Les Train Twins

Chapitre 43 : Tels pères, tels fils.

8589 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2022 13:22

Chapitre 43


Tels pères, tels fils.



Fry se réveilla guilleret mais bien après tout le monde au centre pokémon d’Algatia. Chose rare, Jessy n’avait pas imposée de planning, alors Jenny était partie très tôt pour la bibliothèque, Fry l’avait vaguement entendu préparer son sac dans son demi sommeil. Il prit son petit déjeuner en solitaire, avant de se lancer à la recherche de ses deux autres amis. Un soleil radieux, une température légèrement plus fraiche que dans son archipel natal, un vent faible et des effluves marins embaumant l’air, cette journée de repos s’annonçait sous les meilleurs hospices.

Jessy et Scott s’étaient installés sur la terrasse du centre pokémon, attablés autour du carnet de Scott et de feuilles de partitions vierges. L’espace d’un instant, Fry se demanda s’il n’avait pas confondu Jessica avec Jane dans cette ambiance studieuse, mais entre sa haute queue de galopa, la guitare rouge posée contre la table et sa voix si reconnaissable, il ne pouvait pas se tromper.

« Eh Jess, je pensais aller à l’arène d’Atalanopolis cet aprem, ça te branche ?

- Non désolée, on est en train de composer avec Scotty, je voudrais terminer notre nouvelle chanson avant la fin d’la semaine.

- Oh. Ok… Pas grave, on peut y aller une autr... »

Jessy ne l’écoutait que d’une oreille distraite. Elle décrocha une pokéball de sa ceinture et la colla entre les mains de Fry.

« Tiens, je te confies Etna, elle t’emmènera à Atalanopolis.

- Euh... Merci… »

Jessy se pencha aussitôt sur sa guitare et Scott regarda Fry s’éloigner, il trouvait qu’il avait une petite mine. Jessy, elle, l’avait à peine remarqué, trop concentrée sur sa musique.

« Euh, je crois qu’il voulait vraiment que tu y ailles avec lui. » Se risqua Scott d’une voix timide.

Jessy leva les yeux de sa guitare et fixa Scott de son regard électrique intense, il en frissonna. Même parfaitement calme et sereine, la belle rousse restait vraiment intimidante.

« Ah ? Bah, j’suis occupée là, il l’a bien vu.

- Euh oui, mais il avait quand même l’air très déçu… Hem. »

Il y eut un nouveau blanc dans la conversation, Scott ne savait pas trop comment expliquer la chose sans se mêler davantage des émotions de Fry et sans brusquer Jessica. De toute façon, ses yeux bleus vifs et perçants le décourageaient de dire quoi que ce soit d’autre.

« Il s’en remettra. Concentre-toi sur ta chanson au lieu de t’inquiéter pour Fry.

- O… Ok Jessy. »

 

Fry se sentait un peu déboussolé. Le soleil était déjà haut dans le ciel, vu l’attitude de Jessy, il était évident qu’elle se fichait royalement du déjeuner, quant à Scott, il ne sentait pas la faim. Jenny étant partie pour une journée intellectuelle et laborieuse, il ne fallait plus espérer de repas collectif avant le soir. Le jeune champion de la Ligue Orange estima qu’il était inutile d’attendre davantage pour mettre les voiles vers l’arène. Avec une humeur plus tristounette qu’au réveil, Fry libéra Etna puis s’envola vers l’île d’Atalanopolis sur le dos de la dracaufeu. Au décollage, il aperçut les deux raichus en liberté en train de faire la course vers la colline de l’est.

Fry était habitué à l’océan, pour beaucoup ce n’était qu’une étendue bleue qui n’en finissait pas vers l’horizon, mais lui il arrivait à voir les nuances. Il survola la mer d’Hoenn en percevant toutes les subtiles différences avec celle d’Orange. La couleur était différente, moins azurée et plus foncée, comme un saphir. L’odeur était différente, plus soufrée à cause du phytoplancton. La forme et l’implantation des rochers et des îlots aussi étaient différentes, la température et, simplement, l’atmosphère n’avaient rien à voir. Le jeune homme admirait le paysage les cheveux dans le vent. Au bout d’un certain temps de vol, il se mit à frotter son ventre musclé avec sa main droite, ça lui faisait bizarre de chevaucher Etna tout seul, sans être appuyé contre le dos de Jessy.

A vol de pokémon, avec la vitesse d’Etna, Atalanopolis était à peine à une heure de voyage d’Algatia. Bientôt, le gigantesque récif circulaire d’un blanc immaculé qui formait une barrière naturelle grandiose, autour de l’antique cité, fut à portée de vue et d’ailes. Etna n’était pas revenue depuis des années, mais elle reconnut les lieux. Les dracaufeu étaient connus pour leur instinct de grand voyageur qui remontait à la préhistoire. Elle atterrit sur une place dégagée, loin des habitations, mais près du centre pokémon et du pont menant au grand arbre d'A.Z. Fry se laissa glisser au sol.

 « Merci Etna. » Dit-il en caressant le cou de la dracaufeu.

Alors qu’il regardait le paysage rappelant les villages de Santorin dans les Cyclades, il sentit le museau de la dragonne se coller à sa joue comme pour lui faire un bisou. Fry ne s’y attendait pas. A force de transporter le garçon sur son dos avec sa dresseuse, Etna avait fini par s’y attacher.

« Tu profites que Jess ne soit pas là pour me faire des mamours ? T’as peur qu’elle soit jalouse ? Plaisanta Fry.

- Grawmf ! »

Fry frotta à nouveau son cou et le menton de la dracaufeu avec affection avant de la renvoyer dans sa pokéball.

Fry ne se lassait pas de ces balades bucoliques à travers le pays, toutefois la solitude de certaines promenades commençait à le gêner. La compagnie des pokémon n’arrivait pas à le contenter pleinement, c’était sa grosse différence avec les jumelles. Contrairement à Jessy, lui il aimait bien entendre Scott déballer en cascade ses connaissances sur la technologie de Lavandia ou de Larousse City, même s’il n’y comprenait pas grand-chose. Il prenait plaisir à regarder Jenny rêvasser sur la plage de Poivressel et l’écouter lui raconter tout ce qu’elle aimerait voir à Kalos. Et même s’il était difficile de l’admettre, il adorait quand Jessy ronchonnait à propos de choses que lui trouvait sublimes, comme la forêt de Jade.

