Ciléo (ou ma vie de PNJ)

Chapitre 8 : Ciléo - 39 ans

1258 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 23/01/2022 22:40

Ciléo était en visioconférence avec un homme maigre, coiffé d’une crête de punk bleue flashy. Sous sa veste en cuir noir cloutée, on apercevait le haut d’un dessin de Cliticlic. Ciléo, les traits tirés, le visage plus anguleux qu’autrefois, se massa les tempes en fixant les lignes de codes sous la fenêtre contenant le visage du hacker kalosien. Près de son coude, son portable en mode silencieux affichait 18h45 et cinq appels en absence.

« Je pense qu’on devrait pouvoir régler le problème rapidement avec quelques ajustements. Tu en as déjà parlé à Léo ?

- Nan, j’voulais voir avec toi d’abord. Mec, tu sais que Léo n’est pas meilleur que toi hein ?

- Oh si. Si et de loin.

- Nan. Et y a pas que moi qui le dis, Léo lui-même te le dirait s’il était là. »

Ciléo sourit avec humilité avant de pianoter frénétiquement sur son clavier d’ordinateur.

« On pourrait essayer avec la méthode de Molène. Annette semblait emballée la dernière fois que je l’ai eu au téléphone. Je vais retoucher l’algorithme pour…

- Euh Ciléo ? J’crois qu’il y a quelqu’un qui veut te causer derrière toi. » Dit le geek vaurien de Fort-Vanitas.

Ciléo cligna des yeux et se retourna. Leaf se dressait derrière lui, elle tenait un petit garçon blond d’à peine trois ans par la main. La veste en vrac à moitié débraillée, sans chapeau, elle avait les cheveux emmêlés et ébouriffés typiques des dresseurs qui s’envolaient à dos de pokémon dans la précipitation. L’ingénieur grimaça.

« Ah… J’ai encore oublié de récupérer Scott c’est ça ? »

Leaf serra les dents et le fixait avec des yeux de vaututrice. Elle ne dit rien, inutile également d’hocher la tête, il avait déjà compris.

« Je suis désolé, couina Ciléo. Je finis ça et… »

Leaf ne bougea pas d’un millimètre et ne prononça aucun son, seul son regard se noircit en une demi-seconde. Ciléo s’agita sur son siège en retenant un frisson.

« Désolé Olivier il faut que je te laisse, à demain.

- A demain mec ! »

Il se leva précipitamment et s’approcha de son fils pour le prendre dans ses bras. Fatigué, le garçon posa sa tête sur son épaule, malgré tout il souriait. Scott était un enfant réservé et farouche, mais avec ses parents il avait toujours le même petit sourire apaisé et un peu énigmatique. Il était difficile de savoir ce qu’il avait en tête, il avait juste l’air heureux d’être blotti contre son papa ou sa maman.

La petite famille enfin réunie put rentrer chez elle dans un silence lourd de reproches tacites. Le couple et leur progéniture retrouvèrent voltali, égal à lui-même, vautré sur son fauteuil. Il avait pris du poids à force de végéter sans combattre. Leaf fila dans la cuisine, d’un pas raide. Ciléo posa son fils sur le tapis du salon et s’assit au bord du canapé pour le regarder jouer.

Le petit garçon alignait ses cubes tranquillement, classés par forme et par couleur, généralement regroupés par multiples de trois. Il formait une sorte de dôme ressemblant vaguement à Green, la machine de Ciléo. L’enfant ne parlait pas beaucoup, mais lorsqu’il le faisait, c’était avec une syntaxe parfaite et un vocabulaire étonnement riche pour un enfant de trois ans.

« Pourquoi maman est en colère ?

- Parce que je t’ai oublié à l’école.

- D’accord. J’ai besoin de ton tournevis. »

L’enfant tendit la main. Scott disposait d’une boîte à outils en plastique. Elle contenait des tournevis, des clefs à molettes, des marteaux et plein d’autres outils-jouets miniatures. Il la délaissait souvent, tout comme son ordinateur junior et sa fausse tablette, il avait compris qu’il ne s’agissait que de pâles imitations, des joujoux sans intérêt. Lui, il voulait utiliser le matériel de son père.

« Bien essayé, mais on en a déjà parlé Scott…

- Scotty, va te laver les mains et vient manger. »

Leaf servait toujours le diner de Scott avant le leur. Ensuite, elle ou Ciléo l’accompagnait à la salle de bain avant de le mettre au lit. A la lueur d’une lampe de chevet dans sa chambre d’enfant bleue et blanche, son parent lui racontait sa journée, c’était plus efficace qu’un conte de mélofée pour l’endormir.

Une fois le petit couché, Ciléo retourna au salon à pas de chaglam. Il ressemblait à une fouinette anxieuse, redoutant le gradhyena rôdant dans les hautes herbes, prêt à bondir pour la dévorer. Il se crispa en retrouvant sa compagne, elle avait l’air drôlement énervée. Elle lui jeta entre les mains la pokéball de granivol, il l’attrapa maladroitement au vol. Elle lui avait emprunté pour sa poudre dodo et ses spores coton.

« Ciléo, ça ne peut pas continuer comme ça ! Je ne peux pas interrompre toutes les semaines un combat épique contre Ho-oh parce que tu n’es pas fichu de regarder ta montre !

- Tu étais vraiment en train d’affronter l’oiseau solaire légendaire ? Souffla Ciléo avec un regard brillant d’admiration.

- Évidemment que non ! Je capturais des ramoloss pour Léo ! Râla Leaf. Tu te rends compte que j’aurais pu être dans le Bois Baies ou dans la Grotte de Glace sans réseau ? Il serait devenu quoi Scotty tout seul à l’école ?

- La maîtresse ne l’aurait pas abandonné.

- Ça suffit Ciléo ! Je te parle sérieusement là ! La directrice m’a encore passé un savon par ta faute ! Je sais que tu travailles beaucoup, mais moi aussi, et le centre pokémon n’est qu’à deux cents mètres de l’école. Deux cents mètres Ciléo ! Ce soir, j’ai dû parcourir cinquante miles sur le dos de roucarnage ! C’est à toi d’aller le chercher, pas à moi !

- Je sais, je sais. Je te promets que ça n’arrivera plus.

- Tu m’as déjà dit ça la dernière fois ! Et l’avant dernière fois aussi !

- Je mettrai une alarme… Ou plusieurs. » Ajouta-t-il en voyant le regard dur de Leaf appuyé sur lui.

Quand granivol n’était pas là pour lui rappeler d’aller chercher son fils à l’école, il y avait une chance sur deux pour qu’il l’oublie.

« La prochaine fois que tu me fais un coup comme ça, tu dormiras au centre pokémon ! »

Ciléo se tassa sur lui-même, il ressemblait à un caratroc essayant de rentrer dans sa coquille. Toujours furieuse, Leaf quitta le salon et monta directement à l’étage sans manger, elle était trop énervée pour diner.

« Et ce soir tu dors sur le canapé ! » Gronda Leaf depuis l’escalier.

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