumise, soumise à l’alpha. Dans un petit grognement ressemblant presque à un soupir de soulagement, il la relâcha. Il en avait assez, il avait toujours envie de rentrer au campement.

D’un pas beaucoup plus las que quelques minutes plus tôt, il tourna sur lui-même dans une boucle avant de prendre la direction du parc. Un couinement plaintif provenant de derrière lui le fit se retourner. Pikachu s’était relevée, puis elle s’était agenouillée en redressant sa queue en forme de cœur et en la penchant de côté. Elle présentait à Chu son séant, bien dégagé et facile d’accès. Le museau de Chu remua un peu, il humait l’atmosphère, il sentait les phéromones de la femelle : enfin, elle l’appelait de tout son consentement.

Raichu frissonna de désir avant de revenir au petit trot vers la pikachu et de lui grimper dessus, sauvagement.

 

A suivre...

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