Il laissa ses pas le guider au hasard à travers la ville de pierre, il ne cherchait même pas spécialement l’arène, il pensait à ses amis. Il aurait dû attendre que Jessy soit disponible pour venir. Il songeait également que Jenny aurait peut-être souhaité rendre visite à sa famille, après tout, le champion de l’arène était un oncle des rouquines. Le hasard le mena malgré tout à l’arène pokémon d’Atalanopolis, au centre de l’île.

Fry admira la façade du bâtiment avant d’y pénétrer. C’était une architecture d’inspiration occidentale typique du dix-neuvième siècle avec des arches en métal, la toiture bleue était parfaitement harmonieuse avec le reste de la ville, mais le petit jardin kalosien symétrique agrémenté de bassins installé devant l’arène donnait à l’ensemble une élégance inattendue. L’héritage de Juan, le plus grand maître des pokémon eau qu’Hoenn ait connu, était encore visible dans ces lieux, cela faisait pourtant plus de cinquante ans qu’il n’était plus le champion d’Atalanopolis.

A l’intérieur de l’arène, Fry s’immobilisa un instant devant la silhouette familière de dos, plantée au milieu du grand hall. Après avoir passé quasiment cinq mois au Bourg Palette, il l’aurait reconnu parmi des centaines, même sans sa blouse.

« Professeur Léon ? »

L’homme aux cheveux longs et noirs se retourna en entendant son nom, sauf que ce n’était pas le professeur. La ressemblance avec Jacky Léon était frappante: la même carrure large d’épaules, le même visage carré, la même coiffure, le même regard brun à la fois sérieux et doux, mais il y avait une différence d’âge importante, d’environ vingt ou vingt-cinq ans à vue de nez.

« Tu me confonds avec mon père jeune homme. Qui es-tu ?

- Oups, pardon. Je suis Fry, Fry Morgan, le champion de la Ligue Orange.

- Fry Morgan ? Releva l’homme en écarquillant légèrement les yeux. C’est toi Fry Morgan ? Aline et Florine n’arrêtent pas de parler de toi.

- Tant que ce n’est pas Violine, plaisanta Fry en saisissant la main que lui tendait le sosie de Jacky Léon.

- Félix Léon, l’ainé de la fratrie. Si j’ai bien compris, tu as rencontré tout le monde à Noël.

- Exact, vous êtes le dernier. On doit vous le dire souvent, mais qu’est-ce que vous ressemblez au professeur !

- Ça nous fait un point commun : toi aussi tu ressembles beaucoup à ton père, c’est presque déstabilisant de voir le visage de Reese sans ses cheveux bleus.

- Je ne savais pas que vous connaissiez papa.

- Et si. Nous ne sommes pas amis, mais on se côtoie depuis trop longtemps pour que je ne me sentes pas vieux en t’en parlant… Tu viens pour le badge je suppose ?

- Oui, je suis content de pouvoir vous affronter, pour l’instant je ne me suis frotté qu’à Violine… »

Fry grimaça sur le choix de ses mots, il espérait que Félix ne se fasse pas de drôles d’idées.

« Navré de te décevoir mais ce n’est plus moi le champion de l’arène. Cela dit, je connais quelqu’un qui sera ravi d’affronter le fils de Reese Morgan. Suis-moi. »

L’arène de combat proprement dite était constituée d’un bassin imitant un étang naturel, ses abords avaient été végétalisés. Fry trouvait le terrain beaucoup plus petit que l’arène vue de l’extérieure. Félix lui expliqua qu’il y avait en réalité deux salles : une de glace pour l’hiver, et une d’eau pour l’été.

Deux très jeunes dresseurs étaient déjà en train de s’affronter, chacun d’entre eux était installé sur l’une des plateformes surélevées aux extrémités du terrain. Visiblement l’arène d’Atalanopolis, tout comme celle d’Azuria, faisait office d’école de dressage pour les enfants de la ville.

L’ainé de la famille Léon s’avança vers la troisième plateforme servant à l’arbitrage. Une femme brune coiffée à la garçonne, vraisemblablement du même âge que Félix mais de petite taille et très menue, avec une jupe marron et des bottes fourrées totalement inadaptées à la saison, se tenait dessus, les bras croisés. Elle avait un très joli visage, mais son regard bleu intense, fixé sur ses élèves, lui donnait un air pugnace.

« Kim ! Un client pour toi !

- Tu as une drôle de façon de présenter les choses, répliqua la petite bonne-femme en se tournant vers Félix.

- Arrête de râler : c’est le fils de Reese. »

La quadragénaire cligna des yeux, elle semblait sincèrement surprise. Il s’écoula plusieurs secondes, le temps qu’elle intègre l’information, puis un large sourire agréable se dessina sur son visage.

« Intéressant !

- Je savais que ça te ferait plaisir. Essaye de le ménager, ce n’est encore qu’un enfant. »

Fry s’efforça de ne pas trop montrer son désappointement en entendant cette phrase paternaliste au dernier degré, mais il était aussi abasourdi par les différences énormes entre les membres de la fratrie Léon. L’attitude responsable et un peu guindée de Félix tranchait grandement avec celle de Violine qui lui faisait des propositions salaces et celle de maître Izzy qui lui demandait sans détour quelle jumelle il se tapait. Fry finit par se dire que Félix n’avait sans doute pas réussi à sortir de son rôle de grand frère malgré ses quarante-trois ans, alors que Violine et Izzy restaient les petits derniers, envers et contre tout.

« Tu es tout seul ? S’étonna la championne. Si Jessy ou Jenny t’avait accompagné, on aurait pu se faire un match double avec Félix.

- De toute façon j’ai du travail, je ne peux pas rester. Tu m’excuseras Fry.

- Je vous en prie.

- On se retrouve ce soir, reprit Félix en se tournant vers Kimi.

- Tu es pénible Monsieur le Maire… Souffla la championne sans se départir de son sourire et en tirant un peu sur le col du polo de Félix pour l’ajuster.

- Et n’oublie pas notre discussion à propos du taux de distribution du badge pluie. La ligue va encore nous tirer les oreilles si tu…

- Félix, tu n’es plus champion, tu me laisses faire. Je suis une grande fille et toi tu as du travail, tu te rappelles ?

- Kimi… Soupira le maire d’Atalanopolis.

- Pas ce ton là avec moi, Félix. » Chantonna la championne.

Kimi Léon-Honey était affable, son regard et ses gestes transpiraient la douceur et la délicatesse, mais dans l’intonation de sa voix mélodieuse, Fry devinait aisément qu’elle n’était pas du genre à se laisser mener à la baguette par son mari, il donnait pourtant l’impression de vouloir tout contrôler. Elle l’embrassa furtivement sur la bouche, Félix n’eut pas le temps de se sentir embarrassé. Il semblait encore plus pudique que son père et Fry se demanda, amusé, si lui aussi cachait des carnets remplis de dessins de femmes dénudées dans ses placards.

« Bonne chance Fry, tu en auras besoin. » Lança Félix avant de filer aussitôt à ses affaires de dirigeant de la ville.

Kimi frappa bruyamment dans ses mains pour signifier à ses apprentis qu’il fallait laisser la place. Elle reposa ensuite son attention sur Fry, elle avait l’air vraiment très enthousiaste.

« J’ai une revanche à prendre sur ton père depuis… Ouh là ! Vingt-cinq ans ? Trente ?

- Désolé pour vous, mais moi je n’y suis pour rien ! » S’empressa de dire Fry avec son sourire hérité de son père, il redoutait que la championne d’Atalanopolis se comporte comme Régis et Violine à sortir ses monstres de compétition les plus puissants.

Kimi prit place sur la plateforme du champion et fit signe à Fry de s’installer sur l’autre.

« Trois pokémon contre trois, ça te va ?

- Très bien mais euh… Pardon de poser la question comme ça : quelle est la spécialité de cette arène ? » Demanda Fry en se frottant honteusement la nuque.

A l’origine, l’arène d’Atalanopolis était spécialisée dans les pokémon eau, ça, il le savait. Mais en arrivant sur les lieux, Fry avait aperçu un méganium et un roserade au bord du terrain. En plus, Félix était accompagné d’un pyroli. Kimi éclata d’un rire jovial.

« Actuellement, c’est encore officiellement une arène de glace et d’eau, mais c’est en cours de négociation avec la Ligue Pokémon. Si tu le veux bien, j’aimerais utiliser trois types différents face à toi.

- Oui bien sûr, votre arène, vos règles. »

Kimi agrandit son sourire, elle décrocha une pokéball de sa ceinture et la brandit devant Fry.

« Ne sois pas timide comme ça mon grand, tu fais quasiment partie de la famille d’après Aline. Aller Jun, on a un match à gagner ! »

Dans un geste vif, Kimi lança sa pokéball qui s’ouvrit en plein vol et libéra un gros jungko sur un banc de sable au milieu du terrain. Fry n’hésita pas une seule seconde, s’il avait eu un pokémon feu il l’aurait utilisé, mais Etna n’était pas à lui, alors face à un jungko, il ne voyait que Marvy.

Les deux pokémon se toisèrent. Dans sa tête de Scarhino, Marvy savait très bien qu’il avait l’avantage sur un jungko, le combat serait facile, pourtant le pokémon de Kimi ne laissait transparaître aucun stress.

« Un peu de challenge Jun, ça faisait longtemps !

- Jung…

- Vive attaque ! »

- Dard nuée ! »

Scarhino bombarda son adversaire d’un jet de petites aiguilles empoisonnées, le Jungko slaloma entre les nuées et les esquiva presque toutes. Marvy et Fry purent ainsi évaluer sa vitesse et son agilité. Il était véloce, mais ils avaient connus pires. Jungko heurta Scarhino et Kimi enchaina aussitôt.

« Double-baffe !

- Casse-brique ! »

Les coups de poings fusaient, le match venait à peine de débuter et les deux pokémon étaient déjà à fond, Kimi aussi visiblement.

« Faux-chage ! »

"Eh ben, elle ne fait pas semblant la p’tite dame Léon…" pensa Fry avec une pointe d’amusement et un soupçon de sexisme.

Scarhino était résistant aux attaques plante, ténèbres et combat, soit quasiment à tout le répertoire de techniques de Jungko. De fait, Kimi privilégiait les attaques physiques classiques.

Marvy bloqua les bras de Jungko pour stopper son faux-chage, il sentait la force terrible dans les bras du pokémon plante. Il ne payait pas de mine au premier abord, mais il était sacrément costaud. Sans que Kimi ait besoin d’intervenir, le pokémon pivota et tenta une souplesse avec sa large queue reptilienne en forme de double palme de palmier. Marvy fut propulsé en arrière. Il se redressa rapidement et s’envola en faisant vibrer ses petites ailes sous ses élytres. Il avait sous-estimé Jungko, mais il n’était qu’un petit joueur à côté du puissant Lucario de Verchamps.

« Scar ! Cria-t-il pour faire comprendre à son dresseur qu’il tardait à lui donner des ordres.

- Mégacorne ! »

Scarhino était ravi, Fry un peu moins.

"Je rêve ou il vient de m’engueuler là ?" Songea le jeune champion.

Marvy fonça sur Jungko. Kimi et son pokémon réagirent aussi vite que possible.

« Méga-sangsue ! »

Kimi voulait juste limiter la casse, mais le choc fut violent, terriblement violent. Jungko aspira un peu d’énergie vitale lors du contact entre les deux combattants, mais il se réceptionna avec difficulté. Il avait mal au ventre et il était très affaibli. Fry et Marvy pensaient qu’il allait renoncer et s’incliner, ou que Kimi allait le ramener dans sa pokéball, mais elle n’en fit rien, et Jungko semblait décider à combattre jusqu’à épuisement complet.

« Tempête verte ! » Cria Kimi.

La tornade de feuilles était impressionnante, puissante et impressionnante, mais elle ne faisait pas grand-chose à Marvy l’insecte, cependant cela réduisait son champ de visibilité. Fry comprit rapidement que c’était un simple moyen de dissimuler la prochaine action de Jungko.

« Souplesse !

- Riposte ! »

Le sourire assuré de Kimi se changea en grimace pendant quelques secondes, Fry ne s’était pas laissé avoir. Pas étonnant pour un champion de ligue, mais au fond d’elle, elle avait gardé un petit espoir de le piéger avec ce subterfuge aussi simpliste.

Marvy bloqua l’attaque souplesse et la retourna contre son lanceur. Jungko fut brutalement claqué au sol et cette fois le choc fut trop rude, il s’évanouit.

« Ton scarhino est impressionnant ! » Reconnut Kimi, elle avait retrouvée une mine incroyablement réjouie pour une championne venant de perdre son premier duel.

Fry ne put s’empêcher de repenser à son match contre Violine, il retrouvait en Kimi le même engouement joyeux, les championnes étaient en manque d’adversaires puissants. Mais contrairement à Violine, Kimi ne faisait preuve d’aucun cynisme ni d’aucune amertume, elle avait même des étoiles plein les yeux en admirant Marvy. Néanmoins, elle prenait son affrontement très au sérieux.

« Merci Kimi, votre jungko aussi est impressionnant.

- J’ai hâte de voir ce que tu as d’autre en réserve. Démolosse à toi ! »

Cette fois Fry hésita, entre son colhomard et sa luxray. Il se décida pour colhomard, c’était un choix plus prudent et plus judicieux.

« Merci Marvy, tu peux aller te reposer.

- Sca sca !

- Mais je m’en fiche que tu sois encore en état de combattre, tu vas te reposer non mais oh !

- Scar… »

Kimi pouffa de rire.

« Je l’aime bien ton pokémon, il est téméraire.

- Ouais, je l’avoue, mais je ne pense pas que ce soit forcément une qualité. Momo à ton tour ! »

Kimi contempla le colhomard avec la curiosité d’une vraie dresseuse passionnée de pokémonologie avant de reporter son attention sur Fry.

« Si mon père était là, il te volerait dans les plumes. C’était un forcené au combat, l’âge l’a un peu calmé, mais il m’a appris à combattre jusqu’au bout et sans demi-mesure. Dem’ lance-flamme !

- Growf ! »

Le canidé ouvrit la gueule et cracha un torrent de flammes impressionnant, ce n’était pas encore une déflagration mais ça c’en approchait dangereusement. Fry ne s’inquiétait pas, Mozart résistait bien aux attaques feu en temps normal. Mais après l’annonce de Kimi se présentant comme une dresseuse hardie, il préféra ne pas laisser trainer.

« Hydrocanon ! »

L’hydroblaster déchira en deux le couloir de flammes et frappa le démolosse en pleine face. Lorsque Momo réapparut sur le terrain, il ressemblait quand même un peu à un écrapince cuit à l’étouffé. Démolosse en face semblait au contraire avoir plutôt bien encaissé l’hydrocanon. Fry comprit que le pokémon était bien plus résistant qu’il n’en avait l’air. Son niveau devait être un peu plus élevé que celui de Jungko.

Le jeune homme réfléchissait à une stratégie, mais de son côté la championne d’Atalanopolis était rodée, elle continua sur sa lancée en laissant peu de temps de réflexion paisible à Fry.

« Puredpois ! »

Un nuage épais et nauséabond se répandit en quelques secondes dans l’arène. Fry et Mozart ne voyaient absolument plus rien, impossible de viser un nouvel hydrocanon dans ces conditions.

« Allons-y à l’aveugle… Bulles d’O !

Colhomard cracha son nuage d’écume, une bave mousseuse continua de perler à la commissure de ses lèvres, le poison dans l’air lui brûlait les barbillons. Ses petites bulles piquantes se perdirent dans la brume toxique, Fry et son pokémon étaient bien en peine de savoir si elles avaient ne serait-ce qu’effleurer Démolosse.

« Hurlement ! » Lança Kimi.

Un rugissement sinistre puissant résonna dans le smog, crispant le colhomard aux sens déjà malmenés par le poison ambiant. Fry sentit les poils de ses avant-bras se dresser. L’atmosphère était étouffante, et le cœur de l’arène méconnaissable, le jeune champion de la Ligue Orange avait l’impression de se retrouver dans une arène spécialisée dans le type ténèbres ou poison. Kimi profita du trouble de ses adversaires pour ordonner une nouvelle technique.

« Bomb-beurk ! »

Du brouillard violacé sombre jaillit une gigantesque boule poisseuse qui s’écrasa sur la tête de colhomard, il n’avait pas pu l’éviter. Le liquide brûlant et visqueux s’écoula le long de sa carapace. Mozart se tortilla sous les yeux de Fry, malgré sa coquille épaisse qui avait visiblement limité les dégâts, le poison faisait son œuvre.

« Il faut te nettoyer Momo ! »

Colhomard suivit les recommandations de son dresseur et appliqua une sorte d’attaque cascade pour enlever le plus gros du produit toxique. Et pendant qu’il prenait ses précautions, Kimi continua d’enchainer.

« Tricherie ! »

Telle une ombre sournoise, Démolosse traversa le terrain pour frapper Mozart et disparut aussitôt dans les ténèbres malsaines. Fry serra le poing, il n’avait pas l’habitude de se laisser malmener de la sorte, Colhomard non plus. Le pokémon eau se retourna vers son dresseur et claqua des mandibules pour signifier son agacement.

« Ok, ça suffit. Tranche-nuit !

Fry avait ordonné la seule attaque capable de frapper à l’aveugle. Mozart mit toute sa puissance dans son coup de pince et déchira la puredpois. Un couinement surpris, suivi d’un grognement aigri, leur signifia que l’attaque avait fait mouche. Kimi aussi s’en était rendu compte. Colhomard plissa les yeux et fit vibrer ses pédoncules. Grâce à sa tranche-nuit, il captait vaguement la présence du canidé, mais Fry devait trouver une alternative à l’attaque ténèbres, car elle n’avait que peu d’effet sur un démolosse.

« Coquilame ! »

Mozart babilla de détermination avant de viser à l’instinct dans le brouillard, la pince brandit sur la vague qu’il avait lui-même créée, tandis que Kimi criait son propre ordre.

« Croc éclair ! »

Le pokémon ténèbres surgit du smog, frôlant de peu la coquilame et referma sa mâchoire de molosse autour du bras fin de Colhomard. La carapace de Mozart était épaisse et extrêmement solide, la seule petite partie de son corps vulnérable se situait autour de son coude, mais la zone n’était presque jamais exposée, protégée par ses pinces massives et redoutables, sauf lorsqu’il avait le bras tendu… Sauf en cet instant. Démolosse avait bonne prise, ses canines s’enfoncèrent dans la chair tendre du crustacé jusqu’à le faire saigner. Mozart tenta de se libérer en vain et son ennemi l’électrocuta avec ses crocs éclairs.

L’attaque électrique lui fut fatale. Mozart s’écroula au sol, évanoui, sous le regard médusé de Fry. Le jeune homme pensait avoir un gros avantage de type, mais la maitrise de Kimi, du rythme, du terrain et des compétences de son Démolosse, permettait au pokémon feu d’avoir le dessus. Fry commençait à redouter la dernière manche, car si Mozart n’était pas son pokémon le plus puissant et qu’il manquait d’entrainement ces derniers temps, il était son plus vieil allié. Il avait un excellent niveau et de l’expérience, mais il s’était fait avoir avec une facilité déconcertante. Le jeune champion croisait spirituellement les doigts pour que le dernier pokémon ne soit pas un type sol, il avait décidé d’envoyer Katy, car elle souffrait de moins de faiblesses que Riha.

« Aller Katy, je compte sur toi ma belle.

- La dernière manche est pour toi Malice ! »

La dernière pokéball libéra une mentali femelle. A vue de nez, le niveau de l’évolition était supérieur à ceux du démolosse et du jungko. Fry ne se sentait pas rassuré. Il aurait voulu réfléchir plus longtemps, pour bien choisir entre une offensive directe et brutale ou quelque chose de plus prudent, histoire de lui laisser l’occasion de mettre en place une de ses ruses, mais Kimi était beaucoup trop prompte et véloce. Il cria en voyant la bouche de Kimi s’ouvrir afin de parler avant elle.

« Cage-éclair !

- Prescience ! »

Katy électrocuta Malice pour la paralyser. La prescience mettait beaucoup de temps à se préparer, cela laissait assez de latitude à Fry pour attaquer. La cage-éclair était finalement une bonne idée. Le jeune homme aurait aimé pouvoir utiliser les attaques physique de sa luxray, notamment sa morsure et sa mâchouille, elles devraient être très efficaces contre la mentali, plus encore qu’un croc éclair, malheureusement le terrain aquatique n’était pas pratique pour cela. Il était assez ironique que son seul pokémon eau soit justement celui qui ait perdu la deuxième manche, mais cela avait appris à Fry que Kimi et ses pokémon étaient parfaitement à l’aise sur ce terrain pourtant complètement inadapté à son équipe. Mentali devait être capable de sauter et d’esquiver aisément sans avoir à traverser le bassin à la nage. La cage-éclair avait le mérite de la bloquer.

« Mâchouille ! »

Katy bondit de plateforme en plateforme pour se rapprocher de Malice, la démarché était bien moins rapide que de courir à travers un terrain plat en ligne droite. Arrivée à sa hauteur, Katy mordit la mentali qui geignit de douleur.

« Choc mental ! »

L’attaque psy donna immédiatement la migraine à Katy. Le mal sous son crâne l’obligea à lâcher sa cible.

« Enchaîne Katy ! Morsure ! »

La luxray grogna et montra les crocs, mais elle n’eut pas le temps d’attaquer à nouveau. Une aura rose intense irradiait du corps de Malice quand elle libéra sa prescience. Katy se mit à hurler. Tous ses muscles se crispèrent alors que la vague psychique l’enveloppait et la soulevait dans les airs, elle n’avait jamais autant souffert. Toujours ralentie par la cage-éclair, Malice eut malgré tout largement le temps nécessaire pour se déplacer sur les plateformes et rejoindre un lopin de terre éloigné de Katy. Sa force résidait dans ses attaques psy, elle pouvait les lancer à distance sans aucun problème, mais elle devait rester hors de portée des morsures. La luxray mit plus d’une vingtaine de secondes à se remettre de la prescience. Une autre attaque de cet acabit, et elle ne se relèverait sans doute pas.

Fry grinça des dents, il avait rarement rencontré un mentali aussi puissant. Il avait mal pour Katy, fébrile, tremblante, en train de se redresser lentement sur ses quatre pattes, mais il savait aussi que de toute son équipe, c’était la seule capable de tenir tête à un pokémon pareil.

En face de lui, Kimi gloussait par intermittence, comme si elle se retenait d’éclater de rire. Qui y avait-t-il de si drôle ? Cette amusement déplacé le déstabilisait et commençait à l’agacer, même s’il ne le montrait pas.

« Excusez-moi, mais qu’est-ce qui vous fait rire ?

- J’ai affronté Reese, ton père, avec ces trois mêmes pokémon. Il était fort, le dresseur le plus fort que j’avais rencontré à l’époque. »

Fry ne savait pas si cette phrase était une provocation, probablement pas, mais son égo le prit comme tel.

« Champ électrifié !

- Tu es enfin décidé à dévoiler toute ta force ? Ultra laser !

- Katy ! Plonge ! »

Fry avait réagi instinctivement, ce n’était pas calculé. Il fallait protéger sa luxray et, aussi incongru que cela puisse paraître, le champion de la Ligue Orange et ses pokémon n’avaient pas peur de l’eau, ils avaient grandi au milieu de l’océan. Le terrain n’était pas adapté, certes, mais ils pouvaient malgré tout s’en accommoder.

Katy se jeta à l’eau pour éviter l’ultra laser. Le temps que Malice se remette de cette technique exigeant énormément d’énergie était suffisant pour permettre à la chienne électrique de nager jusqu’à une plateforme plus proche de mentali. Elle se secoua vigoureusement pour enlever l’eau de son pelage.

« Psyko ! »

Fry appréhendait la prescience, mais visiblement le temps de préparation long devait inquiéter Kimi. Elle voulait en finir rapidement. La vague mauve frappa Luxray, elle encaissa, elle résista. La psyko n’avait pas l’intensité de la prescience, mais elle restait violente. Fry évalua rapidement la situation, c’était risqué, mais il n’y avait plus que ça à tenter. Il cria :

« Katy ! Eclair fou ! Donne tout ce que t’as ! »

Luxray se mit à grogner et hérissa son poil chargé en électricité pour intimider mentali, elle n’avait pas l’habitude que son dresseur lui donne un ordre pareil, mais elle savait ce qu’il signifiait. Elle était d’accord avec sa stratégie. Malice sentit venir le danger, Kimi aussi.

« Regard touchant ! »

Katy détourna les yeux pour ne pas avoir à supporter le regard touchant. Elle rassemblait toute son énergie, l’air était saturé en électricité statique, c’était oppressant même pour les spectateurs.

« Raaaw ! »

La luxray traversa le terrain en un éclair, elle donnait l’illusion de courir sur l’eau et dans une explosion foudroyante elle frappa mentali, en déchargeant une attaque digne de la plus puissante des fatal-foudres. Le choc était violent, le flash éblouissant, Kimi et Fry se protégèrent les yeux, mais l’un comme l’autre mouraient d’envie de voir ce qui se passait sur le terrain. Katy était à bout de forces, elle s’était blessée en lançant son éclair fou. Malice, elle, était étendue sur le sol, inconsciente. Jamais de sa vie, elle n’avait eu à encaisser une attaque électrique aussi redoutable. Essoufflée, mais rassurée de voir son adversaire vaincue, Katy s’assit sur son train arrière pour se reposer.

« Lux… Lux… »

Kimi descendit rapidement de sa plateforme pour rejoindre en petites foulées sa mentali affalée sur une langue de terre au bord de l’eau. Elle l’examina sous toutes les coutures en caressant son pelage. Fry quitta sa plateforme lui aussi, il passa près de sa luxray et lui frotta affectueusement l’arrière du crâne avant de la renvoyer dans sa ball. Il rejoignit Kimi et sa pokémon. Il commençait à regretter sa fin de match.

« Je suis désolé, est-ce qu’elle va bien ?

- Oui, elle va bien… Le rassura Kimi tout en ouvrant la pokéball de sa mentali.

- Je vous demande pardon, j’ai été imprudent, elle aurait pu…

- Tu n’as pas à t’excuser. C’est ma pokémon et ma responsabilité de championne. Félix et Aline m’ont souvent fait remarquer que je poussais trop mes pokémon et que je les exposais inutilement au danger. Je pensais m’être améliorée avec le temps, mais visiblement mes vieux démons reviennent encore. »

Elle se décida enfin à regarder Fry dans les yeux et lui adressa un nouveau sourire chaleureux.

« Et il faut admettre… Que tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère non plus. Ton père doit être fier de toi.

- Pas vraiment. Mon père est surtout vénère que je ne sois pas resté sur l’île Pomelo pour m’occuper de la Ligue Orange.

- Il faut bien que jeunesse se passe. Avec toi, je crois que la Ligue Orange va gagner un sacré champion.

- Merci… » Répondit Fry, flatté.

Kimi proposa à Fry de rester un peu plus longtemps à l’arène pour aider ses élèves et disciples. Elle lui posa plein de questions sur sa vie et sur les jumelles. Fry la trouvait absolument charmante, même s’il était un peu déstabilisé par le fait qu’elle lui arrivait en dessous de l’épaule. Kimi était polie, avenante, extravertie, sans être aussi intrusive que Seb ou Aline dans ses questions, et elle n’avait clairement pas la familiarité déplacée d’Izzy. S’il ne l’avait pas affrontée un peu plus tôt dans la journée, Fry n’aurait jamais deviné qu’une combattante féroce se cachait dans ce tout petit bout de femme adorable.

Fry quitta l’île blanche comme l’ivoire en fin d’après-midi. En surgissant hors de sa pokéball, Etna eut la bonne surprise de découvrir quelques pokéblocs dans la paume de Fry. C’était un cadeau de Kimi pour les trois courageux combattants qu’elle avait affrontés, mais elle lui en avait donné beaucoup trop. Etna se régala avant de prendre son envol.

Folâtre, la dragonne faisait quelques figures aériennes pour amuser, mais aussi impressionner le dresseur sur son dos. Fry avait retrouvé le sourire lorsqu’il posa le pied sur le sable d’Algatia. Il avait passé une chouette journée, bien qu’il ait très envie de retrouver ses amis. Il espérait que Jessy ne soit pas trop fatiguée pour une impro avec lui et son cajon. Normalement, la rouquine était inépuisable.

Sur le chemin du centre pokémon, Fry tomba sur Jenny. Elle s’était installée en plein air, près du point de vue où elle avait observé les étoiles, pour bouquiner ses livres de science, entourée par ses pokémon. Fry était prêt à parier que Myria avait passé sa journée à dormir comme une monaflémit paresseuse. Gali et Loki s’étaient mis un peu à l’écart pour s’entrainer ensemble aux arts martiaux, les pauvres étaient toujours en manque de combat. Ils étaient épaulés par Chu et Pit, revenus de leur propre balade à travers l’île orientale.

« J’ai rencontré ton oncle et ta tante aujourd’hui.

- Ah, super. Ils allaient bien ?

- Il me semble oui. Kimi est une sacrée dresseuse.

- Tu n’y es pas allé avec Jessy ?

- Non, elle composait avec Scott.

- Encore ? »

Jenny cligna des yeux, son visage ne feignait pas la perplexité. Fry lui offrit un sourire à la Reese Morgan.

« Je porte tes livres et on les rejoint ? »

 

De leur côté, Jessy et Scott étaient toujours en train de travailler. Scott ne voyait pas les heures défiler, absorbé par la musique comme il l’était par l’électronique. Jessy ne lui laissait de toute façon aucune minute de répit. Elle était hyper-concentrée sur ce qu’ils faisaient, d’un certain point de vue, ils étaient fait du même bois tous les deux, ils s’abandonnaient corps et âme dans ce qui les passionnait.

Jessy écumait le carnet de Scott qu’elle avait rempli de post-it et lui faisait jouer les partitions qui lui semblaient prometteuses. Concentré sur son clavier, le son réglé assez bas pour ne pas déranger les usagers du centre pokémon derrière eux, Scott interprétait chaque mélodie avec beaucoup de grâce et de délicatesse. C’était agréable à l’oreille, mais ça manquait souvent de peps du point de vue de Jessy. Elle écoutait attentivement chaque extrait. L’un d’eux l’inspirait plus que les autres. Elle lisait en silence les mots griffonnés sur le carnet tandis que Scott répétait son ébauche de morceau en boucle, Jessy ne s’en lassait pas.

« C’est encore une chanson que tu as écrite pour ma sœur ?

- Non pas celle-là. C’était une chanson pour mes parents, sur leur histoire. Mais je t’avoue que je bloque un peu pour la suite.

- Elle parle de tes parents ? » S’étonna Jessy en clignant des paupières.

Jessy aimait bien cette ébauche de chanson, il y avait quelque chose dans la mélodie qui lui plaisait vraiment, elle avait un gros potentiel. Elle trouvait aussi le début des paroles pertinent, la dichotomie entre les deux personnages était intéressante. Or, même si elle se souvenait de Perle et Ciléo qu’elle avait rencontrés au Cap d’Azuria, elle avait du mal à transposer cette chanson à leur couple, vu qu’elle ne les connaissait pas bien, elle ne pouvait pas s’en inspirer. En revanche, elle pouvait s’inspirer de ses propres parents, de Scott, de Jenny et d’elle-même, pour extrapoler ensuite et créer un couple purement imaginaire d’une dresseuse et d’un scientifique. Dans tous les cas, il y avait des défauts à corriger impérativement de son point de vue.

« Cette chanson ne bouge pas assez, affirma Jessy et Scott se défendit :

- C’est normal, c’est censé être une chanson douce.

- Tsss, j’te dis que ça va pas. Il faut faire un refrain en deux parties et rajouter un truc plus énergique. Ça doit faire comme des montagnes russes : ça monte et ça descend.

- Mais c’est un slow… » Couina Scott alors que Jessy le poussait pour tirer sa chaise et s’asseoir à côté de lui devant le clavier.

Elle avait l’air très concentrée, pourtant son regard ne fixait aucun point précis dans le vague. Elle pianota en remuant un peu les joues comme un rongourmand en train de rogner une noix, jusqu’à trouver la note qu’elle cherchait. Son visage s’illumina soudain, elle appuya plusieurs fois sur la bonne touche avec son index droit et de sa main gauche elle marquait le rythme. Il manquait aussi des percussions, il faudrait voir ça avec Fry, songeait-elle. Illuminée d’un sourire satisfait, elle répéta le mouvement et rajouta quelques notes à la suite pour faire un accord et lancer le refrain qu’elle imaginait. Scott l’écoutait attentivement.

« Bah dis-donc… » Finit-il par lâcher.

Il était bluffé, elle avait trouvé un bon début de refrain et sa chanson était en effet beaucoup plus dynamique. Ça montait crescendo et la musicienne avait réussi à insuffler de la vie à sa chanson un peu trop morose. Jessy le regardait avec son allure triomphante.

« C’est pas parce que c’est une chanson d’amour qu’il faut faire un truc insipide. Un peu de passion bordel de merde !

- C’est-à-dire que moi la passion… » Grimaça humblement Scott.

Il éprouvait un amour fou pour Jenny et ça le rendait parfois impulsif, mais il était du genre amoureux transi, un romantique contemplatif, toujours dans la mélancolie, la lamentation et l’expectative. Jessy, elle, n’était amoureuse de personne, mais quand elle aimait quelque chose ou quelqu’un, c’était toujours démesuré, qu’elle en soit consciente ou non... Seb avait raison, elle avait un tempérament de feu. Elle frappa dans ses mains, hyper motivée.

« Bon, maintenant les paroles ! »

Elle reprit le carnet de Scott, très passif face à l’élan créatif de Jessy.

« Capture mon âme, capture mes doigts… » Marmonna Jessy en parcourant les paroles du refrain qu’avait initialement ébauché Scott.

Elle se mit à réfléchir. Avec cet air si sérieux, elle ressemblait à sa sœur lorsqu’elle lisait un livre compliqué, Scott en fut légèrement ébranlé. Finalement, Jessy trouva quelque chose et l’écrivit. Elle reposa le crayon et releva le buste comme un fier étouraptor. Aussitôt, elle tendit son carnet à Scott, pour les paroles elle voulait son avis, c’était lui le poète, pas elle.

« Capture mon cœur avec une loveball et ne me laisse plus m’échapper ? » Lut Scott à voix haute. Il esquissa un sourire amusé.

« C’est imagé.

- Encore un truc que tu ne sais pas sur les dresseurs apparemment, répliqua Jessy.

- De quoi tu parles ?

- Quand un dresseur ou une dresseuse offre une loveball à un autre dresseur c’est un code pour lui demander de devenir son petit-ami. Y’en a même qui demandent leur partenaire en mariage comme ça. Du coup "capture mon cœur avec une loveball" est une expression qui veut dire : "veux-tu m’épouser" ?

- C’est… C’est génial, souffla Scott.

- Qu’est-ce qui est génial ?

- Cette métaphore… Dans cette chanson… Je trouve ça vraiment génial. Tu es très douée et très intelligente. »

Le sourire plein d’entrain et d’admiration de Scott réussit à faire rougir Jessy. C’était hautement improbable de l’entendre dire à Jessy qu’elle était intelligente, lui, qui était surdoué et amoureux de sa brillante sœur jumelle, c’était aussi très flatteur. Les deux ados se fixèrent un moment, mutuellement impressionnés par leurs capacités.

« On vous dérange ? » Lança une voix amicale derrière eux.

Scott sursauta, Fry était enfin rentré et ils ne l’avaient pas entendu venir, trop concentrés sur la musique. Jenny se tenait derrière lui, elle avait capté l’ambiance étrange entre Scott et sa sœur. Elle fut envahie par un sentiment bien identifiable, elle le connaissait par cœur… A chaque fois qu’elle croisait une jolie fille, à chaque fois qu’elle sentait une menace sur son règne absolu de femelle alpha, elle avait cette même pression hostile dans la poitrine, mais jamais elle n’aurait cru ressentir ce truc contre sa sœur un jour, c’était abominable comme sensation.

Elle repensait à ce que lui avait dit Scott quelques jours plus tôt à propos de Fry et de son attirance pour les deux jumelles. Qu’importe qu’il les dévore des yeux elle et Jessy, Fry était une cause perdue, elle avait fini par renoncer à lui. Quant à Scott, il n’était que Scott… De plus, elle était très contente de voir que Jessy et Scott s’entendaient si bien, après les hauts et les bas qu’ils avaient traversé tous les quatre, c’était un vrai soulagement. Alors pourquoi être jalouse de sa sœur ? Jenny en fut profondément perturbée. Ses trois partenaires étaient en train de lui parler, mais elle était tellement absorbée par ses pensées dérangeantes qu’elle ne les entendit pas.

« Jane ! Je te cause ! Cria Jessy d’une voix plus forte.

- Quoi ? Pardon ?

- Je te demandais si tu voulais qu’on commence les répétitions par la chorégraphie ou la musique. Il nous reste quatre jours avant le prochain concert.

- Ah, oui… Je ne sais pas, je n’ai pas d’avis, demande aux garçons.

- Ça va pas ? T’as l’air à l’ouest. »

Jenny regarda à tour de rôle Fry qui la dévisageait, intrigué, et Scott brusquement rattrapé par l’anxiété. Elle était prête à parier que dans sa tête il était déjà en train de paniquer à l’idée qu’elle soit malade ou qu’elle ait un problème quelconque. Elle retrouva très vite son beau sourire enjôleur.

« Tout va très bien Jess, je crois que je suis juste restée un peu trop longtemps plongée dans ma lecture aujourd’hui. Je suis fatiguée.

- J’pensais pas t’entendre dire un truc comme ça un jour ! S’exclama Jessy.

- Scotty, tu m’accompagnes à la librairie avant que ça ferme ? Le bibliothécaire m’a parlé d’un nouveau titre, je voudrais voir s’ils l’ont ici.

- Oh oui ! J’arrive ! » S’écria Scott en se levant d’un bond.

Fry regarda affligé le petit technicien suivre Jenny comme un ponchien docile. Dans un coin de sa tête, il entendait une voix qui lui murmurait : "on dirait que ça recommence non ?" Mais il n’eut pas le temps de trop cogiter sur l’attitude de Jenny.

« Fry ? »

Le jeune champion se tourna vers Jessy. Il avait l’impression de percevoir de la nervosité, voire de la gêne, derrière son ton bourru.

« Tu voulais vraiment que je t’accompagne à l’arène d’Atalanopolis ?

- Quoi ? Bah euh… »

Fry ne s’attendait tellement pas à la question qu’il ne savait pas quoi répondre, il ne la comprenait même pas.

« Ouais, j’aurais bien aimé ta compagnie, mais c’est pas grave, t’inquiète pas pour ça. »

Il lui adressa un de ses sourires charmeurs et réconfortants dont il avait le secret. Jessy serra un peu les dents en réalisant que Scott avait raison. Ça l’agaçait de savoir que Scott était plus perspicace qu’elle pour les relations sociales, ça lui donnait une idée de son niveau très très faible dans ce domaine.

« La prochaine fois je viendrai avec toi, enfin à la prochaine arène je veux dire.

- Ok, cool. La prochaine fois j’attendrai que tu aies un créneau de libre alors, pour être sûr.

- Ok…Euh… »

Jessy cherchait quelque chose de sympa à dire, c’était difficile, ce n’était pas naturel chez elle.

« L’arène d’Algatia est une arène double, on pourrait affronter les champions ensemble, enfin si tu en as envie. Moi j’ai déjà le badge alors…

- Ouais ! Ouais carrément ! Si les champions sont d’accord pas de soucis, et si tu me promets de laisser placer une attaque.

- Pour qui tu me prends ?

- Pour le léviator rouge du Bourg Palette qui n’a perdu qu’un seul combat dans sa vie.

- Deux.

- Non un, je te l’ai déjà dit : Seb ça ne compte pas. »

Fry lui souriait de toutes ses dents, avec sa trogne terriblement confiante de séducteur filou, un de ses fameux sourires à la Reese Morgan. Mais malgré son attitude de bellâtre, il était vraiment heureux à l’idée d’aller combattre avec elle. Depuis leur affrontement en duo improvisé contre Agatha et Sammy, il adorait se battre à ses côtés, ça le motivait encore plus. Il avait pleinement retrouvé ses habitudes et ses plaisirs de champion. Jessy remua sa bouche comme un museau de miradar, elle avait envie de lui rendre son sourire, mais elle se retenait, par orgueil.

 

A suivre…

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